(Revue Panharmonie. No 199. Juillet 1984)
Enseignement donné à l’École Normale de Yoga Roscoff – Juillet 1983
Mataji : La dernière fois, nous avions commencé à parler de l’action et puis nous avions été aiguillés sur la réincarnation, nous n’avons donc pas terminé notre sujet.
J’ai dit que l’action à cause de l’ego devenait égoïste quand on arrivait au niveau humain. Tous les ennuis commencent à ce niveau-là. Lorsque l’on a l’impression, lorsque l’on croit être nettement séparé des autres, on se met à agir pour son propre bénéfice. Ce faisant on va à l’encontre, on s’oppose à la Loi Cosmique, on n’est plus en harmonie avec la Force Cosmique, ce qui veut dire que l’équilibre cosmique est rompu. C’est la raison pour laquelle se produisent les actions et les réactions. Par conséquent, il nous faut apprendre à agir de façon différente.
Lorsque l’on est assis tout simplement, silencieusement, on ne peut pas éviter les réactions. Il nous faut continuer à agir et vivre dans ce monde, nous devons être des citoyens utiles et, en même temps, nous devons veiller à ne pas accomplir des actions qui engendrent des réactions. Pour cela il faut nous rappeler certains faits : ce n’est pas nous qui agissons, c’est la Force Cosmique qui nous fait agir. C’est cette Force Cosmique qui nous place dans des situations variées au cours de cette vie et qui nous fait accomplir des actions, parce que ces actions sont nécessaires à notre évolution. Cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes transformés en marionnettes. Nous pouvons essayer de faire les efforts normaux et si par ces efforts répétés nous ne pouvons pas arriver au résultat escompté, il faut alors que nous comprenions que c’est dû au Prarabdha Karma, c’est-à-dire au karma qui a été alloué à notre corps physique actuel, et il nous faut apprendre à accepter cette situation et à faire tout ce que nous pouvons pour transcender la souffrance causée par le karma en méditant et en élevant notre conscience. Ainsi ce que l’on attend de nous, c’est que nous comprenions que nous sommes des instruments entre les mains du Pouvoir Cosmique. C’est ce Pouvoir Cosmique qui nous pousse à agir, mais pour le bien universel et non pour un dessein égoïste. Et c’est ce Pouvoir Cosmique qui va déterminer un résultat particulier pour une action particulière. Si bien que tous nos efforts pour produire un résultat particulier sont en fait un gaspillage d’énergie.
Catherine a dit l’autre jour dans sa conférence sur l’astrologie que nous ne sommes pas les victimes du destin et que nous pouvons transformer notre situation. Oui, nous pouvons transformer notre situation, à condition qu’il ne s’agisse pas de Prarabdha Karma. La seule chose qui ne puisse être changée c’est le Prarabdha Karma. Nous pouvons changer l’intensité du karma, mais il n’est pas possible de le supprimer complètement. Même un Sage réalisé doit subir le Prarabdha Karma. Et même si le Sage ne subit pas tout l’impact du karma, il doit néanmoins le subir.
Nous devons apprendre à voir l’inaction dans l’action et non l’action dans l’inaction. Si nous sommes assis immobiles, silencieux et que notre mental reste actif, c’est l’action dans l’inaction. Même si nous n’accomplissons pas effectivement une action, si nous la désirons fortement, c’est exactement comme si nous l’accomplissions. Donc, il y aura réaction. Ainsi ce qui est important, c’est la motivation de l’action née du mental. En restant assis et immobile et en s’imaginant qu’on médite, on ne progresse pas. Et même au début de la vie spirituelle il est dangereux de rester assis immobile et silencieux sous prétexte de méditation, car le mental n’est pas purifié. Il y a de nombreux désirs, des désirs malsains, des désirs négatifs que vous avez peur d’assouvir par crainte de la société ou parce que l’occasion ne s’en présente pas ou parce que vous n’avez pas le courage de le faire. En restant assis tranquillement les yeux fermés, vous pouvez donner l’impression d’être dans un état élevé tout en accomplissant les actions que vous avez refoulées. Parce que lorsque le corps se tait, la partie superficielle du mental se tait aussi. C’est alors que les impressions subconscientes ont libre jeu, et ce que nous ne pouvons pas faire effectivement nous le faisons mentalement. Si bien qu’en restant assis tranquilles et silencieux on peut créer de très nombreux karmas. C’est pourquoi le Karma Yoga est considéré comme étant la base de la vie spirituelle. Et mon Maître, Swami Sivananda insistait beaucoup là-dessus. Si des gens arrivaient à l’Ashram pour la première fois et tenaient tout de suite à méditer, il leur disait d’aller à la cuisine et de faire la vaisselle. Sinon on peut créer du karma.
Ce que nous devons faire, c’est d’être actifs et en même temps inactifs, c’est-à-dire de trouver l’inaction dans l’action. Lorsque nous agissons, non seulement nous accomplissons l’action physiquement, mais en même temps nous agissons mentalement. Nous pensons au passé, aux échecs que nous avons subis, aux succès qui ont été nôtres, et nous projetons ce passé dans le présent sous la forme d’inquiétude : « J’ai échoué dans le passé, qui me dit que je ne vais pas échouer à nouveau cette fois-ci » — « J’ai réussi dans le passé, donc il faut que je réussisse encore mieux maintenant » ; et tout cela entretient le mental dans un état de tension. On ne peut rien changer au passé. En pensant au passé, on dilapide beaucoup d’énergie. En pensant à l’avenir, on devient agité, anxieux, victimes de la peur, parce qu’on escompte un résultat et on pense à toute la gloire que l’on récoltera si on réussit. Et, en même temps, on a peur de ne pas réussir. Par exemple, si vous êtes chirurgien, que vous ayez à opérer, et que vos mains se mettent à trembler, il sera possible que vous commettiez des erreurs. Et, en même temps, vous dépenserez beaucoup d’énergie.
Si vous devez connaître le succès dans ce que vous entreprenez, il vous faudra utiliser le maximum d’énergie dans ce que vous ferez, tandis qu’en vous souvenant du passé et en anticipant sur l’avenir, vous dépenserez au moins un tiers de votre énergie et il ne vous en restera que peu pour accomplir votre travail. Et alors vous risquerez un échec.
Bien sûr chacun veut réussir dans ce qu’il entreprend, mais rappelez-vous qu’à vous seul vous ne pouvez pas assurer le succès, vous pouvez faire les efforts nécessaires, vous devez les faire, mais le résultat dépend également de la Volonté Cosmique. Avec votre libre-arbitre, vous pouvez essayer de réussir, mais le résultat dépend de la coopération avec le Pouvoir Cosmique. Donc en considérant ces différents facteurs, vous devez arriver à rendre le mental silencieux. Refouler ses pensées ne sert à rien.
Vous pouvez y réussir pendant un certain temps, mais elles reviendront avec une force accrue. C’est par une attitude et une réflexion correctes que vous pourrez réduire votre mental au silence. Et alors, lorsque le mental est complètement absorbé dans votre travail, sans être distrait par des pensées sur le passé ou sur l’avenir, alors votre mental sera presque un mental silencieux. Parfois vous ne vous souviendrez même pas où vous êtes et, lorsque vous serez complètement absorbé dans votre méditation, si quelqu’un vient et vous parle, vous ne l’entendrez même pas. Lorsque la concentration est intense on glisse automatiquement dans l’état intuitif. Si bien qu’à ce moment-là votre action vous sera inspirée par le Pouvoir d’intuition. On peut voir cela très clairement dans la création artistique : vous pouvez apprendre l’art du chant ou de la peinture, vous pouvez les avoir appris d’une façon très scientifique, or dans ce cas, ni la musique, ni la peinture ne seront dues à une inspiration réelle, car pour qu’il y ait réelle inspiration dans une œuvre, il faut aller jusqu’au niveau de l’intuition. C’est seulement cette forme d’art qui pourra inspirer les autres. Cela est vrai pour toute œuvre, pour tout travail, quel qu’il soit. Et en plus vous ne créerez pas non plus de réaction ; c’est la seule façon par laquelle nous pouvons continuer à agir sans produire de réaction.
Il est également nécessaire de transcender les trois forces d’énergie. Le mental est influencé par les trois énergies, les trois Gunas, dont différentes énergies sont prédominantes à différentes heures de la journée, et vous constaterez que la qualité de votre travail dépend de la qualité de l’énergie prédominante à ce moment. Ainsi autant que possible il faut essayer de demeurer sous l’influence de l’énergie la plus subtile, Sattva. Je crois vous avoir décrit les symptômes de ces énergies, je vais vous les répéter. Lorsque Tamas, l’énergie la plus dense, opère, on est très paresseux, irresponsable, et s’il y a des désirs, ceux-ci sont des désirs très grossiers et négatifs et qu’on n’a pas la force de maîtriser. On est emporté par ses désirs et, sans pouvoir en tirer les conséquences, on cherche à les assouvir. Plus tard, on le paye et ce n’est qu’après que l’on se rend compte de l’erreur grave que l’on a commise. Tout ce que l’on peut faire sous l’influence de Tamas c’est de manger et de dormir, c’est-à-dire que l’on retombe au niveau de l’animal et même pas de n’importe quel animal, mais des animaux particulièrement inertes. C’est pourquoi il est très important d’être toujours conscient de ses pensées. Au début il faut essayer de le faire aussi souvent que possible. Quoique vous fassiez, arrêtez-vous et dirigez votre attention sur le mental ; parfois vous serez surpris et même choqués par ce que vous y découvrirez. Extérieurement, vous pouvez parler de façon très courtoise, vous pouvez vous conduire avec beaucoup d’affection, vous pouvez vous efforcer d’aider les autres, mais intérieurement vous pouvez découvrir que vous êtes juste le contraire. Nous avons appris l’art de l’hypocrisie parce que cela permet de réussir dans la vie mais, ce faisant, nous ne savons pas quel mal nous infligeons à nous-mêmes. Donc, essayez de le faire toutes les heures, ne serait-ce que pendant deux minutes. Il est inutile pour cela d’aller vous asseoir, détendez-vous simplement, que vous soyez debout, assis, cela n’a aucune importance, vous pouvez avoir le regard vague pendant une ou deux minutes, il n’est même pas la peine de fermer les yeux, détendez-vous soudainement et regardez-vous intérieurement en observant ce qui se passe en vous. Vous comprendrez ce que vous êtes en réalité et en même temps vous amènerez votre mental à un autre état. Le mental devient presque silencieux lorsque vous essayez de prendre conscience de vos pensées, c’est comme si vous méditiez pendant deux minutes toutes les heures. Si vous pouvez méditer deux minutes toutes les heures, vous n’aurez pas besoin de vous asseoir pendant une heure. Il y a bien des gens qui restent assis pendant une heure et qui, en fait, ne méditent que deux minutes. Ne nous donnons pas la fausse satisfaction d’avoir médité une heure le matin et une heure le soir si, en fait, nous ne méditons que cinq minutes à chaque fois. Ainsi, en prenant conscience de vos pensées, vous découvrez quelle est l’énergie à l’œuvre en vous. Et si vous découvrez que les symptômes de l’énergie tamasique opèrent en vous à ce moment-là, il vous faudra transformer Tamas en Rajas. Car il n’est pas possible de transformer Tamas tout de suite en Sattva. Donc, dans ce cas, la meilleure chose pour vous est d’entreprendre une action très intense. Vous pouvez courir, vous pouvez marcher très vite, vous pouvez faire une rapide salutation au soleil ou des asanas très rapides, ou le ménage chez vous, du jardinage, tout ce qui vous fera agir physiquement.
Cela demande de la volonté et vous ne pourrez trouver cette volonté que si vous avez une compréhension correcte de ce dont il s’agit. Vous devez comprendre que c’est Tamas qui opère, comprendre le mal que cela peut vous faire, comprendre la nécessité qu’il y a à transformer Tamas et Rajas. Alors seulement il vous sera possible de trouver la force nécessaire et la volonté d’agir, sinon Tamas vous en empêchera. Car lorsque Tamas est en jeu, le mental est très faible, il veut faire ce qu’il a envie de faire. Donc si vous vous mettez à agir pendant environ une demi-heure, vous constaterez que votre mental devient rajasique.
Si vous constatez que la moindre des choses vous irrite et que vous n’être pas capable de rester assis tranquillement, que vous avez envie d’aller çà et là sans aucune raison particulière, que vous devenez trop bavard, que vous avez surtout envie de critiquer les autres, de médire d’eux, alors vous devez comprendre que c’est Rajas qui opère en vous. Ceci aussi est un état très dangereux, car vous pouvez faire beaucoup de mal, vous pouvez avoir beaucoup d’ennemis, vous pouvez détruire des amitiés, vous pouvez compliquer considérablement vos relations avec les autres. Il est donc nécessaire de reconnaître les symptômes de Rajas. La plupart du temps, les gens se trouvent sous l’influence de Rajas et moins de Tamas, et ils considèrent que c’est un état naturel. C’est pourquoi ils ne savent pas qu’ils agissent de façon anormale. Cela est devenu un trait assez commun et normal de la vie que de devenir avide. Cela sont des choses communes, il y a même des gens qui pensent que la vie sans cela n’est pas la vie et ils se disent « à quoi bon vivre si la vie n’est pas ainsi. Car alors elle devient insipide. » Exactement comme il est dit dans l’histoire des trois poissonnières : Il y avait trois poissonnières qui arrivaient avec du poisson séché et il se mit à pleuvoir. Comme elles se trouvaient devant la maison d’un homme riche, elles frappèrent à sa porte et lui demandèrent un abri. C’était un homme très spirituel et généreux, il était plein d’égard pour ces femmes et leur donna une très belle chambre parfumée, dotée de tous les conforts, de beaux draps, elles en étaient très heureuses et allèrent se coucher. Mais il leur fut impossible de s’endormir ! Elles se tournaient et se retournaient sans cesse dans leur lit. Alors l’une des femmes dit : « c’est peut-être parce que les fenêtres sont fermées », mais cela n’y changea rien. Alors elles essayèrent tout ce qu’il était possible de faire, une chose après l’autre, elles changèrent même les draps. Et finalement une des trois femmes dit : « Moi je sais ce qu’il faut faire ! ». Elle alla dans la salle de bain et elle ouvrit les robinets d’eau chaude et arrosa d’eau chaude les paniers de poisson et alors l’odeur du poisson se fit sentir et elles purent dormir tranquillement. Elles avaient toujours vécu dans l’odeur du poisson et sans cette odeur elles ne pouvaient pas s’endormir !
Donc la vie normale semble être anormale pour ceux qui vivent de manière anormale. Il y avait un pays où tout le monde louchait, un œil à gauche et un œil à droite. Or un homme qui avait une vue normale arriva dans ce pays. Et tous les habitants se mirent à rire, à se moquer de lui en disant : « regarde cet homme avec ses yeux ! ». C’est exactement ce qui se passe et dont il faut nous rappeler. Il nous faut transformer Rajas en Sattva.
Avec l’autre groupe nous avons fait un jour une marche silencieuse, une marche méditative. C’est marcher très doucement, lentement en comptant ses pas, en synchronisant ses pas avec sa respiration et en prenant conscience de sa respiration. On essaye de marcher très droit sans parler, et on essaye de ressentir son unité avec tout ce qui nous entoure. Si vous marchez ainsi pendant une demi-heure, vous vous apercevez que votre mental est complètement changé. Il faut observer toutes ces prescriptions, il faut rester parfaitement silencieux, marcher droit ; vous devez avancer un pied après l’autre très lentement, marcher à pas très mesurés et respirer régulièrement. Si vous êtes très agité, chanter OM est aussi très utile, à voix haute ou mentalement, chanter aussi des mantras en rythme ou accompagnés de musique, et si vous ne connaissez pas de mantras, vous pouvez chanter ou écouter des chants grégoriens ou toute autre musique spirituelle. Mais n’écoutez pas de la pop-musique ! Également, il est très bénéfique d’être dans la compagnie de Sages, de Saints, d’êtres évolués, d’écouter des conférences sur les sujets spirituels ou lire des livres décrivant le Soi. Et si vous lisez des livres, choisissez ceux qui ont été écrits par des êtres réalisés. Car ces écrits contiennent toute la force spirituelle de ces Sages. Pratiquez également la respiration alternée. Si vous suivez tous ces conseils, vous constaterez que votre mental change.
Lorsque Sattva prédomine, il n’y a aucun problème ; vous avez un bon pouvoir de discrimination, vous avez envie de méditer, vous avez envie d’avoir des lectures édifiantes, vous avez envie d’aider les autres, vous éprouvez de l’amour pour les autres, vous êtes généreux et, à tous les égards, vous vous trouvez dans un état positif. Ne gaspillez donc pas ce temps sattvique, mais utilisez-le à méditer.
Lorsque vous êtes en Sattva, vous possédez toutes les qualités positives et en général les personnes sattviques font de bonnes actions non égoïstes, pour le bien des autres. Vous êtes altruistes, aimants, généreux. Toutes les qualités positives sont là. D’autre part, les vibrations sattviques possèdent un pouvoir d’attraction. C’est pourquoi si vous allez vous asseoir auprès d’un Sage réalisé, même si vous êtes rajasique, au bout d’un certain temps, à son contact, vous deviendrez sattvique. Et lorsque vous vous mettez à agir de cette façon généreuse, non-égoïste, les gens sont attirés par vous. Ils se mettent à vous admirer, à vous louer, à vous donner de l’importance. Lorsque tout cela arrive, et le mental ayant des faiblesses à cet égard, inconsciemment il est pris au piège. C’est-à-dire que sans même vous en rendre compte, vous vous attachez aux sensations agréables que l’on tire de ces louanges. Au début vous agissez sans aucune motivation égoïste, mais peu à peu vous vous mettez à agir pour obtenir cette admiration, ces louanges, etc… C’est si subtil, que l’on ne se rend pas compte du changement de ses motivations. Mais si vous prenez conscience de la nature de vos pensées, alors à ce moment-là il est encore possible de constater que les bonnes actions que vous accomplissez pour le bien des autres, vous continuez à les faire, mais vous ne les faites que lorsqu’il y a des témoins. S’il n’y a personne autour de vous pour apprécier votre action, vous ne l’accomplissez pas, mais lorsqu’il y a des gens autour de vous, vous êtes très empressés. Vous ne pouvez vous en rendre compte que si vous avez l’habitude d’analyser vos pensées… Cela signifie que très doucement vous quittez Sattva pour descendre dans Rajas. Et au bout d’un certain temps, vous vous apercevez que vous êtes très déçus si personne n’est là pour vous louer, pour vous apprécier, et vous n’avez plus envie d’agir s’il n’y a pas quelqu’un pour chanter vos louanges. Et lorsque vous êtes descendu en Rajas, non seulement vous aimez à être apprécié, mais vous ne supportez pas que d’autres le soient. Cela vous ennuie, vous gêne, que quelqu’un d’autre soit également apprécié. Vous ferez alors quelque chose pour l’empêcher, ou vous direz du mal de la personne en question, vous ferez quelque chose pour l’éliminer de la compétition, vous mettrez des obstacles sur le chemin des autres. Vous faites toutes sortes de choses illicites pour obtenir ce que vous voulez. Et petit à petit, vous tombez dans Tamas ! Et lorsque vous êtes dans Tamas, vous n’hésitez pas à calomnier les autres pour obtenir ce que vous désirez. Pensez aux crimes passionnels ! Ceci, c’est Tamas.
Donc, vous devez toujours être extrêmement vigilants, être sur le qui-vive et surveiller vos pensées et vos actes. Car en fait on n’est vraiment hors de danger que lorsqu’on a transcendé Sattva. Mais cela ne se produit que dans la réalisation finale. Jusque-là, il y a toujours possibilité de chute. Même le Bouddha ne savait pas la veille qu’il allait avoir l’illumination le lendemain. Jusqu’au moment de la Réalisation Ultime, il faut surveiller de très près son mental. Pour vous maintenir en état sattvique, vous pouvez tâcher de rendre votre parole sattvique, essayer de parler poliment, sincèrement, doucement, harmonieusement, et non pas comme si vous vouliez mordre. Ne parlez pas avec colère. En pratiquant tout cela vous développerez Sattva en vous.
De toute façon quelle qu’action que vous fassiez, tâchez de la faire doucement et bien. Même si vous servez une tasse de thé, essayez de le verser sans renverser la tasse et sans perdre une goutte. Surveillez également la façon dont vous mangez, car avant de manger nous devons toujours remercier cette Force, ce Pouvoir qui nous a procuré notre nourriture. Nous devons être capables de manger lentement ; la plupart d’entre nous mangent hâtivement parce que nous sommes toujours pressés. Toutes ces choses sont des méthodes pour maintenir Sattva en nous. Vous voyez des gens qui marchent comme s’ils couraient après quelque chose ou quelqu’un, même s’ils n’ont rien à faire, s’ils ne sont pas pressés. Marchez doucement ; il n’y a aucune nécessité de se presser tout le temps, cela devient sans cela une habitude. Essayez de marcher doucement, cela développe aussi Sattva en vous. Dans tout ce que vous faites restez conscients, et peu à peu vous constaterez que vous demeurez toute la journée dans un état sattvique, et alors il y aura peu de chances que vous commettiez une erreur, et vous ne fabriquerez pas d’avantage de karma. Vous serez capables d’effacer dans la méditation le karma accumulé et, lorsque vous souffrirez du Prarabdha Karma, vous ne ferez rien d’illicite pour essayer d’annuler votre souffrance. Vous garderez votre équilibre à chaque instant. C’est ainsi que l’on doit vivre. Y a-t-il des questions que vous aimeriez poser ?
Question : N’est-ce pas un certain équilibre entre Tamas et Rajas qui amène Sattva ?
Réponse : L’équilibre provient de Tamas négatif et de Sattva positif. Rajas au centre rompt l’équilibre. Avant la Création, ces trois qualités, ces trois Gunas, étaient en équilibre parfait : Tamas d’un côté, Sattva de l’autre et Rajas au milieu. C’est l’activation de Rajas qui détruit l’équilibre, parce Rajas veut dire activité.
Question : Pouvez-vous nous parler du libre-arbitre ?
Réponse : Nous avons un peu de libre-arbitre, nous devons nous en servir et guider nos actions grâce à notre pouvoir de discrimination, car ce pouvoir de discrimination n’existe qu’à partir du niveau humain. On nous a donné le libre-arbitre pour nous servir de ce pouvoir de discrimination. Et si vous ne vous en servez pas, vous créez du karma. Les animaux ne fabriquent pas de karma parce qu’ils n’agissent pas pour des motivations égoïstes. Donc, il faut faire très attention d’éviter les actions négatives, mauvaises et de ne pas faire, grâce à notre libre-arbitre, un mauvais usage de notre pouvoir de discrimination.
Dans les Écritures, il y a l’image suivante d’un buffle attaché à une corde, laquelle est attachée à un arbre. Le buffle peut se déplacer dans la limite de la longueur de la corde, c’est tout. Il ne peut pas aller au-delà. Mais selon la longueur de cette corde, il peut se déplacer comme il veut. Voilà comment se présente notre libre-arbitre. Nous n’en avons pas plus que cela. Mais ce libre-arbitre est suffisant pour que nous puissions nous servir de notre pouvoir de discrimination. Chacun a le même libre-arbitre, mais peut l’utiliser bien ou mal. C’est-à-dire que le buffle peut tourner en rond et enrouler sa corde autour de l’arbre jusqu’au moment où il ne lui en reste plus assez pour bouger. Il peut alors s’imaginer que sa corde est très courte. Il ne peut pas augmenter la longueur de la corde mais il peut l’utiliser au mieux, dans toute sa longueur, ou alors il peut faire des tours autour de l’arbre et se retrouver avec une toute petite possibilité de se mouvoir sans s’étrangler. Quand il se sert de toute la longueur de la corde, il se sert pleinement de son libre-arbitre. Si la corde reste longue, cela signifie que vous êtes en harmonie avec la Volonté Divine, il n’y a plus de libre-arbitre puisque celui-ci devient identique à l’Absolu.
Question : Le buffle peut accepter sa corde, il peut jouer en fonction de la longueur de la corde, il peut aussi refuser la présence de la corde, sa longueur, il peut casser la corde.
Réponse : En effet, vous pouvez être complètement tamasique et refuser de faire quoi que ce soit, sauf manger, dormir. Il est vrai qu’il y a beaucoup de gens comme cela.
Pourquoi y a-t-il. Sattva, Rajas et Tamas et pourquoi influencent-ils à ce point les êtres ? Le pouvoir de discrimination provient de l’Absolu. Donc, plus on a conscience de cet Absolu, plus on a de pouvoir de discrimination. Tamas crée dans le mental des vibrations très grossières, cachant presque totalement la connaissance de l’Absolu. Rajas est moins grossier, mais néanmoins voile en partie l’Absolu. Tandis que, dans le cas de Sattva, les vibrations sont extrêmement subtiles, si bien que l’on a constamment une certaine conscience de l’Absolu. C’est pourquoi ces trois énergies de la nature influencent les humains de diverses façons.
Question : Si l’on est trop tamasique, c’est-à-dire inerte, est-ce moins grave que d’être trop rajasique ? Ne vaut-il pas mieux plus, que trop peu ?
Réponse : Bien sûr, si vous êtes super-actif, cela veut dire que vous êtes très rajasique et Rajas vaut mieux que Tamas. Le danger est que, si Rajas est combiné à Tamas, et qu’à ce moment-là il y ait très peu de Sattva, les actions peuvent être extrêmement grossières. Cela veut dire que l’on fera de grandes erreurs. C’est pourquoi les animaux sont violents. C’est le fait de Tamas combiné à Rajas. Rajas suggère des actions mauvaises qu’exécute Rajas. L’impulsion vient de Tamas et l’action est faite par Rajas.
Catherine, quelle est la position du libre-arbitre par rapport à l’astrologie ? Tu avais dit la dernière fois qu’il n’était pas déterminé dans un thème ?
Catherine : Non, il n’est pas déterminé dans un thème. On peut avoir des aspects extrêmement négatifs, mais on peut les transcender et on peut avoir des aspects extrêmement positifs et ne rien réaliser du tout. C’est l’exemple de Martin Gray qui n’a eu que des catastrophes dans sa vie, mais qui s’en est servi pour aider les autres et en en tirant des enseignements.
Mataji : Nous avons des Sages de ce genre. Nous avions un Sage qui avait été un bandit, qui pillait, qui tuait, et là il utilisait son libre-arbitre. Mais lorsque ce libre-arbitre a été bien dirigé, il est devenu un grand Sage.
Catherine : On est libre de faire tel ou tel usage de son thème.
Mataji : Oui, c’est cela.
Question : Que deviennent les trois Gunas pendant le sommeil profond ?
Réponse : Pendant le sommeil profond, nous sommes dans un état tamasique. Tamas est nécessaire pour s’endormir, pour le sommeil profond. Rajas est présent dans le rêve. Quand il y a Rajas en plus de Tamas, on rêve, on peut avoir un sommeil agité, mais le sommeil profond est entièrement, purement Tamas.
Nous avons cinq gaines ; la Conscience Absolue en nous est entourée de cinq enveloppes, cinq gaines. Il y a d’abord extérieurement la gaine physique, c’est-à-dire le corps physique qui possède aussi une conscience quoique grossière, très dense. Puis nous avons la gaine pranique et, encore plus intérieurement, la gaine mentale et la gaine intellectuelle. Et au-delà de toutes ces gaines, il y a la gaine de béatitude. La gaine de béatitude, c’est Tamas, mais encore plus intérieurement, c’est l’Absolu. Donc, quand on est dans la gaine de la béatitude, bien que ce soit Tamas, on est très près de l’Absolu si le Tamas nous rend inconscient, il y a quand même connaissance de l’Absolu, mais d’une façon négative. Bien que nous jouissions du reflet de l’Absolu en nous, nous n’en avons pas conscience. C’est la raison pour laquelle après le sommeil profond nous nous sentons bien et dispos.
Question : Dans la méditation c’est la même chose, mais il faut que nous devenions conscients de cette conscience.
Réponse : Dans la méditation, il n’y a pas de Tamas. Nous transcendons le Tamas, là le Tamas est un obstacle. Dans l’état de sommeil profond il y a un type de vibrations tamasiques qui empêchent de prendre conscience de son identité avec l’Absolu. Dans la méditation, il n’y a plus d’obstacle, et on peut prendre conscience de son identité.
Question : Comment se fait-il qu’en écoutant des kirtans et des mantras très souvent, alors que ce sont des vibrations positives et sattviques, comment se fait-il ensuite que les gens soient pleins d’énergie, donc rajasiques et ne puissent plus s’endormir ?
Réponse : Il y a une différence entre agitation et difficulté de s’endormir. Vous pouvez ne pas vous endormir parce que vous êtes agité, et vous pouvez aussi ne pas pouvoir vous endormir parce que vous n’avez pas besoin de dormir. Deux choses peuvent se produire : première chose, vous écoutez les mantras seulement mentalement, vous n’êtes pas absorbé dans les vibrations. Vous écoutez donc superficiellement. Votre mental se met alors à vibrer à l’unisson avec les vibrations des mantras ou des kirtans, vous êtes dans un état vibratoire mental et vous pouvez par conséquent être un peu agité. Vous devenez sattvique lorsque vous écoutez des kirtans ou des mantras et que vous vous absorbez dans leurs sons. Vous êtes alors dans un état sattvique, vous êtes dans un état méditatif. Vous pouvez rester éveillé ou vous pouvez être agité et avoir un demi-sommeil lorsque vos vibrations sont mentales, c’est-à-dire que vous êtes dans un état où vous n’êtes ni éveillé, ni endormi. Vous êtes en proie à une certaine agitation et vous vous retournez dans votre lit.
Question : Est-il nécessaire de connaître la signification des mots sanskrits ?
Réponse : Ce n’est pas nécessaire. Ce sont les vibrations émanant des sons qui agissent.
Question : Lorsque vous rêvez vous êtes dans un état rajasique, mais lorsque dans votre rêve vous êtes tout à fait détendu, parfois vous recevez un message.
Réponse : C’est une sorte différente de rêve. C’est autre chose. C’est un état plus profond. Je parle des rêves ordinaires. Là vous allez dans le niveau le plus profond du mental.
Question : Qu’en est-il du sommeil dû à des anesthésiques ou à des barbituriques ?
Réponse : C’est extrêmement tamasique, mais en même temps cela est très préjudiciable pour le système nerveux. Cela produit peu à peu une dégénérescence du système nerveux. Il faut essayer de ne pas prendre de barbituriques. Pour l’anesthésie, il en est de même. Dans le cas de l’anesthésie, si vous êtes conscients, si vous n’avez pas peur, cela peut vous entraîner dans un état tout à fait merveilleux. La différence c’est qu’ensuite vous n’en avez plus conscience. Le stade de l’anesthésie peut être très proche du Samadhi. J’en ai eu l’expérience ! Mais dans ce cas, il ne faut pas avoir peur.
Question : Lorsqu’une femme est enceinte, l’enfant est-il dans le même état que la mère ? Si celle-ci est tamasique, l’enfant l’est-il aussi à ce moment ?
Réponse : Oui, cela influence l’enfant. L’état mental de la mère a une influence sur l’enfant. C’est pourquoi pendant la grossesse la femme est censée ne voir que de beaux spectacles, harmonieux, agréables, n’entendre que des sons harmonieux et essayer de n’avoir que des pensées optimistes, positives.
Question : Au sujet du bien-être qu’amène l’anesthésie, n’incite-t-il pas certains à se droguer ?
Réponse : C’est la raison pour laquelle des gens se droguent, c’est pourquoi ils recommencent toujours. Et peu à peu cela cause une dégénérescence du cerveau. Tout ce qui stimule artificiellement entraîne ensuite une dépression. A chaque fois, il faut augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets, et les gens ne peuvent plus se passer de la drogue. Finalement leur cerveau est complètement déréglé, endommagé.
Au sujet de Tamas : Le caractère principal de Tamas, c’est l’inertie, qui peut être complètement négatif, parce qu’il n’y a plus de volonté, pas de pouvoir de discrimination et alors, sous l’impulsion d’un désir, on agit sans en prévoir les conséquences. On n’agit pas beaucoup, mais quand on agit, ce sont des actions grossières. En général, on préfère être couché, manger, dormir…
Au sujet des athées et des agnostiques : Les athées sont 100 % matérialistes, c’est pire que les agnostiques qui ne croient pas en Dieu, sans vraiment le nier. Vous rappelez-vous de ce que je vous ai dit au sujet de l’électricité ? Un homme dit à un autre : « Je ne crois pas en l’électricité ». Alors celui-ci lui demande d’où vient la lumière ? Et l’homme répond : « Lorsque j’appuie sur un bouton, la lumière vient. C’est donc l’interrupteur qui donne la lumière ». Mais un jour, quand il voulut appuyer sur l’interrupteur, il y eut un court-circuit et il reçut une décharge électrique. Il sauta en l’air et il demanda ce qui s’était produit. On lui répondit : « C’est l’électricité ». Alors, à ce moment-là, il crut !