Jean-Louis Siémons
Comment réaliser le Divin dans l'homme ?

On peut réaliser (ou croire réaliser) des chimères, s’envoler dans le rêve. Beaucoup de mystiques, obnubilés par les mêmes pensées, ont cru « réaliser Dieu », ou le rencontrer, ou vivre dans son Amour, sa Lumière, etc. L’imagination active, le « besoin de Dieu » (ou de l’amour personnel, mais licite, car transfiguré), l’attente, dans l’oubli du monde décevant, etc. tout a pu créer les conditions favorables à ce genre d’expérience mystique. Dans bien des cas, le mystique a des dispositions innées (karmiques), qui lui accordent des expériences (peu courantes pour le commun des mortels) de nature à lui faire découvrir des voies pleines de promesses : visions, voix qui appellent, ou ordonnent, rencontres qui changent la vie. La foi est stimulée : Dieu est là, quelque part, il faut répondre à cette révélation troublante ! Ici, s’ouvre la porte d’une démarche intérieure (parfois favorisée par le retrait loin du monde, dans le silence du « Désert », ou d’un monastère où l’on cherche refuge, etc.).


Qu’est-ce que — réaliser ?

Qu’est-ce que — le Divin ?

Réaliser

  • Faire exister, à titre de réalité concrète, ce qui n’était que potentiel (ou qui n’existait que dans l’imagination, la pensée)
  • Faire correspondre, une chose, un objet à une possibilité, un mot, une idée
  • Éventuellement, arriver à comprendre ce que peut être une réalité obscure

Voir aussi : Accomplir

Concrétiser

Traduire en formes concrètes, précises, chargées de sens clair

Rendre réel, effectif, achevé, ce qui n’était que signes, indications, idées Rendre actif ce qui était latent

Manifester de façon active, effective, perceptible ce qui était potentiel, idéal. Etc.

Le Divin

On préfère le terme « le Divin » (???????) à « Dieu » (????), qui charrie trop de sens discutables. (Dieu personnel, anthropomorphe, imaginé par les prêtres pour rendre « compréhensible » ce qui dépasse l’imagination des profanes, et les rendre dépendants de l’Église…)

Un Dieu « personnel », au moins, peut comprendre l’homme (qui s’identifie lui-même à sa personnalité), peut aimer, se fâcher, ou redevenir aimant si on le cajole. Il répond au besoin de sacré, d’ineffable, sans trop taxer l’imagination. L’homme peut se le représenter. « Le réaliser ». En se trompant sur l’essentiel.

La voie  » mystique  » est-elle à préconiser ?

On peut réaliser (ou croire réaliser) des chimères, s’envoler dans le rêve. Beaucoup de mystiques, obnubilés par les mêmes pensées, ont cru « réaliser Dieu », ou le rencontrer, ou vivre dans son Amour, sa Lumière, etc. L’imagination active, le « besoin de Dieu » (ou de l’amour personnel, mais licite, car transfiguré), l’attente, dans l’oubli du monde décevant, etc. tout a pu créer les conditions favorables à ce genre d’expérience mystique.

Dans bien des cas, le mystique a des dispositions innées (karmiques), qui lui accordent des expériences (peu courantes pour le commun des mortels) de nature à lui faire découvrir des voies pleines de promesses : visions, voix qui appellent, ou ordonnent, rencontres qui changent la vie. La foi est stimulée : Dieu est là, quelque part, il faut répondre à cette révélation troublante ! Ici, s’ouvre la porte d’une démarche intérieure (parfois favorisée par le retrait loin du monde, dans le silence du « Désert », ou d’un monastère où l’on cherche refuge, etc.).

Là, la prière ardente va faire le « miracle » : toute l’émotion, tout l’amour que l’être aurait pu faire rayonner de lui-même (pour une femme, un enfant chéri, ou un parent adoré…), toute cette sensibilité, est mobilisée pour « aller vers Dieu », lui parler, se confesser à lui, l’appeler, l’aimer, le remercier d’avoir envoyé son Fils Unique pour le Salut des pécheurs – tout ce qui mobilise 1’émotion et l’imagination, avec le soutien quasi-miraculeux de la Foi, qui mène le pèlerin sur sa voie intérieure. Rien d’étonnant à ce qu’il se passe quelque chose, qu’il y ait des « réponses » qui devaient fatalement arriver par le jeu des 3 pouvoirs de tout magicien : Imagination, Volonté, Foi-Amour, concentrés sur une seule idée, un seul objectif. Le mystique qui se sent en manque, dans un monde perçu comme un lieu d’exil, voit se combler ce manque, par un jeu de forces qu’il met en action lui-même, mais qu’il attribue à son Dieu d’amour, qui l’a pris en pitié…

Les vrais mystiques sont l’objet d’admiration (justifiée), ou de haine (lorsqu’ils disent, ou font, des choses non prévues par l’orthodoxie de la Loi). Beaucoup finissent rejetés, ou persécutés, voire martyrisés. A noter qu’ils ne sont pas toujours à l’abri du sectarisme, lorsqu’il s’agit de défendre, contre des « déviants », la foi ( = croyance) dont le mystique détient l’authenticité, par sa propre expérience… Les ennemis de la « foi » sont facilement pris comme des ennemis de Dieu. Hélas !

En fait, si les mystiques arrivent (parfois) à « réaliser Dieu », n’est-ce pas qu’ils ont karmiquement une nature portée au mysticisme, et que les conditions (karmiques) de leur existence leur offrent les moyens (parfois très discutables) d’approfondir cette disposition innée, au point de faire ces expériences transcendantes ? Dans le meilleur des cas, la lumière divine – le « Dieu »- qu’ils voient – ce n’est pas (comme l’a dit H.P.B., dans Isis) Dieu lui-même, mais la « lumière de leur propre Esprit, réfléchie dans le miroir concave de leur âme ». Plus pur, et réflecteur, est le miroir, plus brillante est la lumière perçue. S’il est vrai que la « lumière de l’Esprit » est présente dans tous les êtres, même le plus ignorant, et qu’il y a un tel « miroir concave » de l’âme, en chacun, nous sommes tous « équipés » pour « réaliser Dieu ». C’est une bonne nouvelle !

Mais devons-nous passer par la voie d’une religion dogmatique pour y parvenir ? Avec l’optique de la Théosophie blavatskienne, on voit bien qu’il y a plein d’illusions, ou de fausses croyances, dans la « foi » de bien des mystiques ; mais ces croyances ont la vertu de mobiliser la sensibilité de ces êtres exceptionnels et, de cette façon, de mobiliser les pouvoirs magiques, créateurs de « miracles » : Imagination, Volonté, Foi-Amour, à condition d’être mis à contribution constamment, dans une existence toute consacrée à une même démarche. Et cela, dans une quête intérieure poursuivie à l’écart du monde des tentations sensorielles.

En somme, on trouve ici réunis les ingrédients essentiels de ce que l’on appelle, en Orient, le yoga – la discipline qui vise à réaliser l’Union (yoga) de la conscience intelligente de l’être humain avec sa racine divine – quel que soit le nom que lui donnent les chefs d’École. Ainsi donc, pour « réaliser le Divin dans l’homme », point n’est besoin de suivre la voie particulière d’un dévot d’une religion dogmatique : il conviendra de réunir, dans la démarche adoptée, les « ingrédients essentiels » du yoga, dans l’optique la plus large et universelle – celle que nous propose la « Theosophia perennis » (la Théosophie de tous les temps), dont on retrouve la trace dans les livres de « yoga » assez clairs, comme la Bhagavad – Gîtâ, ou La Voix du Silence, voire les paroles de Jésus dans l’Évangile.

Réflexion : organiser la démarche

Pour « réaliser le Divin » dans l’homme (= rendre « concrète » sa présence réelle dans l’homme) il faut commencer par « réaliser » le Divin (= comprendre « clairement « ce que peut être ce Divin dans l’homme) ce qui définit l’objectif impliqué dans la formule = le « quoi » réaliser ? Mais se pose en même temps la question = le « pourquoi » de l’entreprise ? (= le motif directeur). Une fois trouvées des réponses à ces 2 questions, on repasse à celle du début : « comment » mener la démarche (par quelles « techniques » ?) et, en pratique : « avec quels moyens« , dont on pourrait disposer ?

1ère question : Réaliser mentalement ce que peut être (actuellement) le Divin dans l’homme, et l’évolution possible de cette situation.

Alors que les religions monothéistes tendent à situer leur Dieu, loin dans le Ciel, donc à « l’extérieur », comme un Créateur Tout-Puissant, qui juge, récompense ou punit ses créatures, l’approche ésotérique des religions, et des grandes philosophies du passé, a une conception toute différente (voir les 3 Propositions de la D.S.). On n’y parle pas d’un Dieu anthropomorphe, qui crée le monde une seule fois pour le temps d’une expérience (ou d’une épreuve imposée aux hommes, pour tester leur foi, et leur fidélité au « Seigneur »), mais d’un Principe Divin, éternel, omniprésent, conçu comme un Absolu ineffable, dont émanent périodiquement des Univers soumis à la Loi des Cycles, (transmigration des formes, réincarnation…) sous le contrôle permanent de la Loi de Causalité, ou Karma.

Au lieu d’un Univers (géocentré) créé une fois pour toutes, en attendant le jugement dernier, le cosmos soumis aux pulsations de la vie est le cadre d’une évolution permanente, avec perfectionnement progressif des formes, et « montée progressive » de la conscience, jusqu’au règne humain – et bien au-delà. Tout est fondé sur le Divin, est pénétré par le Divin, et tend à manifester, dans des formes vivantes, les pouvoirs infinis du Divin, et les « perfections divines » (Gîta, Ch. X), (les archétypes inépuisables « contenus » dans ce Divin).

Ce Cosmos est maintenu en harmonie dynamique par les contributions incessantes, et innombrables, de toutes les entités vivantes qui y évoluent : c’est la loi d’interdépendance et de solidarité, à laquelle nul n’échappe. Comme dans une famille unie, chacun participe à cette harmonie dynamique, mais les Aînés, qui sont les plus avancés, éveillés à la force de cette loi, contribuent naturellement à la marche harmonieuse de l’ensemble, prennent en charge, en somme, la gestion des domaines de l’Univers avec lesquels ils sont le plus en rapport : Anges, Archanges, Principautés, etc…, ne sont pas des être quasi divins, qui ont eu la chance d’être créés tels par un Dieu anthropomorphe, (alors que toutes les autres créatures sont imparfaites, et certainement non divines) : ces Anges, etc., ont été des hommes comme nous, et on atteint leur stature divine au fil de leur évolution. C’est, en fait, ce qui nous attend, dans un très lointain futur, qu’il nous appartiendrait de rendre plus « proche », en prenant notre évolution en mains, de la façon la plus efficace possible. D’où l’urgence qui apparaît ici de tenter de « réaliser le Divin », ce qui n’est encore que promesse à la racine de notre être.

La situation de l’homme, sur notre Terre par exemple, est particulière, unique même. Un animal en apparence, avec son corps physique, il se distingue radicalement des animaux (et des règnes inférieurs, en général), par sa conscience, son intelligence, sa capacité de création, etc. qui, on le sait maintenant (avec les N.D.E), ne sont pas des produits du cerveau physique. L’homme est, en fait, la créature de l’évolution qui manifeste des pouvoirs qui ne sont encore que latents dans les autres règnes, mais sont pleinement épanouis dans les règnes supérieurs, et qui relèvent du Divin de bien plus près.

Pour l’homme, l’éveil de ces pouvoirs n’a pas été spontané. D’après Mme Blavatsky, il a été accéléré par l’intervention de Frères Aînés de la Famille qui ont joué le rôle d' »Éveilleurs » – un peu comme le font les parents humains avec leurs jeunes enfants, qui resteraient des « retardés » sans les soins prodigués par ces parents, pour stimuler leur conscience humaine, leur réflexion, leur sensibilité humaine. (En Grèce, ces Éveilleurs individuels des hommes ont été évoqués sous le nom collectif de Prométhée). Ainsi accompagné dans son enfance, l’homme, « héritier de la Famille », est promis à accéder à son tour au statut d’Éveilleur – de Frère Aîné.

Toutes les doctrines ésotériques (religieuses ou philosophiques) s’accordent pour dire que le Divin est présent dans le cœur de chaque homme, et qu’il tient à lui de le découvrir, de l’épanouir – de l’incarner en lui-même. En somme de « réaliser le Divin dans l’homme ». Jésus a rappelé : « j’ai dit : vous êtes des dieux ». Ici, les chances de réussite ne sont pas nulles, même si cette « réalisation » exige une métamorphose radicale de l’individu, qui pourra prendre un temps très long (de nombreuses existences successives sur terre).Tout est en place pour aider cette métamorphose – au moins « théoriquement ».

Au sommet de l’échelle, il y a la collectivité unie des plus hautes hiérarchies spirituelles (le Logos de Platon, ou de Saint-Jean) qui « gèrent » la Loi Divine de toute l’évolution du système solaire, et dont l’influence pénètre jusqu’au plus petit atome. Au « cœur » de l’homme, cette influence est éminemment présente, également par le canal, ou le foyer, de l' »Éveilleur » qui accompagne toujours l’être humain au fil de ses incarnations. Cet Éveilleur joue maintenant le rôle d’Allié, de Compagnon pour ne pas dire d’Ami, ou de Père, pour l’homme vivant sur la Terre. Ce n’est pas « Dieu », ni la totalité du Divin, mais, en quelque sorte, le « substitut », ou le « représentant » du Logos, dans la sphère particulière de cet homme – le chaînon qui assure la liaison efficace avec le Logos solaire. De même, au sein de la famille, les parents Éveilleurs pour le jeune enfant ne représentent pas l' »Homme idéal » que cet enfant devrait tendre à incarner ici bas, mais ils devraient servir de guides, ou de relais indispensables pour tourner leur protégé vers cet idéal. A tout le moins : d’exemples vivants, capables d’inspirer le jeune candidat à la Vie, sans toutefois faire à sa place les efforts qui lui reviennent en propre, pour parcourir lui-même les étapes de sa métamorphose.

Nous en sommes là dans notre pèlerinage terrestre, qui nous paraît ici considérablement différent de ce que nous proposaient les religions exotériques (une seule vie dans cette vallée de larmes, pour les créatures impuissantes, marquées par le Péché Originel, sans espoir de Salut que l’intervention de l' »Agneau de Dieu », s’offrant lui-même en sacrifice pour nous réhabiliter aux yeux du Seigneur…). Dans l’optique radicalement nouvelle (ou renouvelée) de la Religion- Sagesse exotérique, on peut aborder la seconde question :

2° question : Pourquoi faudrait-il « réaliser le Divin dans l’homme » ?

En somme, il n’y a pas d’autre perspective, tels que les jeux sont faits. Nous sommes, nous les hommes (comme tous les autres êtres), programmés pour évoluer, mais comme l’indique la Gîtâ (Chap. XVI), nous sommes « nés avec le destin divin » : tôt ou tard, il faudra le réaliser, non dans quelque Ciel, mais ici bas. Nous pouvons, bien sûr, refuser cette donnée de notre existence, rester sourds à l’appel que nous font les religions-philosophies ésotériques, nous accrocher aux semblants de promesses de bonheur, trouvées dans les jouissances terrestres, mais une telle décision ne serait pas sans conséquences fâcheuses.

La « Nature » nous prête plein de talents et de possibilités (karmiques), pour que nous les exploitions, et puissions participer à la rotation de la « Roue de la Vie » (Gîtâ, Chap.III). Faute de quoi, nous vivrons « comme des voleurs » (Gîtâ, encore) ; et les conséquences karmiques seront pour nous un emprisonnement encore plus étroit dans les limites d’un moi personnel, égoïste. Jusqu’à ce que nous apprenions les leçons imposées par la « Volonté Générale de la Nature » : l’incontournable nécessité de l’offrande de ce que nous avons au maintien de l’harmonie collective et au progrès de l’ensemble.

Ne vaudrait-il pas mieux accepter cette Loi de la Nature, et nous engager à la servir, avec l’aide de ce qui, en nous, serait le meilleur auxiliaire de cette Loi – le « Divin« , qui est dans le cœur, et serait prêt à intervenir positivement, à condition de « réaliser sa Présence », et e faire appel à lui ? En le « convainquant » de nous soutenir, par notre attitude résolue et courageuse. Fort bien. Mais quelle garantie aurait-on qu’une telle réalisation soit possible? Précisément, tous ces Maîtres spirituels qui nous ont légué, au cours de l’histoire, les trésors de la Theosophia perennis, et nous ont transmis la « Bonne Nouvelle » de la Présence du Divin en nous-mêmes, ont réussi l’entreprise qui se présente à nous comme nécessaire, et en ont parlé par expérience : ce n’est pas une démarche théorique, mais un chemin à parcourir, dont les étapes sont déjà inscrites en nous, et connues de ces Maîtres.

Et ces Maîtres, toujours vivants, qui sont aussi de réels Éveilleurs, sont, pour ainsi dire, toujours préoccupés, anxieux, de nous stimuler pour prendre le départ, et de nous accompagner, à condition que nous acceptions de faire nous-mêmes les efforts nécessaires. Jusqu’au jour de l’étape finale – celle de la grande Initiation – où ils nous feront franchir le pas de l’ultime métamorphose, assurant la communion définitive avec le Logos solaire, la « Réalisation finale du Divin dans l’homme ».

N.B. Avant de passer à la suite, une remarque importante s’impose. En songeant à la motivation qui nous pousserait à chercher à « réaliser le Divin », on ne saurait se mettre en route en se disant : « allons-y ! On sera toujours mieux dans la peau d’un Dieu que dans celle d’un terrestre anthrôpos… » Comme on va le voir, dès le départ, il faut abandonner tout espoir d’un bénéfice pour soi, pour son petit ego personnel, vu qu’il ne saurait jamais incarner le Divin en lui : il n’y a pas de place pour les deux, dans l’espace de notre être intime.

3ème Question: Comment faire pour réaliser le Divin dans l’homme ?

Le moderne songe tout de suite, en homme pratique, à des techniques efficaces, à mettre en œuvre pour parvenir à son but. Mais le bon sens commande d’abord d’examiner dans quel esprit opérer, compte tenu du but à atteindre. Les techniques seront prises en considération ensuite, sans risque d’erreur, si elles sont utilisées dans l’esprit qui convient.

D’abord, et quoi qu’on face, la nécessité s’impose de s’astreindre à « changer d’optique » par rapport à tous les détails du quotidien, à la lumière de la Theosophia perennis : tout, absolument tout, devrait être « décodé » avec les clefs de la Sagesse ésotérique – ce que nous sommes, ce qui nous arrive, ce qui nous pousse à l’action, nos réactions face à la vie et aux comportements des autres, notre sens du devoir, de la Vérité, de la justice, notre attitude face à la mort – tout cela, étant à considérer comme devrait le faire une âme humaine en évolution, attentive à ce que la Vie attend d’elle, et consciente de la présence d’un Divin en processus d »‘éveil » dans son cœur profond. Ce qui, au départ, n’est que théorique devrait devenir vraisemblable, puis, progressivement, évident, incontournable. On conçoit qu’une étude, et une réflexion attentive sur tous les points de la doctrine soient seules capables de réaliser ce changement d’optique en nous-mêmes, de façon à ce que nous devenions à même de réagir « automatiquement » comme devrait le faire un Théosophe, dans toutes les circonstances de l’existence.

Et maintenant ? Comme il s’agit d’une grande métamorphose à opérer, dans notre être personnel, la première chose raisonnable à faire serait…

L’état des lieux

Pour le moment, le moins qu’on puisse dire c’est que le Divin n’a pas sa place dans le personnage que nous sommes : l’espace est encombré par les préoccupations de ce que st Paul a appelé « Le Vieil Homme ». A l’intérieur, il y a plein de voix discordantes, d’appels, de récriminations, d’espérances et de projets, qui se disputent la place. Comment le Divin parlerait-il dans ce brouhaha ? Une fois ce constat opéré, vient la conviction qu’il faudrait mettre de l’ordre dans cet espace intérieur (dont les gens du dehors ignorent presque tout).

Ainsi donc :

  • Reconnaître la tyrannie du « Vieil Homme »
  • Se mettre en devoir de le priver le plus possible de la vitalité qu’il nous pompe, et décider d’imposer notre volonté, en accord avec notre idéal spirituel : cette conclusion s’impose.

Comme on peut s’en douter, les choses ne vont pas se faire toutes seules : la guerre sera inévitable avec le Vieil Homme, pour lui retirer sa domination tyrannique : la Gîtâ a évoqué ce conflit dés son 1er chapitre. Ici, la logique de notre démarche impose d’inviter le Divin chez nous : accueillir celui que st Paul a appelé « l’Homme Nouveau », qui va prendre la place, en étant toujours attentif au Divin – si seulement nous lui donnons toutes ses chances. Il s’agit en somme de reconstruire une personnalité nouvelle, comme un poste avancé du Divin sur terre. Déconstruire pour reconstruire : tel est le projet qui s’impose.

Mais comment ?

  • Reconnaître que tout va se passer à l’intérieur : inviter le Divin c’est l’amener, par notre attitude, notre volonté et tous nos pouvoirs d’imagination et d’amour, à s’exprimer de l’intérieur vers l’extérieur, de façons multiples : non pas par des actions et déclarations verbales sublimes, héroïques, mais par des choix, des engagements, des conduites et des mots différents, à tous les instants de la vie.
  • Rien ne peut changer vraiment à moins d’un pacte intérieur avec le Divin : il ne suffit pas de reconnaître intellectuellement que nous devons tout au Divin, que nous dépendons de lui pour toute notre destinée sur la terre, il nous faut aller positivement à sa rencontre, c’est-à-dire tenter de l’approcher là où il réside le plus près de nous, en nous – dans l’espace secret du cœur.

D’où la nécessité, pratiquement incontournable, de consacrer du temps de notre vie de veille à nous tourner vers ce Divin intérieur, dans le silence. La plupart des religions et philosophies spirituelles parlent ici de la prière ou de la méditation, à pratiquer aux instants propices de la journée, de préférence à des heures fixes.

Pour nous cependant, il ne s’agira pas de prières pour appeler à l’aide, ou chanter des louanges, ni de méditations pour s’envoler vers l’Absolu insondable. Songeons plutôt à une prière-méditation sans mots, comme un essor authentique, plein de foi, vers ce qui peut être conçu comme le Divin Universel (impersonnel, bien sûr) dont le rayonnement est présent ici même, dans notre cœur, comme un Ami, un Père auquel nous sommes liés pour l’éternité. Il s’agira ainsi de s’efforcer de sentir cette Présence amie, qui nous relie sans cesse au Tout Universel, et de s’en approcher avec déférence, en paix, avec la confiance de l’enfant dans la chaleur du foyer qui l’abrite. Avec la conviction que c’est là la démarche à faire, à cet instant.

Et là, sans mots, sans transports lyriques, sans vague à l’âme,

  • Sentir la proximité de l’Ami, du Compagnon qui fait couple avec notre âme profonde
  • Affirmer l’alliance qui nous unit à lui
  • Affirmer, comme dans le « Notre Père », de Jésus (dans Matthieu) (Avec la conviction que nous pouvons avoir, en cette présence) :

« Que ta volonté soit faite !»

Avec la décision, sans mots, que les choses seront ainsi

Que le jour qui vient sera l’occasion d’expérimenter cette Alliance.

Quelle que soit la journée, avec les événements qui devront l’émailler

La conviction devrait demeurer :

C’est le Divin qui prend la place en moi

Qui me conduit, dans ce qui se présente (Karma) ;

Pour faire sa Volonté, le critère c’est ce qui est le plus juste,

Le plus nécessaire, le plus vrai, à la lumière de ma conscience.

Dès lors, les choses changent :

« Je ne suis plus seul »… « et les autres non plus » : ils ont aussi leur Présence divine intérieure, leur Ami, leur Compagnon-Éveilleur.

Ainsi, nous formons une fraternité de « Fils du Divin », liés par la même destinée, avec cette conclusion :  » Je ne suis plus seul, je marche sur le même Sentier que mes frères ».

Le Divin en moi me commande de reconnaître aussi le Divin en eux.

Au moins : d’essayer de leur communiquer ma conviction (sans mots, par mon attitude, ou avec la persuasion de la parole) avec cette foi ancrée en moi.

Ainsi, par cette pratique, la journée sera pleine de la Présence du Divin, vivante en
moi. Ce qu’avait recommandé Krishna dans la Gîtâ (Chap. VIII, 7) :

« A tous moments garde-Moi présent en ta conscience – et combats ! »

Et le soir, avant le sommeil, l’examen de conscience peut venir, pour faire le bilan de la journée : c’est alors l’occasion de juger des actions, pensées, comportement et attitudes qu’on a pu avoir, non pour se culpabiliser ou se glorifier, mais pour apprécier de façon sereine ce qui était conforme à la décision qui avait été prise dans le secret du cœur et de trouver les remèdes aux écarts constatés – avec l’envie de les appliquer, effectivement, dès que l’occasion se présentera.

Et quand vient l’heure du sommeil, pour la nuit qui va donner au Divin intérieur la liberté de se retirer de sa prison du jour, loin du brouhaha quotidien, ne faudrait-il pas accueillir la paix en soi, affirmer sa conviction des liens qui unissent l’âme au Divin et s’endormir avec confiance, en songeant à l’alliance permanente qui nous associe à Lui, avec la Sagesse et l’Amour qu’il nous infuse, même à notre insu, tout au long de notre pèlerinage.

Et s’il faut une formule magique pour s’endormir, une formule qui soit en harmonie avec le Divin dans le cœur, on peut songer aux ressources du sanskrit ou du tibétain, pour l’un ou l’autre des mantrans sacrés proposés aux fidèles en Orient. Mais pour nous, au point où nous en sommes, ne suffirait-il pas de dire, dans le silence de la conscience :

« Paix à tous les êtres

Amour à tous les êtres

Lumière à tous les êtres…»

Amour et Sagesse ne sont-ils pas les clefs qui ouvrent la voie vers le Divin ?