(Revue Le chant de la licorne. No 28. 1989)
Bien que le terme Yoga soit familier à beaucoup, la compréhension que nous en avons est souvent parcellaire, voire erronée et les simplifications ou les falsifications le privent trop souvent de sa profonde richesse et de sa rigueur scientifique.
Certains assimilent le Yoga à une pratique gymnique, d’autres pensent qu’il s’agit de mysticisme ou de religion, d’autres encore l’utilisent comme une recette thérapeutique visant à combattre le stress. La plupart, dans leur effort louable pour rendre le Yoga accessible ou utile, oublient qu’il s’agit d’un véritable système scientifique de connaissance de l’être humain qui nécessite une prise en compte globale et une application rigoureuse.
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Il paraît indispensable de revenir à une définition complète de la matière yoguique et de donner une description précise des modalités d’action qu’emprunte cette discipline spirituelle.
Il est également primordial de parler de celui qui transmet cette science, le Maître spirituel, dont le rôle a fait l’objet d’innombrables méprises et de critiques injustifiées.
Le Yoga, s’il est bien compris et appliqué correctement, nous permet de développer et d’harmoniser les différents aspects de notre être et le Maître spirituel peut nous éclairer sur nos besoins les plus profonds et nous guider dans notre quête spirituelle.
Nos modes de vie peu naturels, où la compétition et la réussite sociale sont les critères dominants, engendrent des tensions physiques, mentales et émotionnelles. L’hérédité et notre éducation sont également des facteurs limitatifs à notre complet épanouissement. Enfin, toutes les impressions négatives que nous avons mémorisées viennent gravement perturber notre vécu.
Sommes-nous les otages des contraintes sociales et héréditaires? Sommes-nous les prisonniers de notre mémoire et de nos habitudes de pensée? Ou pouvons-nous nous démarquer de tous les conditionnements, nous libérer de toutes les limitations pour retrouver un esprit libre et une personnalité équilibrée?
Quels que soient notre milieu social, notre mode de vie, nos croyances et notre religion, notre démarche doit viser un plus grand épanouissement et un équilibre profond de l’être. Lorsque l’individu a acquis une maîtrise suffisante de son « véhicule psycho-physique », il se tourne naturellement vers la recherche spirituelle, et le désir de privilégier une vie intérieure de plus en plus riche s’affirme sans qu’aucune notion de sacrifice des plaisirs extérieurs n’intervienne.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses voies de Yoga ne considèrent que le côté pratique, sans discourir sur les aspects plus spirituels du Yoga. Mais, tout en restant très soucieux d’une application immédiate et d’un abord facile, nous ne devons pas oublier la finalité unique de toutes les voies yoguiques, qui est de développer en nous la perception de notre véritable nature, de nous donner accès à la vie spirituelle qui est la seule dimension pouvant nous procurer un bonheur permanent.
Une définition du Yoga, science spirituelle
Définir ce qu’est le Yoga, en rendre compte en quelques mots, semble difficile car il s’agit d’une discipline très vaste dont le champ d’action recouvre toutes les sphères de la personnalité humaine.
L’étymologie du terme Yoga donne deux indications: d’une part, Yoga veut dire union, d’autre part, le sens littéral qui est « mettre sous le joug » suggère l’idée d’un contrôle et d’un travail systématique sur la personnalité entière.
L’union est le but ultime du Yoga et exprime la fusion de la conscience individuelle et de la conscience cosmique. Nous ne nous attarderons pas sur cet aspect, car il s’agit du résultat final du travail yoguique et d’un état échappant à toute description. Analysons l’autre signification du mot Yoga qui laisse entrevoir la nature du travail et les moyens retenus dans le processus yoguique.
Comparons l’Homme à un véhicule, le corps constituant la mécanique, l’énergie étant assimilée au carburant et le mental représentant le conducteur. Afin d’obtenir un déplacement du véhicule, la mécanique – le corps – doit fonctionner correctement. Il est aussi nécessaire que ce véhicule dispose de carburant – l’énergie –, et que le conducteur sache l’utiliser et le diriger.
Ainsi, les trois composants de notre être sont interdépendants et nous devons apprendre à les coordonner et à les utiliser pleinement.
La définition la plus complète et la plus pratique nous apparaît être la suivante: le Yoga est un système de purification et d’harmonisation agissant sur les corps physiques, énergétique et mental afin d’obtenir une maîtrise parfaite de tout le potentiel humain.
Les voies du Yoga
La diversité de la nature humaine impose à l’instrument de connaissance qu’est le Yoga, d’être à la fois complet et multiple. Ainsi, nous parlerons des Yogas, chacun étant adapté aux différentes qualités de l’être humain.
Chaque individu est un « prototype » dont l’originalité et l’unicité découlent des expériences passées, les karmas, et des impressions mentales accumulées tout au long de la vie, y compris la vie prénatale. Il est impossible de trouver dans le monde deux individus identiques. Cependant, au-delà de cette diversité, il est important de déterminer des sensibilités et des caractéristiques communes, afin d’expliciter ce que les différents chemins du Yoga offrent à chacun d’entre nous.
Les quatre tempéraments de base
La science yoguique distingue quatre tempéraments correspondant à une qualité intérieure particulière. Cette classification n’exprime que des dominances et ne signifie pas que chacun de nous est affublé d’une étiquette inamovible. Cela n’exclut pas la reconnaissance d’autres caractéristiques et cela ne comporte aucun jugement de valeur.
– Le tempérament dynamique : ce sont des individus qui aiment l’action et sont naturellement extravertis. Leur principal écueil est d’être souvent projetés dans le résultat et de tomber dans un activisme effréné.
– Le tempérament émotionnel : les personnes dont la charge émotionnelle est importante ont tendance à éprouver de la compassion, de la compréhension pour tous les êtres vivants. Ils adoptent souvent un comportement charitable. La fragilité psychologique et les blocages traumatiques sont fréquents chez les personnes au tempérament émotionnel.
– Le tempérament psychique : la principale caractéristique de cette nature humaine est sans aucun doute l’intuition et une compréhension symbolique innée. Il faut cependant veiller à l’inclination pour l’introversion.
– Le tempérament rationnel : ce sont ceux qui aiment comprendre et sont capables, par la réflexion intérieure, de découvrir la vérité. L’inconvénient majeur est le risque de se laisser enfermer dans une intellectualisation sans issue.
La réponse des Yogas
À chaque tempérament de base est associé un Yoga, qu’il conviendra d’adopter en priorité, mais sans exclusivité par rapport à d’autres qui travaillent sur des aspects subalternes de la personnalité et peuvent s’avérer très utiles pour notre complet développement.
Une magnifique image du Yoga peut être donnée sous la forme d’une roue dont le moyeu est la nature humaine et dont les rayons, représentant chaque Yoga, convergent vers le centre et l’illuminent. Ces rayons de lumière, porteurs de connaissance, sont autant de chances pour l’être humain, autant d’éclairages sur sa nature profonde.
Nous expliciterons successivement les différents chemins du Yoga que l’on classe généralement en quatre catégories, regroupant chacune un certain nombre de pratiques spirituelles. Ce sont le Karma-yoga, c’est-à-dire le Yoga de l’action, le Bhakti-yoga ou Yoga de la dévotion, le Raja-yoga ou Yoga de la « voie royale » et le Gyana-yoga ou Yoga de la connaissance.
Quelle que soit la pratique que nous adoptons, la régularité est l’élément fondamental qui nous permettra d’obtenir des résultats. La persévérance et la patience sont des qualités que nous avons peu l’occasion de développer dans notre vie extérieure, car le confort de nos existences actuelles nous rend souvent paresseux et impatient d’obtenir un progrès rapide. L’exercice du Yoga développe ces qualités essentielles et nous invite à adopter une discipline aussi rigoureuse que possible. La Sadhana, qui est la pratique donnée par le Maître spirituel, ne sera efficace que si elle est faite régulièrement et sans regard pour les résultats obtenus. Ce sont là les deux conditions de l’efficacité des techniques yoguiques: une volonté inébranlable dans le suivi de la pratique et l’absence d’un intérêt égoïste réclamant un rendement immédiat.
Nous confondons souvent régularité et conditionnement et nous sommes convaincus que le fait de se plier à une discipline quotidienne est synonyme d’abêtissement. En réalité, si l’exercice du Yoga est effectué avec un esprit toujours neuf, nous partons chaque jour à la découverte de nous-même et nous devenons réceptifs à notre état du moment, aussi bien physique que mental. Nous pouvons ainsi être plus respectueux de notre être et éviter certains traumatismes que nous infligeons à notre corps ou à notre esprit en suivant des règles fixes de comportement dictant, par exemple, notre alimentation ou notre emploi du temps.
Le Karma-yoga, Yoga de l’action
Ce type de Yoga est peu connu, souvent mal compris et son véritable objet reste totalement ignoré. Pourtant, l’action, le travail quel qu’il soit, remplit une très grande partie de notre vie. Mais nous subissons ce travail et, en le faisant, notre seul souci est le résultat que nous obtiendrons, l’argent, la réussite, la renommée ou le plaisir d’une tâche que nous trouvons gratifiante.
Le Karma-yoga nous invite à changer d’attitude et à considérer chaque action comme un moyen de purification de notre être intérieur. C’est le Yoga qui nous permet de développer, à l’intérieur de nous, l’aspect de celui qui voit, de l’observateur, du témoin. C’est le Yoga qui nous aide à vivre dans un état de non-attachement et à accroître notre compréhension de nous-même, des autres et de la vie en général.
Il y a donc trois aspects dans le Karma-yoga: devenir l’observateur, ne plus être attaché aux fruits de l’action et développer une juste compréhension, appelée Viveka. Si nous menons à leur terme ces trois qualités intérieures, nous devenons un parfait instrument, du fait que nous ne sommes plus celui qui agit et que nous n’attendons plus aucun bénéfice de notre travail, ni matériel, ni psychologique.
Pour cela, il faut observer, d’une part, le processus même de l’action, d’autre part, ses propres capacités et limitations, et enfin toutes les réactions que l’action ou la relation avec autrui suscitent à l’intérieur de soi. Nous devons prendre conscience de nos attachements, de nos ambitions, de nos attractions, de nos répulsions, et d’une manière plus générale de toutes les interventions de notre égo.
Ensuite, nous devons développer une attitude de non-attachement, d’impartialité, d’acceptation et de désidentification. Nous sommes constamment identifiés aux résultats de notre travail et nous en attendons des récompenses sur le plan matériel mais aussi sur le plan psychologique, par recherche de valorisation de soi et de reconnaissance de la part des autres. Nous sommes persuadés que notre vie est un tissu d’émotions auxquelles nous sommes attachés car elles sont positives – le plaisir, le dynamisme et la joie de la réussite – ou que nous fuyons parce qu’elles sont classées comme inacceptables – la peur de l’échec, la frustration et la jalousie, par exemple.
Pratiquer le Karma-yoga nécessite de se désidentifier, non pas intellectuellement, mais pratiquement, de toutes les réactions mentales et d’accepter toutes les propositions de la vie. Il s’agit donc d’une discipline complète et d’un travail de toute notre existence, qui nous permet de comprendre le vrai sens de nos actes et de notre vie, ce qu’on appelle le Dharma.
Ce Yoga est particulièrement adapté aux personnes dynamiques et extraverties. Il est cependant le complément indispensable de tous les autres Yogas, car il touche l’essence même de notre vie, qui est action. La vie d’ashram, lieu spirituel dirigé par un Maître, est recommandée pour expérimenter et comprendre ce qu’est le Karma-yoga, car le travail est exécuté sans rechercher un bénéfice personnel, dans une atmosphère où règnent la paix, la simplicité et le dévouement.
Le Bhakti-yoga, Yoga de la dévotion
Le Bhakti-yoga est plus spécialement destiné aux personnes ayant un tempérament émotionnel. Cependant, nous avons tous une composante émotionnelle plus ou moins prépondérante dans notre personnalité. Le Yoga de la dévotion permet de contrôler et de canaliser cette force qui, ordinairement, se disperse dans les multiples relations affectives que nous expérimentons.
Nous distinguerons les pratiques externes de dévotion et l’état intérieur de la Bhakti.
1) Les techniques du Bhakti-yoga sont retenues par toutes les religions: il s’agit de la lecture de livres sacrés, la fréquentation de personnes saintes, la répétition du nom de Dieu, la prière et l’adoration sous ses formes rituelles.
Dans le Yoga de la dévotion, la pratique des chants, appelés Kirtan, est très importante car elle allie la répétition de sons, les mantras, à la possibilité de dépasser l’intellect.
Le satsang, qui est une réunion avec le Maître spirituel permettant d’éclaircir la matière spirituelle et nos propres problèmes, est également d’une importance primordiale. L’occasion qui nous est donnée de rencontrer le Maître est une chance unique de nous confronter avec l’exemple vivant d’un homme ayant réalisé sa nature divine, et c’est par l’intuition et la confiance plus que par la compréhension intellectuelle que nous pouvons bénéficier de ces rencontres.
2) L’état intérieur de la Bhakti n’est conditionné à aucune pratique car il représente un stade spontané d’évolution de la conscience. Il ne s’appuie sur aucune manifestation extérieure et ne peut pas se cultiver. Dans nos relations affectives, nous expérimentons différents types d’amour, de l’amour filial au sentiment amoureux en passant par l’amitié et toutes les autres nuances affectives. Dans chacune de ces relations, il y a nécessairement une insatisfaction et une déception du fait que notre sentiment est limité, partiel et impermanent. Lorsque la quête extérieure de l’amour s’est épuisée, commence alors la recherche intérieure d’un amour divin non conditionné et indestructible. L’état supérieur de la Bhakti s’épanouit et entraîne un oubli total de l’égo. Le support intérieur sur lequel se fixe la Bhakti se nomme l’Ishta-devata, qui représente, sous forme symbolique, notre conception profonde du Divin.
Cette forme intérieure nous permet de canaliser tout le potentiel émotif de la personnalité, et conduit à une identification complète de l’individu avec l’objet de la dévotion. Ce processus entraîne une annulation définitive de l’égo et du mental individuel. Il faut ensuite dépasser la Bhakti elle-même pour atteindre la Connaissance et l’Unité.
Le Raja-yoga, Yoga de la voie royale
Le Raja-yoga comporte un ensemble très vaste de techniques, dont certaines sont bien connues alors que d’autres restent peu pratiquées. Le Yoga le plus répandu est le Hatha-yoga, qui s’intéresse essentiellement aux différentes fonctions du corps physique. D’autres, moins connus, mériteraient un développement afin de favoriser leur propagation. Citons le Nada-yoga qui consiste en l’écoute des sons intérieurs, le Japa-yoga qui est la répétition d’un son ou d’un ensemble de sons appelés Mantras et qui est souvent pratiqué avec le Bhakti-yoga, le Laya-yoga ou Yoga de la dissolution.
Nous nous intéresserons plus spécialement au Hatha-yoga, très connu mais souvent falsifié, au Kundalini-yoga et Krya-yoga, et au système du Raja-yoga de Patanjali, qui est particulièrement adapté aux personnes ayant un tempérament psychique.
Le Hatha-yoga
Le Hatha-yoga regroupe:
– Les six actions de nettoyage, les Shat-karmas (nettoyage du nez, nettoyage de l’estomac, nettoyage des intestins, massage abdominal, méthode de purification des lobes frontaux du cerveau par une respiration rapide, pratique de trataka consistant à focaliser le regard sur la pointe du nez).
– Les Asanas ou postures physiques
– Le Pranayama ou contrôle de l’énergie grâce à des techniques respiratoires.
– Les Mudras, gestes spécifiques associés à certaines attitudes mentales.
– Les Bandhas, verrouillages de l’énergie par des postures physiques précises.
Le Hatha-yoga considère le corps comme le véhicule du mental et son action consiste à régulariser les fonctions externes (muscles, articulations), les fonctions internes (systèmes nerveux sympathique et parasympathique, système endocrinien), et les fonctions énergétiques qui sous-tendent le fonctionnement du corps physique. Ainsi, le mental se trouvera indirectement touché par l’élimination de tous les blocages des enveloppes physique et énergétique.
Le Kundalini-yoga et les Kriyas de la Kundalini
Ce Yoga, dérivé des textes anciens appelé Tantra, nécessite pour l’étudiant d’être déjà familiarisé avec les techniques de base du Hatha-yoga. Il emploie, en effet, certaines postures, des pratiques respiratoires et les Bandhas, « ligatures » de points précis du corps.
Mais si les moyens employés ne sont pas fondamentalement différents, le but recherché et l’attitude à respecter sont, eux, totalement divergents.
L’objet du Kundalini-yoga est d’agir directement sur le corps psychique. Nous avons vu que le Hatha-yoga s’intéressait aux corps physique et énergétique, et avait une action indirecte sur le corps mental.
Le corps psychique est une enveloppe plus subtile que le corps physique, énergétique et mental. Il fait la liaison entre le mental et l’aspect spirituel de l’être et il est le siège de l’intuition, des facultés de clairvoyance et des expériences spirituelles. Il est composé de centres psychiques, les Chakras, qui correspondent à des zones dormantes du cerveau. Le Kundalini-yoga et les Kriyas ont comme objectif d’activer les Chakras pour utiliser pleinement les capacités mentales et réveiller les facultés spirituelles qui y sont associées.
Le mental – et c’est là le point le plus remarquable dans ce Yoga – se trouve en quelque sorte contourné par des pratiques agissant à un niveau plus subtil. De plus, contrairement aux autres branches du Raja-yoga, il n’est pas nécessaire de concentrer l’activité mentale sur l’exercice. Cela s’avère très important, car nous ressentons, pour la plupart d’entre nous, une grande difficulté à acquérir la concentration du mental. C’est la raison pour laquelle ce Yoga est particulièrement adapté à notre époque et c’est ce qui explique que ces techniques, auparavant tenues secrètes, ont été divulguées très largement ces dernières années.
Le système de Raja-yoga de Patanjali
Patanjali, dans les Yoga-sutras, texte de base du Raja-yoga, a classé les étapes du Yoga en deux catégories, les pratiques exotériques ou externes et les pratiques internes de la méditation.
Les premiers stades du Patanjali-yoga consistent en un certain nombre de règles de comportement individuel et social. L’application de ce code de conduite est reprise dans beaucoup de religions et assure une qualité mentale de pureté sans laquelle les progrès ultérieurs se trouveront amoindris ou même bloqués.
Nous retrouvons les pratiques du Hatha-yoga, bien que Patanjali insiste plus sur une posture et une respiration correctes, nécessaires à la méditation, plutôt que sur le travail systématique de celles-ci.
Enfin, les Yoga-sutras comportent une description détaillée des stades progressifs de la méditation: retrait des sens, consistant en une coupure de l’activité mentale par rapport à l’extérieur; concentration du mental sur l’objet de méditation, de telle sorte qu’aucune pensée annexe ne perturbe la méditation; fusion de la conscience individuelle avec l’objet de méditation, ce qui est véritablement l’état de méditation; samadhi, illumination spirituelle.
L’exercice du Raja-yoga présente de nombreuses difficultés et un risque évident d’engendrer des conflits. On ne peut pas envisager de discipliner le mental uniquement par la volonté, sous peine de créer des situations intérieures conflictuelles et d’augmenter la confusion existante.
Le Raja-yoga de Patanjali étant principalement centré sur l’arrêt des fluctuations mentales, il est indispensable que l’étudiant ait auparavant purifié suffisamment son esprit par d’autres pratiques et par une saine discipline de vie. Il pourra alors exercer un contrôle volontaire sur ses pensées sans en subir de préjudice sous forme de frustration ou de conflit. Bien rares sont ceux qui sont capables de retirer totalement la conscience de l’extérieur et de concentrer la force mentale en un seul point. C’est la raison pour laquelle se sont développés d’autres systèmes ne se préoccupant pas directement du mental, mais l’abordant par des voies indirectes, tels le Hatha-yoga et le Kundalini-yoga. Rappelons également que les autres branches du yoga sont des aides précieuses pour celui qui veut commencer la méditation dans de bonnes conditions. Le Karma-yoga est idéal pour accélérer la purification du mental et élever la conscience au-dessus des intérêts et des réactions de notre égo. Le Bhakti-yoga est l’instrument efficace pour obtenir une bonne concentration du mental. En effet, lorsque notre potentiel affectif et émotif est canalisé, le mental se trouve spontanément focalisé sur un seul objectif.
Le Gyana-yoga, Yoga de la connaissance
Le Gyana-yoga est la culmination de tous les autres Yogas. Cependant, il est difficile d’aborder directement le Yoga de la connaissance, car il nécessite un esprit totalement purifié et lumineux, de telle sorte que l’Intelligence – la Buddhi – se détourne spontanément de l’égo et des expériences des sens pour s’orienter vers l’être spirituel, présent en chacun de nous. Aucune technique n’est nécessaire, aucun effort et aucun progrès n’existe. Nous sommes l’Infini et nous n’avons qu’à disperser le voile de l’ignorance – Maya – qui nous maintient dans la croyance erronée de l’individualité. Pour cela, une étude intérieure continue visant à la discrimination entre le vrai et le faux, sera poursuivie jusqu’à arriver à l’essence de l’être qui est Brahman, l’Absolu.
Il s’agit de répondre à la question: « qui suis-je? » et de rejeter tout ce qui n’est pas l’Absolu.
Bien que l’étude des textes sacrés serve de détonateur à l’étude intérieure et bien que celle-ci comporte un aspect rationnel dans la mesure où la compréhension est mise en œuvre, il faut se garder de confondre la démarche du Gyana-yoga avec un processus intellectuel.
L’intellect, tel que nous le définissons en psychologie, n’est pas un instrument adéquat pour découvrir notre vraie nature qui est au-delà de toute logique et de toute analyse mentale.
Ce n’est que lorsque le mental est complètement détaché de la notion d’individualité, lorsque tout le poids karmique a été éliminé, que l’Intelligence retrouve sa qualité « sattwique », lumineuse et intuitive. Pour arriver à ce résultat, les autres Yogas s’attachent à éliminer les aspects « tamasiques », obscurs et inertes, et « rajasiques », c’est-à-dire les projections de la personnalité à l‘extérieur, dans l’activité des sens et dans les actions. À moins d’avoir dès l’abord une nature purement lumineuse, les différentes voies yoguiques et les techniques qu’elles comportent sont des aides indispensables. Elles constituent le processus de purification qui nous mènera sûrement à l’étape finale de la Connaissance et à la découverte spontanée de l’Infini.
Le Maître spirituel
De tout temps et dans toutes les civilisations, ont existé des êtres capables de guider ceux dont la quête intérieure est devenue la raison de vivre. L’incarnation humaine est considérée comme une chance d’accélérer l’évolution naturelle de la conscience. Et pour aider les hommes qui ont sincèrement décidé de profiter de leur vie pour réellement apprendre ce qu’ils sont, il faut un guide qui connaisse lui-même le chemin.
Guru signifie celui qui disperse l’obscurité. Pour apprendre à lire ou à conduire une voiture, nous avons besoin d’un instructeur. Il en est de même pour la matière spirituelle. Souvent, nous entendons dire que, puisqu’il s’agit d’être libres, nous devons éviter de suivre un quelconque enseignement extérieur et trouver à l’intérieur de soi le véritable guide, le Guru intérieur. Entendre le Guru intérieur est effectivement le but à atteindre; il est seulement impossible d’en prendre conscience avec nos moyens ordinaires car Il est Silence. Nous devons auparavant éteindre tous les bruits, tous les parasites créés par le mental individuel. Le Guru extérieur nous aide à établir progressivement un autre état d’être dans lequel nous devenons sensibles au Satguru, le Guru intérieur que nous pouvons aussi appeler Dieu ou la Vérité, selon nos convictions personnelles.
Il ne s’agit ni d’adhérer à une secte, ni de se convertir à une religion. Le Guru n’a pas d’exigences quant à notre façon de vivre, son objectif n’est pas d’accroître son « cheptel »; il est là pour répondre à notre demande et pour nous aider à résoudre nos difficultés; son souci n’est pas de nous soumettre à sa règle mais de nous éclaircir le chemin spirituel. Essayons donc de laisser toutes les idées préconçues pour aborder sainement et positivement les questions que nous ne manquons pas de nous poser à ce sujet.
Comment choisir un Guru?
De nombreux chercheurs spirituels, lorsqu’ils comprennent l’importance du Guru, commencent à se demander comment ils vont rencontrer ce Maître, et comment ils vont reconnaître qu’il s’agit d’un être réalisé en qui ils peuvent investir leur confiance.
Ce qu’il importe de savoir en cette matière, c’est que nous ne pouvons connaître qu’un Guru qui correspond à notre propre développement spirituel. Nous devons donc nous interroger d’abord sur nos capacités et sur le niveau de notre détachement. Et il est sans aucun doute préférable de se préparer à la rencontre avec le Maître plutôt que de courir le monde à sa recherche. Avoir une bonne discipline de vie, étudier et corriger ses comportements dans sa famille et dans son travail sont les meilleures garanties d’un rapport fructueux avec un guide compétent.
Lorsque la rencontre a lieu, ce qui ne peut manquer d’arriver si nous sommes prêts, il est important d’analyser notre réaction intérieure du point de vue des émotions profondes que nous ressentons et non par une analyse intellectuelle. Il est impossible d’appréhender la relation avec le Guru avec des critères mentaux et logiques. Notre raison ordinaire ne peut que nous entraîner dans un dédale de questions et de doutes qui nous fait perdre de vue l’essentiel, qui est la confiance et la foi. Si, après la rencontre, il reste certaines interrogations dans l’esprit au sujet de la valeur du Maître, il est préférable d’attendre, de ne pas s’engager plus avant au risque de devoir plus tard faire un retour en arrière. Le seul critère extérieur que l’on puisse retenir est que le Guru n’éprouve jamais le besoin de montrer des « pouvoirs » devant ses disciples ou d’autres personnes. Si nous côtoyons quelqu’un qui fait montre de certaines capacités psychiques, il est souhaitable de ne pas tomber dans la fascination et de garder une certaine réserve.
Le Guru et l’enseignant
L’enseignant en Yoga est celui qui est capable de nous apprendre les techniques de Yoga et éventuellement de nous conseiller sur la pratique la plus appropriée à nos besoins personnels. Pour exercer valablement sa mission, il doit avoir acquis un équilibre dans sa personnalité et, bien que n’oubliant pas la finalité du Yoga, il a l’obligation de respecter la demande de chacun et d’éviter d’imposer des vues qui lui sont propres. Le respect de la science yoguique, du fondement et des modalités pratiques, est une qualité qui est souvent oubliée au bénéfice d’innovations personnelles plus ou moins heureuses.
Le Guru est plus qu’un enseignant, même si quelquefois il devient professeur. L’aspect physique de l’action du Guru est de nous donner une Sadhana, une pratique régulière. Mais cet enseignement s’accompagne d’un don unique, celui de l’énergie et du lien avec le Maître.
La connaissance et l’expérience personnelle du Guru l’autorisent à guider les aspirants sur leur propre chemin. Ayant réalisé sa nature profonde, il ne peut agir que dans l’intérêt du chercheur, car aucun égoïsme ne vient entacher ses actes. Il se situe à l’intersection du plan humain de compréhension et du plan divin. Il incarne le Divin et réveille nos aspirations par son exemple, mais en même temps, il reste un homme et, en tant que tel, il est conscient de nos limitations, de nos difficultés et de nos incapacités, parce qu’il est passé par notre point d’évolution.
Il règne souvent une grande confusion dans les compétences et le champ d’intervention de l’enseignant et du Guru. Les professeurs de Yoga s’arrogent quelquefois les prérogatives du Guru par intervention de l’égo qui se glisse dans le rapport enseignant-enseigné. Et ce sont en général ces mêmes personnes qui formulent les critiques les plus sévères contre les Gurus!
Le rôle du Guru
Trouver la pratique adéquate
Il existe tant de pratiques de Yoga qu’une grande confusion s’installe dans l’esprit: entre celles que nous connaissons, celles dont nous avons entendu parler et celles à propos desquelles nous lisons les bienfaits dans les livres, nous ne savons plus que choisir. Nous voulons tout essayer ou alors nous nous cantonnons à une technique confortable, mais qui ne correspond pas véritablement à nos besoins. Nous sommes tentés par tout, ou alors nous restons sur une réserve trop prudente. Nous sommes en tout état de cause assez mal placés pour juger de ce qui nous est le plus utile. Le Guru, qui a une connaissance parfaite de toutes les techniques, peut sélectionner celles que l’aspirant est capable d’accepter et d’assimiler pour son plus grand bénéfice.
Le Guru et nos besoins émotionnels
L’espèce humaine possède de nombreux besoins affectifs dont la satisfaction est une nécessité impérieuse pour un développement harmonieux de l’être. Par exemple, de nombreuses personnes ont un besoin vital d’avoir des enfants la relation avec le Guru est une des demandes affectives naturelles, qui apparaît à un certain stade de notre évolution. Lorsqu’une personne éprouve le besoin d’établir une relation avec un Maître spirituel, cela dénote une certaine maturité spirituelle et il est indispensable de faire aboutir ce désir.
Servir le Guru, la vie d’ashram
Nous avons précédemment parlé du Karma-Yoga, pour lequel chaque action est une occasion de purifier notre mental et de renoncer aux fruits, c’est-à-dire à la satisfaction de l’égo. Lorsque le travail consiste à servir le Guru, en participant à son action, en allant travailler dans l’endroit où il vit, à l’ashram, ou en propageant son œuvre, on parle de Seva, le service du Guru. Il s’agit, en offrant chaque acte au Guru, de le servir sans aucun motif égoïste. Il est le modèle de l’action totalement désintéressée et son exemple stimule en nous le dévouement et l’application.
Le travail à l’ashram comporte également un autre aspect, qui est d’équilibrer les flux d’énergie et de les canaliser vers les centres psychiques (les chakras) supérieurs.
Le Guru met en évidence les failles de la personnalité
Lorsque nous décidons d’aller dans l’ashram du Maître, il est nécessaire de garder à l’esprit que son rôle n’est pas de nous être agréable et que ni son action, ni la vie quotidienne, ne sont faits pour favoriser notre confort physique et psychologique. Il aura souvent une apparence qui risque de nous froisser, ou de nous fâcher. Si notre confiance n’est pas suffisamment ferme, nous ne pourrons pas profiter de ses leçons et nous verserons dans la critique et la négativité à son égard. Son action – et l’ashram est le lieu privilégié de la mise en œuvre de cette action – est de mettre en évidence nos complexes, nos peurs, notre sentiment d’insécurité et toutes les pulsions latentes qui sont enfouies dans notre subconscient. Le spectacle n’est pas toujours facile à regarder et les moyens qu’utilise le Guru sont parfois déplaisants. Pour accepter de voir et de changer la « programmation » du mental, nous avons besoin d’humilité et de confiance. Et si nous possédons ces deux qualités inestimables, l’énergie du Guru nous sera acquise pour surmonter la difficulté.
Soumettre l’égo
L’égo est le principal obstacle dans la relation du Maître avec le Disciple. Tant que l’égo n’est pas annihilé, cette relation ne peut être complète. Nous sommes peu conscients de cet égo qui ne cesse de guider nos actions, nos paroles et nos pensées; nous ne savons pas pourquoi il existe et de quoi il est fait.
L’égo est le sens de l’individualité, la qualité mentale qui nous permet de savoir que nous existons, en tant que personne séparée et unique. Le Guru n’a qu’un seul objectif par rapport à son disciple: supprimer la distance créée par l’égo en favorisant la purification du mental et en suscitant un sentiment intérieur d’unité. L’ego n’est fait que de peurs, peurs du vide et de la mort, peurs de souffrir et de perdre l’acquis matériel, affectif ou mental, peurs de la solitude et de l’abandon. Sans la peur, sans le « poids karmique » qui agissent comme un crampon et nous tiennent sous le règne de l’individualité, de la séparation, l’égo n’existe pas. Lorsque l’homme développe sa capacité spirituelle, il devient véritablement un Homme et en même temps, il perd la notion de lui-même en tant qu’individu séparé.
Soumettre son égo est un travail difficile qui ne peut être mené à bien qu’avec l’aide d’un Guru. Celui-ci est la seule personne qui soit à même de nous montrer cet égo dont nous n’avons pas conscience. Il n’est pas soumis à l’action de l’égo et sa présence, son énergie, agissent comme un révélateur, comme un miroir. Au disciple ensuite de prendre la leçon et d’accepter de fonder sa vie sur une loi plus haute et plus enrichissante que celle de son moi étriqué.
Transformer nos moyens de perception
Ordinairement, nous ne connaissons que nos cinq sens pour appréhender le monde et pour communiquer. Mais ces cinq sens sont limités et la connaissance que nous en retirons est très fragmentaire. Tant que notre perception se limite à cela, nous n’avons conscience que de la forme physique du Guru. Mais le Guru est beaucoup plus qu’un être physique et il existe sur d’autres plans que nous ne pouvons pas appréhender. Son véritable enseignement passe par ces plans inaccessibles aux organes des sens et, pour en bénéficier pleinement, nous devons changer nos moyens de perception. La Sadhana sert à opérer progressivement un affinement de nos instruments mentaux de perception, afin que nous puissions communiquer avec le Guru sur les plans psychique et spirituel.
Le Guru est le guide de la vie intérieure
La vie intérieure est un espace où il n’y a aucune direction, aucun point de repère; il n’y a pas de chemin et aucune fin. Nous pensons souvent qu’il s’agit d’un monde de miracles, où seule la lumière règne. Ce sont là des imaginations et en fait, il est dangereux de s’aventurer dans cette nouvelle dimension sans avoir un guide qui nous montre la bonne direction. La religion chrétienne parle de la « nuit noire de l’âme » et la philosophie du Yoga assimile le plan spirituel à l’Inconscient. Cela donne une indication sur la nature réelle de la vie intérieure qui s’apparente au vide et à l’obscurité plus qu’à un monde merveilleux. Nombre de personnes, artistes ou simples chercheurs, aventuriers intrépides se lançant dans des expériences inusitées ou croyants sincères, pénètrent presque par mégarde dans les secrets du monde intérieur. Les yogis n’ont bien sûr pas le privilège d’y accéder, mais ils ont la certitude d’y être préparés et de bénéficier d’un guide en la personne de leur Maître.
Créer le lien avec le Maître
Il arrive parfois que certaines personnes développent un solide lien avec un Guru qui n’est plus en vie ou qu’elles ne connaissent pas physiquement. Cela constitue cependant une exception et, en général, nous avons besoin de côtoyer le Maître pour établir une relation avec lui. En cette matière, il n’y a aucune règle et aucune méthode. Les uns pourront rester des années auprès du Maître sans pour autant dépasser l’aspect physique de la relation; d’autres auront immédiatement une intuition profonde de la vraie nature du Guru. Pour tisser un lien étroit et définitif, l’ingrédient indispensable est la dévotion, non pas les marques extérieures mais les qualités de pureté et de fermeté du « Cœur ». La relation avec le Guru est basée sur la foi et la confiance. Toutes les pratiques, tous les chemins qui fortifient en nous cet aspect de la personnalité amènent un progrès considérable sur la voie spirituelle.
Le Maître lui-même a une action qui encourage notre foi. Par son exemple et par son aide, nous avons la possibilité d’acquérir un mental et un cœur plus purs. Cette purification, en diminuant les obstacles entre lui et nous, en amenant une meilleure compréhension et un vécu moins étriqué, nous aide à développer cette qualité essentielle dans la vie spirituelle, la confiance. Le Maître fait plus encore par le biais des initiations, en communiquant son énergie au disciple. Il existe plusieurs types d’initiations, dont le plus répandu est le Mantra-diksha, c’est-à-dire le choix d’un mantra personnel, adapté à la nature profonde de l’individu. Le mantra est un son ou un ensemble de sons qu’il convient de répéter régulièrement. Il en existe dans toutes les religions et certains ont une valeur universelle. D’autres possèdent des vibrations particulières et seul un Guru, qui maîtrise la science du mantra, est capable de savoir quel son pourra, par une pratique régulière, pénétrer les couches profondes de notre être.
Le Guru-Tattwa, le Principe
Par essence, par sa qualité primordiale, le Guru est unique. Les différences entre les Gurus, en tant que personnes, ne relèvent que de caractéristiques de détail, offrant des vues originales sur une même réalité. De la même façon que toutes les rivières mènent à l’océan, où leurs eaux viennent se confondre, le Guru est l’incarnation de la vérité et le flot de sa compassion nous conduit sûrement vers la réalisation spirituelle. Le suivre demande une grande fidélité basée sur la confiance et sur notre propre foi intérieure. Cela demande également du courage pour laisser de côté nos idées, nos peurs et nos complexes. Mais nous possédons nous-même, à l’état inconscient, ce principe du Guru, le Sat-guru ou Guru intérieur. Nous n’en avons pas conscience et nous ne pouvons pas l’appréhender, mais c’est lui qui nous guide, qui nous entraîne à la recherche de la vérité, c’est lui qui génère notre foi et qui répond à la présence du Guru extérieur, par la volonté du travail spirituel.
BIBLIOGRAPHIE
Le feu de vérité, par Swami Devanath Saraswati,
YOGA, Thérapie intégrale de l’homme, par Swami Brahmatattwananda Saraswati, Éditions Swam