William M. Briggs
Tout ce que vous croyez est faux 9 : Quelqu’un risque d’être blessé !

Traduction libre Précaution Prudence L’amour véritable Le mot circule que notre gouvernement bienveillant, qui nous aime et ne souhaite pas que nous soyons exposés à des dangers, travaille sur la conception d’un système de chaînes pour ancrer fermement à la terre à la fois les citoyens et nos visiteurs non-citoyens. Pourquoi ? Parce que la gravité […]

Traduction libre

Précaution Prudence

L’amour véritable

Le mot circule que notre gouvernement bienveillant, qui nous aime et ne souhaite pas que nous soyons exposés à des dangers, travaille sur la conception d’un système de chaînes pour ancrer fermement à la terre à la fois les citoyens et nos visiteurs non-citoyens. Pourquoi ? Parce que la gravité pourrait s’inverser.

Cela, cher lecteur, malgré son absurdité évidente, est une affirmation vraie. La gravité pourrait s’inverser. Et si c’était le cas, nous serions dans une situation assez délicate. Ainsi, le gouvernement serait justifié de nous attacher au sol.

Ce que nous avons là, c’est une possibilité réelle, une probabilité non nulle, d’une calamité inimaginable. Les effets néfastes de cette calamité seraient tellement terribles que personne ne pourrait les calculer. Pourquoi? Car ils seraient plus coûteux que la dette fédérale entière multipliée par deux. Ce serait si horrible que les animateurs de NPR élèveraient la voix.

Pourtant, toute cette affaire est manifestement absurde

Attention !

Il s’agit du sophisme (erreur de raisonnement) Quelqu’un pourrait être blessé ! alias Qu’en est-il des enfants ? Alias le sophisme Nous allons tous mourir, alias Mieux vaut prévenir que guérir ! C’est le seul sophisme accompagné d’un point d’exclamation : techniquement, il devrait également être écrit en italique pour souligner sa nature désastreuse.

La seule fois où l’on parle sobrement de ce sophisme, c’est lorsqu’il apparaît dans la littérature scientifique, où il est appelé principe de précaution.

La vieille blague voulait qu’un pull soit défini comme un vêtement qu’un enfant mettait lorsque sa mère avait froid. La plaisanterie est la même, mais sans les rires, lorsque le mot « mère » est remplacé par le mot « gouvernement ».

Éventualité

Passons maintenant à la structure du sophisme. Le problème réside dans la nature de l’éventualité. Tous les événements physiques, tels que l’inversion de la gravité, l’emballement du climat qui fait ressembler l’atmosphère à un four à pizza géant, les sacs en plastique qui souillent les réserves d’eau et nous transforment tous en mutants à trois bras, la poussière dans l’air qui bloquent complètement le cœur, et ainsi de suite, sont tous des possibilités contingentes.

Les événements physiques contingents ne sont pas logiquement nécessaires. C’est un fait indéfectible de l’univers que ce qui s’est produit aurait pu se produire différemment, et donc que ce qui pourrait se produire pourrait être virtuellement n’importe quoi. Les montagnes pourraient avoir des jambes et danser, les chèvres pourraient gonfler jusqu’à atteindre une taille terrifiante et commencer à attaquer la population, les guerriers de la justice sociale pourraient devenir tolérants à l’égard de la dissidence. Tout ce qui peut être imaginé et qui n’est pas impossible peut se produire.

Cela inclut le pire qui puisse arriver : la destruction du monde. Mais si la planète entière peut être en péril, elle peut aussi être sauvée si seulement nous déployons suffisamment d’efforts pour nous prémunir contre le danger. Les coûts engendrés par une apocalypse seraient par définition astronomiques, incalculables, presque infinis. Par conséquent, aucune dépense ne serait trop importante, aucune mesure ne serait trop draconienne, aucune action ne serait trop désespérée pour « sauver la planète ». Tout ce que le gouvernement voudrait faire serait justifié, à condition que ce soit fait au nom du « sauvetage » de la planète.

La situation peut toujours empirer

Le comble, c’est que parce que tous les périls possibles peuvent se produire, ceux qui nous gouvernent ont toujours une excuse pour n’importe quelle action. Tant que le péril est suffisamment convaincant et que l’action peut être justifiée au nom de l’élimination du péril.

En dépit de ces vérités indiscutables, le sophisme Quelqu’un pourrait être blessé ! est un sophisme officieux (informal) et non officiel (formal), tout comme le No True Scotsman (Pas un vrai écossais) et le Slippery Slope (pente glissante) sont des sophismes informels. Cela signifie que critiquer un argument en le qualifiant de sophisme n’est pas une preuve rigoureuse que l’argument de votre ennemi est faux. C’est pourquoi il n’est jamais utile, d’un point de vue logique, de dire au gouvernement que sa dernière action est stupide ou absurde. Ils peuvent toujours répliquer de manière véridique que des maux inimaginables les attendent à moins qu’ils n’obtiennent gain de cause.

Pourtant, quelqu’un pourrait être blessé ! est un sophisme informel, ce qui signifie que l’on peut y répondre.

Ça n’a jamais marché sur ta mère

Lorsque votre mère vous a demandé de mettre un pull ou de sortir de l’eau, votre réponse naturelle a été : « Je n’ai pas froid ! ». Cette réponse ne fait que rejeter la prémisse utilisée par votre mère pour émettre sa demande. Il se peut aussi que vous ayez eu froid, mais que vous vous amusiez beaucoup et que vous disiez : « Oh, maman, encore cinq minutes ! » Cela réfute le coût.

Il faut faire la même chose avec le gouvernement. Lorsqu’il nous dit, par exemple, que nous devons « Arrêtez le changement climatique ! », il faut se demander s’il est possible d’empêcher le climat de changer. La réponse est non. Le gouvernement peut-il au moins empêcher les citoyens d’influencer le climat ? La réponse est non. (Chaque respiration influe sur le climat, même si c’est à un degré microscopique). Que peut donc faire le gouvernement ? Certainement pas autant que promis. Encore une fois, si le refroidissement global — ou le réchauffement global, ou le changement climatique, ou quoi que ce soit d’autre — est ou a été si dangereux au cours des quarante ou cinquante dernières années, il faut se demander pourquoi il fait si beau à l’extérieur. Si tout ce que vous entendez, ce sont d’horribles, mais vagues menaces — sans dates ou lieux précis — vous êtes probablement dans le domaine du Quelqu’un pourrait être blessé !

Les cygnes noirs venus de l’espace

Objets étrangers inamicaux

Voici un exemple plus robuste. Des extraterrestres hostiles venus de l’espace pourraient nous attaquer. Ces extraterrestres malveillants sauront que nous sommes sur Terre grâce à nos émissions électroniques, qui baignent la planète d’une lueur douce, mais de plus en plus brillante. Si ces extraterrestres nous découvrent et parviennent à arriver jusqu’à nous, il est évident que l’humanité est kaput. C’est-à-dire anéantie. À la mort.

La solution ? Se cacher ! Cessez immédiatement d’utiliser tout ce qui fonctionne à l’électricité. Cela éteint la lueur comme lorsque l’on appuie sur un interrupteur. Bien sûr, cette mesure nécessaire entraînera quelques inconvénients tels que la ruine de l’économie mondiale et peut-être une famine de masse puisque la nourriture deviendra rare. Mais il s’agit de la survie de l’humanité tout entière ! Vous ne vous souciez pas de ce qui arrive aux gens ? Les femmes, les enfants et les minorités seront les plus durement touchés. Espèce de brute.

Quelle est la probabilité d’une attaque extraterrestre ? C’est compliqué, mais les meilleurs scientifiques disent que ce n’est pas impossible. Ce qui équivaut logiquement à dire que c’est possible. Quelle est la différence ? Tant que la probabilité n’est pas nulle et que le coût de l’inaction est quasi infini, l’arrêt du monde est la seule solution raisonnable.

Qu’est-ce que vous dites ? La charge de la preuve m’incombe ? Il n’y a aucune preuve d’une invasion imminente ?

Fragilité

Qu’est-ce que vous êtes, une sorte de négationniste ? Je vous ai déjà dit qu’un consensus de scientifiques s’accorde à dire que l’attaque est possible. Il suffit d’écouter un penseur comme Nassim Nicholas Taleb. Taleb est l’auteur de l’influent The Black Swan, Fooled by Randomness (tr fr Le Cygne Noir : La puissance de l’imprévisible. Suivi de Force et Fragilité & Le hasard sauvage : Comment la chance nous trompe) et d’autres ouvrages qui mettent en garde contre l’excès de certitude et les dangers qui résultent d’une trop grande confiance dans les modèles et les idées reçues. Taleb pense que les gens ont souvent une compréhension incomplète du risque des situations « imprévisibles ».

En ce qui concerne les risques planétaires et les raisons pour lesquelles il n’est pas judicieux de les ignorer, Taleb et trois autres personnes ont récemment déclaré : « Il est au cœur de la prise de décision scientifique et de la sagesse ancestrale de prendre au sérieux l’absence de preuves lorsque les conséquences d’une action peuvent être importantes ».

Vérifions cette affirmation dans le cas d’une invasion extraterrestre. (1) Absence de preuves. Vérifier. Aucun extraterrestre n’a été aperçu sur le plan de l’écliptique. (2) Action lourde de conséquences ; en effet, aucune action n’est plus lourde de conséquences. Vérifié. La mort de chacun d’entre nous doit figurer en tête de liste des calamités. (3) Ainsi, la sagesse ancestrale et la prise de décision scientifique exigent que nous appuyions sur l’interrupteur OFF. Arrêtez tout !

Un excès de précautions

Taleb et ses amis invoquaient le principe de précaution, cet argument philosophique difficile à cerner que l’on pourrait considérer comme la version laïque du pari de Pascal. Pascal a démontré que, si Dieu existe, la récompense qui attend ceux qui croient en lui est incomparablement plus grande que les punitions réservées à ceux qui n’y croient pas. Il a également affirmé que si Dieu n’existait pas, il n’en coûterait pas grand-chose de croire de toute façon ; en outre, il n’y a pas grand-chose à gagner à ne pas croire (peut-être pourrez-vous porter un t-shirt avec un Dieu-pasta lors d’une convention athée à l’hôtel Ramada Inn).

Le pari de Pascal fonctionne parce que prouver l’existence de Dieu, montrer ce qu’est Dieu et comprendre les pénalités et les récompenses résultant de la croyance sont des exercices métaphysiques et non scientifiques. Par exemple, l’omnipotence de Dieu n’est pas soumise à une mesure empirique. Seules la philosophie et la théologie peuvent expliquer la nature et les conditions du pari.

À l’inverse, le principe de précaution, bien qu’il soit très en vogue, est nettement moins utile parce qu’il est empirique et dépend donc de l’état de nos connaissances scientifiques. Il est utilisé pour des questions où les preuves d’une menace et les conséquences des actions en réponse à cette menace sont rarement ou jamais certaines, voire inconnues.

Cette deuxième conjonction est presque toujours oubliée, et c’est là le problème.

Les plantes mangent du dioxyde de carbone

Taleb et ses co-auteurs plaident pour une action contre le réchauffement climatique. Ils nous rappellent que « nous n’avons qu’une seule planète » (ce que l’on entend souvent, comme si l’on ne se souvenait pas de cette information) et affirment que même « un risque dont la probabilité est très faible devient inacceptable lorsqu’il nous affecte tous ». Et ils affirment que « la théorie de la décision, figurant dans les manuels scolaires, veut qu’une politique dépende au moins autant de l’incertitude concernant les conséquences négatives que des effets connus ». Après avoir suggéré que le dioxyde de carbone est une « pollution », ils concluent que « nous devrions réduire les émissions de CO2, même indépendamment de ce que les modèles climatiques nous disent ».

Les modèles climatiques nous disent que le monde devrait être beaucoup plus chaud qu’il ne l’est, ce qui est une façon polie de dire qu’ils sont de mauvais indicateurs de ce qui pourrait arriver. Tout modèle qui ne prédit pas la réalité pendant aussi longtemps que les modèles climatiques ne l’ont pas fait ne devrait pas être pris en considération. Taleb et ses amis sont tacitement d’accord avec cela, mais continuent d’insister sur le fait que la « précaution » (c’est-à-dire la réduction du dioxyde de carbone) est la voie à suivre.

Ils ont tort ; voici pourquoi.

Les extraterrestres sont pires

Tout d’abord, quelle est la différence entre la menace d’un réchauffement climatique apocalyptique et celle d’une invasion extraterrestre ? Au vu des éléments disponibles, les deux ont une faible probabilité de se concrétiser, et les deux nous affecteraient tous. Mais les extraterrestres hostiles seraient pires. Le réchauffement de la planète laisserait au moins certains d’entre nous en vie.

La similitude la plus importante est que nous avons peu de raisons de croire l’un ou l’autre. L’échec des modèles climatiques est la preuve que le réchauffement climatique apocalyptique, tel qu’il est théorisé par les scientifiques, n’est pas vrai (dans sa forme actuelle). Si la théorie était vraie, les modèles auraient fonctionné. Ils n’ont pas fonctionné (pour prédire les observations futures), donc la théorie ne peut pas être vraie. Bien sûr, le fait que le dioxyde de carbone, ou tout autre produit chimique ou composé, puisse causer la ruine d’une manière imprévue reste une vérité logique triviale, mais il est aussi logiquement vrai que des extraterrestres pourraient tous nous anéantir.

Taleb croit en la menace du dioxyde de carbone même après que cette menace (sous la forme envisagée par les modèles) a été réfutée. Ce n’est pas croire en l’absence de preuves, c’est croire en dépit des preuves.

La probabilité n’est pas une décision

Deuxièmement, Taleb et ses coauteurs n’imaginent pas les conséquences d’une suppression massive des émissions de dioxyde de carbone. C’est la partie que les partisans du principe de précaution oublient toujours (et que Pascal n’a pas oubliée). Les effets probables sur l’humanité de l’arrêt de l’utilisation des combustibles fossiles ressembleraient à l’effet de nous rendre invisibles aux envahisseurs extraterrestres : pauvreté et famine massives.

C’est là que le bât blesse : La limitation du dioxyde de carbone à l’échelle de la planète aurait également un effet sur le climat et sur bien d’autres choses, notamment sur la vie animale et végétale. Mais quels seraient ces effets ? Personne ne le sait. Et personne ne sait s’ils seraient bons ou mauvais. Ils pourraient être très néfastes si, comme le supposent certains scientifiques, nous entrons dans une période de quiescence solaire et de températures beaucoup plus froides.

L’accent est mis sur « personne ne sait ». Si nous savions ce qui se serait passé, nos modèles auraient fonctionné. Comme ils n’ont pas fonctionné, nous ne pouvons pas prétendre savoir quels seraient les effets des ajouts ou des suppressions de dioxyde de carbone (dans les limites des actions humaines possibles).

Si nous voulons savoir quelle est la meilleure voie à suivre, nous devons d’abord comprendre les véritables moteurs du climat et les incertitudes qui en découlent. Nous devons également avoir une bien meilleure idée de ce que cela entraînerait comme changements dans le comportement humain. Nous manquons de ces deux éléments.

Le principe de précaution pourrait tout aussi bien être utilisé pour justifier l’inaction, voire l’augmentation de notre production de dioxyde de carbone.

Ou pour se prémunir contre les petits hommes verts en colère.

Texte original : https://www.wmbriggs.com/post/48251/