Traduction libre
2022-07-17
L’expérience directe où la question « Que suis-je ? » surgit dans notre esprit est déjà sa réponse, écrit Johannes Jörg ; une réponse qui ne peut être produite par la seule pensée. Pour comprendre notre propre esprit, nous devons aller au-delà du raisonnement conceptuel et explorer nos facultés mentales plus anciennes et plus primaires. En prenant simplement conscience de nos états intérieurs souvent ignorés, nous pouvons rétablir l’équilibre dans nos vies. En effet, les systèmes vivants s’auto-organisent : lorsqu’un dérèglement est pris en compte, il est déjà en cours de régulation.
L’expérience de l’esprit humain est d’une richesse exubérante. Elle comprend les pensées, la douleur, l’ennui, la faim, la dépression, les rêves, la luxure, toutes sortes d’émotions, le sens moral et des nuances infinies d’expériences toujours nouvelles. Un domaine de la mentalité, cependant, se distingue comme étant le prétendu pilier de l’esprit humain : la pensée. Sans aucun doute, la faculté de penser est symptomatique de la condition humaine et a un rôle crucial à jouer : C’est le miroir autoréfléchissant, re-représentant et récursif de la mentalité. C’est au niveau de la pensée que sont formulées les questions sur la nature de l’esprit. Et c’est également à ce niveau que la pensée peut être remise en question : Les questions autoréférentielles sur l’esprit peuvent-elles être traitées de manière satisfaisante par la pensée ? Le processus de la pensée peut-il se comprendre lui-même ?
Le développement progressif des systèmes formels a révélé que tout système de pensée — qu’il soit sémantique, logique ou mathématique — se heurte à des problèmes systématiques s’il est appliqué à lui-même. Le premier théorème d’incomplétude de Gödel prouve mathématiquement que les systèmes axiomatiques logiquement cohérents et complets sont impossibles. Un système mathématique non contradictoire ne peut pas prouver sa propre non-contradiction [1]. Il existe différents types de systèmes logiques contradictoires qui sont également valables. La logique ne peut pas se prouver elle-même sans circularité. À proprement parler, les axiomes de la logique sont arbitraires. La thèse de Duhem-Quine définit toute théorie comme un réseau de nombreuses propositions interdépendantes [2]. Une axiomatisation complète des théories complexes s’avère impossible. En conclusion, aucune compréhension théorique ne peut être construite sur une base rigoureusement solide.
En tant que telle, la pensée ne peut pas se comprendre elle-même. Apparemment, la compréhension ne peut pas avoir pour base elle-même. Les systèmes formels de compréhension appliqués à eux-mêmes finissent dans le trilemme de Münchhausen, soit un argument circulaire, un argument régressif ou un argument dogmatique [3]. Un fondement ultime pour les systèmes formels de compréhension s’avère impossible. Un système de pensée ne peut fonctionner qu’à l’intérieur du système et ne peut pas sortir de lui-même pour acquérir une perspective à propos de lui-même. C’est le système de pensée qui fournit la perspective de la spéculation en premier lieu. S’il se retourne sur lui-même, la pensée commence naturellement à tourner en rond.
Avec le recul, nous ne devrions pas être surpris que les références circulaires rencontrent tôt ou tard des limites épistémologiques. Comme toute autre compréhension scientifique, la matière en question doit être comprise en termes de quelque chose d’autre, pour éviter le raisonnement circulaire. Toutefois, ces constatations ne sont pas particulièrement tragiques. C’est simplement la pensée formelle qui est limitée épistémologiquement par rapport à la pensée formelle. Ce n’est pas nécessairement la pensée en général qui est limitée ; ce n’est pas l’esprit humain qui est limité ; en fin de compte, ce n’est même pas la pensée qui veut comprendre la pensée : C’est l’être humain qui veut comprendre ce qu’est l’être humain. Dans cette quête de la connaissance de soi, l’être humain ne fait qu’utiliser la faculté de penser. Alors, jusqu’où la pensée peut-elle aller par rapport à la compréhension de l’être humain, et par conséquent pour comprendre l’esprit humain ?
Mentalité et concepts de mentalité
Les questions sur l’esprit surgissent dans la pensée. Mais elles ne surgissent pas, et ne surgissaient pas, de nulle part. La pensée et ses capacités cognitives hautement abstraites sont construites sur des formes plus fondamentales de mentalité. C’est évident, tant du point de vue de l’évolution (phylogénétique) de l’espèce que du point de vue du développement (ontogénétique) de l’individu. Aucun enfant ne naît avec un intellect tout fait et des concepts préconçus. Il faut des expériences mentales primaires avant de pouvoir en extraire des concepts mentaux secondaires. La distinction entre l’expérience primaire et les concepts secondaires est d’une importance capitale.
Le système de pensée transforme l’expérience mentale primaire en souvenirs conceptuels secondaires de l’expérience. Ainsi, il introduit presque tous les contenus expérientiels dans un vaste système de concepts, où ils peuvent être reliés et réfléchis. La pensée tisse et réarrange alors sans cesse des réseaux de nœuds et de liens toujours plus grands, plus denses et plus enchevêtrés. Ce qui rend la machinerie des relations conceptuelles illimitée, c’est le fait que les complexes de concepts qu’elle produit peuvent eux-mêmes y être réintroduits, transformés en métaconcepts encore plus riches, qui peuvent à leur tour être à nouveau réintroduits, et ainsi de suite. En se rapportant à elle-même et en réintroduisant récursivement ses propres opérations dans le système, c’est finalement tout un cosmos secondaire d’une richesse et d’une complexité conceptuelles incroyables qui est créé. Et c’est dans cette autoréférentialité de la pensée que commence la complexité de la cognition humaine [4].
Lorsque l’esprit humain se regarde (self-reflects) en pensée, ce n’est pas l’expérience primaire qui se rapporte directement à elle-même, mais les concepts mentaux qui se rapportent aux concepts mentaux. Quels que soient les efforts déployés, tout ce qui est reflété dans la pensée a déjà été transformé en un concept secondaire. L’agent de la pensée autoréférentielle — le « je » pensant qui pilote les processus d’autoréflexion — n’est rien d’autre qu’une pensée elle-même. Le « je » pensant n’est qu’une abstraction, et non l’être humain vivant, dans sa totalité, qui comprend bien sûr infiniment plus que la pensée. L’être humain vivant ne peut jamais être un contenu de la pensée. C’est bien sûr l’inverse qui se produit : L’être humain actuel et sa mentalité comprennent un système cognitif capable de produire la pensée autoréférentielle du « je ». L’être humain n’est jamais une pensée ni un contenu de pensée. La carte ne sera jamais le territoire [5].
La pensée autoréférentielle
La faculté de penser dispose de pouvoirs incommensurables pour rendre compte du monde, avec une exception majeure lorsqu’il s’agit d’elle-même : Puisque la pensée fait elle-même partie de l’image qu’elle tente de compléter, elle ne peut jamais créer un compte rendu complet du monde. Son activité même crée un contenu supplémentaire qu’il faudrait à nouveau intégrer dans le tableau. Le problème ultime de la pensée est donc la pensée elle-même. Mais ce problème ne peut évidemment pas être résolu par la pensée. En se référant à elle-même, chaque pensée crée un nouveau problème et se boucle dans une régression infinie. Le problème le plus central de la pensée est même alimenté par la pensée, ou plutôt créé au départ par l’acte de penser.
Le moi autobiographique — le concept de « je » — qui pilote les processus de pensée introspective fonctionne dans un système de pensée fermé, à l’intérieur d’un réseau de concepts [6]. Il est limité au système de pensée et ne peut aller au-delà. La pensée ne peut que produire de la pensée [7]. Si les questions de connaissance de soi sont traitées par la pensée, il n’y a aucun espoir de réponse, parce qu’au sein de la pensée, elles sont d’abord des tautologies autoréférentielles. La pensée du « je » se demande ce qu’est la pensée du « je ». Le « je » pensant ne peut jamais se saisir lui-même, car toute saisie est ce qu’elle tente de saisir.
Ce n’est qu’en conjonction avec d’autres facultés mentales que l’être humain peut réaliser et attribuer une valeur aux aspects non conceptuels de la mentalité humaine. Seul le besoin pressant d’expériences non conceptuelles peut ouvrir une perspective sur la mentalité humaine qui voit au-delà des illusions de la pensée. Pour cesser de s’empêtrer dans son propre tissu, la pensée doit être ancrée dans le champ plus vaste de la mentalité humaine dont elle fait partie [8].
Penser, c’est à propos de la vie
Comme nous l’avons déjà dit, le système de pensée n’est pas apparu et n’apparaît pas du jour au lendemain. La pensée conceptuelle est la dernière réalisation de 4 milliards d’années d’auto-organisation évolutive des systèmes vivants. La pensée opère au sein du système vivant et au service de ce dernier. Elle fait partie intégrante du système plus vaste de la vie et ne peut être comprise indépendamment de celui-ci.
Comme tout autre système auto-organisé, la pensée doit être conceptualisée par les mécanismes d’auto-organisation qui ont créé le système en premier lieu. Du point de vue de l’évolution, la pensée est la fonction cognitive la plus récente et donc la moins fondatrice de l’être humain. Pour la pensée, la vie semble porter sur le raisonnement, la résolution de problèmes conceptuels, la vérité et ainsi de suite, puisque tout ce qui doit entrer dans la réflexion doit d’abord être transformé en une pensée conceptuelle. Cependant, du point de vue de l’être humain vivant dans son ensemble, les affaires internes du système de pensée présentent un intérêt limité. L’organisme ne s’en préoccupe que dans la mesure où la pensée contribue aux processus de régulation nécessaires à la vie de l’organisme.
Les forces motrices de la pensée sont les états vivants de l’organisme. Naturellement, cela ne peut pas être intuitionné facilement du point de vue de la pensée. Mais ce n’est pas non plus particulièrement difficile à déduire : S’il y a de la douleur, la pensée se met en branle pour éliminer la source de la douleur. Si l’organisme a faim, les processus cognitifs se mettent en marche pour apaiser la faim. En cas d’excitation sexuelle, la cognition élabore des stratégies comportementales pour obtenir la satisfaction sexuelle. Les forces motrices de l’activité cognitive sont les états vivants de l’organisme. Cela semble évident dans le cas de la faim, mais c’est aussi nécessairement vrai pour toute activité cognitive : S’il n’y avait pas un état vivant sous-jacent à l’activité cognitive, il n’y aurait pas de mécanisme d’auto-organisation permettant à l’activité cognitive d’émerger en premier lieu [9].
Les sensations internes, qui représentent les états vivants de l’organisme, constituent l’expérience primaire de la vitalité. Elles constituent la perspective à la première personne de l’organisme, le domaine fondamental de la mentalité humaine. Les sensations internes sont le fondement de l’esprit humain, du point de vue de l’expérience à la première personne [10].
Pressentir la voie à suivre
Du point de vue de l’être humain vivant dans son ensemble, les concepts cognitifs ne concernent pas seulement d’autres concepts, mais surtout les états expérientiels et de ressenti de l’organisme auquel ils sont liés. La pensée fonctionne au service de la vivacité du système vivant qui les fait naître. Par conséquent, les problèmes réels de la pensée ne peuvent être résolus par la pensée, car ils concernent tout autre chose. La pensée ne peut pas soulager la douleur, la faim ou l’excitation sexuelle par ses propres efforts. Elle ne peut y contribuer qu’en élaborant des stratégies de soulagement. C’est évident pour la faim, mais en principe, aucun des problèmes réels de la pensée ne peut être résolu par la seule pensée.
Tout cela peut sembler une impasse pour l’effort intellectuel. Mais la reconnaissance des propres limites de la pensée est la percée cruciale nécessaire pour surmonter l’impasse épistémologique de l’autoréférence. En effet, la compréhension des mécanismes qui donnent lieu à la quête de la connaissance de soi est la plus grande réalisation possible de la pensée conceptuelle. Celle-ci a en effet un rôle prépondérant à jouer, à condition qu’elle soit accompagnée d’autres facultés mentales. Ce n’est que lorsque la pensée cesse de s’arroger la position d’autorité mentale suprême qu’elle est capable de s’abandonner à la tâche qui lui est assignée. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle peut cesser de se servir elle-même et commencer à mettre ses pouvoirs supérieurs au service de ses objectifs les plus larges : la santé des organismes et des sociétés humaines, la promotion de la vie et l’épanouissement des écosystèmes.
Lorsque la pensée ne s’accompagne pas d’une prise de conscience explicite des états intérieurs, elle perd l’orientation de ses motifs réels et s’égare donc aveuglément dans des labyrinthes conceptuels. Tant que les processus de pensée ne sont pas informés par les sensations intérieures, ils fonctionnent par essais et erreurs. Le retour correctif qui en résulte est une souffrance qui finit par persuader l’esprit de changer de voie. Pourtant, dès que la pensée coïncide avec une prise de conscience des subtilités sous-jacentes du malaise et de la tension qui motivent la cognition, le système commence à fonctionner différemment. Il cesse d’être dirigé par des abstractions conceptuelles secondaires et se concentre plutôt sur l’expérience primaire, intérieure. C’est ainsi que la dynamique de la chasse à la queue — le cercle vicieux de la pensée autoréférentielle — est brisée. Ressentir nos états intérieurs a le potentiel d’asseoir et de régler la compulsion cognitive. L’expérience directe de l’origine de la question de la connaissance de soi n’est rien d’autre que sa réponse. Bien qu’une sensation ne puisse jamais être pensée, l’origine d’une pensée peut être ressentie [11].
La compréhension conceptuelle n’affecte pas de manière décisive les mécanismes moteurs de la cognition et, en tant que telle, ne peut apporter une grande satisfaction réelle à l’être humain vivant. Une compréhension théorique de la tension physique ne change rien à son caractère désagréable. Dans cette perspective, la quête de la connaissance de soi commence à devenir un tout nouveau type d’aventure épistémologique. Elle passe des réflexions théoriques à des pratiques d’exploration sensible et à un entraînement de la capacité à ressentir.
Vivre pleinement une sensation équivaut à comprendre cette sensation. Il n’est pas nécessaire de réfléchir à la douleur pour en comprendre le caractère douloureux. Par la prise de conscience d’un état intérieur vivant, la compréhension est déjà atteinte en tant qu’état d’être incarné, qui entraîne des mécanismes d’autorégulation sans plus de cérémonie. Le système vivant est essentiellement un système auto-organisé — un système essentiellement autocomprenant, pour ainsi dire. Lorsque la dysrégulation inconsciente est prise en compte, elle est déjà en cours de régulation. L’exploration consciente de soi construit de plus en plus une connaissance incarnée, qui réduit progressivement l’insatisfaction, le manque de connaissance de soi.
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Texte original: https://www.essentiafoundation.org/how-to-understand-your-mind-without-self-reference/reading/
Johannes Jörg a suivi une formation en écologie du paysage et travaille depuis de nombreuses années en tant que paysagiste. Il dirige une agence de conception spécialisée dans l’intégration de l’infrastructure humaine et de la fonctionnalité écologique, et a enseigné la conception écosystémique dans le domaine de l’urbanisme à l’université de Stuttgart, entre autres. Sa pratique méditative de longue date et ses profondes prises de conscience introspectives ont radicalement modifié la perception qu’il a de lui-même et l’ont obligé à revoir sa vision du monde. Ce processus l’a conduit à reformuler sa compréhension conceptuelle du monde et de l’être humain dans un cadre relationnel de la théorie des systèmes. La combinaison de la pensée systémique, de l’approche conceptuelle et de l’introspection constitue un point de vue unique et original sur les relations entre la science, la philosophie et l’introspection.
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1 Gödel, Kurt (1931) : Über formal unentscheidbare Sätze der Principia Mathematica und verwandter Systeme I, Monatshefte für Mathematik Physik 38, pp. 173-198. Traduction anglaise dans : van Heijenoort (1967), 596-616.
2 Quine, Willard Van Orman (1951) : Two dogmas of empiricism, The Philosophical Review, 60(1), 20–43.
3 Le terme de trilemme de Münchhausen a été inventé par Hans Albert (1968) : Traktat über kritische Vernunft. Mohr Siebeck, Tübingen 1968. Traduction anglaise : Albert, Hans (1985) : Treatise on Critical Reason, Princeton University Press, Princeton. Il s’agit d’une expérience de pensée, également connue sous le nom de trilemme d’Agrippan, visant à démontrer l’impossibilité théorique de prouver une quelconque vérité sans faire appel à des hypothèses acceptées. Une justification de toute connaissance doit commencer par une certaine connaissance (comme dans le cas du dogmatisme), ne pas commencer du tout (comme dans le cas de la régression infinie) ou être un argument circulaire qui se justifie uniquement lui-même.
4 La distinction entre « expérience primaire » et « abstraction conceptuelle secondaire » peut être comprise comme analogue à la distinction de Schopenhauer entre « volonté » et « représentation ». Schopenhauer, Arthur (1844) : Die Welt als Wille und Vorstellung, Band 1 & 2, Reclam, 677 p. Traduction française : Arthur Schopenhauer : Le monde comme volonté et comme représentation, PUF. Le terme « volonté » est désigné par Schopenhauer pour désigner une pulsion de vie aveugle et sans but, considérée comme un principe métaphysique primaire. Par opposition, les « représentations » secondaires ne sont que la manière dont le monde se présente à l’intellect et au raisonnement.
5 Korzybski, Alfred (1933) : Science and Sanity. An Introduction to Non-Aristotelian Systems and General Semantics. The International Non-Aristotelian Library Pub. Co. pp. 747–761. (tr fr. Une carte n’est pas le territoire : Prolégomènes aux systèmes non-aristotéliciens et à la sémantique générale. Éd de l’Éclat). Ce philosophe américain d’origine polonaise a inventé l’expression « La carte n’est pas le territoire », qu’il a utilisée pour exprimer le fait que les modèles conceptuels de la réalité et la réalité elle-même sont souvent confondus.
6 Dans la théorie des systèmes, un système dont les opérateurs ne sont pas déterminés par son environnement, mais plutôt par sa propre structure et organisation, est considéré comme « opérationnellement fermé ». Le traitement neuronal fonctionne au sein des processus neuronaux. Le système neuronal génère des opérations par le biais du réseau de ses propres opérations. Humberto R. Maturana & Francisco J. Varela (1980) : Autopoiesis and Cognition—The Realization of the Living, Springer Science & Business Media, 146 p.
7 Cette ligne de fond fait penser à Ludwig Wittgenstein (1921) : Logisch-Philosophische Abhandlung, Annalen der Naturphilosophie, 14. Traduction française : Tractatus Logico-Philosophicus. Wittgenstein conclut que le langage est une condition inéluctable de la pensée et ne peut aller au-delà de lui-même. Dans le préambule, il anticipe sa conclusion : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. »
8 D’innombrables types de psychothérapie travaillent explicitement sur l’induction d’expériences qui ne visent pas directement la compréhension conceptuelle. Par exemple, la psychothérapie corporelle, la musicothérapie, l’art-thérapie, la thérapie par le mouvement, le training autogène, la gestalt-thérapie, la thérapie psychédélique, la thérapie de l’état de l’ego, l’expérience somatique, et ainsi de suite.
9 En raison de sa fermeture opérationnelle, le traitement neural ne peut pas communiquer avec son environnement. Le traitement neuronal fonctionne à l’intérieur des processus neuronaux. Néanmoins, le traitement neuronal interagit de manière causale avec son environnement, qui sont les états vivants de la régulation homéostatique de l’organisme métabolisant. Dans la théorie des systèmes, cette relation intersystème est appelée « couplage structurel ». Humberto R. Maturana & Francisco J. Varela (1980) : Autopoiesis and Cognition—The Realization of the Living, Springer Science & Business Media, 146 p.
10 À l’heure actuelle, il n’existe même pas de consensus scientifique clair sur ce qu’est exactement la sensibilité interne (interoception), et encore moins sur la meilleure façon de la mesurer. Mais malgré cette lacune, l’importance de l’interoception ne fait aucun doute.
11 L’entraînement spécifique à la prise de conscience des sensations corporelles subtiles est encouragé par d’innombrables écoles d’introspection depuis des siècles, même si ces traditions à la première personne ne sont pas en mesure de justifier leurs méthodologies en termes d’explications scientifiques rigoureuses à la troisième personne.