(Revue Être. No 3. 2e année. 1974)
Le tao qui peut être énoncé n’est pas le véritable tao,
L’être qui peut être nommé, n’est pas un être permanent,
Ce qui est sans nom est l’origine du Ciel et de la Terre,
Le principe suprême est incommensurable, indifférencié, parfait.
Lao-tzeu — TAO-TE-KING, I,i.
Le sens familier du mot chinois TAO est « Voie ». Toutefois sa traduction n’a pas besoin de l’article conventionnel ‘la’. L’article ‘la’ objective le sens de ‘voie’ qui, seule, retient et implique : ‘direct’. Les autres ‘voies’ sont des sentiers qui sillonnent une jungle et qui tendent à nous y enfoncer plus profondément qu’à nous permettre d’en sortir.
La traduction ‘voie’ a été trouvée peu satisfaisante, parce que les textes révèlent la vérité fondamentale qu’aucun déplacement n’est nécessaire pour atteindre un ‘chez-soi’ qu’aucun voyageur n’a jamais quitté.
Ce sont sûrement les ‘doctrines’ religieuses qui mènent aux Déités conceptualisées, qui sont des ‘voies’, tandis que TAO indique tout simplement le fait qu’aucun soi-disant ‘voyageur’ ne pourrait jamais sortir de son ‘chez-soi’, et qui, ainsi, n’aurait qu’à reconnaître où il se trouvait, était depuis toujours, et sera inévitablement à tout jamais.
Si une telle ‘doctrine’ est directe, elle est simple aussi, parce qu’elle est essentiellement une doctrine de sans-doctrine, étant donné qu’il n’y a rien à apprendre, hormis Regarder, Écouter, Agir directement — au lieu de ‘voir’, ‘entendre’, ‘faire’, indirectement via le mental-divisé de la Relativité. Et cela est, seulement ‘Être‘ au lieu de seulement ‘vivre’ !
La phrase « Un ‘TAO’ qui peut être nommé n’est pas le véritable TAO », n’est pas seulement la phrase d’ouverture du TAO-TE-KING, mais elle est aussi un épitomé du ‘Taoïsme’ lui-même. Cela n’est-il pas clair — comme seule la clarté de la profondeur peut l’être ?
L’association du mot ‘TAO’ avec le mot banal qui veut dire ‘voie’ serait peut-être un exemple de non-sens scolastique, un parmi tant d’autres que commettent les linguistes qui sont autant ignorants de ces questions qu’ils manquent d’intérêt pour le contenu métaphysique de beaucoup d’œuvres qu’ils traduisent. Et c’est malheureusement le sort de tant de textes. En tout cas la phrase d’ouverture, citée plus haut, dit catégoriquement que ‘Tao’ ne peut pas dire ‘voie’ car cela serait une contradiction délibérée de ce qu’elle constate.
Étant donné que ce que le ‘Tao’ implique ne peut pas être ‘nommé’, que peut représenter ce mot ? A cette question une seule réponse semblerait possible : en demandant il-y-a réponse.
N’est-ce pas là la seule réponse à la seule question à laquelle une réponse relative serait inévitablement inadmissible ?
Par exemple, du fait que ‘nommé’ veut dire ‘conçu’, Zéro lui-même, qui est la base de toute numération et de toute multiplicité — et aussi tentant que cela pourrait être — ne peut pas être retenu.
Note : Métaphysiquement y a-t-il d’autres questions de cette sorte ? Dans l’expression — peut-être mais dans la portée ultime probablement pas !