Solange De Mailly-Nesle
Concordances de l'astrologie et des théories de Stéphane Lupasco

A partir de ces exemples concrets, mais il y en a beaucoup d’autres, nous avons essayé d’aller plus loin, afin de voir quels ponts on pouvait jeter entre la logique de Lupasco et celle de l’Astrologie. Tout d’abord, prenons les signes : on remarque tout de suite que les éléments et les qualités qui les composent, s’ils sont pris deux à deux, tels qu’ils s’opposent dans le Zodiaque, sont à la fois antagonistes et semblables.

(Revue 3e Millénaire. No 6 ancienne série. Janvier-Février 1983)

En adaptant à l’astrologie la théorie de la logique antagoniste de Stéphane Lupasco, Solange de Mailly-Nesle (auteur, entre autres, du beau livre paru aux éditions Nathan : « L’Astrologie ») propose une autre méthode de lecture d’un thème astral. Partagée entre la technique et l’intuitif, l’interprétation astrologique se renforce ici de la rigueur scientifique de Lupasco.

Si le thème astrologique repose sur des bases astronomiques : photographie du ciel en fonction de la date, du lieu et de l’heure de naissance qui nous donne la position exacte des planètes vues de la terre, son interprétation relève en grande partie de l’intuition.

Mais la réunion de ces deux procédés n’est pas admise par le code de la logique ; Art et Science ne peuvent être conjugués pour rendre compte de la réalité, aussi l’opinion sur l’Astrologie divise les esprits. Certains la tiennent pour une métascience, d’autres pour une ineptie, ni plus ni moins. Il semble qu’au-delà de l’Astrologie, ce qui sépare ses partisans de ses adversaires, c’est le sens donné à la notion de réalité. La réalité, est-ce ce que je peux voir ou est-ce ce que j’imagine, est-ce ce que je peux compter ou est-ce ce que je pressens ? La réalité relève-t-elle du signe ou du symbole ?

Pour ceux qui n’attachent de valeur qu’au signe, et dont la logique doit reposer sur un sens définitif et ultime des choses et des êtres, il ne peut y avoir de « réalité astrologique ». Mais, ceux qui considèrent le signe comme un réel voilé derrière lequel se profilent de multiples phénomènes répondant à une logique de l’analogie, ceux-là accordent à l’Astrologie un droit d’existence, même si cette existence est bien sûr « subjective », car elle n’a pas encore été prouvée définitivement par la science objective. D’ailleurs, la question se pose de savoir s’il est véritablement possible d’envisager sa réalité avec les mêmes méthodes que celles employées dans le domaine scientifique, méthodes qui ne correspondent de toute évidence pas aux mêmes critères.

Le signe est fondé sur une convention qui relie deux termes — le signifiant et le signifié — spécifiquement ; il est univoque et constant, imposé par les parties qui communiquent entre elles. Tandis que « le symbole évoque et focalise, assemble et concentre de façon analogiquement polyvalente une multiplicité de sens qui ne se réduisent pas à une seule signification ni à quelques-unes seulement » (La Science des Symboles, René Alleau, Payot, p. 13).

Du signe au symbole, on trouve une distance analogue à celle qui va du signe musical à la note de musique : le premier est une graphie, la deuxième prend toutes les couleurs de l’instrument qui la joue (L’Astrologie, S. de Mailly Nesle, Fernand Nathan, p. 126). Tandis que le signe n’induit aucun résidu conceptuel ou intuitif particulier, le symbole implique un surcroît de conscience ou un supplément d’âme. Il désigne « une entité inconnue, difficile à saisir et en dernière analyse jamais entièrement définissable » (L’Homme à la découverte de son âme, C.G. Jung, Payot, p. 265).

Rappeler ces brèves définitions n’est probablement pas inutile : la confusion entre symbole et signe est fréquente. Ainsi en est-il, par exemple, des caractères que l’on utilise en mathématiques : leur donner le sens de symbole est abusif. Les notations mathématiques font partie d’un système de références strictement désignatives, elles permettent de structurer la pensée en des opérations bien réglées et, dans le contexte où elles sont usitées, elles n’ont rien de transcendant…

L’emploi de signe ou de symbole pour des notions fort différentes révèle la confusion qui règne dans les esprits et le désaccord qui s’ensuit. Si l’on pouvait s’entendre sur les mots, bien des querelles seraient évitées. Pourquoi ceux qui s’attachent à la valeur du signe affronteraient-ils ceux qui s’attachent à la valeur du symbole si le vocabulaire était bien défini au départ ? Ainsi n’y aurait-il pas sentiment d’usurpation de part et d’autre, un vrai débat pourrait enfin s’instaurer.

C’est la base de notre propos : dans quelle mesure le langage des signes, propre à la science, peut-il correspondre avec le langage des symboles, propre à la Tradition ? et à l’Astrologie en particulier ? En présence de deux logiques : celle de l’identité et celle de l’analogie, il ne s’agit pas de les réduire l’une et l’autre, mais d’assumer leur contradiction, afin d’envisager le fait qu’elles puissent être les deux pôles d’une même réalité. Nous serions alors en mesure de trouver un troisième terme ou une troisième logique qui prendrait en compte les deux premières, sans donner définitivement la priorité à l’une ou à l’autre.

Le chemin de cette troisième logique nous a été indiqué par Stéphane Lupasco. En le rencontrant et en l’écoutant parler, j’ai été fort intriguée de découvrir une conceptualisation apparemment imparable sur le plan scientifique qui puisse s’appliquer au domaine de l’Astrologie.

Ce que disait Stéphane Lupasco exprimait logiquement ce que j’appliquais intuitivement, en Astrologie.

L’intuition guide l’interprétation

La première évidence apparue au niveau de l’interprétation du thème astrologique, c’est elle qui fut le fil conducteur des rapports que j’essayai ensuite d’établir sur le plan théorique.

Si l’interprétation astrologique relève de l’intuition, celle-ci repose néanmoins sur des bases qui donnent la direction au processus astrologique. Ces bases sont les éléments – Feu – Terre – Air – Eau – que la tradition a attribué aux « signes » (il s’agit de symboles bien entendu) et aux Planètes [Nous garderons le terme de signe, parce que c’est celui utilisé habituellement].

Les douze « signes » — Bélier, Taureau, Gémeaux… — qui traduisent la position relative de la Terre par rapport au Soleil tout au long de l’année ont été associés successivement aux quatre éléments. Ainsi le Bélier est-il un signe de Feu, le Taureau un signe de Terre, le Gémeaux d’Air, le Cancer d’Eau, puis à nouveau, le Lion est un signe de Feu, la Vierge de Terre…

Le Zodiaque possède trois signes de chacun des quatre éléments. Ils se distinguent entre eux par la position qu’ils occupent dans la saison. Celui qui commence une saison est dit cardinal, celui qui occupe le milieu de la saison est dit fixe et le dernier qui achève et prépare la saison suivante est dit mutable. Tandis que cardinal, fixe, mutable représentent le mouvement ternaire, les quatre éléments expriment le quaternaire. Ainsi chaque signe relève-t-il de ces deux bases : le Bélier sera cardinal-feu, le taureau terre-fixe, le gémeaux air-mutable, le cancer eau-cardinal, etc… (cf. fig. 1).

C = Cardinal F = Fixe M = Mutable

+ = Positif masculin — = Négatif féminin

Fig. 1

Tout comme pour les signes du Zodiaque, le Soleil et les Planètes participèrent aussi au quaternaire. Au Soleil, Mars, Jupiter, puis lors de leur découverte Uranus et Pluton fut attribué l’élément Feu ; à la Lune et Neptune l’élément Eau, à Mercure et Saturne l’élément Terre, et à Vénus enfin l’élément Air [Les noms choisis aux dernières planètes aperçues dans notre système solaire symbolisent, de façon étonnante, la période historique où elles ont été découvertes. Uranus en 1781, Neptune en 1846, et Pluton en 1930, mais est-ce un hasard ? Les astrologues leurs attribuèrent un élément en fonction de leurs effets respectifs corrélés au mythe qu’elles expriment].

Ptolémée et Empédocle

L’association de la théorie des quatre éléments aux bases astrologiques fut réalisée par Ptolémée en 150 apr. J.-C., quand il écrivit la Tétrabible, s’appuyant ainsi sur les théories cosmologiques de ses prédécesseurs, élaborées depuis le VIe siècle av. J.-C.

Ce fut Empédocle d’Agrigente (Ve s. av. J.-C.) qui donna sa formule définitive à la théorie des quatre éléments. Il posa comme principe que les éléments composent toutes choses, et consistent en quatre substances différentes, incréées et impérissables : la terre, l’eau, l’air et le feu.

La théorie des éléments « correspond aux premières tentatives de la raison pour expliquer l’univers à partir de ses principes constituants et non pas pour l’interpréter en fonction de l’existence de puissances divines et surnaturelles » (Théorie des éléments, René Alleau, Encyclopedia Universalis, VI, 83.).

Elle traduit le passage de l’intuition cosmogonique basée sur les Mythes primitifs au raisonnement cosmologique fondé sur la systématisation de l’observation des phénomènes.

Mais en définitive, la théorie des quatre éléments présentait deux faces : d’une part, logico-scientifique comme fondement d’une cosmologie, et d’autre part, symbolique comme base d’une recherche des harmonies analogiques qui sera poursuivie par les présocratiques et les platoniciens jusqu’à la fin du Moyen Age ; puis reprise par Paracelse qui l’épurera de ses scories pour l’appliquer à la connaissance expérimentale de la nature.

Jusqu’aux Indes…

En Astrologie, les éléments sont comme des matrices qui donnent aux signes et aux planètes leurs propriétés. On les retrouve dans l’ontologie hindoue sous le nom de Tanmatras : « déterminations élémentaires inutiles donc incorporelles et non perceptibles extérieurement… Le mot Tanmatra signifie littéralement une assignation, délimitant le domaine propre d’une certaine qualité dans l’existence universelle » (Le Roi du Monde, René Guénon, p. 87).

Selon Sir J. Woodroffre, les Tanmatras ou éléments sont les essences de toutes choses, « les particules infinitésimales de la substance dont se compose la matière sensible ; ils constituent également la matière infrasensible, les idées générales, les qualités abstraites d’un objet et ne peuvent être perçus tels qu’ils sont que des plans supérieurs de la conscience » (Cité par M. Sénard : « Le Zodiaque » clef de l’ontologie appliquée à l’Astrologie, p. 31).

Les éléments pourraient être comparés au « tissu de la manifestation », ils sont les symboles de l’énergie primordiale subdivisée pour engendrer le monde ; et, en tant que tels, ils trouvent leur expression autant « sur le plan des idées abstraites que sur celui du monde sensible, mais à des degrés différents de subtilité qui se manifestent probablement par des différences de rapidité vibratoire » (op. cit., réf. 6, p. 31).

Pour donner quelques exemples concrets, au Feu est associé le dynamisme, l’action, la transformation, c’est l’élément expansif transmutateur quand l’énergie opère sous son monde impulsif. A l’Air sont associés les échanges, les contacts, c’est l’élément de la mobilité et du renouvellement. A la Terre est associé le concret, le réalisme, c’est l’élément plastique de solidification et de résistance, correspondant au caractère réceptif de la substance. Enfin à l’Eau est associé l’état de relâchement, de soumission, de réceptivité, c’est l’élément qui permet toute création, toute naissance, qui contient les germes de toutes choses à l’état latent, potentiel.

Ces quelques explications succinctes nous permettent d’entrer dans le labyrinthe symbolique de l’Astrologie. Face à un thème, l’astrologue, en général, étudie les valorisations des éléments par la place des planètes dans les signes et les rapports qu’elles entretiennent entre elles au moyen des aspects. Les planètes symbolisent les tendances psychiques d’un individu, tandis que les signes sont leur mode d’être, les filtres au travers desquels elles se traduisent. Ainsi l’astrologue peut-il hiérarchiser par ordre de prépondérance les éléments et donner la tonalité de l’être, son tempérament, à partir des principes d’Hippocrate. Le Feu correspond au bilieux, la Terre au nerveux, l’Air au sanguin, l’Eau au lymphatique.

Quand il étudiera plus précisément une configuration mettant en présence 2, 3 ou 5 planètes, il dégagera d’abord l’élément dominant afin de savoir quelle est l’expression générale de cette configuration, sur quelle note elle se joue (active, passive…). Puis il en étudiera les particularités à partir de la dominante ainsi mise en évidence. Cette étude repose sur les qualités des éléments. Le Feu est chaud et sec, l’Air chaud et humide, la Terre froide et sèche, l’Eau froide et humide (cf. figure 2). Aussi l’étude consistera-t-elle à saisir quelles sont les deux qualités élémentales qui se trouvent prépondérantes dans une configuration.

C = Chaud S = Sec F = Froid H = Humide

Fig. 2

Concordances avec Lupasco

C’est à ce premier niveau d’interprétation que l’on trouve une similitude de raisonnement avec les principes de Stéphane Lupasco. En effet, nous dit-il, « la notion d’homogénéité est en relation étroite avec celles d’uniformité, de conservation, de permanence, de répétition, de nivellement, de monotonie, d’égalité, de justice… La notion d’hétérogénéité possède des affinités certaines avec celles de diversité, de différenciation, de changement, de désaccord, d’inégalité, d’injustice, de dissemblance, de variation, de nouveauté, de non-identité, d’exclusion, d’individualisation… » (Les trois matières, Stéphane Lupasco, p. 83 ; Ed. Cohérence).

En comparant ces notions aux qualités élémentales, il nous a semblé que le froid et l’humide participaient aux forces homogénéisantes, tandis que le chaud et le sec participaient aux forces hétérogénéisantes (Le chaud symbolise le dynamisme, la puissance, l’intensité, l’élan, l’effervescence, la vivacité, l’essor, l’extériorisation. Le sec symbolise la rétraction, la précision qui exclut l’indéterminé, l’indéfinissable. C’est l’intransigeance, la tension, l’acuité, la netteté. L’humide symbolise la dilatation, la fusion dans l’ambiance, l’euphorie, la conciliation, la souplesse, l’adaptation. Le froid symbolise la force d’inertie, le détachement, l’abstraction, le renoncement, le frein volontaire, la réflexion, le contrôle de la force d’impulsion…). Au sujet de l’Ame, Lupasco nous dit « qu’elle est le carrefour des innombrables directions opposées. Sombre-t-elle dans l’uniforméité, la fixité, la répétition, et l’âme s’ennuie, se lasse, meurt ; une rationalité despotique, une homogénéisation dévastatrice la rendent malade et la tuent même, comme le montrent certaines psychoses. Cède-t-elle au changement, à la diversité et à la diversification, aux dynamismes hétérogénéisants, aux forces de différenciation, et l’âme se disloque, s’éparpille et se perd. C’est le système physique, les lois de la matière inanimée, avec sa logique propre, qui s’empare là du système psychique et s’y substitue. C’est le système biologique, ici, qui l’entraîne, dilaté démesurément, et d’autres psychoses inverses des précédentes apparaissent alors. Les notions morbides que l’on a rassemblées, tant bien que mal, dans les notions de schizophrénie notamment, de cyclothymie, de paranoïa, de catatonie, etc…, qu’il faut réviser, s’inscrivent dans ces deux classes antagonistes d’altérations du psychisme. La maladie mentale est une hypertrophie non contradictoire » (op. cit., S. Lupasco, p. 91 et 92).

Dans le cas d’une opposition de Saturne et de Neptune en Poisson et Vierge, au carré de la Lune en Gémeaux (cf. figure 3), par exemple, où le froid et l’humide dominent nettement, nous sommes en présence d’une tendance schizophrène qui peut avoir de graves conséquences, si la configuration se trouve très valorisée dans le thème, et si le reste de la carte tend dans le même sens.

C = Chaud S = Sec F = Froid H = Humide

Fig. 3

En revanche, dans le cas d’une opposition d’Uranus et du Soleil en Lion et Verseau, au carré de Mars en Scorpion (cf. figure 4), qui présente une dominante de chaud et de sec, nous pouvons y déceler une tendance paranoïaque, si, comme dans le thème précédent, la configuration se trouve très valorisée (par aspects à d’autres planètes ou aux coordonnées) dans le thème, et si le reste de la carte tend dans le même sens.

C = Chaud S = Sec F = Froid H = Humide

Fig. 4

Ces deux cas présentent une « hypertrophie non contradictoire » des qualités élémentales, et l’on voit très facilement que l’application des principes lupasciens dans le domaine symbolique de l’Astrologie rejoint son interprétation classique. Mais on pourra aussi la rapprocher de ce que dit Jung dans L’énergétique psychique : « Plus est forte la tension entre les contraires, plus est grande l’énergie qui s’en dégage, et plus grande est l’énergie, plus puissante est sa force constellante et attractrice… Ce qu’on appelle « abrutissement affectif » de la démence précoce, en schizophrénie, doit probablement être considéré comme un phénomène d’entropie. C’est également de cette manière qu’il faut entendre les phénomènes dégénératifs se développant dans les attitudes psychologiques qui, à la longue, excluent toute relation avec le monde extérieur. Systèmes psychologiques relativement fermés sont aussi les processus arbitrairement dirigés, comme la pensée et le sentiment dirigés. Ces fonctions sont fondées sur le principe d’exclusion de ce qui ne convient pas et qui pourrait provoquer une déviation de l’orientation choisie » (L’énergétique psychique, C.J. Jung, Georg, p. 45 et 46.).

A partir de ces exemples concrets, mais il y en a beaucoup d’autres, nous avons essayé d’aller plus loin, afin de voir quels ponts on pouvait jeter entre la logique de Lupasco et celle de l’Astrologie. Tout d’abord, prenons les signes : on remarque tout de suite que les éléments et les qualités qui les composent, s’ils sont pris deux à deux, tels qu’ils s’opposent dans le Zodiaque, sont à la fois antagonistes et semblables.

Le Feu, chaud et sec, s’oppose à l’Air, chaud et humide. Si le sec et l’humide se contredisent, le chaud est commun aux deux éléments. De la même façon, on trouve la Terre, froide et sèche, qui s’oppose à l’Eau froide et humide. Dans ce deuxième couple, si, à nouveau, le sec et l’humide se contredisent, c’est, cette fois, le froid qui les relie (cf. figure 2).

Le Zodiaque présente 6 couples d’opposés : Feu-Air, Terre-Eau. En chacun d’eux se trouvent deux éléments contradictoires et un élément qui participe à leur commune identité.

« Remarquons, nous dit Stéphane Lupasco (op. cit., S. Lupasco, p. 76), les axiomes suivants : deux dynamismes homogènes ou identiques se confondent, se fondent l’un dans l’autre et ne peuvent s’opposer, engendrer le moindre antagonisme entre eux ; deux dynamismes hétérogènes, rigoureusement non identiques ne peuvent se toucher, s’ignorent, aucune relation, aucun contact, donc certainement aucun antagonisme n’est concevable entre eux. Pour que les dynamismes puissent être antagonistes, il faut que leur nature énergétique participe à la fois de l’homogène et de l’hétérogène, qu’ils veuillent en quelque sorte se rapprocher et se fuir, se confondre et s’exclure, qu’ils soient contradictoires. »

Les signes avec leurs qualités élémentales ne sont-ils pas une démonstration évidente de la logique dynamique du contradictoire, énoncée par Lupasco ? Chaque couple de signes participe à la fois à l’homogène et à l’hétérogène. Alternance de dynamismes antagonistes, le Zodiaque possède les principes fondamentaux de tout système. « Aucun système n’est possible sans dynamismes antagonistes : pour qu’un système puisse s’édifier, il faut qu’à certains dynamismes s’opposent d’autres dynamismes qui les empêchent, les uns les autres, de se disloquer et de s’étaler librement dans une actualisation univoque et définitive comme de se fondre dans la même entité amorphe » (op. cit., réf. 8, p. 78).

Les antagonismes du Zodiaque

Mais, par ailleurs, nous remarquerons que si le deuxième principe de la thermodynamique postule que l’énergie physique se dégrade inexorablement au cours de son devenir cosmique, en augmentant l’entropie, il ne peut expliquer l’émergence des systèmes variés aussi bien physiques que biologiques, tandis que la Tradition et, à travers elle, la conception zodiacale, mettait en présence, dans l’univers, des forces antagonistes, homogénéisantes et hétérogénéisantes qui, seules, peuvent rendre compte de la création et de l’évolution des formes vivantes, ainsi que nous le démontre Lupasco. Nous n’entrerons pas dans le débat, à savoir si l’énergie cosmique symbolisée par les signes zodiacaux et les planètes est susceptible de participer réellement à la vie des formes vivantes sur la terre, nous voulons simplement faire remarquer que le Zodiaque, sur le plan symbolique, présente des antagonismes de même nature que ceux dont parle Lupasco, et qui sont indispensables à la vie elle-même.

Zodiaque vient du grec ZOE qui veut dire vie, et DIAKOS qui signifie roue, roue de la vie ; « le nom grec zodiakos se traduirait par cercle ou cycle du mouvement de la vie, et exprimerait le rythme et la transmutation de l’énergie qui se manifeste en différents états de l’Etre » (op. cit., M. Sénard, p. 2). « Il est très probable que les symboles du Zodiaque, leurs formes, leur nombre, leurs dispositions et leurs rapports expriment les lois de l’énergie formulant et formant l’univers » (op. cit., M. Sénard, p. 5).

Maintenant, si nous abordons le plan planétaire, il forme lui aussi un autre système s’impliquant dans le système zodiacal. « Pour que les phénomènes énergétiques se manifestent, pour qu’ils existent donc, du moins pour nous, il faut que les dynamismes passent d’une certaine potentialité à une certaine actualisation » (op. cit., S. Lupasco, p. 75).

Les signes présentent, à notre sens, une énergie potentielle qui sera actualisée par le passage des planètes. Prenons comme exemple le signe solaire que la plupart d’entre nous connaît. Le Bélier ne peut être actualisé qu’entre le 21 mars et le 21 avril quand le soleil monte vers la jonction du plan écliptique et du plan de l’équateur, à une période particulière de l’année où le pôle nord et le pôle sud se trouvent à égale distance du soleil ; c’est l’équinoxe de printemps. Tandis que le signe du Bélier ou son mode d’énergie est actualisé par l’occupation du soleil dans son espace, vu de la terre, l’énergie représentée par la Balance est potentialisée (signe opposé).

Nous supposons en effet que, par son mouvement, le système planétaire actualise dans le temps et dans l’espace les signes zodiacaux. Il semble logique que ce soit l’occupation des planètes dans l’axe des dynamismes antagonistes issus des signes qui va actualiser leurs tendances homogènes ou hétérogènes. Pour être plus précis, il semblerait que chaque planète actualise l’élément qu’elle a en commun avec le signe et potentialise celui qui lui est contraire, mais cela en fonction du sexe du sujet. Ainsi pourrait-on établir la dialectique suivante : le Soleil masculin, représente l’actualisation de l’homme et la potentialisation de la femme, tandis que la Lune, féminine, représente l’actualisation de la femme et la potentialisation de l’homme. Et ainsi de suite, jusqu’à Saturne, en séparant des 7 planètes dites constitutives du moi les masculines des féminines [Les planètes constitutives du moi sont celles qui vont du soleil à Saturne, les autres découvertes plus récemment sont liées à la conscience collective. (Uranus, Neptune, Pluton). Les masculines sont, avec le Soleil, Mars et Jupiter. Les féminines sont la Lune, Vénus et Saturne. Mercure étant considéré comme androgyne, à la fois masculin et féminin].

Ainsi, par exemple, on peut supposer qu’en Balance le Soleil, pour un homme, actualiserait le chaud, qualité commune au soleil et au signe, et potentialiserait d’autant le sec et l’humide, qualités contradictoires à l’astre et au signe. Tandis que pour une femme, le Soleil dans le même signe potentialiserait le chaud, et actualiserait le sec et l’humide. On emploierait le raisonnement inverse pour la lune. Mais cette proposition demande à être confrontée à l’expérience, et surtout doit probablement tenir compte des autres valorisations des planètes masculines et féminines, afin de connaître la tonalité générale de la carte du ciel. Elle ouvre néanmoins un axe de recherche qui pourrait être enrichissante sur le plan de l’interprétation.

De l’être cosmique à l’être terrestre

Quand on monte un thème natal, on place le Soleil, la Lune et les planètes au degré du signe qu’elles occupent au moment de la naissance, mais une autre donnée est fort importante, c’est celle de l’orientation de la carte en fonction de l’heure, du lieu et de la date de cette naissance.

Pour ce faire, on projette les coordonnées terrestres sur l’écliptique qui nous donnent quatre points que l’on nomme Ascendant-Descendant, les extrémités de la ligne d’horizon, et Fond du ciel-Milieu du ciel, les extrémités du méridien. Ces quatre points rencontreront quatre signes zodiacaux qui spécifieront l’individu.

On peut dire que ces coordonnées nous indiquent la façon dont un être polarise l’espace qui l’entoure. Projection d’un espace-temps terrestre dans le cosmos, où elles sont reçues par le Zodiaque, route de la vie ou route apparente du Soleil vue de la Terre, ces coordonnées font le lien entre l’homme microcosme et l’univers macrocosme. Elles indiquent symboliquement comment l’« être cosmique » s’individualise en l’« être terrestre ».

Présentant quatre pôles antagonistes, nous l’avons vu, les coordonnées du thème sont peut-être la démonstration la plus éloquente des principes de Stéphane Lupasco. Le point ascendant, qui situe le point équinoxial qui se lève au moment de la naissance, symbolise le moi en Astrologie : il nous semble qu’il représente le lieu où le sujet actualise l’hétérogène de la personne elle-même. Le point à l’opposé de l’Ascendant est le Descendant, il symbolise la rencontre de l’être avec les autres, la façon dont il ressent les autres : il représenterait le lieu où l’être potentialise l’homogène.

Sur le Méridien, se situe le Fond du ciel symbolisant les origines : n’est-il pas le lieu de l’homogénéisation actualisée, auquel s’oppose le Milieu du ciel, devenir de l’être, qui représenterait le lieu de l’hétérogénéisation potentialisée (cf. figure 5) ?

« Vivre, c’est être en croix ».            ASC = Ascendant

DESC = Descendant MC = Milieu du Ciel FC = Fond du Ciel

Fig. 5

Si le système physique actualise un dynamisme homogénéisant tout en potentialisant d’autant le dynamisme hétérogénéisant, le système biologique actualise l’hétérogénéité en potentialisant d’autant l’homogénéité. Quant au 3e système, le système psychique, « il tient sous sa dépendance les deux autres systèmes énergétiques. Que dis-je, il est fait des deux, de la semi-actualisation et de la semi-potentialisation contradictoires de l’un et de l’autre… l’âme plonge avec une égale force et une égale profondeur dans les deux règnes de la matière, c’est-à-dire de l’énergie, tout en les repoussant et en s’en arrachant » (op. cité, S. Lupasco, p. 93).

Equilibrer science et Tradition

L’horizon correspond au plan biologique, tandis que le méridien correspond au plan physique, le premier est à l’espace ce que le second est au temps.

Bien d’autres liens nous sont apparus, et qui nous ont permis de conceptualiser et d’expliquer plus simplement le langage astrologique parfois énigmatique au néophyte. L’intérêt d’une telle démonstration n’a pas pour but de vouloir rationaliser l’astrologie et de la réduire ainsi au domaine du signe, mais de tenter une rencontre entre son expression symbolique et la logique de Stéphane Lupasco qui nous semblait rejoindre autant l’objet des sciences que le sujet de la Tradition. En effet, le symbole englobe différents niveaux de la réalité qui, pour être saisis par la science, exigent différentes logiques. Or, la philosophie de Lupasco, issue de la mécanique quantique, considère trois types de logique (physique, biologique, psychique) et rend compte de leur relation mutuelle. N’en est-il pas de même du processus symbolique, mais à la différence qu’il ne nous donne pas « rationnellement » les clefs du passage d’un niveau à l’autre ?

Basée sur un cas d’expérience, nous avons conscience que notre tentative reste encore très incomplète et n’a pas encore atteint toute la cohérence voulue, mais, poursuivie, peut-être permettra-t-elle de relier, sans les confondre, deux pôles de réalité qui sont encore mal intégrés dans les esprits.

Pour saisir la réalité et prendre vraiment contact avec elle, ne faudrait-il pas tenir compte de la science et de la Tradition : semi-actualiser et semi-potentialiser l’une et l’autre ?