(Revue Spiritualité. No 5. 15 Avril 1945)
Toute recherche, qu’elle tende ses antennes vers la philosophie, le domaine scientifique, psychologique ou religieux, amène l’homme à l’exaltante découverte de la même vérité.
La science nous mène jusqu’au bord d’un abîme où tout n’est plus qu’énergie pure, lumière unique, dans une absence totale de différenciation. Tout se réduit à l’Un et, avec joie, l’on entrevoit le jour tout proche où enseigner la science équivaudra à révéler en d’autres mots les vérités millénaires qui nous viennent de l’Orient.
La Vie est une, et toute forme n’est qu’une condensation de l’Énergie unique. Toute différence entre les aspects innombrables que revêt cette Vie se réduit finalement comme nous le montre si clairement notre ami Ram Linssen en ses articles et ses causeries de vulgarisation — à une question de chiffres : un nombre plus ou moins élevé d’électrons dans la composition des atomes.
Cette unité de base se retrouve également dans le domaine psychologique : la même Vie profonde meut tous les êtres et sa libération constitue le but de toutes les religions, car cette Essence commune n’est autre chose que Dieu, ce Dieu omnipotent, omniprésent et omniscient dont tous les Initiés ont proclamé l’existence éternelle.
En fait, cette Énergie, que découvre actuellement la science d’avant-garde, doit posséder toute puissance, toute conscience et tout amour, puisqu’elle est toute chose et qu’en chaque chose elle est pur dynamisme.
L’être est aimant, conscient, puissant, c’est-à-dire vivant, dans la mesure même où il permet à cette Force universelle de se manifester. S’il emploie sa puissance dans un but égoïste, cet égoïsme même est une limite au pouvoir de la Vie, parce qu’il cristallise en une forme restreinte sa force d’expansion, et tôt ou tard il subit les effets d’un véritable choc en retour : la force de Vie détournée de son but détruisant finalement la forme qui tend à l’entraver. Témoin la destruction pour ainsi dire apocalyptique de l’Allemagne qui voit se retourner contre elle la titanesque explosion de puissance que son führer déclencha sur le monde.
La vraie mission de tous les Instructeurs autour desquels se sont formées ce qu’on appelle les religions, est invariablement de libérer dans l’être humain le jaillissement de cette Vie qu’ils appellent Dieu. Et c’est pourquoi ils enseignent tous à l’homme à tuer l’égoïsme, cette condensation de l’Énergie en une forme dont les contours, bâtis dans l’invisible, opposent leurs limites à sa libre explosion.
Chaque religion, chaque discipline spirituelle, chaque yoga propose à l’être humain une voie libératrice dont le sommet est invariablement la victoire de l’Esprit, le triomphe de la Vie, de la Lumière, de l’Unité, et le moyen — toujours identique en essence — l’anéantissement de l’égoïsme, de l’attachement aux formes, à leur trompeuse diversité.
C’est toujours un saut en profondeur : de la surface toutes les disciplines nous mènent vers l’intérieur, de l’apparence elles nous guident vers la Réalité, l’Essence des choses.
Et il est exaltant de retrouver dans la science d’aujourd’hui, dans les derniers travaux de chimistes célèbres, ce même acheminement vers cette Réalité, cette Essence des choses dont parlent tous les Initiés.
Car celui qui saisit le sens profond des grands enseignements philosophiques et religieux de tous les temps, perçoit sous tant de noms divers dont est parée l’essentielle Vérité, un unique message qui se révèle, toujours le même, à l’âme libre.
Qu’il se nomme Jésus, Bouddha, Krishnamurti, qu’il nous parle du Père, de Brahman, de l’Absolu ou de la Vie, le messager de Dieu ne fait qu’une chose d’une sublime simplicité il laisse fuser à travers lui la Lumière éternelle, l’Énergie-Une dont le rayonnement s’irradie vers nous en un amour impersonnel. Parce que lui-même est mort à toute vie égoïste, « Ce » qui en l’homme est toute science s’exprime librement pour proclamer l’unique Vérité : « Je suis Celui qui est »… « Tu es Cela »… « Toi et moi sommes un »… « La Vie est »…
Étudier les Vedas ou lire les Évangiles, c’est s’abreuver à la pureté de la même source. Pratiquer un yoga ou la discipline sanctifiante d’un Saint jean de la Croix, c’est suivre la même voie, car c’est s’acheminer vers ce « Pays sans chemin » dont nous parle Krishnamurti. Un seul précepte s’inscrit en flamboiement sur la ligne d’horizon : « Détachement ». Et pour celui dont l’enthousiasme et la ferveur osent en épeler, dans la vie quotidienne, le véritable sens, détachement signifie fusion.
Se détacher des formes, c’est fusionner avec la Vie qui les anime, se détacher de sa propre personnalité, c’est épouser l’impersonnalité de l’Énergie divine, c’est accepter d’être passif pour que Son dynamisme puisse trouver en nous un mode d’expression.
Nul n’est plus dynamique que l’être humain qui sacrifie à Dieu sa propre volonté ; nul n’est plus amoureux de la Totalité que l’être détaché des formes qu’Elle revêt ; nul n’est plus proche de la Lumière que celui qui accepte, par amour de la Vie, une totale obscurité en sa pensée personnelle ; car par ce renoncement à tout mouvement humain, par cette perte de conscience en l’ultime Conscience, l’être permet à l’Énergie profonde de s’épandre au dehors dans sa pureté et sa simplicité.
Et c’est pour cette raison que les grands Instructeurs nous recommandent tous de faire confiance à Dieu, d’être envers Lui, envers cette Vie profonde, comme de petits enfants, de nous confier au jaillissement bienfaisant de Sa Grâce, et ce par l’unique moyen d’une foi ardente, inébranlable en Sa puissance et Son omniprésence.
Puisque la Vie divine est en nous tout amour, toute conscience et tout pouvoir, il nous suffit de Lui permettre une libre explosion par un total effacement de nos limites, pour qu’en nous se révèle, obscurément d’abord puis d’une façon toujours plus lumineuse, l’éternelle Vérité, l’éternelle joie d’être la Vie, d’être l’Amour, la Force et la Lumière.
Madeleine GROFFIER