Pierre Brunel : Antonin Artaud et la quête du sacré

Il serait sans doute exagéré de placer sous le signe de René Guénon l’ouvrage le plus célèbre et le plus important d’Artaud, c’est-à-dire le volume intitulé Le Théâtre et son Double, volume publié par Gallimard en 1938, mais regroupant des essais plus anciens, s’échelonnant de 1931 (La Mise en scène et la métaphysique) à 1936 (Le Théâtre de la Cruauté, Un Athlétisme affectif). On trouve pourtant une allusion explicite à Guénon dans la conférence de 1931 : voulant substituer aux « idées mortes » de la psychologie (ou plutôt d’une certaine psycho­logie héritée d’une tradition théâtrale qu’il juge périmée) les perspec­tives plus hautes de la métaphysique, Artaud prend soin de proposer, de ce terme, une définition qui lui rende son sens plein…

Katia Barbérian : Lautréamont

Dès lors, il semble que l’exploration du mal, l’expérience mystique, soient pour Maldoror une descente aux enfers qui seule lui redonnera la clarté de son être. Tout sera traversé : le crime, la folie, la mort, l’amour… ; la création a mille visages, elle est flux d’intensités, et nous sommes le passage de ces flux… Quand nous aurons compris cela, donc abandonné notre moi limité, nous serons enfin autres…

Katia Barbérian : William Blake

L’une des intuitions fondamentales de Blake est l’essentielle divinité de l’homme : « Nous sommes tous membres du corps divin et participant de la nature divine. » Ceci est, une fois de plus, représentatif de la tra­dition mystique : si l’homme peut accéder, étape après étape, à un autre univers, c’est qu’il fait partie de l’âme du monde, c’est que son âme est un fragment d’éternité. Ainsi peuvent se comprendre les visions de Blake, en quête de l’extase spirituelle : « Tandis que je marchais parmi les feux de l’enfer…, je rassemblais quelques proverbes… Comment ne pas savoir que chaque oiseau qui traverse l’espace est un monde immense de délices, enfermé par tes cinq sens ? »

Katia Barbérian : Balzac

Ce qu’il faut noter, c’est que l’intérêt de Balzac pour ce qui relève de la télépathie, de la claire vue, du somnambulisme, de la bilocation, des extases, des apparitions etc., relève de ce que nous appellerions aujourd’hui la parapsychologie, et est effectivement susceptible d’un traitement scientifique. Les phénomènes télépathiques relèvent d’une analyse de la pensée en termes d’ondes, en termes physiques comme le pressentait Balzac. La cosmologie balzacienne repose en définitive sur l’exigence d’unité, et sur le refus d’admettre des dualismes qualita­tifs au niveau ontologique. Il fallait donc revenir sur le magnétisme comme principe moteur du système…

Katia Barbérian : Baudelaire

Qu’y a-t-il dans la parole de Baude­laire qui nous concerne tant que nous sommes pris, dans notre essence même, au cœur de cette parole ? Quelle magie du verbe, de cette poésie dont il ne suffit pas de faire l’analyse littéraire, parce que la création est beaucoup plus que la simple littéralité? C’est en ce sens, précisé­ment, que le « mythe » de Baudelaire peut nous intéresser : image du poète « maudit », de la solitude, des abîmes, de la mort… Mais à quoi renvoie ceci qui n’est qu’une image et qui, comme toute image, relève de l’apparence ?

Daniel Couty : Gérard de Nerval

L’œuvre nervalienne se déroule selon un ordre, une logique et une raison qui transgressent le sens habituel de cette triade. La vie même de l’écrivain, tout entière tournée vers l’expérimentation du destin, porte déjà les stigmates de l’inspiré : la folie, niée « et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie » (Aurélia, I, 1), en même temps qu’affir­mée — cet ultime récit de Gérard n’est-il pas à sa manière une lecture de la folie ? — la folie seule donc a pu lui permettre de lire ce qu’il appelait « l’alphabet magique » de l’univers. Dès lors l’ésotérisme nervalien n’apparaît plus comme une donnée brute, comme un élément bizarre : il appartient en totalité à la tentative démiurgique d’un écrivain dont la « Genèse » n’aboutit qu’à la création d’un mythe personnel.

Katia Barbérian : Ésotérisme et littérature

La poésie est un creuset où les élé­ments de l’univers se rencontrent dans une fusion essentielle. C’est pourquoi notre manière d’aborder le rapport de la littérature et de l’ésotérisme est double, c’est pourquoi la réflexion sur le langage comme tel était indispensable. Ce rapport, dont il est question ici, n’est pas extérieur à la littérature ; il lui est coexistant, parce que le langage est tel qu’il est le contraire de la contingence ; il y a une nécessité à l’œuvre dans la parole poétique, nous dirions alors prophétique.

Kenneth White : Nul dieu à célébrer

(Revue Itinérance. No 1. 1986) Kenneth White est un poète et penseur contemporain, né le 28 avril 1936 à Glasgow. Il réside en France depuis les années 80 à Trébeurden (Bretagne). Théoricien de la « géopoétique », poétique porteuse de sens et de pensée, il alterne des récits de « voyages philosophiques » et les […]

Jean Biès : À l'ombre d'arbres purs...

L’opportunité, au niveau poétique, d’un élargissement des dimensions et d’un approfondissement des messages s’est très vite révélée à nous comme corrélative d’une époque qui est témoin, à la fois, d’un désir de renouvellement, d’une culture planétaire et d’une gnose dévoilée. Il nous est apparu qu’à la suite du classicisme et du romantisme puisant leurs lois et leurs principes, l’un, dans les littératures gréco-latines, l’autre, dans les littératures anglo-germaniques, les temps présents autorisaient une démarche de même nature à partir de l’aire asiatique, et qu’en réponse aux sécheresses et aux épuisements de l’heure, était devenu nécessaire l’arpentage systématique, quoique toujours incomplet, de ce vaste domaine.