Denyse O’Leary
Une raison pour laquelle les expériences de mort imminente sont difficiles à étudier

Lorsque l’esprit est brièvement dissocié du corps, il peut acquérir une connaissance réelle — comme dans les EMI où les informations obtenues sont ensuite confirmées. Mais une grande partie de ce que l’expérimentateur apprend ne peut pas être facilement exprimée, car il n’existe pas de mots pour des expériences que la plupart des gens ne vivent qu’après leur mort.

Récemment, dans Closer to Truth, Robert Lawrence Kuhn a interviewé le philosophe et informaticien néerlandais Bernardo Kastrup sur le sujet des expériences hors du corps et des expériences de mort imminente.

Le neurochirurgien Michael Egnor a également interviewé Kastrup sur des sujets connexes. Notamment, Kastrup a soutenu que la conscience ne peut pas être simplement un sous-produit du fonctionnement cérébral et qu’elle ne peut pas avoir simplement évolué. Il défend également l’idée qu’un esprit universel est une hypothèse raisonnable.

L’idéalisme et les expériences de mort imminente

En termes philosophiques, Kastrup est un idéaliste ; cela signifie qu’il pense que les idées, plutôt que la matière, sont le fondement principal de la réalité. Plus précisément, il est un idéaliste analytique.

Dans un livre récent, Analytic Idealism in a Nutshell (2024 ; tr fr L’idéalisme analytique en quelques mots), il expose sa thèse :

À mesure que les échecs du physicalisme commencent à ébranler la confiance même des plus biaisés de ses partisans, une nouvelle vision de la nature de la réalité s’impose comme la seule alternative tenable : l’idéalisme analytique. Selon cette vision, il existe un monde extérieur indépendant de nos esprits individuels, mais ce monde est — tout comme nous-mêmes — également mental ou expérientiel. Tout en étant une vision réaliste, naturaliste, rationaliste et même réductionniste, l’idéalisme analytique renverse nos intuitions conditionnées par la culture, révélant que ce n’est qu’en comprenant notre propre nature intérieure que nous pouvons comprendre la nature du monde.

En bref, comme beaucoup de penseurs aujourd’hui, il comprend que le physicalisme et le matérialisme éliminativiste sont des idées en échec, pour une raison de plus en plus évidente : si nos esprits ne sont que le bourdonnement des neurones, comment pouvons-nous établir la vérité de quoi que ce soit ? Et pourtant, nous savons qu’il existe une différence entre le vrai et le faux. Ainsi, le physicalisme, autrefois très populaire, ne peut pas être correct.

Le philosophe idéaliste Joshua Farris — qui n’approuve pas toutes les directions que prend l’idéalisme non chrétien — souligne l’importance de Kastrup :

La ligne de démarcation entre philosophie et science continue de s’estomper, comme le soutient la journaliste Amanda Gefter dans sa récente réflexion sur la métaphysique expérimentale publiée dans Quanta Magazine. Cela est dû, en grande partie, à l’énigme de l’expérience humaine consciente. Et elle a raison de dire que la conscience, l’intuition et l’expérience continuent de susciter de nouvelles questions sur la nature fondamentale du monde et de la science.

L’ingénieur en informatique et philosophe Bernardo Kastrup est à l’avant-garde du changement progressif des conceptions conventionnelles de la réalité.

Consciousness Blurs the Line Between Philosophy and Science”, 22 décembre 2024.

Farris met toutefois en garde : « Contrairement à l’accent mis par le Nouvel Âge sur la réalisation de soi comme une fin en soi, l’approche théiste, la Soul Science [sa propre vision], considère la conscience de soi comme une porte d’accès à la compréhension de notre dépendance envers le divin ».

Ce que les mots ne peuvent exprimer

Voyons maintenant l’approche de Kastrup sur les expériences de mort imminente (EMI) dans cette courte vidéo de Closer to Truth comme exemple de dissociation du corps :

Kuhn : Mais en ce qui concerne [3:35] les expériences de mort imminente, vous ne les rejetteriez pas toutes comme, vous savez, des changements corporels, un manque d’oxygène ou autre. Vous pensez donc qu’il y a une possibilité que ce soit une sorte d’aperçu de la fin de la dissociation ? Ou un indice de cela, parce que vous voyez cette sorte d’élargissement, une absorption dans quelque chose de plus grand ?

Kastrup : Oui. Et parce que ce que vous expérimentez [4:01] alors est quelque chose pour lequel nous n’avons pas de langage. Le langage n’a pas évolué pour des états non dissociés. Il a évolué pour des états dissociés, selon l’idéalisme analytique.

Lorsque nous relatons ces expériences, nous les habillons du vêtement symbolique de notre propre culture. Ainsi, chaque personne peut raconter la même histoire en des termes complètement différents, dans cet effort d’interprétation.

Mais les thèmes sous-jacents sont clairement communs, et je les prends au sérieux. Je préférerais que les choses soient plus simples. Mais je suis trop engagé empiriquement pour simplement rejeter cela. Non, je pense qu’il se passe quelque chose là. Et heureusement, c’est quelque chose que je peux comprendre en tant qu’idéaliste.

Il est certain que Kastrup touche ici à quelque chose d’important. Lorsque l’esprit est brièvement dissocié du corps, il peut acquérir une connaissance réelle — comme dans les EMI où les informations obtenues sont ensuite confirmées. Mais une grande partie de ce que l’expérimentateur apprend ne peut pas être facilement exprimée, car il n’existe pas de mots pour des expériences que la plupart des gens ne vivent qu’après leur mort.

Ainsi, une entité radieuse peut être décrite comme possédant les attributs d’un être surnaturel appartenant à la culture d’origine de l’expérimentateur. Ces attributs sont-ils les « bons » pour cet être ?

Voir et comprendre

Il serait peut-être plus juste de dire qu’il s’agit des images qu’un individu pouvait voir et comprendre. Il se peut qu’aucune autre ne soit disponible. Aucun mot non plus, sauf ceux élaborés pour des circonstances entièrement différentes du monde quotidien.

Peut-être que le fait qu’aucune image ni aucun mot ne puissent réellement décrire l’expérience signifie que ceux finalement choisis devraient être considérés comme faisant partie d’une base de données en expansion. Nous pouvons essayer de les utiliser pour parvenir à une meilleure compréhension d’un monde qui semble de plus en plus dépasser le physique.

Denyse O’Leary est journaliste indépendante basée à Victoria, au Canada. Spécialisée dans les questions de foi et de science, elle est coauteure, avec le neuroscientifique Mario Beauregard, de The Spiritual Brain: A Neuroscientist’s Case for the Existence of the Soul (tr fr Du cerveau à Dieu); et avec le neurochirurgien Michael Egnor, de The Immortal Mind: A Neurosurgeon’s Case for the Existence of the Soul (Worthy, 2025). Elle est titulaire d’un diplôme en langue et littérature anglaises avec mention.

Texte original publié le 10 octobre 2025 : https://scienceandculture.com/2025/10/one-reason-near-death-experiences-are-hard-to-study/