Le processus de création selon S. Lupasco

Ainsi les procédures de toute connaissance ne révèlent pas un Moi conscient s’opposant à un Objet extrinsèque, mais une dynamique d’énergies antagonistes dont l’imbrication engendre des processus cognitifs multiples. C’est le monde qui se connaît lui-même, en même temps qu’il évolue et se crée.

(Revue Être Libre. No 285. Octobre-Décembre 1980)

Nous venons de recevoir une circulaire imprimée de notre ami et correspondant, le célèbre écrivain Stéphane Lupasco, auteur du livre que nous avons commenté à diverses reprises « Les trois matières » ainsi que de nombreux autres ouvrages.

Nous reproduisons ci-après un extrait de cette très intéressante communication dont les conclusions mettent en évidence l’existence dans l’univers d’un processus fondamental d’évolution et de création constant.

Ceci rejoint en grande partie les conclusions de nos différents essais mettent en évidence l’existence d’un processus de création constant dans les ultimes profondeurs de l’univers.

R.L.

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Robert Linssen & Stéphane Lupasco

Matière et même connaissance ne sont que phénomènes énergétiques. Toute énergie implique un antagonisme dynamique entre actualisation et potentialisation complémentaires de forces opposées. Le principe d’exclusion de « Pauli » a permis la structuration de l’univers en systèmes de systèmes de plus en plus complexes et hétérogènes. Le système neurophysique repose, en dernière analyse, sur le fonctionnement du neurone, où la loi binaire du tout ou rien de l’influx est modulée par la dynamique antagoniste de la synapse. La conscience n’est pas conscience de quelque chose, mais ce quelque chose à l’état potentiel. Dans le système afférent, l’hétérogénéité des sensations s’actualise en un sujet inconscient tandis que l’homogénéité de l’objet se potentialise et se consciencialise. En même temps, dans le système efférent, l’actualisation d’un projet en acte homogénéisant engendre un sujet homogène inconscient et potentialise l’hétérogénéité de l’objet. C’est la succession et l’intrication antagoniste de ces deux sujets et de ces deux objets contradictoires et de ces deux moyens de connaissance qui engendre la conscience de la conscience et de l’inconscience propre au psychisme humain. Le concept en découle; ce n’est pas seulement l’idée générale qui n’en est que l’extension ou homogénéité du concept; et avec son autre pôle, l’intention ou l’hétérogénéité du concept, il constitue la plaque tournante du psychisme, quantum neuropsychique aussi ambivalent que celui de « Planck ». Si le physique se caractérise par la dominance de l’homogène, le vivant par celle de l’hétérogène, le neurone et le concept font apparaître un troisième état, celui du tiers inclus, de l’affrontement maximal et égalitaire des deux tendances. La connaissance du macrophysique a été facilité par son adéquation avec la logique de l’homogénéité et a permis l’essor de la science et de la technique. Celle du biologique nécessite des processus cognitifs inverses, dépendant d’une logique également non-contradictionnelle, celle de l’hétérogène. La connaissance du psychologique nécessite une troisième logique, contradictorielle, celle-là. La psychiatrie est à réviser, ce n’est pas en limitant, mais en rétablissant les contradictions, qu’on peut revenir à l’équilibre. Enfin la connaissance du microphysique réclame aussi une logique du type psychique. Dans l’un et l’autre règnent l’indéterminisme des relations et l’antagonisme ambivalent de l’onde-corpuscule et du concept en extension-intension.

Ainsi les procédures de toute connaissance ne révèlent pas un Moi conscient s’opposant à un Objet extrinsèque, mais une dynamique d’énergies antagonistes dont l’imbrication engendre des processus cognitifs multiples. C’est le monde qui se connaît lui-même, en même temps qu’il évolue et se crée.