Parmi les Vérités que nous propose Krishnamurti, il en est une qui, si elle nous semble juste du point de vue qu’il nous dit, présente apparemment quelque équivoque si, l’étendant au-delà du bon sens restreint qu’il lui assigne, nous voulions lui donner une portée absolue. Krishnamurti incrimine notre mémoire en tant que formatrice de notre mentalité et qui, à ce titre, déforme souvent notre jugement en l’empêchant de nous prononcer avec un esprit libre sur les problèmes toujours nouveaux avec lesquels la vie nous confronte journellement. C’est là un écueil sur lequel nous butons tous en effet, en raison de notre éducation même qui nous a rendus prisonniers des conventions familiales et sociales au sein desquelles nous vivons et qui déforment nos jugements. Ce serait une grave erreur toutefois d’en conclure que la mémoire est une faculté inutile et dangereuse : car la mémoire n’est pas le jugement et c’est le jugement qui doit précisément nous permettre de réagir, contre cette préformation ou cette déformation que la mémoire du passé tend à faire prévaloir dans nos jugements du présent. Cette déformation existe, et, de ce point de vue, la mémoire apparaît réellement comme un obstacle possible à une juste perception de la Vérité.