(Revue Psi International. No 8. Janvier-Février-Mars 1979)
Du mythe à l’hypothèse, de l’hérésie à l’enquête…
Un reportage de Joël André
Contestées, la perception extrasensorielle, la psychokinèse et autres facultés Psi ? Presque admises, dirait-on plutôt en comparant le statut qu’elles ont acquis en recherche expérimentale à celui des deux questions terminales de la parapsychologie : la survivance et la réincarnation.
Curieusement, l’authenticité des phénomènes Psi risque de constituer l’obstacle majeur, sinon définitif, à une éventuelle probation de la « vie après la mort » et/ou de la « renaissance dans un nouveau corps ». Nombre de parapsychologues attribuent en effet les données positives à l’appui de la survivance (contacts médiumniques avec l’au-delà, signaux « adressés » par les décédés à leurs proches, etc…) soit à de pures rémanences psychiques imprégnant le milieu physique ou l’inconscient collectif, soit à leur extraction par perception extra-sensorielle : télépathie, clairvoyance, psychométrie. Même lorsque la « présence » d’un disparu est signée par des effets physiques (poltergeist), l’hypothèse de psychokinèse inconsciente de la part d’un des membres vivants de la famille suffit à discréditer la réalité d’une intervention « depuis l’au-delà ».
Que dire alors de la « réincarnation » ? Non seulement l’idée heurte profondément les convictions scientifiques actuelles mais elle va à l’encontre des présupposés religieux du monde occidental. Surmonterait-on ces deux oppositions majeures que l’on aurait encore bien du mal à prendre au sérieux la phénoménologie réincarnationniste telle que la distille une certaine littérature : récits de « vies antérieures » imprégnés d’une imagerie simpliste et saturés d’anachronismes flagrants, vocations paranoïaques à faire revivre telle personnalité illustre (les rieurs ont alors beau jeu de recenser les multiples « réincarnations » de Marie-Antoinette ou de Napoléon), existences revécues sous hypnose et pour ainsi dire « à la chaîne » : au Canada, les professionnels du genre ou « réincarnautons » font ainsi « régresser » jusqu’à 2 000 personnes en une même séance !… Bref, de quoi décourager les chercheurs sérieux de s’exposer sur ce sujet à la défiance du grand public et aux risées du monde universitaire.
Le Dr Ian Stevenson(1918-2007), professeur de psychiatrie à l’Université de Virginie, a pourtant décidé de passer outre. Depuis plus de vingt ans, il parcourt le monde pour recueillir ce qu’il appelle prudemment « des cas suggérant la réincarnation ». Pour parer aux difficultés que nous venons de rappeler, il élimine d’emblée les récits d’adultes, trop bien construits et invérifiables. Il leur préfère les allégations spontanées d’enfants en bas âge qui n’ont eu ni le temps, ni les moyens (sans parler des motivations) pour « inventer » le thème central de leurs dires : à savoir qu’ils sont la « continuation » d’une personnalité précédente, morte quelques mois ou quelques années auparavant. On verra par ce qui suit comment de tels récits peuvent être minutieusement contrôlés et en quoi, toutes hypothèses partielles étant par ailleurs exclues (fraude, cryptomnésie, hérédité, télépathie, clairvoyance, médiumnité, etc…) la meilleure hypothèse d’ensemble reste celle de la réincarnation.
C’est d’ailleurs la conclusion du très sérieux et très officiel « Journal of the American Medical Association » : « Au sujet de la réincarnation, Stevenson a rassemblé soigneusement et sans parti pris une série de cas détaillés… Les faits rapportés s’expliquent difficilement par toute autre hypothèse que celle de la réincarnation ».
Le grand mérite du Dr Stevenson, outre la rigueur des comptes rendus et des méthodes d’enquête, est de n’avoir pas hésité à discuter en profondeur les hypothèses parapsychologiques. Pour chacun des cas, non content de montrer la non-consistance des objections normales (fraude, cryptomnésie, mémoire génétique), il analyse en détail l’éventualité d’informations paranormales et leur peu de retentissement sur la validité d’ensemble du dossier étudié.
Les travaux du Pr Stevenson remettent en question deux dogmes sacro-saints des sciences humaines : l’influence exclusive de l’héritage génétique et du milieu familial/ culturel dans la constitution de la personnalité humaine. Sir Cyril Burt, généticien réputé, démontrait il y a quelques années que l’intelligence d’un sujet dépend exclusivement de son potentiel génétique. On vient de s’apercevoir que ses résultats étaient truqués. B.F. Skinner, chef de l’école néo-behaviouriste aux U.S.A., voulut prouver la toute-puissance du milieu environnant en plaçant sa fille âgée de quelques mois dans une cage de verre « à température et humidité constante » (sic). Elle en sortit schizophrène à l’âge de quatre ans et l’est encore.
A la lumière de ces deux exemples, les recherches du Pr Stevenson prennent un caractère d’humanité presque rassurant. Et qui pourrait encore juger aberrante une perspective qui se propose, selon Stevenson lui-même, de compléter notre connaissance de la personnalité humaine et de contribuer à « la présomption qu’au moins une partie de nous-même survit à la mort » ?
Joël André : Professeur Stevenson, en quoi vos recherches sur la réincarnation sont-elles liées à votre formation de psychiatre ?
Pr Stevenson : C’est une remise en cause des théories orthodoxes de la personnalité en psychiatrie. Cette dernière prétend expliquer l’individu sur la seule base de son acquis génétique et de l’influence du milieu familial et culturel. Or certains faits résistent à une telle conception. La génétique n’explique pas toutes les marques de naissance, toutes les anomalies congénitales. Le milieu environnant n’explique pas tous les comportements.
Q. — Nous reviendrons sur le problème des marques de naissance. Quels sont, sur le plan comportemental, les attitudes qui vous semblent relever davantage de l’hypothèse réincarnationniste que de la psychiatrie classique?
R. — Elles sont assez nombreuses. Pour prendre un cas répandu, celui des phobies chez les enfants, je ne crois pas que l’on puisse résoudre le problème uniquement en termes d’expériences traumatiques survenues depuis la naissance. Certaines phobies très précoces me paraissent motivées par des faits antérieurs à la conception.
Un des cas que j’ai étudié est celui d’une fillette de Sri Lanka qui témoignait à la fois d’une grande aversion pour l’eau et d’une frayeur intense à la vue des autocars. Dès qu’elle put parler, elle raconta comment, « dans une vie précédente », elle avait reculé précipitamment au passage d’un autocar, était tombée dans un champ inondé et s’était noyée.
Q. — Comment faire la part de l’imagination infantile et d’éventuelles réminiscences de vies antérieures ?
L’impact de la thèse réincarnationniste en psychiatrie, si elle venait à être admise, serait considérable. Les phobies, identifications et fixations infantiles, que la psychanalyse s’efforce d’expliquer par des processus psychiques précoces, s’éclaireraient d’un nouveau jour. Ainsi Shamlinie, une fillette de Sri Lanka, manifesta très tôt une grande peur de l’eau et des autocars. Elle en vint à raconter, détails vérifiables à l’appui, des épisodes d’une autre vie : celle d’une fillette d’un village voisin noyée dans un champ inondé pour avoir voulu éviter un autocar qui passait rapidement sur une route étroite. |
R. — Par la vérification minutieuse de chaque détail d’un cas. Mais on tient déjà un bon indice lorsque les affirmations ou le comportement de l’enfant se distinguent nettement de ce qu’il a pu voir ou entendre dans son entourage immédiat. J’ai parlé d’une phobie de l’eau, mais il existe des phobies plus spécifiques, celles des armes, par exemple. Or l’étude des cas authentiques montrent toujours une corrélation étroite entre le type d’armes redouté par l’enfant et le rôle d’une arme du même genre dans le meurtre d’une personne dont il prétend être la réincarnation. Par ailleurs je pense que la théorie de la réincarnation peut expliquer certaines différences singulières entre membres d’une même famille. Notamment le cas où de vrais jumeaux, qui sont censés être strictement identiques sur le plan génétique, présentent des différences inexplicables d’apparence ou de comportement. Je connais aussi des sujets, aux yeux très clairs dans des familles dont tous les membres ont les yeux foncés, sans que les lois de la génétique mendélienne puissent l’expliquer par rapport aux générations précédentes.
L’hypothèse de la réincarnation permet également de rendre compte des différences de comportement entre jumeaux. Par ex. les deux jumelles anglaises, Gillian et Jennifer Pollock. Les époux Pollock avaient perdu leurs deux filles, tuées dans un accident de la route. Deux ans plus tard naissaient les jumelles, auxquelles les parents décidèrent de ne jamais mentionner leurs deux filles précédentes. Mais les jumelles, lorsqu’elles furent en mesure de s’exprimer, firent état de leur vie antérieure en tant que premières enfants des Pollock, l’une s’identifiant à la fille morte à six ans, l’autre à celle qui avait onze ans au moment de l’accident. De fait, les jumelles ont un comportement différent, l’« aînée » étant beaucoup plus mûre et avancée que la « cadette », qui d’ailleurs la reconnaît comme sa « grande sœur » |
Un des cas les plus probants qu’ait étudié le Pr Stevenson au Bengale : celui de la petite Dolon Champa Mitra. Stevenson en a donné le commentaire suivant à notre consœur Marie-Thérèse de Brosses (Paris-Match) : « A l’âge de trois ans, Dolon a commencé à s’habiller avec les vêtements de son frère. Sa mère lui a fait remarquer qu’elle ne devait pas se vêtir en garçon puisqu’elle était une fille. Dolon a répondu : « Mais non, j’étais un garçon auparavant. »« Questionnée par sa mère, Dolon a donné des détails, disant qu’elle habitait auparavant une ville appelée Burdwan. Elle a fourni de nombreuses précisions sur sa famille précédente, plus riche, et sa maison d’autrefois, beaucoup plus grande que celle où elle vivait actuellement, J’ai vu cette maison qui est un véritable palais, plus petit certes que celui du maharadjah mais néanmoins une somptueuse demeure.» Dolon a également décrit le jeune homme qu’elle aurait été auparavant et, de façon très précise, non seulement la ville où il vivait mais la maison et le mobilier de celle-ci. Elle n’avait jamais mis les pieds dans cette ville, située à plus de cent kilomètres de l’endroit où elle vit.
» Dolon affirmait entre autres que ses parents antérieurs étaient plus beaux et plus grands que les siens actuels (ce qui est exact). Elle a correctement décrit la chapelle privée et raconté comment le garçon était mort (il était atteint d’une tumeur au cerveau). Le décès avait eu lieu deux ans avant la naissance de la fillette. » Sur les quarante et un détails donnés par Dolon, tous ont été vérifiés sauf un. » |
Q. — A quoi tient, selon vous, la résistance des milieux scientifiques occidentaux envers l’hypothèse que vous proposez ?
R. — L’argument principal qui empêche des recherches approfondies sur cette question est le suivant : « La plupart des cas en faveur de la réincarnation surviennent dans des pays dont la culture religieuse enseigne la transmigration de l’âme dans des corps différents ». C’est vrai, mais ce n’est qu’une partie de la vérité : nous connaissons de nombreux cas suggérant la réincarnation en Europe de l’Ouest et aux États-Unis, ainsi qu’au Canada. D’autre part, le fait d’admettre la réincarnation ne signifie pas une attitude favorable à son égard. Dans les pays hindouistes ou bouddhistes, l’idéal est au contraire d’échapper à la réincarnation, à ce que l’on appelle « la ronde incessante de la naissance et de la mort ». Dans ces mêmes cultures, les allégations d’un très jeune enfant à propos d’une vie antérieure sont considérées comme un présage funeste, prédisposant l’enfant à mourir très jeune. C’est pourquoi les parents tentent souvent de le faire taire, quitte à en venir aux coups…
Q. — Pourquoi ne pas enquêter davantage dans les pays occidentaux et auprès d’adultes ?
R. — Je suis le premier à le souhaiter et je demande instamment à tous ceux de vos lecteurs qui auraient connaissance de cas vérifiables de me les communiquer.
Cela dit, les récits des enfants occidentaux doivent être contrôlés très tôt, car l’influence de la télévision et des bandes dessinées peut occasionner de multiples erreurs ou surcharges de mémoire. Les cas authentiques seraient d’ailleurs d’autant plus probants qu’ils résisteraient à la « contamination » par les media.
J’ai étudié personnellement 70 cas aux États-Unis et j’y ai retrouvé les grandes lignes de ce qui a pu être recueilli en Asie ou au Moyen-Orient. Malheureusement la plupart de ces cas manquent de détails vérifiables.
Quant aux récits d’adultes, ils sont trop difficiles à analyser. La part d’authenticité et de surimpressions vécues, culturelles, etc… est pratiquement impossible à établir. La preuve en est que les adultes qui se réclament d’une précédente incarnation le font souvent sur un mode hautement organisé et théâtral. Les très jeunes enfants, au contraire, font part de leur « existence précédente » de façon très ingénue, spontanée. Ils peuvent revivre leur personnalité antérieure dans les moindres détails sans pour autant délaisser leur jeu ou leur activité du moment. Et même lorsqu’on essaye de leur poser des « pièges », ils ne cèdent pas à la fausse reconnaissance ou à la fausse identification. Car il existe des cas où les parents se prêtent au jeu de l’enfant mais tentent de le ramener à leur propre perspective. L’enfant, en règle générale, refuse cette intervention. En Alaska, les parents du petit Norman voulaient bien admettre sa réincarnation, mais pour l’identifier à un oncle décédé. Norman a toujours affirmé qu’il était la réincarnation de « son » grand-père, et l’enquête détaillée lui donne raison.
Q. — Pouvez-vous présenter le modèle général de ce que vous nommez prudemment un « cas suggérant la réincarnation » ?
R. — La plupart du temps, il s’agit d’un enfant qui, vers l’âge de deux ou trois ans, fait état d’une existence qu’il aurait vécue précédemment. Le récit est souvent détaillé et permet aux parents de comprendre certains gestes et certaines attitudes typiques qui prédominaient chez l’enfant avant même qu’il n’accède au langage.
Les parents sont en général indifférents aux propos de ce genre. Seule l’insistance de l’enfant et la précision des détails formulés les décident à essayer d’en savoir plus. Dans les meilleurs cas, on trouve une corrélation exacte sur cinquante à quatre-vingt éléments cités par l’enfant à propos de sa « vie antérieure ».
L’aspect informationnel n’est d’ailleurs pas toujours le plus important. Les comportements et les exigences du jeune sujet, qui demande à retourner sur les lieux de sa précédente existence, constituent un premier motif pour que les parents le prennent au sérieux. Ils tentent alors de le dissuader de parler de sa vie antérieure ou finissent par se résigner à l’accompagner là où il prétend avoir vécu.
Q. — C’est à partir de ce moment que l’on passe de la pure subjectivité enfantine au domaine de la vérification quasi-« policière » des faits…
R. — Nos enquêtes attachent beaucoup d’importance aux conditions dans lesquelles se sont effectuées les retrouvailles du sujet avec les lieux et les individus de sa précédente incarnation. Souvent, l’enfant donne à l’avance le nom de ses principaux parents « antérieurs », décrit le village et la maison dans laquelle il aurait vécu, etc… Le premier test est parfois de lui demander d’indiquer le chemin de l’endroit où il veut retourner. Dans de nombreux cas, l’enfant s’avère capable de tracer l’itinéraire qui mène à son lieu d’existence antérieure, même lorsqu’on essaye de l’induire en erreur. La deuxième phase de vérification survient lors du contact entre les deux familles, celle de la personne décédée et celle du sujet qui prétend en être la réincarnation. On assiste alors à des phénomènes de reconnaissance : l’enfant peut désigner, au sein d’un groupe de personnes inconnues, son « ex-femme », sa mère et son père, ses frères, sœurs et enfants, amis et voisins, bref les personnes les plus significatives de son milieu précédent. La même capacité peut s’étendre à des lieux et des objets : le sujet fait allusion à des modifications d’architecture ou de décor, mentionne ou réclame des meubles, des jouets, ou des vêtements qui lui auraient appartenu dans son autre vie.
Un modèle de « cas suggérant la réincarnation »Histoire de Ravi ShankarEn janvier 1951, dans la ville de Kanauj (État d’Uttar Pradesh) un enfant de six ans est assassiné. Il s’agit du jeune Munna, fils d’un coiffeur nommé Jageshwar Prasad. L’enfant a été tué sauvagement à l’aide d’un couteau ou d’un rasoir.
Le père de Munna soupçonne que le meurtre de son fils unique a pour mobile une sordide affaire d’héritage. Il accuse deux de ses voisins, le coiffeur Jawahar et le blanchisseur Chaturi, les deux dernières personnes vues avec l’enfant. Arrêté, Chaturi avoue le meurtre. On retrouve, à quelque distance du corps de l’enfant, sa tête mutilée et quelques-uns de ses vêtements. Mais Chaturi rétracte ses aveux et faute de témoins, les suspects sont relâchés. Six mois plus tard, dans un autre quartier de Kanauj, naît un garçon baptisé Ravi-Shankar, fils d’un certain Babu Ram Gupta. Vers l’âge de deux ou trois ans, l’enfant prétend être le fils de Jageswar, coiffeur dans le quartier de Chhipatti. Il raconte en détail « son » assassinat, nomme les meurtriers, le lieu du crime et décrit d’autres circonstances de la vie et du décès de Munna. Jageshwar Prasad entend parler de cette étrange affaire et rend visite au père de Ravi Shankar pour obtenir davantage de précisions. Mais Babu Ram Gupta refuse de lui parler. Sans doute craint-il que la visite de Jageshwar ne décide Ravi Shankar à partir avec lui : car l’enfant ne cesse de réclamer les jouets qu’il avait « quand il était Munna ». Par la suite, Jageshwar obtient néanmoins de la mère de Ravi Shankar la permission de s’entretenir avec l’enfant. Ce dernier reconnaît « son » père et lui rappelle plusieurs événements de la vie de Munna. Il raconte également le meurtre d’une façon qui correspond étroitement à ce que Jageshwar a déjà pu conclure d’après les aveux de Chaturi et l’enquête sur les lieux du crime. Ravi Shankar est alors âgé de quatre ans. L’année suivante, son instituteur consigne par écrit les principales affirmations de l’enfant sur sa vie précédente. *** Le père de Ravi Shankar s’opposait à la discussion du cas. Ravi Shankar fut sévèrement battu à plusieurs reprises pour avoir parlé de sa « vie antérieure ». Son instituteur constata les traces de coup et la frayeur de l’enfant. Babu Ram Gupta se brouilla avec plusieurs de ses voisins en insistant pour que les récits de Ravi Shankar soient passés sous silence et oubliés. Il éloigna même son fils de la maison familiale pendant plus d’un an. Ravi Shankar n’avait pas seulement peur de son père (décédé peu après) mais aussi des meurtriers de Munna. Apercevant l’un d’entre eux par hasard, il le reconnut et se mit à trembler de peur et de colère ; il affirma aussi son intention de se venger. D’après son instituteur, Ravi Shankar craignait d’ailleurs les coiffeurs et les blanchisseurs et s’enfuyait à leur vue. Ravi Shankar avait deux ou trois mois lorsque sa mère découvrit sur son cou une longue trace brune, semblable à la cicatrice d’un coup de couteau. Lorsque Ravi Shankar raconta le meurtre de Munna, il dit que la marque sur son cou provenait des blessures reçues à cette époque. *** En 1964, le Pr Stevenson, qui recevait d’un correspondant scientifique des rapports suivis sur l’affaire, se rendit à Kanauj pour enquête. Il interrogea de nombreux témoins et correspondit avec le père de Munna, absent de la ville à cette époque. Voici en résumé les vérifications du cas, publiées dans son magistral ouvrage : «Vingt cas suggérant la réincarnation » (« Twenty Cases suggestive of Reincarnation »). Les deux familles se connaissaient très peu. Celle de Ravi Shankar avait entendu parler du meurtre mais, comme beaucoup de gens à l’époque, refusait d’en parler, de crainte de s’attirer les représailles des deux suspects, toujours en liberté. D’autre part, Ravi Shankar fit ses premiers récits à l’âge de deux ans, avant donc d’avoir pu rencontrer Jageshwar Prasad ou de voir sa maison. Si quelques-unes des informations données par l’enfant faisaient partie du domaine public, la plupart d’entre elles étaient d’ordre strictement privé. La table de vérifications dressée par le Pr Stevenson met en valeur les corrélations suivantes (les allégations de Ravi Shankar sont suivies au-dessous et en gras par leur équivalent objectif). Il était le fils de Jageshwar et on l’avait tué en lui tranchant la gorge. Jageshwar Prasad avait un fils de six ans, Munna, égorgé en 1951. « Son » père était coiffeur. Jageshwar est coiffeur. Son père vivait dans le quartier de Chhipatti. Jageshwar habite ce quartier. Ses meurtriers se nommaient Chaturi et Jawahar. Chaturi avait avoué et précisé les circonstances du meurtre avant de se rétracter. Des bribes de chaussures appartenant à Jewahar furent retrouvées près du cadavre de l’enfant. Ils étaient l’un coiffeur, l’autre blanchisseur. Chaturi était blanchisseur, Jawahar coiffeur. Les tueurs lui avaient tranché la gorge. La tête de Munna fut retrouvée séparée du corps. Dans ses aveux (rétractés) Chaturi avait dit que l’instrument du crime était un rasoir. Ils l’avaient enterré dans le sable. Le corps était partiellement enterré. « Chez lui », il avait des jouets que ses parents gardaient pour lui depuis sa mort. La mère de Munna conservait presque religieusement les jouets de son fils. Il avait une ardoise, un encrier, un pistolet, un éléphant en bois, une balle attachée à un élastique, une montre, une bague, une statuette du Seigneur Krishna. Tous ces objets furent montrés au Pr Stevenson lors de sa visite en 1964. Reconnaissance de Chaturi, meurtrier présumé de Munna. Chaturi était inconnu de la famille de Ravi Shankar. Ce dernier l’avait identifié spontanément dans la foule pendant une fête religieuse. Reconnaissance de Jageshwar Prasad, père de Munna. Lors de leur rencontre, Ravi Shankar s’était d’abord montré apeuré puis s’était assis sur les genoux de Jageshwar et lui avait dit : « Papa, j’allais à l’école de Chhipatti et mon ardoise est dans le grand buffet… » Reconnaissance de la montre appartenant à Munna. Jageshwar la portait lors de sa rencontre avec Ravi Shankar. L’enfant avait dit « C’est ma montre. » Reconnaissance de la grand-mère maternelle de Munna. La grand-mère se trouvait alors dans une maison inconnue de Ravi Shankar. On fit venir l’enfant et on lui demanda qui était venu le voir. Il répondit : « C’est ma grand-mère (la mère de ma mère). Elle est venue de Kanpur.» (La grand-mère habitait effectivement à Kanpur.) |
Q. — A cette étape d’un cas, quels sont selon vous les faits, les plus probants et, plus généralement, sur quoi fondez-vous votre intuition personnelle de l’authenticité d’un cas ?
R. — Je pourrais bien sûr, citer l’extraordinaire abondance d’informations ultérieurement vérifiées, mais cela ne justifie pas à soi seul l’hypothèse de la réincarnation. Par contre, certaines attitudes émotionnelles me paraissent remarquables, surtout dans des pays comme l’Inde où le moindre rapport de famille et de voisinage est étroitement codifié. Que l’enfant reconnaisse correctement les personnes qui lui sont présentées, qu’il leur donne leurs noms exacts, est une première chose. Mais lorsqu’il évite les fausses reconnaissances qu’on lui propose, lorsqu’il se comporte envers chaque membre de sa famille antérieure en parfait accord avec l’attitude de fils, de mari ou de femme qu’il est censé avoir été dans cette famille, la vraisemblance de la réincarnation augmente. Une enfant de cinq ans, Sukla, a pu ainsi se comporter envers celle qu’elle reconnaissait comme sa fille Minu, qui avait grandi entre-temps, avec une spontanéité affective et une autorité maternelle tout à fait remarquables. Elle pouvait s’adresser à des hommes de trente ou quarante ans plus âgés qu’elle comme si elle était toujours la maîtresse de maison qu’elle affirmait avoir été. Et, détail important pour ceux qui connaissent la psychologie des foyers indiens, elle mangeait dans la même assiette que « son » mari d’une vie précédente, ce qu’aucune femme indienne ne ferait par rapport à un autre membre de la famille ou un étranger.
Les comportements sont très importants dans l’évaluation d’un cas. Ils sont d’ailleurs à l’origine de difficultés diverses. L’enfant peut rejeter violemment un certain type de nourriture parce qu’il est persuadé d’avoir appartenu à une caste qui n’accepte que des aliments spécialement préparés. De même, un enfant indien refusait systématiquement le yaourt. Il expliquait que dans sa vie précédente, il raffolait de ce mets dont il abusait. C’est une indigestion de yaourt qui avait causé sa mort.
D’autres enfants réclament avec insistance des substances que leur très jeune âge ne leur a certainement pas permis d’apprécier : tabac, alcool, haschich, etc… Il y a aussi le cas de « réincarnés » se souvenant d’avoir été victimes d’un meurtre dans une autre vie : certains reconnaissent leurs meurtriers et manifestent à leur vue un mélange de terreur et d’hostilité.
Moins spectaculaire mais plus répandu est le cas des enfants qui ne s’adaptent pas à leur famille actuelle et souhaitent retourner vivre dans leur « vraie famille ». Dans les pays asiatiques, les parents craignent beaucoup cette revendication. Encore une raison pour empêcher l’enfant de parler de son existence antérieure.
Q. — Combien de cas avez-vous rassemblés jusqu’ici et comment traitez-vous les informations recueillies ?
R. — Je dispose actuellement de 1 700 dossiers dont les données seront prochainement soumises à une analyse par ordinateur. Tous les cas, mêmes les plus anciens, seront réévalués selon leur force ou leurs faiblesses. En sélectionnant les plus solides, nous pourrons mettre en évidence les éléments communs à tous les cas et ceux qui varient selon les régions et les cultures.
Q. — Pouvez-vous donner un exemple de trait particulièrement constant et de critère variable ?
R. — Le nombre des morts violentes dans les vies remémorées varie selon les régions : 25 % chez certaines tribus d’Amérique du Nord contre 80 % chez les Turcs et les Druzes du Liban. De même les changements de sexe d’une vie à l’autre : 5 % en Inde contre 20 % en Birmanie. Mais dans toutes les cultures, l’âge où l’enfant commence à parler d’une vie antérieure est constant (vers deux ou trois ans) tout comme celui où il cesse d’en parler spontanément (vers cinq ou six ans environ).
Q. — C’est donc vers les tout débuts du langage qu’il faut prêter attention aux allusions a des vies antérieures, voire les enregistrer ?
R. — Je pense que les éducateurs pourraient ainsi fournir de précieux renseignements. Cela éviterait les oublis ou les erreurs qui se glissent par la suite dans les récits qui nous parviennent. Mais il faut laisser l’enfant parler spontanément de ses souvenirs, ne pas attirer son attention ou influencer ses dires pour les rendre plus « vraisemblables ».
Q. — De votre côté, quelles sont les principales étapes de l’enquête sur place ?
R. — Une fois sur les lieux, nous demandons à rencontrer le sujet et sa famille. Il faut bien sûr disposer d’un ou plusieurs interprètes qualifiés, sans quoi on risque de laisser passer des détails importants ou d’enregistrer des erreurs. Nous enquêtons également dans le voisinage de la famille concernée, puis nous visitons la famille « antérieure » de l’enfant. Nous nous efforçons de rencontrer les deux familles séparément, au moins au début.
Lorsque nous avons éliminé — autant que faire se peut — les hypothèses de fraude ou de collusion entre les deux familles, nous vérifions chaque détail des récits de l’enfant. Nous étudions aussi des coupures de journaux, des rapports d’autopsie, etc… Quelques années plus tard, nous reprenons les entretiens avec le sujet et les deux familles et nous comparons méthodiquement les résultats de l’ancienne et de la nouvelle enquête.
Q. — C’est ce qui s’appelle ne rien laisser au hasard. Les cas de fraude sont-ils fréquents ?
R. — Il en existe, j’en ai moi-même dénoncé quelques-uns. Mais les fraudeurs ont tendance à simuler la « réincarnation » d’une personnalité prestigieuse, un homme historique, un artiste, une figure religieuse, bref des êtres sur lesquels il est facile de se documenter. Les cas auxquels je m’intéresse sont différents. On ne trouve pas de motivations justifiant la fraude, pas plus que de moyens matériels de la réaliser. L’existence antérieure dont se réclament nos sujets est rarement un titre de gloire, lorsqu’elle n’est pas un sujet de scandale ou de honte. C’est le cas d’enfants qui décrivent « leur » exécution pour un meurtre dans une vie précédente, par exemple. Enfin, la fraude implique la complicité des deux familles, ce qui est quasiment impossible dans de nombreux cas recueillis en Asie, où les communications et le mode de vie rendent très difficile le transfert des informations nécessaires.
Q. — J’imagine qu’on vous oppose souvent l’hypothèse de cryptomnésie…
R. — En effet, beaucoup pensent que l’enfant a pu recueillir inconsciemment des propos qu’il reprend ensuite à son propre compte. Mais d’où tiendrait-il les informations en question ? De discussions parentales ? La plupart du temps les parents affirment ignorer les faits et personnes dont il parle. De conversations entre étrangers ? Dans des pays comme l’Inde ou Ceylan, il est rarissime que l’enfant s’éloigne de ses parents dès les premières années. Les media (radio, T.V., etc…) sont quasi-inexistants et l’enfant ne sait pas encore lire au moment de ses affirmations sur sa vie antérieure. D’ailleurs la cryptomnésie n’explique ni les marques de naissance ni les phénomènes de reconnaissance. On peut avoir entendu parler d’un endroit : savoir s’y rendre est autre chose. On peut avoir entendu parler de diverses personnes : savoir les identifier au premier coup d’œil, dans la rue ou parmi un groupe de dix à quarante personnes, est une autre affaire. Dans certains cas, l’enfant est capable de nommer ainsi plusieurs personnes qu’il voit pour la première fois et de préciser sans aucune aide (parfois même on essaie de l’induire en erreur) les relations de parenté ou de voisinage qui l’unissaient à ces gens dans une existence précédente.
Q. — On a proposé d’expliquer les marques de naissance et les « souvenirs de vies antérieures » par la théorie de la « mémoire génétique ». D’autres parlent à ce sujet de « mémoire extra-cérébrale ». Qu’en pensez-vous ?
R. — La théorie génétique n’explique les comportements non-acquis et les marques de naissance que si la famille I et la famille II ont un rapport de parenté, ce qui n’est vrai que dans un nombre limité de cas. Même pour ceux-ci, expliquer les comportements et les signes physiques hérités d’un corps précédent par d’éventuelles informations contenues dans le potentiel génétique, c’est admettre la théorie de Lamarck sur l’hérédité des caractères acquis. Or on n’a jamais pu trouver dans la nature un seul exemple confirmant cette hypothèse. Et, encore une fois, dans la plupart des cas, les deux personnalités ont vécu à quelques années d’intervalle et dans des lignées génétiques distinctes.
Quant à la « mémoire extra-cérébrale », s’il s’agit d’un simple transfert d’information, cela ne rend pas compte de l’aspect « humain » des cas suggérant la réincarnation. Ce ne sont pas de purs signaux ou impulsions qui sont transmis, mais des conduites cohérentes qui peuvent durer des années, parfois toute une vie.
Les « marques de naissance
hérédité ou réincarnation ? Les marques de naissance (birthmarks) constituent dans la discussion de l’hypothèse réincarnationniste, un argument crucial. Leur existence permet d’exclure les éventualités de fraude, de cryptomnésie ou de perception extra-sensorielle comme explications suffisantes de nombreux cas suggérant la réincarnation. Permettent-elles également d’éliminer les facteurs génétiques ? Il semble que oui. Lorsque le décédé et le « réincarné » appartiennent à des familles distinctes, la transmission héréditaire des marques de naissance est impossible. Mais lorsque le sujet revendique la personnalité d’un défunt de sa propre famille ? Les marques de naissance dont il est question ici sont différentes des stigmates héréditaires, donc transmissibles, du type taches de vin, grains de beauté, nævi, etc. Il s’agit de caractères acquis, c’est-à-dire de signes physiques reçus au cours de l’existence du sujet à la suite d’accidents ou de maladies : cicatrices, bégaiement, claudication, infirmités diverses. Or la transmission héréditaire de tels caractères (hypothèse de Lamarck) n’a jamais reçu de confirmation, malgré les efforts des biologistes, des naturalistes et des généticiens pour en exhiber un exemple concret. Comme l’écrit le Pr Stevenson, « si l’hérédité seule était en cause, nous aurions affaire à un caractère acquis transmis héréditairement, ce que tous les généticiens considèrent comme très improbable et même, pour la plupart d’entre eux, impossible ». Lorsque l’enfant prétendant à une incarnation antérieure présente à la naissance des signes physiques correspondant aux blessures, cicatrices ou malformations d’un corps précédent, il faut donc s’interroger sur la rigueur des corrélations entre les caractères acquis (corps du défunt) et les marques congénitales (corps du « réincarné »). Le Pr Stevenson devant publier un important ouvrage sur cette question, nous nous contenterons de rappeler ici quelques traits essentiels de cas déjà étudiés dans les «Vingt cas suggérant la réincarnation ». ** La marque de naissance peut être expliquée par le sujet lui-même sur un plan symbolique : à Ceylan, le jeune Wijeratne attribue sa malformation (main, épaule, poitrine) à un meurtre commis par lui dans une vie antérieure : plusieurs coups de poignards portés de la « même » main sur la personne de « sa » femme. Le même enfant a décrit en détail le meurtre, le jugement et la pendaison de sa personnalité antérieure. Cas similaire chez les Tlingit, une tribu d’Alaska. Enfant, Charles Porter ne cesse d’affirmer qu’il a été tué par un coup de lance lors d’une bataille de clans. Il nomme son meurtrier, l’endroit du décès et le nom Tlingit qu’il portait dans cette vie antérieure. Quant Charles Porter racontait « sa » mort en mentionnant le coup de lance reçu, il montrait son côté droit. Il ignorait, à cet âge-là, qu’à l’endroit désigné, il portait une marque de naissance. Il ne s’en aperçut qu’à l’âge adulte. Le Pr Stevenson décrit ainsi la marque en question. « J’ai examiné le flanc droit de Mr Porter. J’ai observé une surface pigmentaire plutôt étendue et d’une forme inhabituelle. Elle était située sous la plus basse côte, au milieu du côté droit. Étant donné sa localisation très latérale, il est très vraisemblable que son propriétaire ne l’ait remarquée lui-même que très tard. Elle avait en gros la forme d’un diamant… Sa ressemblance de taille et de forme avec la cicatrice que pourrait laisser un coup de lance était très accusée. » Toujours chez les Tlingit, Victor Vincent annonce à Mrs Chotkin, sa nièce préférée : « Je renaîtrai dans ton prochain fils… Il aura les mêmes cicatrices que moi. » Il lui montre alors la cicatrice qu’il a dans le dos, suite d’une opération (les points de suture sont encore visibles) et celle qu’il porte sur l’aile droite du nez. Huit mois après la mort de Victor Vincent, Mrs Chotkin met au monde un enfant baptisé Corliss. Dès sa naissance, on pouvait constater sur son corps deux marques ayant exactement la forme et l’emplacement des cicatrices de Victor Vincent. A l’âge de 13 mois, Corliss commença à parler. Sa mère voulut lui apprendre à dire son nom. L’enfant répondit : «Tu ne me reconnais pas ? Je suis Kahkody. » C’était là le nom tribal de Victor Vincent, prononcé avec un excellent accent Tlingit. Vers deux ans, Corliss désigne un homme dans la rue : «Voilà mon fils William. » William était le fils de Victor Vincent. A l’âge de trois ans, Corliss aperçoit une femme dans la foule : « C’est Rose, c’est la vieille ! » Rose était la veuve de Victor Vincent, qui de son vivant, l’appelait familièrement « la vieille ». Faut-il le dire, l’homme désigné dans la rue était bien William Vincent et la femme aperçue dans la foule n’était autre que Rose Vincent. |
Q. — S’agit-il alors du transfert d’un « véhicule » conscient, gouverné par une personnalité centrale ?
R. — Cela relève de l’interprétation personnelle plutôt que des faits eux-mêmes. Cela dit, je pense que l’on peut envisager l’existence d’une sorte de « corps » ou de « véhicule » qui transfère d’une existence à l’autre les souvenirs, les expériences, les tendances, etc… Les expériences de « sortie hors du corps » suggèrent l’existence d’un corps indépendant du corps physique connu. Cet autre corps pourrait être le véhicule structurel de la personnalité entre deux incarnations.
Il est difficile d’affirmer qu’on a affaire à une seule personnalité. Je parlerai plutôt d’une continuité ou d’une juxtaposition de deux personnalités. A tel moment, l’enfant assume une position « adulte », liée à une vie précédente. S’il se souvient d’avoir été banquier, par exemple, il parle de « son » argent, de « ses » comptes, de « ses » affaires, etc… L’instant d’après il joue comme n’importe quel enfant de son âge. Mais il peut « redevenir banquier » à tout moment, surtout lorsqu’un élément du contexte présent lui rappelle celui dans lequel il dit avoir vécu. Il y a donc coexistence de personnalités, mais celle de la vie antérieure est aussi consistante que la personnalité actuelle. Ce n’est pas un simple résidu, une simple « ruine ».
Q. — Nous avons jusqu’ici évoqué des explications et des objections « cartésiennes ». Mais la parapsychologie ? Les concepts de télépathie, de clairvoyance ou de vision à distance, ne suffisent-ils pas à expliquer la provenance de ces mystérieuses informations, ainsi que le mécanisme des « reconnaissances » ?
R. — La perception extra-sensorielle peut expliquer certains faits, non pas l’ensemble. D’une part, il est rare que les informations recueillies par ESP soient aussi précises et organisées. D’autre part, pourquoi l’enfant, dans ses comportements affectifs et émotionnels personnifie-t-il ainsi le disparu ? Ni les télépathes ni les clairvoyants ne s’identifient aussi intensément et sur d’aussi longues périodes aux contenus qu’ils reçoivent par voie paranormale.
Dans le cas où les familles I et II ne se connaissent pas, on peut imaginer que certaines personnes ont servi de « lien télépathique », ou certains objets d’« inducteurs psychométriques ». Mais on ne voit pas pourquoi l’enfant se considère comme la continuation de la personnalité antérieure et souhaite parfois retourner dans son « vrai » milieu. Et pourquoi l’enfant sait-il tout ou presque de « sa » famille ou de « son » voisinage antérieur alors qu’il ne manifeste pas cette connaissance (ni les émotions qui y sont liées) lorsqu’on lui présente des gens qu’il n’a pas connu dans la vie antérieure présumée ? S’il s’agissait de télépathie, de clairvoyance ou de psychométrie, l’enfant devrait « reconnaître » avec la même conviction les personnes, lieux et objets de son ex-milieu et ceux qui n’en faisaient pas partie. Non seulement ce n’est pas le cas mais il refuse de reconnaître un étranger qu’on lui présente faussement comme un ex-parent, insistant au contraire lorsqu’un membre de « sa » famille, correctement identifié, tente de nier sa parenté avec le « réincarné ».
Q. — Certains médiums spirites s’identifient pourtant à un défunt jusqu’à impressionner ceux qui l’ont connu par l’exactitude de leurs révélations. Cela peut aller jusqu’à la « possession »…
R. — Certains clairvoyants peuvent « mémoriser » des scènes entières de la vie de personnes décédées sans pour autant les confondre avec leur vie propre. Quant aux médiums dont vous parlez, ils agissent en état de transe, ce qui n’est pas le cas de nos sujets, et ils oublient momentanément leur identité actuelle, ce que l’enfant ne fait pas. Un médium « investi » par un prétendu esprit ne répond qu’au nom de cet esprit et reste sans réaction à l’appel de son propre nom. Dans les cas suggérant la réincarnation, il n’y a pas cette dissociation : l’enfant accepte la personnalité liée à sa nouvelle naissance et revendique également une personnalité antérieure.
Cependant il existe des cas dans lesquels le sujet semble s’identifier exclusivement, pendant quelque temps, avec la personnalité précédente. Lors de cette phase, il oublie (ou nie) son existence actuelle dans le corps d’un petit enfant.
L’hypothèse de la possession inclut celle de la survivance de l’esprit au corps physique. Mais elle suppose le déplacement d’une personnalité initiale par une autre qui « fait son entrée à sa place ». Si la personnalité d’un défunt semble liée à un nouvel organisme physique depuis la conception ou le développement embryonnaire, nous parlons de réincarnation. Si la personnalité du décédé se manifeste au cours de la vie et en « éliminant » celle qui était en place, alors nous parlons de « possession ».
Dans les cas où les marques de naissance et les souvenirs coïncident, nous pouvons exclure l’hypothèse de la possession puisque nous avons affaire à une influence préexistant à la naissance. Il en va de même lorsque l’enfant se reconnaît comme la continuation d’une personnalité précédente et l’assume volontairement : la possession au contraire éclipse, en partie ou totalement, la personnalité normalement liée à l’organisme physique. Dans la majorité de nos cas, l’hypothèse de la possession peut ainsi être écartée.
Q. — Un des points forts de l’hypothèse réincarnationniste est la correspondance entre les marques diverses sur le corps du nouveau-né et les blessures qu’aurait reçues le sujet dans une vie antérieure…
R. — En effet, surtout lorsque nous avons des rapports d’autopsie et des photos des marques de naissance pour comparer l’emplacement, la forme et la taille des différentes marques. Je prépare actuellement un ouvrage qui analyse en détail les données que nous possédons à ce sujet. Il est extrêmement improbable que deux organismes physiques possèdent de telles marques similaires, acquises pour le premier (blessures, meurtre, etc…), congénitales pour le second. Ce n’est donc pas le fait du hasard ni, pour les raisons que j’ai indiquées, de l’hérédité. Dans ces cas, l’hypothèse de la réincarnation paraît la meilleure de toutes…
Q. — … à condition d’exclure l’influence intra-utérine ou « psychokinèse maternelle ».
R. — Il arrive qu’une femme enceinte en proie à certaines obsessions ou fixations inflige au fœtus des taches ou des semblants de cicatrices se rapportant au contenu de ses fantasmes. Dans certains cas, la mère du sujet a connaissance des blessures d’un homme tué dont son enfant prétendra être la réincarnation. Il se peut que cet homme habite le village voisin ou même appartienne à la famille de la mère. Mais nous avons aussi des cas inverses, dans lesquels les parents du sujet (y compris la mère) ne connaissaient pas la personnalité antérieure et n’en ont jamais entendu parler avant le développement du cas.
Q. — Un autre point fort de votre théorie est la présence, chez de très jeunes enfants, d’aptitudes manuelles, voire techniques, qu’ils n’ont guère pu acquérir par apprentissage dans leur vie actuelle.
R. — Ce sont des cas très impressionnants, mais rares et difficiles à analyser. Il faut être absolument sûr que l’enfant n’a pas pu apprendre tel ou tel talent en observant des personnes de son entourage. J’ai là-dessus quelques dossiers très forts.
Des comportements énigmatiques
Les aptitudes non-apprises Un don précoce pour la musique, le dessin ou la danse, s’il suscite l’admiration de l’entourage, ne soulève généralement pas davantage de questions. Mais lorsque le talent du jeune enfant suppose, non pas une inspiration plus ou moins diffuse mais des gestes précis, la compréhension d’ensemble d’une situation, d’un dispositif ou d’un appareil, l’étonnement des adultes se teinte de perplexité. Et quand, pour justifier ces aptitudes insolites, le sujet se réfère explicitement à une incarnation précédente, il convient d’examiner soigneusement si les détails connus de celle-ci justifient une perspective réincarnationniste. ** Le Pr Stevenson relate à cet égard le cas d’un enfant brésilien, Paulo, qui se prétendait la réincarnation d’Emilia, jeune fille décédée seize mois auparavant. Emilia avait manifesté un véritable génie de la couture et de la broderie. Le jeune Paulo en perpétuait semble-t-il l’essentiel. Sa sœur aînée se souvient que Paulo possédait un don pour la couture depuis son plus jeune âge. Un jour qu’une servante essayait maladroitement de se servir d’une machine à coudre, Paulo la poussa de côté et lui montra comment il fallait s’y prendre. Paulo avait quatre ans lorsqu’une autre de ses sœurs eut un jour des difficultés avec la bobine de la machine à coudre. Là encore, Paulo résolut le problème. Une autre sœur encore avait laissé sur la machine une broderie à terminer : en son absence, Paulo acheva l’ouvrage sans aucune aide. Toute la famille s’accorde à dire que l’enfant savait se servir de la machine « avant d’avoir appris ». Quand on lui demandait d’expliquer cette surprenante habileté, il répondait : « Je savais déjà coudre avant. » Lorsqu’on voulut l’encourager en lui proposant des leçons de couture, il répliqua : « Je sais déjà. » ** Plus technique encore semble la performance d’un enfant indien, Parmod, qui revendiquait la personnalité d’un commerçant décédé du nom de Paramand. Parmod citait une foule de détails exacts sur la vie du défunt et parlait avec aisance des biens de Paramand (boutique, cinéma, hôtel) comme s’il les avait gérés lui-même. Lors de sa première visite à « son ancienne boutique », il demanda immédiatement : « Qui s’occupe de la boulangerie et de l’usine de soda ?» (C’étaient là les deux principales activités du défunt Paramand.) Amené devant la machine à soda, Parmod expliqua exactement comment elle fonctionnait. On lui demanda alors de la mettre en route. L’arrivée d’eau avait été coupée à son insu pour le mettre dans l’embarras. Parmod comprit pourtant, sans aucune aide, comment cette machine — très compliquée selon le Pr Stevenson — devait être remise en route. |
Q. — Peut-on étendre votre démarche scientifique à l’étude des génies précoces ou des enfants surdoués ?
R. — J’étais tenté de le croire mais je n’ai pas obtenu de confirmation dans ce sens. Même en Inde, il est très rare que les enfants de ce genre fassent état d’une vie antérieure. Je connais toutefois le cas de deux petites filles qui récitaient des vers en sanskrit pendant leur enfance sans avoir appris cette langue. Plus tard elles ont raconté les détails d’une vie antérieure.
Q. — Connaît-on beaucoup de personnages illustres convaincus d’être la réincarnation d’une personnalité précédente ?
R. — Même en Occident, beaucoup de penseurs prestigieux, de Platon à Schopenhauer, ont défendu la thèse de la réincarnation, mais sans préciser de quelle existence antérieure ils croyaient être issus. Sauf peut-être Napoléon Bonaparte qui, selon Talleyrand, a affirmé à plusieurs reprises être la réincarnation de Charlemagne !
Deux « réincarnés » illustres. Pythagore, philosophe et mathématicien grec, était surnommé « Mnesarchides » en raison de son aptitude à se remémorer ses vies antérieures… et celle des autres ! Il évoqua notamment devant ses disciples son incarnation en la personne d’Euphorbe, guerrier grec tué par Énée lors du siège de Troie.Quant à Napoléon, il était convaincu d’être la réincarnation de Charlemagne, empereur d’Occident. Noblesse oblige ! |
Q. — Quelle importance attachez-vous aux rêves et prémonitions relatifs à une future incarnation ?
R. — Dans certaines peuplades, les femmes enceintes font un rêve assez typique : une personne défunte pénètre dans la chambre conjugale et s’installe dans le lit, entre elle et leur mari. Cette scène s’accompagne parfois de l’annonce de l’identité « précédente » du bébé à naître.
Il existe d’autre part de nombreux rêves qui suggèrent une vie antérieure. Certains contiennent des informations vérifiables, qui se sont avérées exactes. Même si ce n’est pas toujours le cas, je pense qu’une étude systématique des rêves de ce genre peut apporter beaucoup à nos recherches.
Q. — Que pensez-vous du cas du Dalaï Lama, qui doit sa désignation au fait d’avoir reconnu parmi d’autres de nombreux objets ayant appartenu à son prédécesseur ? Et en général des tulkus tibétains, ces lamas qui disent se souvenir de toutes leurs incarnations antérieures ?
R. — Il y a une faiblesse dans les cas de réincarnation au Tibet : ils commencent souvent quand un Lama fait une prédiction, sur son lit de mort, quant à sa prochaine incarnation. On s’attend donc à le retrouver dans des conditions prévues à l’avance. Cette attitude risque de favoriser la perception extra-sensorielle lors de la reconnaissance des objets.
TOULKOUSDans le bouddhisme tibétain, un Toulkou est un « réincarné» ayant gardé le souvenir de ses existences antérieures. Du moins est-ce la conception populaire. Sur le plan initiatique, les notions sont un peu plus complexes, faisant notamment appel au concept de Bodhisattva. |
Un bodhisattva est un être ayant atteint l’état de Bouddha, la perfection spirituelle. Libéré de tout égoïsme, et de toute nécessité de renaître dans un corps physique, il choisit pourtant de se manifester dans de nouveaux corps pour aider d’autres êtres à atteindre à leur tour la Vérité et la libération.
Les différents toulkous que nous présentons dans ces pages ne sont pas des « réincarnés» du même genre que les enfants étudiés par le Pr Stevenson. Ces derniers représentent une transition involontaire et « aveugle » de la personnalité d’un corps physique à un autre. Les toulkous sont, à l’opposé, l’émanation consciente (supra-consciente, pourrait-on dire) d’un Bodhisattva animant une ou plusieurs lignées de maîtres spirituels qui perpétuent son influence et son enseignement à travers les siècles.
Le Vénérable Kalu Rinpoche, instructeur spirituel (guru) du Karmapa et du Dalaï-Lama. Curieusement, aucune information n’est donnée sur ses incarnations antérieures. Tous les détails en sont pourtant contenus dans un texte tibétain qui ne sera divulgué qu’après la mort de Kalu Rinpoche. Il serait en effet l’émanation d’une figure spirituelle si prestigieuse que la révélation de son identité pourrait susciter chez les adeptes une adulation excessive
Le petit garçon libanais, Imad Elawar, est considéré par le Pr Stevenson comme un de ses meilleurs cas, sinon le meilleur de tous. Né en 1958, Imad prétendit dès l’âge de trois ans avoir vécu dans un autre village et décrivit avec force détails les lieux et les personnes qu’il y avait connus. Il raconta divers épisodes marquants de cette vie antérieure (accidents, bagarres, chasse, etc.), parla de « sa » maison et des endroits de celle-ci où se trouvaient différents objets, évoqua avec nostalgie ses amis et la belle jeune femme avec laquelle il avait vécu, Sur soixante indications fournies par Imad, cinquante-sept se sont avérées rigoureusement exactes. Mais la grande force de ce cas, c’est que le Pr Stevenson en eut connaissance avant la rencontre entre la famille d’Imad et celle du défunt qu’il prétendait être (un certain Ibrahim Bouhamy, mort de tuberculose en 1949). Le Pr Stevenson put donc dresser la liste de toutes les affirmations d’Imad avant de l’emmener dans le village évoqué par l’enfant. La vérification a donc été menée dès le début par Stevenson lui-même. |
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Un dossier convaincant publié dans l’ouvrage de Stevenson déjà cité. Il s’agit d’une jeune Ceylanaise, Gnanatilleka, qui se souvenait d’une autre existence avec «deux frères et beaucoup de sœurs ». Elle faisait allusion à la famille de Tillekeratne, un garçon mort plus d’un an auparavant à l’âge de treize ans. Il avait effectivement deux frères et sept sœurs.
Les récits de Gnana commencèrent quand elle avait un an. Lorsqu’elle eut quatre ans, ses parents l’emmenèrent au village où Tille avait vécu. Elle désigna correctement la maison qui, détail intéressant, était bien celle de Tille au moment de sa mort mais était occupée depuis par une autre famille. Elle reconnut Mr Sumithapala comme « son professeur qui ne la punissait jamais» et récita en détail une histoire mythologique qu’il aurait enseigné à Tille (à propos des vies antérieures du Bouddha !). Tout cela était exact.
Dans son « ex-famille », Gnana reconnut le père et la mère de Tille, quatre de ses sœurs et un de ses frères (avec une bizarre réticence, d’ailleurs. Or Tille s’entendait très mal avec le frère en question). Elle reconnut également un oncle et un instituteur en précisant que tous deux faisaient la classe à l’école du dimanche. Elle identifia spontanément une femme au milieu de la foule en disant : « Elle venait avec moi au temple » et un voisin avec ces mots : « C’est lui qui s’est disputé avec ma mère. » Ce dernier détail n’a pas pu être inspiré à Gnana par une attitude hostile entre les deux adultes, qui étaient tout à fait réconciliés au moment où la vérification eut lieu. Une autre remarque de Gnana mérite d’être rapportée. A la vue d’une photo de la Reine d’Angleterre, elle s’écria : « Mais je l’ai vue dans mon autre village ! Elle est passée en train. » Or le train de la reine Elizabeth était passé près du village de Tille… deux ans avant la naissance de Gnanatilleka.
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La jeune Disna Samarasinghe, de Sri Lanka manifesta très précocement une grande ferveur religieuse, un talent culinaire hors du commun et une aptitude au tissage du chaume, que personne ne lui avait appris. Ces trois particularités correspondaient remarquablement à la personnalité de la défunte dont Disna pensait être la réincarnation.
Q. — A supposer que l’idée de la réincarnation fasse un jour partie des convictions occidentales, quelle en serait, d’après vous, l’influence la plus remarquable ?
R. — Une modification profonde de nos conceptions de responsabilité et d’évolution individuelles, et surtout un bouleversement des relations entre parents et enfants. On considère souvent l’enfant, aux États-Unis et en Europe, comme une sorte de produit fini issu du seul matériau génétique de ses parents. Dans des pays comme l’Inde, on lui reconnaît une personnalité propre, distincte du corps apparent. On admet même que l’enfant puisse être plus avancé, plus évolué que ses propres parents.
Q. — Selon certains thérapeutes, l’hypnose permettrait de « régresser vers des vies antérieures » et d’exhumer le plus simplement du monde les expériences vécues au cours de précédentes incarnations. Le tout étant à la portée de chacun…
R. — Je vois à quoi vous faites allusion. La « past lives therapy », la « thérapie des vies antérieures » fait fureur actuellement aux États-Unis. A mon avis, c’est une exploitation éhontée de l’idée de réincarnation. Les patients s’auto-illusionnent en toute crédulité et bâtissent des récits de « vies antérieures » qu’une simple lecture critique suffit à démontrer faux.
J’ai moi-même employé l’hypnose dans certains cas-limites mais je suis contre la généralisation de cette méthode appliquée à la réincarnation.
Plus intéressants sont les cas spontanés de « xénoglossie responsive », c’est-à-dire lorsque le sujet placé sous hypnose se met à parler une langue inconnue de lui à l’état de veille et peut répondre dans cette langue aux questions qu’on lui pose. Il faut bien entendu établir formellement l’impossibilité que le langage en question ait été appris par le sujet à une autre époque de sa vie.
Q. — Espérez-vous découvrir un jour un « cas parfait », une preuve absolue de la réincarnation ?
R. — J’ai élaboré, à partir des défauts des cas étudiés, un modèle du cas parfait. Mais je ne crois pas le découvrir un jour.
La question de la preuve est un peu différente. Personnellement, j’ai déposé en lieu sûr deux cadenas à chiffres dont je suis le seul à connaître les combinaisons. J’invite les divers télépathes, clairvoyants et médiums à tenter de « sonder » mon esprit pour deviner les chiffres en question. Aucun jusqu’ici n’y est parvenu.
Après ma mort, et dans l’éventualité d’une proche réincarnation, je devrais être à même de me remémorer l’existence de ces cadenas et d’en indiquer les combinaisons exactes.
Joël André : Éventualité, dites-vous… Seriez-vous plus affirmatif au sujet du passé ? C’est-à-dire, êtes-vous persuadé d’avoir vécu une ou plusieurs existences antérieures ?
Pr Stevenson : Je préfère ne pas répondre…