Joan Tollifson
Compulsion à conclure

Traduction libre Octobre 2022 Bonjour les amis du monde entier, Récemment, j’ai entendu ou lu quelque part l’expression « compulsion à conclure ». Je ne me souviens pas de la façon dont elle a été utilisée par celui qui l’a prononcée, mais elle semble décrire parfaitement notre difficulté humaine à tolérer l’irrésolvabilité et l’incertitude, ainsi que notre […]

Traduction libre

Octobre 2022

Bonjour les amis du monde entier,

Récemment, j’ai entendu ou lu quelque part l’expression « compulsion à conclure ». Je ne me souviens pas de la façon dont elle a été utilisée par celui qui l’a prononcée, mais elle semble décrire parfaitement notre difficulté humaine à tolérer l’irrésolvabilité et l’incertitude, ainsi que notre désir compulsif de cerner les choses, de les saisir, de s‘assurer une emprise, de trouver la bonne réponse, de tout comprendre et de connaître la Vérité Finale avec une certitude indubitable. Cette compulsion présente des avantages de survie évidents pour des enjeux pratiques, mais lorsqu’elle se traduit dans d’autres domaines, elle devient facilement un problème.

Cette compulsion d’arriver à la Vérité Finale est, bien sûr, contrecarrée encore et encore par la vie elle-même, qui ne semble tout simplement pas rester en place dans aucune des petites boîtes bien rangées dans lesquelles nous essayons de la mettre. Et alors, tant que nous essayons de trouver ce genre de certitude, il est pratiquement garanti que l’incertitude et le doute nous talonneront toujours.

Cette morsure produit en nous une sorte d’anxiété, un malaise, qui nous rend facilement attirés par les personnes et les systèmes qui offrent des réponses apparemment complètes expliquant le fonctionnement de l’univers et qui nous promettent le genre de sécurité et de certitude auxquelles nous aspirons. Mais pour beaucoup d’entre nous, ces réponses ne nous satisfont jamais vraiment. Et paradoxalement, lorsque nous cessons de rechercher la certitude et que nous nous concentrons plutôt sur l’immédiateté de l’expérience présente, sans essayer de la saisir ou de la comprendre, cette anxiété disparaît. En fait, nous n’avons pas besoin d’une Vérité Finale.

La science gère la curiosité humaine et son désir de réponses de manière excellente, alors que la religion et la spiritualité fondées sur des croyances ont tendance à les traiter de la pire manière possible. La méthode scientifique est basée sur l’expérimentation, en essayant de réfuter plutôt que de prouver une hypothèse — et si elle résiste à cet examen minutieux, elle devient une théorie de travail, comme la théorie de l’évolution, mais même dans ce cas, les théories sont toujours susceptibles de se révéler fausses. (Bien sûr, la science — comme toutes les entreprises humaines — peut être corrompue par de telles choses comme la cupidité, l’ambition et la politique, mais ces erreurs finissent par être découvertes et corrigées par la nature même de la méthode scientifique — et rappelons-nous qu’il ne faut pas confondre science et technologie).

La religion, en revanche, lorsqu’elle est fondée sur la croyance, considère ses idées comme des Vérités qui ne peuvent être remises en question. Dans de nombreux cas, ces vérités sont censées avoir été révélées par Dieu. Elles sont considérées comme infaillibles et d’origine divine. Cela conduit facilement au dogmatisme, au fondamentalisme, au fanatisme, à la pensée magique, à la crédulité, à l’exploitation, aux guerres saintes, aux croisades, à brûler des sorcières et, en général, à beaucoup de souffrance.

Mais à son meilleur, la religion n’est pas une question de croyance. Il s’agit d’une expérience directe et d’une dévotion à la vivacité du moment, ici et maintenant. Elle implique une exploration directe de cette actualité vivante. Mon amie et enseignante Toni Packer a toujours insisté sur le fait qu’elle n’était pas une autorité, que tout ce qu’elle disait pouvait être remis en question ou approfondi, que nous devions le tester par nous-mêmes. Elle était toujours prête à examiner une question sous un angle nouveau, à repartir de zéro. Elle était prête à voir quelque chose de nouveau, à changer d’avis. Elle était comme une scientifique dans son approche, mais elle était aussi religieuse dans le sens où son exploration n’était pas du type objectif (dualiste, sujet/objet) dans lequel la science s’engage, mais plutôt une exploration subjective non duelle (contemplative, méditative) de notre expérience immédiate.

Cette réalité vivante ne peut jamais être fixée ou saisie. Elle est en mouvement et changeante — jamais de la même façon, même pendant un instant. Et pourtant, dans un autre sens, elle est immuablement toujours là, maintenant, dans cette immédiateté toujours présente que nous ne pouvons jamais quitter. Cet instant sans fond est infini et éternel, sans commencement ni fin, sans bords ni limites. Il n’a ni intérieur ni extérieur. Il est entier et indivisible. Il existe une diversité et une variation infinies, et pourtant tout se présente comme un tout homogène. Il existe des polarités apparentes, mais elles n’apparaissent que relativement l’une à l’autre, et elles ne peuvent jamais être séparées.

La réalité est simple. Elle est juste là. L’expérience, telle qu’elle se présente. La brise du matin, CETTE tasse de thé, le chien bien-aimé qui trotte vers moi, les feuilles vertes, les fleurs qui s’épanouissent, les galaxies qui meurent et naissent à des millions d’années-lumière — tout cet étonnant spectacle magique. Et pourtant, nous ne pouvons jamais vraiment la cerner, la saisir ou l’expliquer de manière définitive. Nous la sommes. Cet indivisible présent est à la fois évident et inconcevable. Il ne se résout jamais en une forme finale, il ne s’écarte jamais de cette immédiateté présente, et nous n’en sommes jamais séparés.

Est-il donc possible d’accepter de ne pas avoir de Vérité Finale ? Pouvons-nous vivre avec l’ouverture de ne pas savoir, de ne pas avoir de fondement ? Pouvons-nous être à l’aise avec l’absence de conclusion, avec la fluidité et la multiplicité des dimensions dans lesquelles la vie se présente à chaque instant ? En fait, nous n’avons pas le choix. Mais en ne résistant pas à cette situation, la vie peut s’avérer agréable et miraculeuse, même lorsqu’elle ne l’est apparemment pas.

Joyeux automne à tous (ou printemps si vous êtes de l’autre côté de la boule bleue)…

Amour,
Joan