Dane Rudhyar
Temps et désirs

(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 16. Septembre-octobre 1984) Toutes les activités humaines sont structurées par les « marqueurs du temps ». Un nouveau concept : la connexité ordonnée. Elle stipule que l’unité individuelle fait partie d’un tout et qu’elle « possède son existence » de par ses composants. La réalité essentielle est la totalité […]

(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 16. Septembre-octobre 1984)

Toutes les activités humaines sont structurées par les « marqueurs du temps ». Un nouveau concept : la connexité ordonnée. Elle stipule que l’unité individuelle fait partie d’un tout et qu’elle « possède son existence » de par ses composants. La réalité essentielle est la totalité du tout, et ce tout est l’humanité planétaire ayant priorité sur l’individu.

Le mot temps a une signification ambiguë car son emploi indique deux cadres de références : empirique et culturel. Le but de cet article est d’indiquer l’expérience humaine de base qui, à l’origine, correspond au mot temps puis d’indiquer comment la culture occidentale, le processus culturel, a fait du temps un facteur mesurable quantitativement, indépendamment de l’expérience humaine.

Le changement est l’expérience fondamentale et irréfutable partagée par les humains. Chaque organisme vivant dans la biosphère de la Terre enregistre sans cesse des modifications de la situation dans laquelle il se développe, arrive à la maturité et se désintègre. Certains groupes de cellules d’un organisme ont la fonction d’être affectées par des types spécifiques de changements ; ils transmettent les résultats de ces modifications aux parties du cerveau qui les enregistrent comme « sensations ».

Un autre genre de modifications généralement appelées « sentiments », peuvent ne plus être localisées aussi nettement parce qu’elles s’appliquent aux informations transmises au cerveau par différents organes du corps concernant leurs activités et particulièrement la non satisfaction de leurs besoins. Les sensations et les sentiments sont en quelque sorte traités par le cerveau qui les centralise. C’est seulement lorsqu’ils sont centralisés qu’ils peuvent être appelés « expériences », d’une entité particulière. Pour autant qu’une entité ressente sensations et sentiments, elles les interprète, leur confère une valeur en les comparant rapidement avec des modifications similaires sinon identiques précédemment enregistrées.

La réalisation qu’un changement s’est déjà produit est le facteur le plus fondamental appelé « mémoire ». Grâce à son fonctionnement, les expériences répétées sont interprétées par le facteur centralisateur du cerveau comme étant le résultat d’« entités » relativement permanentes. Ce qui a été une sensation relativement vague d’un continuum de changements devient « conscience » conscience d’un « sujet » relié à une multitude d’« objets » éprouvés.

La relation entre un sujet et un objet spécifique est fondamentalement agréable ou douloureuse. Sa nature fait naître chez le sujet un état d’attention qui signifie littéralement « une tension vers ». Il peut également s’agir d’une tension d’évasion de ce qui a produit une expérience désagréable. Ainsi les expériences sont soit désirées, soit craintes.

Par le fait d’être « humain », un être humain a dans une certaine mesure la capacité d’agir sur la répétition d’un nombre croissant d’expériences qu’il désire ou craint. Développée pleinement, cette capacité opère en tant que volonté (capacité de mobiliser l’énergie dans un but déterminé) et en tant qu’intelligence (capacité de déterminer par des expériences fiables les procédures les plus aptes à atteindre le but). Un être humain peut raccourcir ou prolonger l’intervalle entre l’attente des expériences. Il peut agir sur le continuum de changement et, par une telle action, la conscience interprète le continuum comme « temps ». L’homme accorde un caractère subjectif à ce continuum selon la nature de ses désirs ou de ses craintes.

La nature de ce caractère subjectif — le « sens du temps » de l’être humain — se développe lentement et, comme les désirs et les craintes, est conditionnée par de nombreux facteurs… Elle ne résulte pas que des aspects relativement uniques du tempérament humain, dont les racines caractéristiques se trouvent dans un fond ancestral et dans un environnement géographique et socio-culturel. En tant que membre de l’espèce homo sapiens et du fait de sa naissance dans une société et une classe particulières présentant des règles et des suppositions particulières concernant la valeur de certaines expériences : un enfant développe inconsciemment et involontairement un sens du temps, génériquement et collectivement conditionné.

Donc le temps chez un être humain fonctionne à différents niveaux — générique, culturel et personnel. L’aspect générique du sens du temps est déterminé par la nature humaine — c’est-à-dire par les schémas fondamentaux du fonctionnement biologique et leurs harmoniques psychiques. Au niveau socio-culturel le sens du temps est défini par les valeurs collectives, les idéaux, les désirs et les craintes de la société — par ce qui est poussé à accepter ou réfuter, à réaliser ou refuser — dans les limites imposées par la nature humaine générique. Il y a aussi un sens du temps individuel conditionné par les habitudes et les besoins personnels. Ceux-ci proviennent de ce que le tempérament biopsychique essaie de s’adapter aux exigences et aux règles d’une famille, d’une école, d’une société, d’une classe spécifique et d’une série relativement unique de circonstances. Ces efforts produisent ce que la psychologie moderne appelle un « ego ».

Ainsi le sens subjectif du temps n’est que partiellement déterminé par le caractère d’un « sujet » individuel. Il a une structure générique et socioculturelle provenant de l’existence de marqueurs du temps. Ceux-ci s’imposent à un individu par les rythmes de la nature (le changement entre le jour et la nuit, les saisons et les besoins biologiquement périodiques de nourriture, de sommeil et d’activité sexuelle) et par les exigences collectives d’activités sociales, culturelles ou religieuses. Les événements ressentis par un être humain se produisent à l’intérieur d’une telle structure. Ils se produisent entre les expériences répétées définissant le commencement et la fin d’une série cyclique (donc structurellement répétitive) d’événements.

Ces événements se produisent à une vitesse particulière — la fréquence à laquelle les expériences de changement se succèdent. Cette vitesse dépend des marqueurs du temps choisis comme cadre de référence et du nombre d’événements se produisant entre leurs enregistrements. Le sens du temps du sujet est également affecté par ce qu’il ou elle veut réaliser ou craint de voir se passer à la fin.

Toutes les activités humaines sont structurées par les marqueurs du temps. Des sous-structures sont également nécessaires pour évaluer efficacement la vitesse à laquelle les activités personnelles ou de groupe se déroulent ou devraient se dérouler. Une telle nécessité donne un plus grand caractère d’objectivité au sens du temps. Lorsque des groupes humains fonctionnent principalement au niveau biologique, il suffit d’observer les rythmes de la nature. Mais au fur et à mesure que la culture devient plus complexe, la succession d’activités très ponctuelles et souvent hasardeuses doit être régulée, et des mécanismes de mesure du temps (horloges) sont inventés.

Les horloges définissent les limites du temps. Le nombre de changements possibles dans le cadre de ces limites diminue selon la rapidité à laquelle le sujet enregistre les marqueurs. Toutefois les sujets ont tendance à accorder un caractère externe objectif à cette possibilité d’activité ; ils ont le sentiment que le temps lui-même passe vite ou lentement. Ainsi traité objectivement le temps semble être une denrée dont on peut se servir pour réaliser ses désirs. Un individu en possède une certaine quantité et peut la dépenser avec parcimonie ou prodigalité selon la qualité et l’intensité de ses désirs. Lorsque les désirs humains se multiplient, le « manque » de la denrée temps est ressenti d’une façon aiguë par beaucoup de gens. Ils disent que « le temps c’est de l’argent » et les chefs d’entreprise échangent de l’argent contre le temps en achetant avions à réaction et ordinateurs qui « économisent » du temps. Le temps et l’argent deviennent des denrées dont nous semblons ne jamais avoir en quantité suffisante car notre culture augmente constamment ses exigences d’accomplissements de plus en plus complexes et spectaculaires. Les êtres sont collectivement poussés par le désir de plus de possessions — plus de pouvoir, plus de confort, plus de sensations, des champs d’activités plus étendus et par conséquent plus d’expériences de changements entre les deux marqueurs du temps que nous appelons naissance et mort. Néanmoins le nombre d’expériences de changement auxquelles la plupart des hommes et des femmes peuvent s’adapter et qu’ils peuvent assimiler est tout à fait limité. Le sens du temps devient confus au fur et à mesure que les activités collectives et personnelles se précipitent pour « vaincre le temps » et que les êtres humains recherchent la satisfaction quasi immédiate de leurs désirs.

Dans les sociétés primitives la nature et la qualité du sens du temps différaient radicalement de celles qui affectent la conscience et les activités des habitants des villes modernes. Le rythme des changements ressenti par les membres d’une société tribale était conforme aux processus naturels de la transformation biopsychique se produisant entre des marqueurs du temps dont la sélection était incontestablement et évidemment justifiée. Le caractère cyclique de ces processus était également (on pourrait même dire organiquement) incontestable. Il procurait un sens « organismique » de l’ordre dont peuvent découler une stabilité et une sûreté collectives. Parce que le rythme d’activité collective était modelé suivant le rythme de la nature et tous deux étaient proportionnés.

Il était inutile de bâtir des systèmes de mesure réduisant les expériences de changement à un schéma éternellement divisible de possibilités, d’événements successifs, un schéma, théoriquement, indépendant de, et extérieur au continuum de changements expérimentés.

Tant que le sens du temps est ressenti dans des fonctions de changement expérimenté on peut parler de temps subjectif. La subjectivité devient de plus en plus évidente au fur et à mesure que les êtres humains sentent, pensent et agissent en tant qu’« individus », chacun selon ses propres désirs, espoirs et craintes. Lorsque le caractère commun de l’expérience du temps biologique est remplacé par la divisibilité des réactions personnelles à la rapidité et l’intensité des changements, une nouvelle suite de temps domine la conscience des êtres humains qui n’ont plus les mêmes marqueurs du temps et de la rapidité de changement.

Le changement se produit dans le temps de même que les corps matériels se déplacent dans l’espace. L’espace est rempli de corps en mouvement mais en soi il n’a pas de contenu. Il existe indépendamment de ce qu’il contient. L’espace est « vide ». De même, on considère le temps comme indépendant d’événements ou d’expériences de changements ayant trait à un sujet. Le temps sous-tend une série d’événements. C’est le substratum qui fournit consistance et continuité aux événements considérés comme résultants de la coordination des mouvements d’entités dont la localisation est définissable dans le contenant — l’espace. Ceci a été le sens du temps et de l’espace dans la physique « classique » qui, au moins jusqu’en 1900, a dominé la science occidentale et est toujours acceptée sans discussion par la majorité des êtres humains qui veulent affirmer « leurs propres » réactions individuelles au changement — réactions mises à jour par leurs désirs, espoirs et craintes personnelles.

Le facteur de base du processus qui a mené historiquement et psychologiquement des rythmes de fonctions naturelles au concept classique du temps — ainsi que du sens primordial d’enracinement dans un territoire commun à l’idée d’espace vide et abstrait — est un sentiment de plus en plus aigu de séparation dans la conscience des êtres humains. Finalement ce sentiment doit être contrebalancé par la réalisation de la connexité de toute ce qui semble être essentiellement séparé et unique des événements isolés aussi bien que des entités matérielles et des individus. Le désir intense d’un solide et crédible concept de connexité mènera à son tour à la croyance d’une « Réalité » suprême — un état fondamental d’unité.

Le concept d’une réalité absolue a eu des aspects divers au cours des cinq derniers millénaires. L’un d’entre eux a été la croyance religieuse en un dieu personnalisé. En Grèce, on a attribué à la Raison un caractère plus abstrait et intellectuel d’une norme absolue d’activité mentale. De même, le besoin d’absolu produisit les concepts « classiques » européens de temps et d’espace. Le temps et l’espace en tant que « contenants » des changements étaient considérés comme étant soit deux aspects d’une Réalité transcendante, soit des catégories indiscutables et innées définissant le fonctionnement de la conscience humaine.

Aujourd’hui, le caractère absolu du temps et de l’espace est battu en brèche par le développement de la science depuis Einstein. A l’heure actuelle, des équations complexes rattachent des événements séparés et changeants l’un à l’autre plutôt que de les introduire dans un cadre absolu de référence à l’intérieur duquel leurs relations pourraient être mesurées d’après des règles immuables que rien ne pourrait infirmer quels que soient l’endroit, le moment ou les auteurs de leur application. Toutefois, une telle interrelation conduit à l’ambiguïté. Les relations individuelles ne peuvent plus être déterminées lorsque dans les expériences scientifiques il devient impossible d’éprouver les innombrables facteurs en tant qu’entités individuelles. Lorsque seuls des groupes peuvent être soumis à l’expérience, une nouvelle approche — la statistique — doit être utilisée pour répondre correctement au besoin aigu d’ordre de l’homme. La statistique introduit un nouveau concept de connexité ordonnée. Non seulement l’unité individuelle est maintenant considérée comme étant partie d’un tout, mais on suppose qu’elle possède son existence de par sa relation aux autres parties. Toutefois, aucun tout ne devrait être considéré comme ayant « réellement » une existence autrement que par l’interrelation de ses composants. La réalité essentielle des parties est la totalité du tout.

L’expérience humaine acquiert ainsi un sens dans les termes de, ou pourrait-on dire à l’intérieur du concept de totalité. Ce concept remplace celui de l’espace-temps en tant qu’idée unificatrice pouvant compenser l’individualisme séparatiste de l’esprit expérimental moderne. Une autre forme d’esprit est en train de naître, que j’appellerai l’esprit de totalité. Dans l’ensemble, il est semblable à ce que les philosophes bouddhistes appellent l’esprit de Bouddha.

Toutefois, il ne faut pas conclure que, pour un tel temps, le temps qui sert de cadre de référence dans la physique classique serait une « illusion ». De même que le sentiment d’être un centre séparé, individuel de la conscience « Moi » serait une illusion. L’individualité est une façon d’interpréter la connexité à un certain niveau d’existence, le niveau de la personnalité individuelle. À ce niveau, la conscience est centralisée par le sentiment profond « d’être Moi » — un sentiment découlant de l’expérience de la possibilité d’affecter la succession de changements par une opération subjective de la volonté. La totalité (dans le sens employé dans te paragraphe précédent) est une autre manière de concevoir la connexité une manière non seulement valable mais nécessaire à un autre niveau. À ce niveau, l’humanité est conçue et même pressentie comme étant un tout planétaire qui a priorité sur l’individu dans la détermination des valeurs fondamentales.

L’émergence de nouveaux concepts émis par des philosophes-hommes de science tels que von Bertalanfly, Laszlo, Koestler, Bohm et les créateurs de la théorie du « Bootstrap » en physique peut sembler se référer à des interprétations hautement sophistiquées d’expériences traitant de particules subatomiques qui n’ont pas de réalité expérimentale pour l’actuel organisme humain. Mais en fait ces interprétations mettent en cause le sentiment fondamental « d’être Moi » dans lequel la conscience et la volonté des êtres humains, vivant de nos jours, sont enracinés. Bien que la nature, la qualité et l’intensité d’un tel sentiment semblent dans la majorité des cas indéracinables, elles peuvent changer. En fait, elles ont changé (lentement), à travers l’évolution de l’humanité. Elles étaient différentes dans les sociétés tribales archaïques et les cultures vitalistes pour lesquelles la totalité était ressentie comme « la Vie Une » s’étendant à tout l’Univers. Toutefois, le concept de totalité se déroulait alors à un niveau inconscient, et instinctif de l’existence.

Dans une culture future émergeant lentement, il devrait fonctionner en pleine conscience, mais une telle éventualité requiert une période de transition que j’ai appelée « Processus d’individualisation ».

L’humanité dans son ensemble subit ce processus à une vitesse accélérée et dangereuse qui affecte profondément notre sens collectif du temps. Ce processus d’individualisation est tragique en soi, car il est basé sur le triomphe généralisé de la multiplicité (ou de la divisibilité et de l’analyse) sur l’unité ou l’unicité de l’existence. Il en résulte l’expérience autrefois indiscutable de cohésion de groupe et d’unanimité psychique qui engendrait un sens profond de sécurité et remplacé maintenant par un sentiment dévorant d’insécurité émotionnelle et mentale. Donc, le processus d’individualisation peut être avorté ou peut être conduit vers une perversion drastique de la volonté, des sentiments et du mental. Il peut amener soit un sentiment aigu de l’absurdité de l’existence, soit une réalisation lumineuse d’une signification tout englobante et à un sens du temps, dégagé d’espoirs, de désirs ou de craintes — un sens cyclique du temps.

Le continuum du changement se révèle comme un processus cyclique, ordonné lorsque le sens du temps de l’homme triomphe, parce qu’il comprend et transcende dans la sagesse les tensions provenant des réactions partielles ou séparées produites inévitablement par le désir ou la peur. Alors le dynamisme de mouvement universel peut être ressenti comme étant interaction incisante de tendances opposées, complémentaires et symétriques. Alors le temps peut être ressenti à travers les « totalités de changement » comme une « totalité du Mouvement équilibré ». La Totalité de ce qu’on appelle confusément « éternité », la réalisation « éonique » de l’être total.

La conscience éonique qui aborde en état d’ouverture toutes les expériences comme étant des totalités de changement dans lesquelles, à chaque instant, le commencement et la fin se rencontrent et fusionnent en une communion transcendant la simple causalité, l’acceptation totale du changement apporte une profonde paix.

Cette paix ne disparaît jamais car elle est le parfum immuable de la totalité.

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Dane Rudhyar mon ami… par Alexander Ruperti

De souche normande et celte, Dane Rudhyar (Daniel Chennevière pour l’état-civil français) est né le 23 mars 1895 à Paris où il passa les vingt premières années de sa vie. Après un doctorat de philosophie en Sorbonne, à l’âge de 17 ans, il quitta la France en 1916, pour les Etats-Unis ; il laissait tout derrière lui, y compris son nom de famille Chennevière.

Ses intérêts premiers furent la philosophie et la musique : il était pianiste virtuose et composait de la musique polytonale. Quatre de ses poèmes symphoniques furent joués au Metropolitan Opera de New York sous la direction de Pierre Monteux, en avril 1917, le jour où les Etats-Unis entraient en guerre.

Son intérêt pour l’astrologie débuta en 1920 ; mais il dut attendre 1934 pour pouvoir publier ses idées nouvelles sur l’astrologie dans American Astrology, premier magazine spécialisé à paraître aux Etats-Unis. Par la suite et mois après mois, il écrivit des milliers d’articles où il utilisait sa nouvelle approche astrologique pour présenter ses idées politiques, philosophiques et psychologiques qu’aucun autre magazine ou journal n’aurait osé publier. Ce n’est toutefois qu’à 68 ans, en 1963, qu’il trouva un éditeur qui publie ses livres aux Etats-Unis, même si auparavant Alice Bailey avait publié ses deux premiers livres, en 1936 et 1938 et l’éditeur hollandais Servire avait pris le relais. Depuis, plus de 30 livres ont été publiés, sur l’astrologie, la psychologie, la philosophie, la musique et l’art, ainsi que deux romans Rania et Return from no Return (ce dernier traduit en français sous le titre Retour à l’Absolu). Actuellement, trois éditeurs français commencent à traduire et publier ses œuvres en français.

En 1939, Rudhyar commença à peindre — des peintures non représentatives, plus ou moins symboliques ou évocatrices, qui font ressortir de forts contrastes de couleurs. Il a aussi publié trois livres de poèmes dont le premier avait été écrit en 1917.

Aujourd’hui, à 89 ans, son esprit est tout aussi actif ; il vient de sortir un livre philosophique The Rythm of Wholeness, travaille à son autobiographie, compose de la musique et se tient au courant de tout ce qui se passe dans le monde, surtout dans le monde des idées. Comme il n’est limité par aucune attitude idéologique, religieuse, philosophique ou scientifique, il lui est possible d’éclairer les problèmes majeurs qu’affronte l’humanité actuelle, sans parti pris et sans les limitations qu’imposent à la compréhension les différentes écoles de pensée.

Les deux principes de base sur lesquels repose la pensée de Rudhyar sont :

le temps est cyclique : la loi des cycles décrit toutes les civilisations aussi bien que toute existence ;

le principe que la pensée moderne commence à comprendre sous le nom de holisme.

Comme disait Henry Miller : « Rudhyar a la faculté frappante de maintenir le tout à notre esprit. Il est toujours capable de décomposer le tout en un nombre infini de parties, de disséquer et d’analyser, et de montrer la relation entre les parties et entre les parties et le tout. De plus, il a le don exceptionnel de trouver les mots pour exprimer ce qui est difficile à comprendre quand c’est conçu sous forme symbolique ou occulte. Il éveille constamment la relation entre toutes choses, leur signification spirituelle profonde. »

Je suis heureux que son pays d’origine prenne enfin connaissance de la sagesse de cet homme qui est considéré aux Etats-Unis comme un « homme semence », un des rares « hommes de la renaissance » de notre temps. Il est en avance sur son époque et c’est en cela que réside son génie : dans sa capacité à fournir une direction et une signification à l’existence humaine, en explorant et en cherchant à éclaircir ce qui est au-delà du niveau actuel de la conscience collective.

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Note de 3e Millénaire: Dane Rudhyar est décédé en 1985 et son ami A. Ruperti en 1998