Jon Chapple
Sri Krishna Prem : Le théosophe oublié

Nous avons pris l’habitude d’accepter la vérité sur la base d’une « autorité » extérieure quelconque, qu’il nous est devenu difficile de nous adapter à l’idée qu’aucune autorité quelle qu’elle soit, des écritures sacrées ou des hommes, ne peut garantir la vérité, mais que celle-ci se révèle dans toute son infaillibilité à l’intérieur de la conscience pure. C’est pourquoi, si nous voulons acquérir la sagesse, nous devons la chercher non pas d’abord dans les livres ou les maîtres, mais dans notre cœur.

L’un des écrivains théosophiques les plus influents du milieu du vingtième siècle, Sri Krishna Prem, est pourtant rarement mentionné dans le même souffle que d’autres anciens élèves célèbres de la Société théosophique post-Blavatsky. Même J. Krishnamurti (dont le rejet public d’Annie Besant et de C.W. Leadbeater lui a valu l’étiquette de gurudrohi — traître au gourou — de la part de Krishna Prem) acquit sa notoriété ultérieure en grande partie grâce à son affiliation à la Théosophie.

Si Krishna Prem n’est pas également reconnu en tant que théosophe, c’est en grande partie en raison de son « adoption » par les spécialistes du vaishnavisme, qui ont mis l’accent sur sa conversion publique à l’hindouisme vaishnavite et sur son association de longue date avec celui-ci, ainsi que sur son hostilité à l’égard de la spiritualité institutionnalisée. (Le vaishnavisme est une forme d’hindouisme qui vénère le dieu Vishnu ainsi que ses avatars, dont le plus connu est Krishna). Pourtant, ses livres — qui sont tous, à des degrés divers, façonnés par la pensée théosophique — restent très lus parmi les théosophes, et l’influence de la théosophie se fait encore sentir aujourd’hui à Uttar Brindaban (Mirtola), l’ashram indien qu’il cofonda en 1930.

Né Ronald Henry Nixon à Cheltenham, en Angleterre, le 10 mai 1898, il s’installa en Inde au lendemain de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle sa vie, croyait-il, avait été miraculeusement sauvée par une « puissance qui nous dépasse », alors qu’il servait comme pilote de chasse. En Inde, il cofonda un ermitage au sommet d’une colline (Mirtola) dédié au dieu hindou Krishna, pour l’amour (prem) duquel il a été nommé et auquel il est resté singulièrement dévoué jusqu’à la fin de sa vie.

C’est du moins ce que dit la version populaire du mythe de Sri Krishna Prem. Selon cette version, reprise dans de nombreux documents biographiques, Krishna Prem est resté jusqu’à sa mort un Vaishnava conventionnel de la tradition Gaudiya (Bengali), servant Krishna dans l’extase divine à l’exclusion de toute autre influence et de tout autre enseignant.

La véritable histoire — à l’image de l’homme lui-même — est plus complexe. Elle retrace une odyssée spirituelle profondément personnelle qui a intégré des influences du bouddhisme, du vedanta hindou, du yoga classique, de la psychologie analytique et de la tradition occidentale des mystères, ainsi que la bhakti (dévotion) de Krishna.

L’une des conséquences de l’approche idiosyncrasique et syncrétique de la spiritualité de Krishna Prem est que les récits publiés sur sa vie — en particulier par des auteurs affiliés à une tradition ou à une secte particulière — ont tendance à mettre l’accent sur un aspect de son système de croyances au détriment des autres. Pour les Vaishnavas Gaudiya, Krishna Prem est le premier gourou occidental de leur tradition. Steven Rosen, disciple de A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada, fondateur de la Société internationale pour la conscience de Krishna (ISKCON, plus connue sous le nom de mouvement Hare Krishna), établit un lien entre les dernières paroles de Krishna Prem et le voyage de son gourou en Amérique, écrivant qu’« en novembre 1965, sur son lit de mort, ?r? Krishna Prem avait déclaré : “Mon bateau navigue”. Ce qu’il ignorait, bien sûr, c’est que le sublime “bateau de ?r? Krishna Prem” avait, en effet, déjà pris la mer, quelques mois plus tôt, en direction des côtes occidentales ». En revanche, le psychologue Timothy Leary a écrit que son « intérêt pour la guérison ainsi que pour l’illumination définit Sri Krishna Prem comme un précurseur du mouvement de psychologie humaniste qui allait balayer l’Amérique et l’Europe occidentale dans les années 1970 ».

Le regretté théosophe Seymour B. Ginsburg, élève du disciple et successeur de Krishna Prem, Sri Madhava Ashish, a qualifié Mirtola d’« ashram himalayen aux racines théosophiques » (voir son article dans Quest, été 2012, 98-105).

Cet article se concentre sur ce que Ginsburg appelle les « profondes racines théosophiques » de Mirtola, ainsi que sur l’influence de la théosophie sur le cheminement spirituel, la pratique et la production littéraire de Krishna Prem.

Ronald Nixon est documenté pour la première fois comme étant sous l’influence de la pensée théosophique à l’université de Cambridge, où il a étudié l’anglais et les « sciences morales » (philosophie), obtenant son diplôme en 1921. Son contemporain à Cambridge, Christmas « Toby » Humphreys, qui en 1924, allait fonder la London Buddhist Lodge (rebaptisée plus tard la Buddhist Society) en tant que ramification d’une loge théosophique, décrit Nixon comme un « homme silencieux, de forte carrure, fumant son éternelle meerschaum, et évoluant en marge des activités bouddhistes-théosophiques dans lesquelles j’étais alors impliqué ». Selon Madhava Ashish, Nixon reçut la diksha (initiation) bouddhiste d’un membre important de la Société théosophique (peut-être Harold Baillie-Weaver, alors secrétaire général de la Société théosophique [ST] en Angleterre) à cette époque.

Désireux de mieux comprendre le bouddhisme et le vedanta hindou dans leur pays d’origine, ainsi que de trouver une explication aux phénomènes psychiques qu’il aurait commencé à ressentir pendant son service dans la Royal Air Force, Nixon écrivit à la ST d’Adyar, espérant que son diplôme de Cambridge et ses relations théosophiques lui vaudraient une recommandation pour un poste d’enseignant. Sa lettre fut transmise à Gyanendra Nath Chakravarti (1863-1936), récemment nommé premier vice-chancelier de la nouvelle université de Lucknow. Une rencontre fut organisée à Londres entre Nixon et Bertram Keightley, disciple de Chakravarti et membre du sénat de l’université. Le jeune diplômé impressionna ses interlocuteurs et Keightley lui prêta de l’argent pour se rendre à Lucknow, alors capitale des Provinces-Unies dans le nord de l’Inde, afin de prendre ses nouvelles fonctions de lecteur (professeur associé) d’anglais au Canning College (incorporé à l’université de Lucknow en 1922).

Nixon était déjà familier avec les textes religieux indiens les plus importants : son ami, le célèbre compositeur et yogi Dilip Kumar Roy, dans son ouvrage Yogi Sri Krishnaprem, écrit combien il l’écoutait avec une « attention captivée lorsqu’il discutait des Védas, de la Bhagavad Gita, du Tantra, etc. », lors de l’une de ses deux visites annuelles à Lucknow.

Néanmoins, c’est en la personne de Monica, l’épouse de Chakravarti, que Nixon trouva le maître spirituel vivant qu’il recherchait depuis Cambridge.

Monica (connue plus tard sous le nom de Sri Yashoda Mai) était née en 1882 dans une famille théosophique, fille unique parmi trois enfants de Rai Bahadur Gagan Chandra Roy (né en 1848-1849), un fonctionnaire bengali qui fut, entre autres, président de sa loge théosophique locale (Ghazipore, dans les Provinces-Unies, aujourd’hui Ghazipur, dans l’Uttar Pradesh). À l’âge de douze ans, le mariage de Monica fut arrangé avec Chakravarti, un veuf de dix-neuf ans son aîné, alors professeur de mathématiques au Muir Central College d’Allahabad. Bien que Chakravarti ait d’abord hésité à se remarier, étant profondément affecté par la mort de sa première femme, le mariage s’est bien passé. Chakravarti partageait de nombreux points communs avec son nouveau beau-père : comme Gagan Roy, il était fonctionnaire, franc-maçon et théosophe convaincu. En tant que mari et femme, Monica et lui étaient unis à la fois par leur amour mutuel et par leur engagement spirituel.

Chakravarti avait rejoint la Société Théosophique à Cawnpore (aujourd’hui Kanpur dans l’Uttar Pradesh) en mars 1883, et les invités au mariage du couple à Ghazipore comprenaient d’éminents théosophes indiens tels que Tookaram Tatya, Aditya Ram Bhattacharya, et la future dirigeante de la société, Annie Besant, disciple anglaise de Chakravarti. Le biographe de Besant, Geoffrey West, décrit Chakravarti comme un « Brahmane mystérieux » qui « pendant plusieurs années… plane mystérieusement à l’arrière-plan de l’histoire théosophique ». Comme Bertram Keightley, Chakravarti fut un des premiers étudiants de H.P. Blavatsky (HPB) et (avec Besant, Anagarika Dharmapala et William Quan Judge) fut membre de la délégation théosophique au Parlement des religions du monde en 1893, comme représentant les « sociétés brahmaniques orthodoxes » de l’Inde.

Ensemble, les jeunes mariés voyagèrent largement pour des affaires théosophiques, y compris en Europe, où les récits des interactions de Mme Chakravarti avec la population locale en compagnie de Besant sont entrés dans la légende de Mirtola. À la fois maîtres spirituels recherchés et membres de la haute société de Lucknow, les Chakravarti menaient, dit-on, une sorte de double vie : en apparence une « hôtesse ultramoderne et resplendissante », Monica était, selon Dilip Kumar Roy, « l’âme de chaque réception qu’elle organisait dans son salon » au manoir du vice-chancelier, tandis que son mari était connu comme « un homme extrêmement hospitalier qui gardait une table ouverte » pour les théosophes anglais en visite, parmi lesquels Isabel Cooper-Oakley, amie et disciple de Mme Blavatsky, et Mary Tibhirine (Mme Walter Tibbits), connue pour son ouvrage The Voice of the Orient (1909).

L’inclination de Monica pour la bhakti envers Krishna est bien connue, et l’histoire de ses vœux de renoncement, de l’initiation de Ronald (qu’elle appelait « Gopal ») à la tradition Gaudiya Vaishnava et de la fondation de l’ashram de Mirtola a déjà été racontée ailleurs, et n’entre donc pas dans le cadre de cet article. Ce qui est moins connu, c’est l’influence persistante des idées théosophiques — en particulier la croyance en une fraternité de maîtres libérés guidant de loin le développement spirituel de l’humanité — sur cet ashram vaishnava supposément orthodoxe.

The Yoga of the Bhagavat Gita (Le Yoga de la Bhagavat Gita, 1938), peut-être l’œuvre littéraire la plus durable de Krishna Prem, trouve son origine dans une série d’articles publiés à l’origine dans la revue théosophique The Aryan Path. Le commentaire de Krishna Prem sur la Bhagavad Gita, ainsi que son point de vue selon lequel ce texte est fondamentalement un « manuel de yoga, un guide pour suivre le chemin », porte l’influence de la traduction d’Annie Besant de 1905, qui se concentre également sur la signification symbolique du texte tout en soulignant « l’unité du chemin spirituel, bien qu’il ait de nombreux noms ». (Comparez avec cette citation de Krishna Prem : « Le chemin n’est pas la propriété exclusive de l’hindouisme, ni d’ailleurs d’aucune religion. C’est quelque chose que l’on retrouve, plus ou moins profondément enfoui, dans toutes les religions »). Il recommandait également la traduction de Besant à ses propres disciples. À son tour, Besant s’est probablement inspirée de son ancien gourou Chakravarti, qui invitait les lecteurs à « voir en Krishna le symbole du Dieu immanent, la divinité intérieure ».

De même, un critique contemporain du journal Theosophical Movement soutient que le livre suivant de Krishna Prem, Yoga of the Ka?hopanishad (1940, tr fr Le yoga de la Ka?hopanishad), représente une lecture théosophique de ce texte, notant que Krishna Prem fait « un usage copieux et approprié » de Voice of the Silence (tr fr La voix du silence) de Blavatsky et de Light on the Path (tr fr La lumière sur le sentier) de Mabel Collins « et cite plus d’une fois les “Stances de Dzyan” de The Secret Doctrine (tr fr La doctrine secrète) ». Krishna Prem, écrit le critique, « a bu profondément à la source de la Théosophie et une étude comparative de leurs interprétations de cette grande Upanishad s’avère des plus intéressantes. Le présent volume offre non seulement une interprétation plus exhaustive, mais porte également la marque d’une méditation profonde sur les enseignements ésotériques de l’Upanishad ». L’auteur note également que Krishna Prem utilise une partie de son commentaire du chapitre 1, verset 9, pour défendre Blavatsky — dont les manifestations de lettres de ses Maîtres et d’autres objets ont fait l’objet de critiques de la part des sceptiques — contre l’accusation de charlatanisme.

Dans les années 1940, encouragé par Keightley, Krishna Prem commença son œuvre la plus ouvertement théosophique : un commentaire sur les Stances de Dzyan de la Doctrine Secrète de Blavatsky. Comme le note Gabriel Monod-Herzen, ami de Dilip Kumar Roy et visiteur occasionnel de Mirtola, dans sa critique du livre, ce projet était en quelque sorte une première : alors que des textes tels que la Bhagavad Gita et les Brahma Sutras font l’objet « d’innombrables commentaires », à sa connaissance « pas un seul théosophe, asiatique ou européen » n’avait alors écrit de commentaire sur les Stances de Dzyan. L’ouvrage qui en résulta, publié à titre posthume sous le titre Man, the Measure of All Things in the Stanzas of Dzyan (1966 ; tr fr L’Homme, mesure de toutes choses dans les stances de Dzyan) et Man, Son of Man (1970 ; tr fr L’Homme, fils de l’homme), fut achevé avec l’aide de Madhava Ashish.

La fascination persistante de Krishna Prem pour la théosophie, qui rejette le concept d’un créateur personnel (HPB s’était un jour moquée de ce qu’elle appelait « l’idée absurde d’un Dieu personnel »), est incongrue compte tenu de son initiation à une tradition qui tient à cœur le concept d’une personne suprême. À propos de Man, the Measure of All Things, l’érudit Andrew Rawlinson, dans son livre Book of Enlightened Masters (1997), observe : « Il est certainement très étrange qu’un Gaudiya Vaishnava engagé utilise une source aussi peu orthodoxe » que la Doctrine Secrète. L’universitaire Catherine A. Robinson, dans Interpretations of the Bhagavad-G?t? and Images of the Hindu Tradition (2013), oppose Krishna Prem à A.C. Bhaktivedanta Swami, notant que si ce dernier « s’associait généralement de manière orthodoxe à cette tradition [le Gaudiya Vaishnavisme], ce n’était pas le cas de Krishna Prem ». (Swami était un critique virulent de ceux qui niaient ou minimisaient la personnalité de Dieu et, dans son essai « Theosophy Ends in Vaishnavism », il attaquait la vision théosophique de « Sree Krishna [uniquement] dans son aspect impersonnel de Brahman » plutôt que comme « la Personnalité Suprême de Dieu, “Bhagwan” »).

En 1951, après la mort de Moti Rani, fille de Yashoda Mai (elle-même décédée en 1944) et disciple de Krishna Prem, ce dernier et son successeur désigné, Madhava Ashish, commencèrent à mettre de côté le rituel et le théisme Vaishnava en faveur d’une doctrine universaliste et non sectaire que Satish Datt Pandey (un disciple d’Ashish) décrit comme une « spiritualité séculière et dynamique… qui ne peut être couverte par aucune étiquette de culte connue ». Moti Rani et son père, Chakravarti, étaient censés être en contact avec les Maîtres, et l’ashramiste Bill Aitken fait allusion au fait que Krishna Prem était également en communion directe avec ces Mahatmas éloignés, écrivant que « toute la transformation de Mirtola d’orthodoxe à libéral, était, d’après ce que j’ai compris, motivée par les Maîtres théosophiques. Les gourous se considéraient avant tout comme des instruments dévoués à la souveraineté spirituelle intemporelle de leurs maîtres ».

Au début des années soixante, selon Aitken, « il n’y avait plus d’enseignement de Mirtola en tant que tel », les deux gourous, qui se qualifiaient eux-mêmes d’« élèves-enseignants », poursuivant chacun leurs propres intérêts philosophiques — le premier, la théosophie et les poèmes soufis de Jalaladdin Rumi, et le second, l’œuvre de Gurdjieff — et encourageant leurs élèves à faire de même.

L’enseignement y « était adapté aux besoins individuels » des pratiquants, bien qu’il s’appuyât systématiquement sur des concepts introduits en Occident par Blavatsky et ses chelas. « La compréhension théosophique du concept de bodhisattva compatissant était l’épine dorsale de leurs croyances et de leurs enseignements lorsque j’étais là-bas », me dit Aitken, qui vécut à l’ashram de 1965 à 1972. Pervin Mahoney, un autre ancien résident de Mirtola, confirme : « C’est un aspect essentiel du guide final et mature qu’il [Krishna Prem] était devenu : l’homme réalisé “reste disponible” pour aider les autres ».

Krishna Prem en vint également à considérer le progrès spirituel d’une personne en termes de « plénitude » psychologique, soulignant le pouvoir transformateur de l’amour, de la méditation, du courage et du travail acharné afin de se débarrasser des habitudes et des blocages indésirables. Comme l’explique Madhava Ashish :

[Krishna Prem] insistait beaucoup sur les pratiques méditatives, les considérant comme la partie la plus essentielle du travail, [mais] il soutenait que le travail ne pouvait être complet tant que le Tout, d’ toutes choses proviennent, ne se reflétait pas dans la plénitude de l’homme. Un homme sous l’emprise d’inhibitions et de compulsions est considéré comme partiel ou incomplet. Si, par peur, on tentait d’éviter certains domaines de l’expérience du monde, alors, on se tournant vers la méditation, les causes intérieures ou psychiques de cette peur se manifestent et empêchent le progrès. Il considérait donc le travail comme un processus dialectique : la confrontation aux défis extérieurs ouvre la voie à la perception intérieure, et l’abandon de soi à l’esprit dans la méditation donnait naissance à un courage transpersonnel avec lequel les défis de la vie peuvent être relevés. Cet abandon de soi, disait-il, est l’abandon de l’amour, et le courage est le courage de l’amour.

Cette idée a des parallèles dans la théosophie : La Lumière sur le Sentier conseille que « La nature entière de l’homme doit être sagement mise au profit par celui qui désire entrer dans la Voie… Mais sa fleur ne s’ouvrira pas avant que la personnalité entière de l’homme soit dissoute et détruite ; pas avant qu’elle soit tenue, par le fragment divin qui l’a créée, comme un simple sujet d’épreuve et de grave expérience ; pas avant que la nature entière ait cédé au Soi supérieur et lui soit devenue soumise…. [qu’il peut accéder] au Hall d’Apprentissage ».

Krishna Prem continua à travailler sur les deux livres de L’homme jusqu’en 1965, l’année de sa mort : telle est l’importance qu’il accordait à La Doctrine Secrète. « Extraordinairement », lui et Madhava Ashish « se tournaient vers ce texte abstrus avec délectation à l’heure du coucher après une dure journée de travail au temple et à la ferme qui commençait à 5 heures du matin », se souvient Aitken, en visite en avril de cette année-là. « En allumant une lampe Petromax pour remplacer la flamme vacillante de la lanterne à kérosène, ils renvoyaient les visiteurs à 22 heures et s’asseyaient (par terre) pour rédiger des écrits profondément introspectifs… La source de leur enthousiasme était à la fois énigmatique et électrisante ».

Pourtant, si La Doctrine Secrète, comme d’autres, peut servir de rappel utile de la réalité du « chemin tracé par ceux qui sont passés avant… et ont atteint le but », la véritable vérité, enseignait Krishna Prem avec constance, est à l’intérieur, au-delà des enseignants et des anciennes écritures, et est accessible à tous. Comme HPB, qui nous exhortait à « écouter la parole de vérité qui parle en vous, et la voix du silence, qui ne peut être entendue que lorsque la tempête des passions s’est calmée », Krishna Prem a écrivait sur « une Lumière en nous qui connaît la Vérité, une Voix qui commande le juste avec une certitude absolue » que nous n’avons qu’à écouter. Comme lui et Madhava Ashish nous le rappellent dans L’homme, mesure de toutes choses :

Nous avons pris l’habitude d’accepter la vérité sur la base d’une « autorité » extérieure quelconque, qu’il nous est devenu difficile de nous adapter à l’idée qu’aucune autorité quelle qu’elle soit, des écritures sacrées ou des hommes, ne peut garantir la vérité, mais que celle-ci se révèle dans toute son infaillibilité à l’intérieur de la conscience pure. C’est pourquoi, si nous voulons acquérir la sagesse, nous devons la chercher non pas d’abord dans les livres ou les maîtres, mais dans notre cœur.

Jon Chapple est un écrivain, un historien, un professionnel de la communication et un journaliste primé basé dans la banlieue de Londres. En quête de spiritualité, il est également un érudit amateur du vaishnavisme et de la tradition de la bhakti yoga. Son premier livre, la première biographie complète de Sri Krishna Prem, Sri Krishna Prem a été publié par Blazing Sapphire Press en 2024. Il peut être contacté à l’adresse suivante jonchapple@gmail.com.

Texte original : https://www.theosophical.org/publications/quest-magazine/sri-krishna-prem-the-forgotten-theosophist

À consulter aussi sur ce site :

Gabriel Monod-Herzen : Vie et œuvre de Sri Krishna Prem

Sri Krishna Prem : À propos de la science

Sri Krishna Prem : La violence de la guerre