Wolter A. Keers
Jnana yoga - Questions & Réponses

La réponse à toutes ces questions est analogue à la solution du cercle carré. Il importe de se demander d’où procèdent de telles questions et quel genre de réponses on désire obtenir. La question naît dans l’esprit et la réponse qu’on attend doit être dans les termes de la raison. Mais la question est-elle « raisonnable » ? En la posant on oublie que l’esprit lui-même fait partie du monde et qu’il est impossi­ble d’expliquer un tout dans les termes de sa partie. Imaginez un gâteau rond. Partagez-le en huit morceaux. Supposons que chaque morceau représente un individu. Comment s’y prendre pour expliquer à l’un de ces morceaux ce qu’est le gâteau en entier ? C’est une tâche impossible car le morceau ne pourra jamais comprendre ce qui le dépasse, ce qui est plus grand que lui.

(Revue Être. No 2. 3e année. 1975)

Réponses à diverses questions.

Il est des questions auxquelles il est impossible de répondre parce qu’elles sont formulées en termes contradictoires ou à partir d’un point de vue radicalement faux. Le lecteur connaît peut-être la plaisanterie qui consiste à demander à un ami : « As-tu déjà renoncé à battre ta femme ?  ». Un oui signifierait qu’il la battait et un non qu’il la bat encore ! Les termes mêmes de la question acculent à cette alternative sans rapport avec la réalité. Passons à un exemple plus sérieux. Vers l’âge de dix ans notre auteur s’était mis en tête qu’en recourir   à toute son ingéniosité d’enfant il parviendrait à résoudre le problème de la quadrature du cercle. Il lui fallut plusieurs mois de réflexion pour que la solution cherchée lui apparaisse sous un aspect inattendu : vouloir construire un carré rond est absurde pour la simple raison qu’il s’agit d’une antinomie. Un cercle est une figure dont chaque point est par définition à égale distance d’un même centre tandis qu’un carré correspond à une tout autre définition de sorte que joindre une courbe et quatre droites en une seule figure est une impossibilité.

Un exposé védantique suscite parfois des questions en tous points comparables et la seule réponse dont elles sont susceptibles consiste à mettre en évidence leur caractère contradictoire. Par exemple, ceux qui s’intéressent au Râja-yoga font souvent la remarque qu’on vit en permanence dans le présent et qu’il est impossible de se soustraire à cette loi. Ce présent peut être réduit en un instant de plus en plus fugace jusqu’à ce qu’on ne perçoive plus qu’une fraction de temps infinitésimale, un moment si fugitif qu’il échappe à toute pensée, n’étant plus qu’un point. Nos perceptions consistent en d’innombrables points minuscules de cette nature. La mémoire les rassemble pour en faire des images animées, tout comme le point lumineux de la télé­vision ou les images successives d’un film cinématographique. Dans cet unique et bref instant présent il n’y a de réellement perçu qu’un seul point. Il n’est pas tellement difficile de s’en rendre compte, surtout si l’on s’adonne à la méditation et à des exercices de concen­tration. À l’occasion de tels exercices se présente souvent la question : d’où vient ce petit point ? Le monde entier n’est formé que de pareils petits points et, tout compte fait, cette question se confond avec celle qui a hanté les gens depuis des générations : quelle est l’origine de la création ? La réponse : c’est l’homme lui-même qui crée le monde ne donnera aucune satisfaction car elle engendrera aussitôt un autre problème : Si c’est l’homme qui crée le monde, pourquoi le fait-il ? D’autre part, s’il est vrai que je suis la conscience absolue, d’où vient que je me prends pour un homme ignorant ? Si je suis le témoin, celui qui perçoit, comment expliquer le sentiment que je participe activement à cette création ?

La réponse à toutes ces questions est analogue à la solution du cercle carré. Il importe de se demander d’où procèdent de telles questions et quel genre de réponses on désire obtenir. La question naît dans l’esprit et la réponse qu’on attend doit être dans les termes de la raison. Mais la question est-elle « raisonnable » ? En la posant on oublie que l’esprit lui-même fait partie du monde et qu’il est impossi­ble d’expliquer un tout dans les termes de sa partie. Imaginez un gâteau rond. Partagez-le en huit morceaux. Supposons que chaque morceau représente un individu. Comment s’y prendre pour expliquer à l’un de ces morceaux ce qu’est le gâteau en entier ? C’est une tâche impossible car le morceau ne pourra jamais comprendre ce qui le dépasse, ce qui est plus grand que lui.

Il y a plusieurs façons d’analyser la création. Ses aspects les plus universels sont le temps, l’espace et la causalité. Quand le monde fut-il créé ? Ce « quand » présuppose que le temps aurait pu exister avant que le monde n’apparaisse alors que nous venons de voir que le temps en est un élément constitutif. Il en va de même avec la question : où et pourquoi le monde a-t-il été créé ? Parties inté­grantes du monde, comment l’espace et la causalité pourraient-ils être son origine ? De telles questions ne peuvent recevoir une solution qui satisfasse la raison, étant illogiques. La seule réponse valable, bien que provisoire, serait de dire : le monde se crée à chaque instant.

Le Guru

Le Guru est l’instructeur qui résout tous nos problèmes, qui donne pleine et entière satisfaction en supprimant tous nos doutes. Il s’agit dans ce cas du kârana-guru sans l’assistance duquel on ne peut réaliser l’union avec l’Absolu (Dieu, le Brahman, le Soi, etc.). Le kârya-guru, par contre, fait fonction de précurseur ; il indique le chemin qu’il faut suivre en attendant la rencontre décisive et finale du kârana-guru. Il est évident que le Guru est illuminé : il vit dans la certitude inébranlable que toute la création y compris lui-même n’est que Conscience, Essence. Celui qui n’a pas réalisé cette vérité ne peut y amener autrui.

Parler de l’illuminé, donc du Guru, en tant que personne équivaut à traiter un sujet ambigu qu’il ne faut pas vouloir élucider. L’illuminé tel qu’il est vu dans le monde a une existence en quelque sorte mythique. Il est censé être un être cosmique incarné, ce qui est un non-sens puisqu’on ne peut être à la fois limité et absolu. Cette notion n’est en réalité qu’une projection du disciple en fonction de son propre point de vue. Le guru lui-même y est indifférent car il ne s’identifie aucunement à un personnage ayant un corps, des pensées ou des sentiments mais à cette unique Expérience qui en est la matière première. Il est l’« écran » sur lequel les images défilent l’une après l’autre, il est l’eau dans laquelle se forme parfois une vague.

Le Guru ne se voit pas en tant que maître ; de son point de vue (qui n’en est pas un) il n’a pas de disciple. Mais le disciple a besoin d’un point d’appui, il lui faut un Guru et la présence de celui-ci permet d’avoir sous les yeux l’incarnation de la Vérité. Le Guru occupe une place unique. La relation avec le Guru met fin à toute autre relation et a pour but l’union ultime. Ceci n’est vrai que du point de vue du disciple. Le Guru sait qu’il est l’unité parfaite en dehors de laquelle ne pourrait exister aucun être. La relation avec le Guru est une relation d’amour. Bien qu’il faille des mots, beaucoup de mots parfois, pour expliquer au disciple ce qu’il doit comprendre, la relation avec le Guru est déterminée par le cœur. L’amour du Guru pour ses disciples est plus grand que celui des parents envers leurs enfants, plus solide que le lien entre époux ou amis. Dans la fusion de cet amour, la personnalité se résout totalement. Alors la chaîne ininterrompue des naissances et des morts se rompt à jamais — indépendamment du fait qu’il s’agirait d’une incarnation au sens strict du mot ou de cet ego fantôme qui apparaît et disparaît mille fois par jour.

Réaliser la vérité est une tâche qu’il importe de ne pas prendre à la légère. C’est une forme de suicide. Tout comme l’amour entraîne la mort égocentrique, l’ego du disciple se dissout dans l’amour qu’inspire le Guru. La relation qui les unit aboutit à une fusion totale qui met fin à toute distinction dualiste. L’amour du disciple pour le Guru c’est le Guru dans le cœur du disciple et l’amour du Guru pour le disciple c’est le disciple dans le cœur du Guru. Cette relation a pour but l’union qui s’impose à jamais comme unique alternative à la dualité. On doit souligner que le mot but n’a ici de sens que du point de vue du disciple car le Guru ne peut avoir de but.

La place unique qu’occupe le Guru n’est pas toujours interprétée correctement. Si l’on en croit certains récits tel ou tel illuminé serait parvenu à réaliser la Vérité sans avoir reçu l’aide d’un Guru. Cela paraît plutôt invraisemblable. De toute façon, aboutir à la profonde reconnaissance de la Vérité sans avoir eu de contact avec un illuminé, ne fût-ce qu’au début de la sâdhanâ, est tellement exceptionnel qu’il est préférable de ne pas tabler sur une pareille éventualité. Il est vrai aussi qu’à tout disciple, dans la mesure où la bhakti le domine (c’est surtout le cas en Inde où l’on semble davantage romantique), il paraîtra impossible que son Guru ait pu jamais avoir été ignorant et obligé de recourir à l’enseignement d’un autre guru. « C’est peut-être vrai pour les autres gurus mais pas pour le mien. » Le Guru étant l’Absolu, comment l’Absolu aurait-il pu avoir un Guru ? Et nul ne s’occupe plus du personnage auquel son Guru aurait pu s’identifier.

La relation qui unit le disciple à son guru est remarquablement exprimée dans le Râmâyana par Hanumân, le roi des singes, qui aide Râma à délivrer Sîtâ retenue captive dans 1’île de Lankâ. Interrogé sur ce qui l’unit à Râma, son guru, Hanumân répondit : « Lorsque je suis mon corps, je suis son serviteur, lorsque je suis mes pensées et senti­ments, je suis son disciple ; lorsque je suis moi-même lui et moi ne faisons qu’un ».

Comment peut-on savoir si quelqu’un est illuminé ?

Il va de soi que porter un habit orange ne saurait être une garantie de sagesse. Depuis quelques années l’Europe a vu affluer des swamis de toute catégorie et de toutes les régions, de l’Inde, du Tibet et d’ailleurs. À peu près tous semblaient rivaliser dans l’ignorance. Des conseils dans le genre « il faut réaliser le Soi, il faut méditer, il faut persévérer » nous paraissent trop gratuits pour avoir quelque efficacité. Il est vrai qu’il n’est guère facile d’expliquer à quelqu’un comment il parviendra à une vision parfaite de ce qu’il est et de le placer dans l’expérience qui lui procurera une certitude inébranlable. C’est le privilège du véritable Guru. Une parabole du folklore hindou peut illustrer la chose. « Tu es un petit villageois indien et tu viens de perdre ta vache. Celle-ci représente pour toi presque autant que ta femme et tes enfants, car toute ton existence en dépend. Elle te fournit du lait, t’aide à labourer… En somme, elle fait partie de la famille. Désespéré par cette perte, tu l’as cherchée en vain partout mais elle est restée introuvable. Puis un jour, un étranger arrive au village avec une vache. Il se renseigne de divers côtés pour trouver son propriétaire et quelqu’un lui indique ta maison. Il frappe à ta porte et tu ouvres. Aussitôt s’engage le dialogue suivant : « Cette vache vous appartient-elle ? — Oui, c’est bien la mienne. — Soit, mais comment pouvez-vous en être tout à fait sûr ?» Quelle question ! Ne la connais-tu pas aussi bien que ta femme et tes enfants ? N’est-ce pas toi qui l’as achetée toute petite et ensuite élevée ? Tu sais parfaite­ment bien à quoi elle ressemble. « Vous en êtes pleinement convain­cu ? — Sans aucun doute possible. — Bon, dit l’étranger, reprenez-la puisqu’elle vous appartient ». De la même manière, le Guru nous met continuellement face à face avec notre être véritable et chaque fois il pose la question : « Est-ce vrai ? Ai-je dit la vérité ? As-tu compris à fond ? N’as-tu rien accepté sans l’avoir vérifié en tous points ?» Tant que nous ne serons pas tout à fait satisfaits tant qu’il y aura l’ombre d’un doute, il nous dispensera inlassablement ses éclaircisse­ments. Là est le seul critère pour savoir si l’on a affaire à son véritable Guru. Si un Guru n’arrive pas à vous convaincre — et sans que sa qualité soit en cause — ce ne peut être « votre » Guru. Vous devez continuer votre recherche jusqu’à ce qu’enfin vous le trouviez. Mais comment le trouve-t-on ? La réponse est simple : il faut vouloir le trouver. En vous y mettant fermement vous provoquerez sa venue. En Inde un dicton déclare : « il est plus facile de trouver cent gurus bona fide qu’un seul disciple sincère ». Cette affirmation peut paraître excessive mais sa signification n’en est pas moins claire : quiconque s’applique sérieusement et se prépare pour la rencontre décisive trouvera le Guru qui lui est prédestiné. C’est à l’occasion de cette rencontre que s’opère la réalisation de la vérité : on réalise le Soi dès que l’on entend (et comprend) la vérité énoncée par un Guru compétent. Par la suite, il ne reste plus qu’à se débarrasser des obstacles psychiques, ce qui revient à dire qu’il faut s’imprégner profondément de ce qui a été ainsi assimilé, projeter cette lumière dans les coins les plus obscurs de notre existence, jusqu’à ce que disparaisse toute espèce de fixation afin que la fausse identification avec le corps soit pour toujours éliminée. On déplace le centre de gravité du corps et de l’esprit — pensées et sentiments — vers cette unique Essence qui est l’ultime « Je suis ». Il en résulte une complète modification de notre attitude devant la vie.

L’autorité spirituelle.

Si l’on se trouve en désaccord avec certaines données du Védanta s’ensuit-il qu’on fasse fausse route ? Le Védanta n’a rien de systémati­que, ce n’est ni une manière particulière de penser ni un mode spécial de comportement. À celui qui tient à considérer le Védanta comme une philosophie — ce qui a priori n’offre aucun inconvénient — on doit faire remarquer que cette philosophie a comme point de départ un dialogue entre celui qui cherche et celui qui sait. C’est la « traduc­tion en mots » d’une Expérience unique et transcendante qu’on appelle l’état d’éveil.

Celui qui n’est pas d’accord avec l’essence même du Védanta ne peut être qu’en désaccord avec toute autre tradition non-dualiste. Sur l’Essence de toute réalité, il ne saurait y avoir une diversité d’opinions valables. Qu’un taoïste, un adepte du Zen, un jnânî de l’Inde abolissent l’identification du Soi avec le corps, les sens, les pensées et les sentiments, l’Expérience est la même pour tous. Cela ne signifie pas que toutes les méthodes sont pareillement efficaces. Si l’on découvrait un jour que les Esquimaux détiennent une tradition spirituelle menant à la Réalisation de la non-dualité, on peut être certain d’avance que le jnânî s’entendrait parfaitement avec celui qui aurait atteint ce but en suivant cette tradition. Comme il s’agit de la même Expérience, n’importe quel Illuminé est en mesure d’expliquer les écrits et les propos d’un autre sage. En revanche, tous ceux qui passent aux yeux des profanes pour illuminés ne le sont pas véritable­ment et il arrive qu’un sage ne soit pas compris par ses propres disciples. Si l’on devait prendre au sérieux tous les récits se rappor­tant par exemple à Shrî Râmakrishna on serait tenté de regarder celui-ci non pas comme le grand sage qu’il était mais comme un charlatan. Nous avons également en mémoire l’exemple d’un illuminé hindou qui, au cours d’un voyage en Europe, s’attarda devant un buste de Socrate et finit par dire : « C’est merveilleux. Quel grand sage c’était ! » Si l’on se reporte à ce que Platon dit de Socrate on pourrait être d’un avis très différent. Pour toutes ces raisons il est prudent de ne se fier qu’aux textes classiques renommés tels que la Bhagavad-Gîtâ, l’Ashtavakra Samhitâ, les écrits de Shankarâchârya et de quelques autres.

Nous sommes intimement convaincu qu’il n’y a qu’une Vérité Ultime, peu importe le nom qu’on lui donne. Nous pensons aussi que la voie védantique est celle qui mène à cette vérité de la façon la plus directe, avec le maximum de précision et d’explications. Cela étant, nous ne dirons pas qu’on se trompe nécessairement en adoptant un point de vue différent. Ce qui pour nous importe c’est de « vivre » un Védanta réel, débarrassé de tout romantisme, de toute interprétation partisane. Il ne faut pas confondre cette attitude avec un certain fanatisme, marque évidente d’un manque de certitude. Le védantin compétent parle avec l’assurance de celui pour qui le doute n’existe plus.

Le problème de la hiérarchie des valeurs.

Question : Si tout peut être ramené à la même unité, cela ne revient-il pas à croire que je ne vaux pas plus qu’un objet qu’on jette au rebut ?

Réponse : Et si l’on renversait les choses ? On pourrait tout aussi bien affirmer que tout, y compris ce qui est jeté au rebut, acquiert la même nature sublime.

Cette question nous est souvent posée par des chercheurs ayant mal compris certaines données du Védanta. Celui qui cherche vraiment la Vérité ne s’attardera pas pour savoir si oui ou non la valeur de son ego est en cause. Devant de telles questions on serait tenté de croire qu’on a voulu une fois de plus présenter le Védanta comme l’ultime moyen de purification, ce qu’il n’est pas.

Le chercheur sincère trouvera tôt ou tard l’initiation qui lui convient. Rien n’est plus dangereux que de parler inconsidérément de ces questions. On se forge ainsi l’illusion d’être quelqu’un qui sait, ce qui est pure sottise et rien ne colle plus solidement à notre peau que la vanité. La personnalité, l’ego, aspire continuellement à se faire valoir ; la plupart d’entre nous se divisent en deux personnages dont l’un juge, félicite ou condamne l’autre. Nous avons entendu récem­ment cette réflexion : « Je me demande si, dans le temps, je trouvais que c’était gentil de ma part… » Voici donc une seule et même personne A qui se demande ce que B pensait de C à tel ou tel moment. En réalité, la personnalité ne consiste en rien d’autre qu’en une série de qualités sur lesquelles on projette de la simultanéité et qui s’ajuste de manière à former une image que nous appelons « je » et à laquelle nous nous identifions. Cette personnalité est tout à fait imaginaire. Quelle soit forte ou faible est sans importance. La seule chose qui mérite de retenir notre attention est le moyen approprié pour se défaire de la croyance atavique que je suis un corps avec des pensées et des sentiments et non l’Essence impersonnelle en laquelle tous ces objets se manifestent.

La dignité humaine n’est pas déterminée par le nez, les oreilles, les pieds, etc., ni par son ingéniosité, mais elle est en rapport direct avec la mesure dans laquelle nous parvenons à nous délivrer de cette illusion. Dans une égale mesure nous ne sommes plus harcelés par le besoin de défendre un ego et ses intérêts personnels et l’énorme quantité d’énergie qui était dépensée pour satisfaire ce besoin incessant devient disponible pour « traduire » spontanément ce qui vit dans le cœur.

Sous-jacente à ce qui vient d’être dit est la remarque suivante : la disparition de l’illusion dualistique n’entraîne aucune transformation de la manifestation. L’illustre Râmakrishna disait à ce propos : « Avant d’avoir réalisé la Vérité, j’aimais les fraises et je les aime toujours autant. » En d’autres termes, les préférences tiennent à la structure psycho-physique et gardent à ce niveau toute leur valeur. L’illuminé accordera plus d’attention à sa famille et à ses amis qu’à un brin d’herbe. La réalisation ne fait pas du monde un paradis éphémère. Ce n’est que notre point de vue subjectif qui change.