Joël Thomas : La Croix : Quatre directions pour exalter le centre

[…] la croix est loin d’être l’apanage du christia­nisme : partout dans le monde, et depuis fort longtemps, la croix est associée à ce que l’on s’accorde à considérer comme trois autres symboles fondamentaux, le cercle, le carré et le centre ; elle intègre leurs valeurs et les inscrit dans une dynamique de l’évolution ontologi­que ; c’est donc avant tout un symbole énergéti­que, d’une « charge » et d’une richesse peu communes, puisque les civilisations et les mouvements spirituels les plus divers peuvent se reconnaître en lui ; il prend alors, dans chaque situation, une coloration particulière, mais sa valeur fondamentale est inchangée, et on ne sera pas étonné de le retrouver, dans la cosmo­logie des Bantou, associé au symbolisme de la spirale…

Joël Thomas : La spirale, symbole de la vie et du temps

En quoi la spirale est-elle un symbole aussi remarquable et aussi efficace ? C’est tout d’abord qu’elle introduit une dimension supplé­mentaire par rapport à la symbolique du cercle et du cycle : sa grande supériorité est de pouvoir transcrire la notion de mouvement et, partant, d’évolution. Sur la roue zodiacale, le printemps revient chaque année ; mais les printemps, l’un après l’autre, sont différents, et leur point de coïncidence est purement formel : ils sont sé­parés par l’épaisseur du temps écoulé, ce temps qui transforme le cycle en spirale. C’est pourquoi la spirale est sans doute le meilleur symbole de la vie, et de son corollaire, le temps. Elle nous rappelle que tout ce qui est manifesté se trouve à la fois en mouvement et en inachèvement…

Joël Thomas : Sénèque et la Bhagavad Gita

[…] il est sans doute plus intéressant de remarquer que les convergences entre les deux messages sont tout à fait étonnantes. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à une approche fondamentale, sur le plan métaphysique et ontologique, et la comparaison des deux œuvres se révèle, sur ce plan, en elle-même heuristique : elle leur permet de vivifier mutuellement leur contenu spirituel. Il n’est plus question de mettre en évidence une influence directe. Sénèque et la Bhagavad Gita en arrivent à une introspection si poussée, un regard si dessillant dans l’analyse de l’être et de son devenir, que leurs démarches se rencontrent, non parce que l’un imite l’autre, mais parce que, dans le cadre de cette « logique » métaphysique, il ne pouvait pas en être autrement. On voit ce que le rapprochement peut avoir d’important, en particulier pour la pensée de Sénèque, « encombrée », comme nous le voyions, de tout un poids de perceptions affectives, de particularismes liés à son psychisme, par rapport à la Bhagavad Gita, anonyme, et donc plus « éthérée ».

Joël Thomas : Aspects du processus de création : l'union, le combat, la mort

Le lecteur d’épopées, ou de ces fables sublimes que sont les mythes, ne manquera pas d’être frappé par les sentiments contradictoires qui l’animent, lorsqu’il est confronté à ces univers imaginaires : mélange d’attraction (pour des personnages séduisants ou admirables) et de répulsion (pour des monstres, physiques ou moraux); sentiment de bien-être, de communion, de tendresse, ou au contraire impression d’un clivage considérable, d’une distance entre l’idéal et le monde vécu; crainte d’un Père archétypal, rigoureux et sévère, montrant des voies escarpées, presque inaccessibles, ou amour d’une Mère rayonnant le bonheur et rendant tout facile par sa simple présence. Cette approche très peu rationnelle, qui nous attire et nous dérange en même temps, nous la retrouvons dans l’univers des contes de fées, et nous verrons que la thématique mise en œuvre est, dans les trois cas, sensiblement comparable.