(Revue CoÉvolution. No 12. Printemps 1983)
Eva Reich (1924–2008) est la fille de Wilhelm Reich. Pédiatre et généraliste, elle était devenue en quelque sorte « médecin sans frontières » et a parcouru le monde pour faire des conférences, montrer des films sur l’accouchement non-violent dans les hôpitaux et enseigner le massage des bébés et les techniques de préparation des femmes enceintes.
Mon travail concerne la préparation prénatale et plus particulièrement l’application de la bioénergie douce à la femme enceinte et à l’accouchement. Je l’ai mise en pratique bien avant que quiconque fasse de la végétothérapie.
Durant leur grossesse beaucoup de femmes ont des problèmes — quelqu’un de malade à la maison, le mari a perdu son travail, ou il l’a quittée, ou elle s’inquiète de la tenue de sa maison, qui n’est jamais absolument parfaite —, face auxquels leurs réactions peuvent être très variées et surprenantes. Il est nécessaire d’y travailler dessus avant l’accouchement, de découvrir qui sera psychotique ou qui va s’effondrer, avant que cela se produise. En général je peux dire, avant, à qui ça risque d’arriver, d’où l’importance de la thérapie préventive contre les psychoses.
Un travail psychologique considérable peut être effectué à l’occasion des examens prénatals. Ceux-ci durent une heure environ et ont lieu en général neuf à dix fois au cours de la grossesse : une fois par mois au début, puis deux fois le huitième mois et une fois par semaine ensuite.
Dans ma pratique de médecin, je commençais par les examens physiques habituels, y compris comment la femme se sentait dans tous les domaines, ainsi que la localisation du bébé, et j’incluais la préparation par la bio-énergie dans cette heure de consultation.
Ma première découverte fut celle de l’étonnante facilité du travail psychothérapeutique avec la femme enceinte. Elle est très ouverte, le bébé lui chauffe l’utérus, ce qui augmente son niveau d’énergie et la rend malléable. Ses barrières se relâchent, elle pleure plus facilement, elle se retient beaucoup moins, ne cherche pas à afficher son masque de sérénité habituel. Physiquement ses articulations, ses tissus se relâchent également. C’est une période très délicate de la vie, les problèmes remontent facilement à la surface. L’affaiblissement des tensions et de la rigidité font que le travail psychothérapeutique peut améliorer considérablement son état en peu de temps. La provocation, le stimulus nécessaires pour la thérapie est minime, et la séance n’a pas besoin de durer très longtemps. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ces séances marathon de végétothérapie où les femmes doivent rester allongées sur le dos et respirer très fort pendant deux heures : c’est trop long.
La deuxième constatation que je fis est la permanence des changements qui se produisent alors. Pourtant mes patientes étaient pour la plupart des femmes de la campagne, a priori très ordinaires. J’étais leur médecin de famille et je pouvais donc les observer avant, pendant et après la naissance de leur enfant. Quel changement après cette thérapie ! Quant aux bébés, ils étaient aussi très spéciaux, sans doute aussi parce qu’ils avaient eu une naissance non violente très douce.
Un autre important résultat est que la compréhension par la femme du pourquoi et du comment de ses tensions physiques lui facilite l’accouchement. Elle n’aura plus à en passer par celles-ci. On peut préparer la femme aux difficultés qui peuvent survenir alors. Il est même possible de faire des exercices de bio-énergie douce pendant l’accouchement sans que les femmes y aient été préparées auparavant. Je l’ai fait dans un hôpital en Equateur, où en plus je ne connaissais pas bien la langue.
Il est possible de préparer une femme même en ne la voyant qu’épisodiquement. La technique comporte trois éléments. D’abord, la respiration. La femme doit apprendre à respirer de telle sorte que le souffle lui traverse le corps. Je lui fais sentir ses retenues dont elle doit se débarrasser, car pendant l’accouchement il est important qu’elle ouvre son bassin, qu’elle laisse ses sentiments se déverser et elle peut y parvenir par la respiration. Elle doit sentir le souffle descendre doucement le plus bas possible. Ensuite, je fais un massage bio-énergétique (pas un massage relaxant), je secoue les muscles. Et enfin, il y a le contact oculaire. L’ensemble constitue une véritable thérapie bio-énergétique douce que je pratique sans nécessairement la nommer. Ensuite les femmes s’ouvrent et en saisissent l’idée.
Wilhelm Reich a souligné à ce sujet qu’il valait mieux que l’utérus soit chaud, qu’il rayonne beaucoup, qu’il éprouve de la joie et du plaisir — du plaisir sexuel pendant la grossesse — pour accueillir le bébé. La future personne humaine sera beaucoup mieux dans un utérus joyeux que dans un utérus froid, dur et contracté.
Quand la femme ne renferme plus ses sentiments, la chaleur littéralement descend dans son corps, l’utérus commence à briller, à irradier. C’est l’idée essentielle. A chaque séance je travaille sur l’ouverture du bassin. C’est parfois dramatique, parce que la femme peut être très chaude jusqu’à l’abdomen, ou un peu plus bas ou plus haut, et froide au-dessous. Je lui demande de descendre dans son corps, d’y sentir la chaleur et de respirer en sentant le souffle aller le plus bas possible. C’est une respiration très lente et non pas une hyperventilation comme dans le rebirth. Dans la thérapie reichienne, il faut établir une onde respiratoire que l’on fait descendre le long du corps, dans la poitrine, le diaphragme, le ventre, jusqu’aux orteils. La femme sent vraiment son bassin s’ouvrir comme une fleur.
Le travail porte aussi sur la position du bassin. Aux États-Unis on interdit aux femmes enceintes de porter des talons aiguilles, car, automatiquement, le bassin part en arrière et cette position provoque une lordose. Or, pendant l’accouchement, le canal de naissance que le bébé doit traverser doit être en avant, comme lors du réflexe orgasmique. Dans la préparation j’apprenais aux femmes à appuyer sur leur poitrine et à porter le bassin en avant. Pour l’accouchement, il vaut beaucoup mieux ne pas s’exciter ni forcer ; c’est le souffle qui doit faire sortir le bébé, il faut l’expulser par la respiration !
Dans la salle d’accouchement, je fis la même découverte que Leboyer avec le bain. Le traumatisme de la naissance peut être vaincu si on laisse le bébé se relaxer, ouvrir les yeux, être là… Par contre, je suis opposée au bain comme méthode principale parce que l’eau absorbe l’énergie. Si vous restez trop longtemps dans l’eau vous affaiblissez votre système énergétique ; pour le bébé cela peut faire l’effet d’un véritable choc. Quelques secondes de bain suffisent, ensuite il vaut mieux masser. Nous employons le bain pour décharger l’énergie quand elle est en excès. Les animaux combinent le bain et le massage avec le léchage : c’est humide et c’est un contact. Nous ne nous servons pas de la langue : peut-être devrions-nous ?
D’un point de vue bio-énergétique, l’accouchement abaisse le niveau énergétique du bébé qui se sépare du système de la mère. L’énergie totale de celle-ci diminue, habituellement elle a faim, devient hypoglycémique, et si on lui touche le périnée, elle a une contraction bio-énergétique. En plus, la naissance est parfois une expérience malheureuse et la femme en sort déprimée. Un des résultats remarquables des nouvelles pratiques obstétricales est de supprimer cette dépression. Michel Odent l’explique par les neuroendorphines mais je pense qu’il y a aussi un facteur énergétique. Nous commençons maintenant à utiliser l’accumulateur d’énergie d’orgone durant des accouchements longs et difficiles. Je n’ai jamais osé le faire du temps où je pratiquais ! Quand la mère est fatiguée et n’en peut plus, la couverture accumulatrice d’énergie d’orgone permet de la recharger. Mais ce n’est pas possible à l’hôpital, où l’atmosphère énergétique est très mauvaise, avec les lumières fluorescentes, les produits radioactifs, les rayons X, l’air conditionné, les courants à haute tension, qui tuent toute l’énergie vitale. Je connais plusieurs cas montrant l’efficacité de cette recharge énergétique durant des accouchements difficiles, en Équateur et en Australie. Ça marche. C’est une nouvelle frontière…
Propos recueillis et traduits par Gérard Blanc