Richard W. Stevens
Un neurochirurgien montre pourquoi l’IA ne pourra jamais devenir humaine

L’esprit humain n’a pas besoin d’un cerveau entier. Les fonctions mentales supérieures ne sont pas clairement cartographiées dans le cerveau. Un cerveau divisé ne crée pas deux personnalités. Les jumeaux qui partagent leur corps et leur tissu cérébral sont deux personnes distinctes. La stimulation cérébrale et les crises d’épilepsie ne font pas de mathématiques. Les expériences de mort imminente confirment que l’esprit et la personnalité uniques survivent malgré un cerveau en état de mort cérébrale.

l’IA nécessite du matériel physique, contrairement à l’esprit humain.

Bon, disons-le clairement. Les systèmes d’intelligence artificielle (IA) ne pourront jamais devenir humains, ni même s’en approcher. Ces systèmes sont confinés dans un « cerveau » électronique physique. L’esprit humain, en revanche, n’est pas confiné au cerveau humain.

Le livre du professeur d’informatique Robert J. Marks, Non-Computable You (2022), explique que l’IA ne peut pas vraiment devenir semblable à l’humain, car elle ne peut pas accomplir de fonctions non calculables. L’IA est limitée à des algorithmes qui, à la base, sont des ensembles d’instructions étape par étape. Ces instructions proviennent d’une source extérieure, toujours traçable jusqu’à un ou plusieurs esprits humains.

Son livre montre qu’au moins 16 caractéristiques de l’esprit humain sont non calculables, notamment la compassion, l’amour, l’empathie, l’exaltation, la tristesse, la peur, la colère, le dégoût, le plaisir, la fierté, l’excitation, la gêne, le regret, la jalousie, le chagrin, l’espoir et la foi.

Sous-jacents à ces caractéristiques se trouvent les pouvoirs mentaux de créativité, de compréhension et de sentience (conscience de soi et de ses sentiments). Les systèmes d’IA ne possèdent pas ces caractéristiques et ces capacités et sont donc très loin d’être humains.

Dans un ouvrage antérieur, The Spiritual Brain (2007 ; tr fr Du cerveau à Dieu), les auteurs Mario Beauregard (neuroscientifique) et Denyse O’Leary (écrivaine scientifique) ont observé :

Pour rendre le comportement humain intelligible, nous devons examiner l’esprit et la conscience, c’est-à-dire nous confronter aux croyances, buts, aspirations, désirs, attentes et intentions, aucun de ces éléments n’étant pertinent quant à la façon dont fonctionnent des ordinateurs. Les capacités d’autoconscience (conscience de soi en tant que sujet immédiat d’expérience), d’autoagissement (expérience de soi en tant que cause d’une action), et d’autorégulation sont toutes des caractéristiques de la conscience humaine qui n’ont aucun sens en termes de fonctionnement des ordinateurs.

Lorsque nous voyons un robot doté d’une intelligence artificielle exprimer des émotions ou des sentiments apparents, nous voyons simplement le résultat de programmes informatiques. Toutes les expressions profondément émouvantes de douleur, de peur et d’amour des robots ne peuvent être que le résultat d’un logiciel impressionnant, mais conçu par l’homme.

L’esprit n’est-il que le cerveau ?

À mesure que les logiciels deviennent de plus en plus humanoïdes, le cœur et l’esprit humains sont relégués au rang d’équipements, c’est-à-dire davantage assimilés à des robots. Certains universitaires renommés affirment que l’esprit provient du cerveau, une machine biologique impressionnante, mais rien de plus. Le célèbre astronome Carl Sagan a déclaré :

Ma prémisse fondamentale concernant le cerveau est que son fonctionnement, ce que nous appelons parfois « l’esprit », est une conséquence de son anatomie et de sa physiologie, et rien de plus.

Le spécialiste des sciences cognitives Daniel Dennett considérait l’esprit comme une simple machine déterministe :

Un cerveau fera toujours ce que les perturbations mécaniques locales lui dictent de faire.

Les scientifiques Todd E. Feinberg et Jon Mallatt affirment que l’esprit n’est qu’un processus naturel :

Malgré certaines caractéristiques uniques de la vie, tous les processus vitaux fondamentaux demeurent en principe explicables dans les limites de la physique et de la chimie normales. […] Nous ne trouvons aucune lacune scientifique entre le cerveau et l’expérience subjective du point de vue de la biologie et de la neurobiologie […] Il n’existe aucun obstacle à une explication naturaliste de la conscience.

Le biologiste évolutionniste Kenneth Miller affirme que l’esprit n’est rien d’autre que des atomes en action :

Lorsque les atomes interagissent avec d’innombrables autres atomes à l’intérieur d’une cellule vivante, ces actions génèrent le processus remarquable que nous appelons la vie. Il en va de même à un niveau encore supérieur, pour le processus bien plus remarquable de la conscience. … La conscience est donc quelque chose que la matière fait, et non quelque chose que la matière est.

Ces points de vue convergent pour dire : l’esprit humain n’est rien d’autre que de la matière et de l’énergie. L’IA est identique ; par conséquent, l’IA peut égaler l’esprit humain et ainsi devenir humaine.

L’IA peut-elle dépasser et absorber l’esprit humain ?

L’inventeur transhumaniste Ray Kurzweil et d’autres ont suggéré que tout ce qui compte dans le cerveau et l’esprit humains pourrait un jour être téléchargé dans un ordinateur magnifique. L’être humain existerait alors indéfiniment dans l’ordinateur et ne mourrait jamais.

Prédisant qu’une intelligence artificielle gigantesque surpasserait les simples humains, un article récent de Psychology Today titrait :

L’IA pourrait surpasser les humains dans les domaines de la cognition, de l’économie, de la biologie et de l’éthique, et même redéfinir la réalité elle-même. Certains seuils sont déjà atteints, d’autres restent hypothétiques, mais la frontière entre l’homme et la machine s’estompe.

Les gens craignent ou accueillent favorablement l’idée que l’IA devienne humaine ou que les humains fusionnent avec l’IA. Mais ces idées reposent sur une hypothèse : le cerveau humain est essentiellement un ordinateur physique. Certes, c’est vraiment étonnant, mais il ne s’agit toujours que d’un dispositif électrochimique organique. Et la conscience humaine est un sous-produit du fonctionnement de ce dispositif.

Penser hors du crâne

Le neurochirurgien Michael Egnor et Denyse O’Leary renversent cette hypothèse selon laquelle l’esprit = cerveau = ordinateur dans leur nouveau livre, The Immortal Mind (2025). Le Dr Egnor a personnellement réalisé plus de 7 000 opérations du cerveau. L’étude des questions relatives à l’esprit et au cerveau l’a amené à réaliser que l’esprit n’est pas seulement le cerveau, mais qu’il lui est associé. L’argumentation du livre peut être utilisée pour montrer qu’un système d’IA imitant un cerveau n’a toujours pas d’esprit. Comparons l’IA aux réalités observées de l’esprit humain.

1- L’esprit humain n’a pas besoin d’un cerveau entier. Il existe de rares cas de personnes nées sans cervelet qui mènent néanmoins une vie adulte assez normale. De même, certains enfants naissent sans la majeure partie ou la totalité du cortex cérébral, généralement considéré comme le centre de l’esprit, mais qui sont néanmoins conscients. Ils peuvent ressentir, penser et vivre leur vie. Les patients qui subissent une intervention chirurgicale pour retirer des tissus cérébraux malades, par exemple, peuvent perdre ou non certaines fonctions intellectuelles ou motrices, mais leur personnalité reste généralement la même.

Les systèmes d’IA ont besoin d’un « cerveau électronique » complet pour fonctionner. Si l’on retire des composants matériels ou si l’on endommage certaines parties du logiciel, l’ordinateur perd une partie ou la totalité de ses fonctions.

2- Les fonctions mentales supérieures ne sont pas clairement cartographiées dans le cerveau. Le Dr Egnor rapporte quatre activités distinctes de l’esprit (la perception, le mouvement, la mémoire et l’émotion) qui semblent être générées et contrôlées par des régions spécifiques du cerveau. Mais l’intellect, la raison, la pensée abstraite et le libre arbitre ne semblent pas se localiser aussi clairement. Par exemple, la zone du cerveau qui contrôle la main écrivant une équation mathématique peut être localisée dans le lobe frontal gauche. La compréhension de l’équation ne peut pas être localisée de la même manière.

Les fonctions des systèmes d’IA sont toutes identifiables dans du matériel et des logiciels spécifiques, ainsi que dans des modules de traitement qui communiquent entre eux.

3- Un cerveau divisé ne crée pas deux personnalités. Une opération chirurgicale largement connue pour soulager l’épilepsie consiste à séparer complètement les deux hémisphères du cerveau. Après l’opération, la personnalité et les fonctions mentales du patient sont presque intactes. Les deux moitiés du cerveau ne produisent pas deux personnalités ou deux esprits. Les connexions neuronales à elles seules ne suffisent pas à créer l’esprit.

Divisez un ordinateur qui héberge une IA, c’est-à-dire déconnectez-le physiquement de ses autres éléments, et il ne fonctionnera plus comme avant, voire plus du tout.

4- Les jumeaux qui partagent leur corps et leur tissu cérébral sont deux personnes distinctes. Les jumeaux siamois peuvent partager des fonctions matérielles du cerveau et des sensations physiques, mais ils ne partagent pas le raisonnement abstrait. Chacun a une identité personnelle, une individualité et un libre arbitre. Ils ne peuvent pas se répartir les tâches intellectuelles de manière à ce que l’un étudie la géométrie tandis que l’autre étudie le calcul ; chacun doit apprendre séparément. Chaque jumeau a une volonté distincte observable, et ils peuvent se disputer et être en désaccord l’un avec l’autre.

L’idée de « joindre » deux ordinateurs dotés d’une intelligence artificielle nécessiterait une ingénierie spécifique pour leur permettre de communiquer et de partager des tâches. Si les systèmes d’intelligence artificielle ainsi reliés avaient des « personnalités », celles-ci seraient identiques à celles qui avaient été programmées à l’avance.

5- La stimulation cérébrale et les crises d’épilepsie ne font pas de mathématiques. Le neurochirurgien pionnier Wilder Penfield (1891-1976) a réalisé plus de 1 100 opérations cérébrales éthiques, indolores et à crâne ouvert sur des patients pleinement conscients, en prenant des notes minutieuses tout en cartographiant le cerveau de manière exhaustive à l’aide d’électrodes. Il a découvert que la stimulation de certaines régions pouvait déclencher des souvenirs ou des émotions. Penfield a constaté qu’il ne pouvait jamais forcer un patient à raisonner, à réfléchir ou à choisir. La pensée abstraite et le libre arbitre ne se manifestaient jamais sur commande. Même les crises qui détournent les circuits cérébraux ne produisaient jamais de véritable raisonnement ; t au mieux, elles provoquaient des compulsions, des obsessions, des souvenirs et des illusions, ou des poussées émotionnelles. Ces faits restent valables aujourd’hui.

Toute « stimulation » externe du matériel informatique de l’IA n’entraîne pas l’apparition de nouvelles fonctionnalités étonnantes, mais provoque plutôt des dysfonctionnements du système. Les modifications externes des logiciels, qu’ils soient liés à l’IA ou non, endommagent ou détruisent presque toujours le fonctionnement du module logiciel ou du programme dans son ensemble. Les modifications aléatoires des logiciels ne produisent pas de nouvelles fonctions sophistiquées.

6- Les expériences de mort imminente confirment que l’esprit et la personnalité uniques survivent malgré un cerveau en état de mort cérébrale. Les personnes subissant une intervention chirurgicale ou victimes d’un accident peuvent parfois tomber dans un état de mort cérébrale clinique. On estime que 20 % des personnes qui sont ensuite réanimées rapportent ce qu’on appelle une expérience de mort imminente (EMI).

Les détails varient, mais certaines caractéristiques fondamentales apparaissent dans les EMI. La plupart des personnes ayant vécu une EMI rapportent au moins un, souvent plusieurs, des éléments suivants : un sentiment d’être mort, des sentiments de paix ou d’agrément, l’absence de douleur, la séparation du corps, le passage à travers une région sombre ou un tunnel, ou la présence d’une voix ou d’un être. Beaucoup décrivent une « revue de vie » panoramique, où leur passé est réexaminé avec une vivacité extrême. D’autres rapportent s’être dirigés vers une lumière vive, avoir rencontré des esprits ou des parents décédés, ou avoir acquis des intuitions soudaines et profondes, tout cela alors que leur cerveau ne montrait aucune activité mesurable.

De nombreuses personnes ayant vécu une EMI décrivent avoir quitté leur corps, observé les événements se dérouler d’en haut, voire voyager vers d’autres lieux. Certaines rapportent avoir entendu des conversations dans la salle d’opération, décrit les vêtements portés par le personnel, noté l’emplacement d’objets ou encore rappelé des détails à l’extérieur du lieu d’accident qu’elles n’auraient pas pu observer avec leurs sens normaux.

Ces récits sont particulièrement frappants lorsque des investigations ultérieures permettent de confirmer que les observations du patient étaient exactes (EMI véridiques). Les personnes ayant vécu une EMI rapportent que leur personnalité, leur identité, ont persisté même si elles se trouvaient dans un état d’existence très différent.

Les systèmes d’IA ne peuvent pas avoir d’EMI. Aucune des caractéristiques des EMI énumérées ci-dessus ne peut se produire avec du matériel informatique et des logiciels. Les systèmes d’IA ne pourraient imiter les « sensations » subjectives et sensorielles que si leur logiciel était programmé pour le faire. Un matériel défectueux et un logiciel défaillant ne produisent pas d’expériences immatérielles ou de visions vives d’une autre existence intangible. Les systèmes d’IA ne peuvent pas quitter leur « corps » et se voir eux-mêmes ou voir les autres. Les systèmes d’IA qui meurent ne traversent pas de tunnels, ne se dirigent pas vers des lumières vives et ne rencontrent pas d’êtres spirituels ou de parents décédés.

L’IA ne peut pas produire l’esprit humain transcendant

Dans Soulless Intelligence (2024), les auteurs Bryan et Greg Trilli soutiennent, à partir d’une analyse logicielle et philosophique, que l’IA ne possède pas les caractéristiques définissant l’être humain, qui correspondent à une âme au-delà du corps. The Immortal Mind présente le point de vue d’un chirurgien cérébral qui estime que les aspects clés de l’esprit humain ne sont pas entièrement contenus dans le cerveau en tant que produit de neurones interconnectés. L’IA ne pourra jamais être plus qu’une machine ; l’esprit humain s’élève bien au-dessus de tout modèle de machine.

Soyez gentil avec votre robot. Mais ne pensez pas qu’il est humain.

Richard W. Stevens est un avocat à la retraite, auteur et membre du Walter Bradley Center on Natural and Artificial Intelligence du Discovery Institute. Il a beaucoup écrit sur la façon dont les codes et les systèmes logiciels témoignent d’une conception intelligente dans les systèmes biologiques. Titulaire d’un diplôme en informatique (UCSD) et en droit (USD), Richard a exercé le droit civil et administratif en Californie et à Washington D.C., a enseigné la recherche et la rédaction juridiques aux facultés de droit de l’université George Washington et de l’université George Mason, et s’est spécialisé dans la rédaction de requêtes décisives et de mémoires d’appel. Auteur ou coauteur de quatre livres, il a écrit de nombreux articles et donné des conférences sur des sujets, tels que la conception intelligente, l’intelligence artificielle et humaine, l’économie, la Déclaration des droits et l’apologétique chrétienne. Son cinquième livre, Investigation Defense : What to Do When They Question You (2024).

Texte original publié le 27 septembre 2025 : https://mindmatters.ai/2025/09/brain-surgeon-shows-why-ai-can-never-become-human/