L’inscrutable Madame Blavatsky : Entretien avec Gary Lachman

Traduction libre 27/12/2013 J’étais à la recherche de l’inconnu… – Madame H.P. Blavatsky (1831-1890) Gary Lachman est l’un des auteurs les plus intelligents et les plus prolifiques d’aujourd’hui sur le monde de l’occulte. Il a débuté dans les années 1970 sur la scène rock new-yorkaise comme l’un des membres originaux du groupe new wave révolutionnaire Blondie. […]

Traduction libre

27/12/2013

J’étais à la recherche de l’inconnu…

– Madame H.P. Blavatsky (1831-1890)

Gary Lachman est l’un des auteurs les plus intelligents et les plus prolifiques d’aujourd’hui sur le monde de l’occulte. Il a débuté dans les années 1970 sur la scène rock new-yorkaise comme l’un des membres originaux du groupe new wave révolutionnaire Blondie. En 1996, il s’est installé à Londres, où il s’est établi comme écrivain à plein temps, contribuant à des publications telles que Fortean Times, The Guardian et The Times Literary Supplement.

Depuis 2001, il a publié une série de livres, dont Turn Off Your Mind : The Mystic Sixties and the Dark Side of the Age of Aquarius ; The Secret History of Consciousness ; A Dark Muse : A History of the Occult ; et Politics and the Occult : The Right, the Left, and the Radically Unseen. Ces dernières années, il a publié des biographies de personnalités ésotériques majeures telles que P.D. Ouspensky, Emanuel Swedenborg, Rudolf Steiner et Carl Jung. Site : https://www.gary-lachman.com/

J’ai fait la connaissance de Gary dans les années 90, lorsqu’il contribuait fréquemment au magazine Gnosis, aujourd’hui disparu, dont j’étais le rédacteur en chef. Bien que nous soyons restés en contact permanent au fil des ans, la dernière fois que je l’ai vu en personne, c’était en 2006, lorsqu’il était à New York pour être intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en tant que membre du groupe Blondie. Nous avons eu une longue conversation au cours d’un déjeuner qui a débouché sur son livre Politics and the Occult. En 2012, Gary a publié Madame Blavatsky : The Mother of Modern Spirituality, une biographie de la figure spirituelle pionnière du dix-neuvième siècle H.P. Blavatsky (également connue sous le nom de HPB). En janvier 2013, j’ai réalisé un entretien par courriel avec lui à propos du livre et de Blavatsky.

RICHARD SMOLEY (RS) : Pour commencer, pourriez-vous dire un peu qui était H.P. Blavatsky pour ceux qui ne la connaissent pas ?

GARY LACHMAN (GL) : Helena Petrovna von Hahn est née en 1831 dans une famille de la petite noblesse russe. Vers sa dix-huitième année, elle fuit un mariage bref et non consommé avec un homme plus âgé, Nikifor Blavatsky, et s’embarque dans ce qui, de l’avis général, fut une quête mondiale de vingt et un ans de connaissances secrètes, déclenchée par la lecture de la bibliothèque occulte de son arrière-grand-père et par ses propres expériences mystiques. Pendant cette période, disait-elle, elle a rencontré son maître Morya à Londres, qui l’a chargée d’une mission : atteindre le Tibet, où elle apprendrait à maîtriser ses capacités psychiques. Elle refait surface à New York en 1873, où elle vit dans une coopérative de femmes dans le Lower East Side. Une rencontre avec le colonel Henry Steel Olcott débouche sur une relation platonique qui durera toute sa vie. En 1875, elle, Olcott et William Quan Judge fondent la Société théosophique. Le reste appartient à l’histoire.

RS : Qu’est-ce qui vous a poussé à la choisir comme sujet d’une biographie ?

GL : J’avais déjà écrit des études sur Ouspensky, Jung, Swedenborg et Rudolf Steiner. Comme je l’affirme dans le livre, HPB a exercé une influence déterminante sur la quasi-totalité de la spiritualité et de l’ésotérisme modernes. Tout mon travail est centré sur l’idée d’une évolution de la conscience, à la fois chez l’individu et dans la culture en général. Il m’a semblé logique de jeter un regard neuf sur quelqu’un qui a donné le coup d’envoi à tout un mouvement consacré à cette idée. J’ai également été frappé par le fait qu’une grande partie de ce que nous croyons savoir sur HPB était en réalité un mythe, fait de rumeurs et de perceptions erronées, répétées pendant plus d’un siècle. Je ne peux pas dire que j’ai dit la vérité sur Blavatsky, mais j’ai essayé de souligner ce que d’autres n’ont pas fait.

RS : Quelle influence Blavatsky continue-t-elle d’avoir sur la scène spirituelle actuelle ?

GL : La Société théosophique, sous ses différentes formes, existe encore aujourd’hui. Une grande partie de ce que nous considérons comme le Nouvel Âge trouve ses racines dans les premiers travaux de Blavatsky. Le bouddhisme tibétain et mahayana, tel que nous le comprenons en Occident, par exemple, a émergé grâce à elle et à ses premiers disciples. W.Y. Evans-Wentz, qui a rassemblé les textes funéraires connus sous le nom de « Livre tibétain des morts » était un théosophe, et une grande partie de son travail s’inspire des idées théosophiques. De même, nos sensibilités interconfessionnelles et multiconfessionnelles contemporaines, nos efforts en faveur d’une large tolérance religieuse, trouvent leurs racines dans la croyance de Blavatsky selon laquelle toutes les grandes religions trouvent leur source dans une ancienne doctrine « secrète ». Elle était très en avance sur son temps.

RS : Il existe un large éventail d’opinions sur Blavatsky. D’un côté, il y a ceux qui la considèrent comme une fraude pure et simple. À l’autre extrémité, il y a ceux qui la considèrent comme une sainte très décriée. Où vous situeriez-vous sur ce continuum ?

GL : Eh bien, je ne la considère ni comme une fraude ni comme une sainte, donc je pense que je suis au milieu, ou plutôt, peut-être « au-dessus » de cette opposition entre l’un et l’autre. Dans le livre, je me réfère à un concept que j’emprunte au romancier Hermann Hesse. Dans un essai sur Dostoïevski, Hesse parle de ce qu’il appelle « l’homme russe », qui est un personnage antinomique, « un hystérique, un ivrogne, un criminel, un poète et un saint, tout-en-un ». Pensez à Raspoutine, le « saint diable ». HPB était ce que nous appelons une « rusée (ou arnaqueuse : trickster) », bien que ce terme soit un peu cliché. Elle n’hésitait pas contre quelques tours mystiques lorsqu’elle le jugeait nécessaire — ou lorsqu’elle était exaspérée par les dévots sanctimonieux qui lui faisaient souvent perdre son temps. Mais c’était aussi un personnage profondément spirituel, je dirais même religieux, moral ; je la compare aux starets russes — des individus profondément spirituels qui dégageaient une sorte d’électricité spirituelle. Mais elle ne l’affichait pas ostensiblement.

RS : Après avoir fait tant de recherches sur Blavatsky, croyez-vous personnellement que ses prétendus pouvoirs occultes étaient authentiques ?

GL : Je garde l’esprit ouvert en ce qui concerne ses pouvoirs. D’une part, j’ai vécu suffisamment d’expériences anormales pour accepter que la vision « scientifique » standard de la réalité ne couvre tout simplement pas toutes les bases, comme les rêves précognitifs, la télépathie et les synchronicités très convaincantes. Bien sûr, certaines des affirmations concernant HPB — matérialisation de tasses de thé et d’autres objets — semblent impossibles. Mais j’indique dans le livre d’autres exemples de capacités similaires. J’examine quelques-uns des exemples les plus connus et compte tenu de ce que nous savons d’eux — et nous ne pouvons nous baser que sur les récits qui nous sont parvenus — j’essaie de voir comment elle aurait pu les simuler — si elle l’a fait. Bien sûr, ce n’est pas parce que je ne vois pas comment elle aurait pu simuler la tasse de thé ou une autre « matérialisation » qu’elle n’a pas pu le faire. Mais je me suis beaucoup creusé la tête à ce sujet et je pense avoir couvert tous les angles possibles. Mon avis est donc que, oui, ces phénomènes sont incroyables, mais peut-être pas impossibles. Je veux dire, regardez ce que la science nous dit sur la matière noire, la force obscure, les supercordes et les n-dimensions. Tout cela semble également incroyable. Ses « phénomènes » étaient-ils importants ? C’est une autre question.

RS : Blavatsky a beaucoup parlé de ses liens avec les Maîtres cachés, Morya et Koot Hoomi, ainsi qu’avec d’autres Maîtres. Certains considèrent qu’il s’agit d’hommes réels dotés de capacités surhumaines qui l’ont guidée dans son cheminement et dans la création de la Société théosophique. D’autres disent qu’ils sont le fruit de son imagination. Quelle est votre position sur cette question ?

GL : Les Maîtres de Blavatsky me semblent être composés de plusieurs choses différentes. Il y a le « mystérieux Hindou de mes rêves » qui est venu à elle au début de sa vie et qui lui a sauvé la vie plus d’une fois — c’est du moins l’histoire qu’elle a racontée dans les dernières années de sa vie. Il y avait aussi l’idée de « supérieurs inconnus », des personnes de haut rang dans la franc-maçonnerie rosicrucienne pratiquée par son arrière-grand-père. En lisant des articles sur ces hommes mystérieux, puissants, mais « cachés », Blavatsky s’est engagée à les trouver et à réaliser la vision d’une Europe progressiste et unie qu’ils défendaient. La Société théosophique était sa façon d’essayer de réaliser leur objectif d’une fraternité universelle. Ensuite, il y a eu les hommes et les femmes qu’elle a rencontrés dans sa quête de connaissance, des personnes qui, comme elle, poursuivaient une quête similaire. Elle considérait nombre d’entre eux comme des « Maîtres » — un titre de respect et de gratitude. Mais bien sûr, les Maîtres les plus importants étaient Morya et Koot Hoomi, des hommes en chair et en os qui avaient maîtrisé leurs propres pouvoirs psychiques et qui lui ont appris à maîtriser les siens. La question de savoir s’ils possédaient les pouvoirs qu’elle revendiquait est toujours débattue, mais je crois qu’ils ont existé. HPB vivait un mythe et elle voyait ces personnes comme des incarnations des guides intérieurs qui, selon elle, l’aidaient à avancer sur son chemin. Ainsi, le Maître qu’elle a connu dans ses rêves d’enfant et le Maître qu’elle a rencontré à Londres en 1851 n’étaient peut-être pas la même personne, mais pour elle, nous pouvons dire qu’ils remplissaient le même rôle.

RS : Dans votre livre, vous faites allusion à des mains invisibles qui travaillent dans les coulisses de l’histoire. Pensez-vous que de telles forces existent, et si oui, comment ont-elles utilisé Blavatsky ?

GL : Je ne suis pas sûr de la version « main cachée » de l’histoire — et l’expression « main cachée » vient de l’érudit ésotérique Joscelyn Godwin. Cette idée est une sorte d’élément de base de l’histoire de l’occultisme, et aussi de notre conscience conspirationniste contemporaine. Dans un sens, je n’y suis pas favorable — je pense que nous devons résoudre nos problèmes nous-mêmes, plutôt que d’attendre qu’un sauveur, qu’il s’agisse d’un « cercle intérieur » de l’humanité, d’extraterrestres bienveillants, d’êtres extradimensionnels ou de calendriers mayas, le fasse à notre place. Mais d’un autre côté, étant donné la prédominance du point de vue « rationnel » selon lequel l’histoire n’a pas de sens ou, au mieux, est le résultat de forces purement matérielles, je pense que l’idée de quelque chose à l’œuvre « dans les coulisses » peut être positive. Au moins, elle suppose un sens ou une intelligence à l’œuvre. Mais la notion d’une cabale d’individus avancés, terrés dans les montagnes de l’Himalaya — ou au centre de la Terre, ou dans l’Arctique — me semble un peu de trop. J’ai tendance à voir dans cette idée une métaphore de la pulsion évolutive. Mais peut-être y a-t-il des êtres angéliques qui nous donnent des indices de temps en temps.

RS : Pourriez-vous nous parler des œuvres majeures de Blavatsky, Isis dévoilée et La doctrine secrète ?

GL : Dans le livre, je dis que je suis plus favorable à Isis Dévoilée qu’à La Doctrine Secrète. L’une des raisons est qu’Isis dévoilée est souvent négligée par rapport à ses autres œuvres majeures. Je pense qu’il s’agit d’une réalisation remarquable. Il s’agit de l’un des premiers recueils occultes, une collection fascinante, bien que souvent épuisante, de la littérature et de la philosophie ésotériques et occultes disponibles à l’époque. Il est à l’origine d’une grande partie de ce que nous considérons aujourd’hui comme de la littérature « alternative ». D’une certaine manière, c’est un peu comme les livres de Charles Fort, mais en beaucoup mieux écrit et avec des arguments plus convaincants. Fondamentalement, avec Isis dévoilée, Blavatsky a tenté de ressusciter la sagesse hermétique, qui était en éclipse depuis les années 1600. C’est à elle que revient le mérite d’avoir formulé la première critique philosophique — et non religieuse — de l’évolution darwinienne dans cet ouvrage ; le mérite en revient généralement à Samuel Butler (auteur d’Erewhon), qui a écrit une remarquable série de livres attaquant Darwin dans les années 1870 et 1880. Malheureusement, ces ouvrages sont aujourd’hui oubliés, mais leurs arguments restent tout à fait pertinents. (Quelqu’un devrait en envoyer des copies à Richard Dawkins.) Mais Blavatsky a devancé Butler de quelques mois. Elle devrait être reconnue dans l’histoire des idées pour cela.

La Doctrine secrète est une sorte de bible de la pensée ésotérique et occulte. Elle présente une histoire ésotérique complète de l’humanité et de l’univers, ainsi que la sagesse occulte que Blavatsky dit avoir apprise pendant sa tutelle au Tibet. Il a un caractère plus « gravé dans la pierre » qu’Isis Dévoilée et a donné lieu à de nombreuses ramifications, certaines bonnes, d’autres moins bonnes.

RS : La Doctrine Secrète présente une histoire alternative élaborée de l’évolution humaine, avec des références à des choses comme l’Atlantide et la Lémurie. Que pensez-vous personnellement de cette histoire ?

GL : J’ai trouvé plus profitable de lire l’histoire occulte de HPB comme une gigantesque épopée de science-fiction ou de fantasy, une mythologie moderne, quelque chose dans la lignée, disons, des « histoires du futur » d’Olaf Stapledon, Last and First Men (Les derniers et les premiers) et Starmaker (Créateur d’étoiles). J’ai ressenti la même chose à propos des lectures similaires des archives akashiques de Rudolf Steiner. Je pense également que si les détails des lectures de Steiner et de Blavatsky sur l’Atlantide, la Lémurie, etc. peuvent sembler franchement incroyables, le sens général d’une forme antérieure de conscience qu’elles présentent a beaucoup de valeur. Avec la plupart de ces visions spirituelles — celle de William Blake peut s’inscrire dans ce cadre, tout comme celle de Jung telle qu’elle est décrite dans Le Livre Rouge —, nous devons faire le tri entre ce qui est personnel, ce qui est simplement l’inconscient en train de créer, et ce qui peut être une présentation symbolique de notre réalité spirituelle actuelle. En même temps, il existe de nombreux arguments convaincants en faveur de l’idée que des civilisations ont existé bien avant ce que nous considérons comme le début de l’histoire. En fait, les récits « officiels » sont régulièrement repoussés de plus en plus loin. L’archéologie finira-t-elle par prouver que HPB avait tout à fait raison ? J’en doute. Mais elle pourrait montrer, et montrera probablement qu’elle avait raison de dire que nous ne sommes pas les premiers à avoir passé du temps sur notre planète.

RS : L’une des critiques fréquemment formulées à l’encontre de Blavatsky est qu’elle était raciste et que ses opinions sur ce qu’elle appelait la « race aryenne » ont inspiré le nazisme et d’autres idéologies similaires. Où se situe la vérité sur ce point ?

GL : Fondamentalement, bien que certaines des remarques de HPB sur la race franchissent la barrière de la gêne et soient inacceptables pour nous, elle n’était pas plus raciste que ce que les sensibilités dominantes de l’époque acceptaient. Malheureusement, ses remarques sur les racines et les sous-races dans La doctrine secrète ont inspiré certains personnages protonazis en Autriche et en Allemagne — si l’on peut qualifier d’« inspiré » ce qu’ils ont fait de ses brèves remarques. Nous ne pouvons pas la tenir pour responsable de cela ni de toute autre appropriation de ses idées par des personnages moins tolérants. Dans un sens, HPB se trouve dans la même situation que Nietzsche lorsque les nazis se sont appropriés certains de ses travaux — il n’était en aucun cas raciste ni belliciste, mais les valets nazis l’ont présenté de cette manière. Ce n’est que lorsque des chercheurs sérieux ont rétabli sa réputation qu’il a été blanchi de tout soupçon de nazisme. Il faut faire la même chose pour HPB, et si j’ai contribué à cet effort, j’en suis heureux. Je n’ai vu aucune preuve que Blavatsky était personnellement raciste, et en effet, elle a abandonné ses privilèges de blanche européenne pour vivre avec des hindous et des Cinghalais pendant son séjour en Inde et à Ceylan (Sri Lanka). Elle était plutôt anti-européenne, voire anti-blanche, si l’on en croit ses remarques sur le Raj britannique et le mouvement missionnaire chrétien. Certains l’ont qualifiée d’antisémite, mais cela signifie surtout qu’elle n’aimait guère la religion judéo-chrétienne. On oublie que sa mission centrale était de fonder une fraternité universelle, sans distinction de race, de croyance, de sexe ou de couleur. On oublie aussi qu’elle a eu beaucoup plus d’influence sur Gandhi que sur Hitler. Gandhi a trouvé l’œuvre de sa vie au contact de la théosophie.

RS : Pourriez-vous nous parler un peu de la Société Théosophique et de sa place dans les courants spirituels des XXe et XXIe siècles ? Quelle influence continue-t-elle d’avoir ?

GL : Je ne suis pas théosophe et je ne suis associé à aucun groupe théosophique, je ne peux donc parler que de ce dont j’ai connaissance de manière périphérique, pour ainsi dire. Mais la Société théosophique sous ses différentes formes — il y a un certain nombre d’incarnations différentes — est toujours vivante et dynamique. Je sais qu’ici, à Londres, la Société théosophique est un centre qui organise un large éventail de débats, de conférences et d’autres activités, tous liés aux thèmes de la spiritualité, de la conscience et de la « connaissance perdue ». La présence théosophique est très active sur Internet, avec plusieurs sites consacrés à différents aspects de la théosophie en général et de Blavatsky en particulier. Mon livre lui-même semble avoir stimulé certaines discussions. Je pense donc qu’elle continuera à occuper une place importante dans le monde « alternatif ». Ce que j’ai constaté avec pratiquement tous les mouvements ou groupes associés aux personnes sur lesquelles j’ai écrit — Steiner, Swedenborg, Ouspensky, etc. — c’est qu’ils cherchent tous à se renouveler, à attirer un public plus large et plus jeune, à se rendre plus inclusifs. Je pense qu’il existe un parallèle avec le monde extérieur au sens large. J’ai participé à des manifestations artistiques en Europe et en Angleterre, dans de grands musées et galeries d’art, qui mettaient la spiritualité au centre de leurs préoccupations, et la théosophie est un élément fréquent de ces manifestations. En fait, je suis censé participer à une grande rétrospective de l’œuvre de la peintre théosophique suédoise Hilma af Klint à Stockholm dans le courant de l’année (2013). Je pense qu’en général, le monde officiel commence à voir ce dont beaucoup d’entre nous sont conscients depuis des années : l’ésotérisme a eu une influence beaucoup plus grande sur le monde moderne que nous ne le pensons.

RS : Quel est votre point de vue sur l’évolution humaine, en particulier en ce qui concerne l’époque actuelle ? Que pensez-vous qu’il arrive à la race humaine dans son ensemble à ce stade du jeu ?

GL : Comme je l’ai dit, la majeure partie de mon travail est axée sur l’idée d’une évolution de la conscience. Mon point de vue s’appuie sur les travaux de personnes comme Colin Wilson, Owen Barfield, Jean Gebser et d’autres ; j’en parle longuement dans mon livre A Secret History of Consciousness (Une histoire secrète de la conscience). D’une manière générale, je pense que nous assistons au début de l’effondrement du type de réductionnisme scientifique qui a été le mode dominant de la conscience au cours des quatre derniers siècles. Cela ne signifie pas qu’une enseigne au néon se lèvera à l’horizon pour annoncer le début d’une nouvelle ère. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, et il ne faut pas chercher les signes de ce changement dans les actualités. Les changements de conscience ne signifient pas nécessairement des changements immédiats dans la société ou dans le monde. Tout travail commence par l’individu. Mais je pense que depuis un siècle environ, de plus en plus de gens ont compris que la science, ou plutôt le scientisme n’est tout simplement d’aucune aide lorsqu’il s’agit de répondre aux grandes questions, telles que De quoi s’agit-il ? La science est très douée pour le savoir-faire, mais inutile pour « savoir pourquoi ». Le boson de Higgs ne peut pas me dire pourquoi j’existe et ce que je suis censé faire maintenant que je suis là. Pendant longtemps, nous avons adhéré à l’idée que si la science ne peut pas répondre à ces questions, c’est qu’elles sont absurdes. Mais cela ne fonctionne plus. Le principal défi consiste à comprendre le fonctionnement de notre propre conscience, et non à essayer de l’expliquer de manière simpliste, comme l’ont fait les neurosciences et la majorité des philosophies de l’esprit contemporaines. La science ne peut pas me dire quel est le sens de ma vie, et les religions établies — qui étaient autrefois capables de satisfaire ce besoin de sens — ne semblent plus en mesure de le faire. Je pense que la réponse se trouve en nous-mêmes, dans notre propre esprit. Je pense que HPB aurait été d’accord.

La biographie que Gary Lachman consacre à H.P. Blavatsky, figure spirituelle pionnière du XIXe siècle, s’intitule Madame Blavatsky : The Mother of Modern Spirituality (352 pages, Tarcher 2012).

Texte original : https://www.newdawnmagazine.com/articles/the-inscrutable-madame-blavatsky-an-interview-with-gary-lachman