Jean Biès
A propos du cinquième évangile entretien avec Émile Gillabert

L’incompréhension ne pouvait être que totale : un dialogue de sourds, avec des disciples infantiles, interprétant les paraboles dans un sens quantitatif et historique, et fermés à toute notion d’intériorité et d’éternité. L’aventure du Royaume est intérieure et individuelle ; elle a été comprise comme extérieure et collective. L’éveil de la conscience a été confondu avec la « résurrection des morts ». Manger le pain de la Parole, s’abreuver à la coupe de l’Enseignement est devenu la Cène (alors que Jean lui-même n’identifie nullement la chair et le sang du Fils de l’Homme au corps et au sang d’une victime offerte en sacrifice : le rachat par le sang est une idée de Paul…). L’épreuve salvatrice de celui qui se prend en main a dégénéré en salut par la Croix de celui qui se fait prendre en charge. Le dévoilement de l’Esprit, lorsque cesse notre cécité, a été pris pour l’apparition de Jésus post mortem. Le retour à l’Un, à l’Etre intemporel, la fin de tout dualisme sont devenus la « fin des temps »…

(Revue Question De. No 24. Mai-Juin 1978)

Un cinquième Evangile existe, « l’Evangile selon Thomas », découvert à Nag Hammadi (Haute-Egypte) en 1945, et traduit pour la première fois du copte en 1959. De l’avis même des exégètes de l’Ecole biblique de Jérusalem, ce texte surprenant est plus ancien que les « Synoptiques ». Ainsi, « l’Evangile selon Thomas » nous transmet-il peut-être les paroles exactes prononcées par Jésus et remet-il du même coup en question une grande partie des bases du christianisme. Il nous révèle un maître spirituel en tous points semblables à ceux de l’Asie traditionnelle ; il débonde les sources de l’ésotérisme chrétien ; il peut même amorcer un renouveau de la spiritualité occidentale. Telle est la thèse défendue par Emile Gillabert (décédé en 1995) et qui était directeur du groupe de recherches et d’études « Métanoia ».

E. Gillabert. — Cet évangile est un texte copte découvert en Haute-Egypte, près de la localité de Nag Hammadi, en 1945, et dont les premières traductions datent de 1959. Le manuscrit se trouve au musée du Caire ; nous en possédons le fac-similé. Bien entendu, une véritable conjuration du silence entoure cette découverte sans précédent, qui remet en question les bases mêmes du christianisme tel qu’il nous a été transmis.

J.B. — Vous dites que cet Evangile aurait été dicté par Jésus à son disciple Thomas. Il serait une stéréotypie des paroles mêmes du Maître…

E.G. — L’incipit de cet Evangile est le suivant : « Voici les paroles secrètes (et non pas aprocryphes ! …) que Jésus le Vivant a dites et qu’a transcrites Didyme Judas-Thomas… » . On peut supposer que Jésus, se sentant menacé à la fois par les pharisiens et par les Romains, a dicté l’essentiel de son message au disciple susceptible de le préserver. Nous sommes en présence d’un texte qui fut enterré presque aussitôt que divulgué, et qui est resté à l’abri de toute manipulation. On n’y trouve aucune de ces amplifications propres aux « Synoptiques », lesquels sont l’aboutissement de rédactions successives : les versions que nous en avons sont de troisième ou quatrième main ; Paul les a infléchies de toute son influence (« Marc » principalement). Très vite, l’enseignement de Jésus s’est trouvé récupéré, dégradé et trahi.

J.B. — La conjuration du silence à laquelle vous faites allusion s’explique fort bien dans la mesure où l’Eglise a depuis longtemps récusé toute notion d’ésotérisme.

E.G. — Il est commode mais abusif d’amalgamer la gnose de Thomas en tant que « connaissance initiatique » et les gnosticismes aberrants des premiers siècles. Jésus a dit :

« Vous avez caché les clefs de la Connaissance ; non seulement vous n’êtes pas entré, mais vous empêchez les autres d’entrer. » De même : « Le chien dans la mangeoire ne mange ni ne laisse manger les bœufs. » Et encore : « Je dis mes mystères à ceux qui sont dignes de mes mystères… » L’incompréhension ne pouvait être que totale : un dialogue de sourds, avec des disciples infantiles, interprétant les paraboles dans un sens quantitatif et historique, et fermés à toute notion d’intériorité et d’éternité. L’aventure du Royaume est intérieure et individuelle ; elle a été comprise comme extérieure et collective. L’éveil de la conscience a été confondu avec la « résurrection des morts ». Manger le pain de la Parole, s’abreuver à la coupe de l’Enseignement est devenu la Cène (alors que Jean lui-même n’identifie nullement la chair et le sang du Fils de l’Homme au corps et au sang d’une victime offerte en sacrifice : le rachat par le sang est une idée de Paul…). L’épreuve salvatrice de celui qui se prend en main a dégénéré en salut par la Croix de celui qui se fait prendre en charge. Le dévoilement de l’Esprit, lorsque cesse notre cécité, a été pris pour l’apparition de Jésus post mortem. Le retour à l’Un, à l’Etre intemporel, la fin de tout dualisme sont devenus la « fin des temps » (alors qu’il est démontré que Jésus n’a jamais prononcé de discours apocalyptique).

Moïse et Paul ont étouffé le vrai message de Jésus

J.B. — Moïse et Paul sont pour vous les deux grands « paranoïaques » qui encadrent et étouffent le vrai message deJésus. Vous les tenez même pour responsables de la crise de l’Occident, qui leur doit son vouloir de conquête, son esprit juridique et littéraliste, la destruction de la nature et de la féminité, le « sens de l’Histoire ».

E.G.  — Le peuple d’Israël, surtout à l’origine, était un peuple combattant, qui avait à conquérir la Terre promise. Il avait avant tout besoin de soldats ; chacun sait que la femme, « repos du guerrier », devient dangereuse dans l’économie des moyens de conquête. Par l’intermédiaire de Moïse, Israël s’est donné des lois où la femme et la nature sont jugées mauvaises. Moïse a reçu ces lois sur le Sinaï, sans que le peuple puisse le voir. C’est ici que commence le discours paranoïaque, admirablement cons­truit, mais établi sur des prémisses invérifiables : « Yahvé m’a dit… » Moïse est seul à posséder la vérité ; il se montre intransigeant, xénophobe, fait vivre son peuple dans un climat de culpabilité et de peur permanentes. Le peuple, empêché d’avoir un contact direct avec Yahvé, l’est aussi de vivre une aventure spirituelle personnelle : l’intimité avec Dieu lui est pratiquement interdite. La seule aventure permise est collective : la guerre.

J.B. — Il est pourtant possible d’interpréter les Psaumes dans un sens symbolique de guerre intérieure, comme on le fait pour la « guerre sainte » islamique ou pour celle d’Arjuna dans la Bhagavad-Gîtâ.

E.G. — Sans doute. Il n’empêche qu’Israël a voulu s’inscrire dans le devenir historique, inscrire son action dans l’espace-temps. En se choisissant un guide tout-puissant inspiré par le Dieu des Armées, il a opté pour une transformation extérieure.

J.B. — Cet instinct guerrier provient d’une société patriarcale. L’orphelin Moise s’est fabriqué un Père d’autant plus autoritaire que la carence a été plus durement vécue.

E.G. — Le culte rendu au Père lui a fait condamner et maudire tout ensemble la femme, la mauvaise mère, la nature, assimilées à la mort. Cela se retrouve jusque dans Freud. Moïse a confondu la sexualité et le péché ; d’où le souci obsédant des purifications rituelles et des expiations. L’agressivité d’Israël combattant vient du renoncement sexuel, de l’autopunition reliée à la notion de péché. La Déesse-Mère a été bannie ; l’unité du Ciel et de la Terre, brisée. Le dualisme chair-esprit, instinct-raison était né ; nous voyons aujourd’hui les conséquences catastrophiques de cette phallocratie… Dans le christianisme même, le culte de la Vierge Marie a pu tempérer les rigueurs de la Loi, mais n’a point assumé la sexualité. Pour le juif comme pour le chrétien, séparés de la nature, il est devenu impossible de s’intégrer à un temps cyclique, de découvrir une harmonie universelle. Non seulement l’homme n’existe plus que collectivement, mais son but est, de plus, de transformer cette nature ennemie ; Marx est au bout.

Paul : la triple succession paranoïaque, patriarcale et messianique

J.B. — Paul n’a fait selon vous que succéder à Moise dans une perspective chrétienne. Vous établissez plusieurs rapprochements entre son enseignement et l’idéologie essénienne : même rêve hégémonique, même dualisme fondamental, même souci de justification par les Ecritures, même impatience messianique. Vous expliquez sa paranoïa en évoquant un besoin de surpuissance et de possession exclusive de la vérité et réduisez Damas à une hallucination…

E.G. — Le départ de Paul ne nous satisfait pas plus que celui de Moïse. Nous ne pouvons vérifier cette expérience de foi fondée sur un Christ ressuscité, sur cette réanima­tion d’un cadavre… Le discours est organisé, logique, efficace ; l’absence de preuves subsiste. Damas est pour moi une hallucination, une perception sans objet ; en termes psychanalytiques, une « régression ». Le psychotique pri­ve du tiers témoin ne peut contempler que sa propre image.

J.B. — Paul a accentué le processus de yangisation de l’Occident ?

E.G. — Je me suis aperçu qu’il n’avait fait que continuer un travail déjà bien avancé, en sous-estimant l’élément
féminin, yin, beaucoup plus proche que le masculin, yang, des cycles naturels. Paul a insisté sur la Loi représentée par le Père : autorité, sévérité, condamnation ; c’est le Père, non Jésus, qui a tué le « vieil homme » en Paul. Dans ses « Epîtres », la femme porte le poids du péché originel. La chair est identifiée au mal. Il ne parle de la mer que pour mentionner ses naufrages ; de la nuit, que pour en souligner l’aspect négatif ; il ne fait aucune mention de la mère de Jésus… Comparez avec « l’Evangile de Thomas », où Jésus rend sa vraie place à la femme, réhabilite la Mère divine : « Le royaume du Père est semblable à une femme… »

J.B. — Vous estimez également que l’aspect messianique des Evangiles est une marque de Paul.

E.G. — Les paroles que les rédacteurs évangéliques prêtent à Jésus pour montrer qu’il venait réaliser les prophéties sont des ajouts ou des interpolations. Même l’exégèse confessionnelle est d’accord là-dessus. On a confondu Jésus et le Messie des prophètes (Daniel surtout) ; on a fait subir aux textes des manipulations pour les besoins de la catéchèse. Surtout dans « Matthieu »…

J.B. — Cependant, toutes les traditions connaissent la notion de fin de cycle, et vous-même ne la niez pas.

E.G. —   Nous sommes effectivement à la fin d’un cycle. Mais la notion de cycle elle-même est liée au monde manifeste, elle est étrangère à l’essentiel, qui est la vie intérieure, la seule qui intéresse Jésus. Ce qui nous est demandé, c’est de revenir à l’origine d’avant le temps. Les juifs, et les disciples de Jésus à leur suite, attendaient un Messie, et Jésus ne présentait pas les caractéristiques requises. Le Messie devait apparaître dans les nuées du ciel, au son des trompettes, dans une sorte de branle-bas cosmique… Or, aux yeux des non-initiés, rien ne distingue un initié de celui qui ne l’est pas. Tout au long de la vie de Jésus, nous constatons que les disciples ne le comprennent pas. Ils se sont déjà forgé un personnage en fonction des prophéties ; ils vivent sur des préjugés, sur des projections… En réalité, cette attente messianique n’était qu’une prodigieuse utopie ; cette fuite dans le rêve avait pour but de décharger l’âme collective de sa culpabilité.

Que savons-nous de Jésus ?

J.B. — Je vous entends parler de Jésus, non du Christ. Or, tout Messager porte deux noms, l’un humain, l’autre divin.

E.G. — Christ est un terme juif et paulinien à la fois, désignant l’Oint du Seigneur. Il appartient donc encore à la perspective messianique que je viens de dénoncer. Le Messie devait naître de la race de David et recevoir l’onction. L’on a fait naître Jésus à Bethléem parce que Bethléem est une terre de Juda, donc de la tribu de David, alors que les exégètes nous disent maintenant que Jésus n’a pas pu naître à Bethléem, étant donné la date du recensement de César. On veut alors le faire naître à Nazareth, mais on rencontre une nouvelle difficulté, car Nazareth ne figure sur aucune carte ancienne !

J.B. — Mais si l’on prétend remonter vraiment aux sources, pourquoi ne pas dire Yeshouah car tel est bien le nom d’origine ?…

E.G. — Peut-être…  Mais remarquez que dans « Jésus », il y a « Je suis ». Jésus nous a laissé cette parole : « Celui

qui boira de ma bouche deviendra moi, je deviendrai lui. » Il s’agit donc bien d’une identification. Si je deviens Jésus, je le suis.

Les miracles et les pouvoirs sont d’ordre exotérique

J.B. — Quelle importance ou crédibilité accordez-vous aux miracles de Jésus ? Vous dites que ces miracles sont des versets rajoutés.

E.G. — Il existait depuis longtemps des recueils de miracles ; c’est là qu’ont puisé les évangélistes, en y ajoutant encore l’imagination orientale, pour élaborer leur mythe. La Résurrection m’apparaît comme un phénomène explicable, mais appartenant, comme tout phénomène, à l’ordre de la manifestation, et donc secondaire du point de vue ésotérique. Or, Jésus a dit : « Par les choses que je vous dis, ne savez-vous pas qui je suis ? » Il attire l’attention sur sa parole, non sur l’aspect merveilleux des miracles. On a voulu faire de lui un fakir, alors qu’il récusait tout moyen d’action physique.

J.B. — Est-ce à dire que Jésus n’a jamais fait de miracles ? Tous les sages ont été investis de « pouvoirs », même s’ils y ont renoncé.

E.G. — Il en avait probablement. S’il est issu du milieu essénien, comme d’aucuns le prétendent, on sait par les textes de Qumrâm que les Esséniens étaient des guérisseurs. Jésus a fort bien pu être un thérapeute.

J.B. — Quant aux autres miracles, n’est-il pas possible de leur donner une interprétation allégorique, comme l’ont fait des Pères de l’Eglise, à propos des noces de Cana ou de la marche sur les eaux ?

E.G. — Je ne nie pas ces miracles, je les néglige plutôt. Ils sont pour moi de l’ordre extérieur.

QUELQUES EXTRAITS DE L’EVANGILE SELON THOMAS

Jésus a dit:

J’ai jeté un feu sur le monde, et voici que je le pré­serve jusqu’à ce qu’il embrase.

Heureux celui qui était déjà avant qu’il existe. Si vous devenez mes disciples et entendez mes paroles, ces pierres vous serviront.

Si la chair s’est produite à cause de l’esprit, c’est une merveille ; mais si l’esprit s’est produit à cause du corps, c’est une merveille de merveille. Mais moi, je m’émerveille de ceci : comment cette grande richesse s’est mise dans cette pauvreté.

Ses disciples dirent : Quel jour te verrons-nous ? Jésus dit : Lorsque vous vous départirez de votre pruderie et prendrez vos vêtements, les déposerez à vos pieds comme les tout petits enfants, les piétinerez, alors vous verrez le Fils de celui qui est Vivant et vous n’aurez pas peur.

Les pharisiens et les scribes ont pris les clefs. de la Connaissance et ils les ont cachées. Non seulement ils ne sont pas entrés, mais encore ils n’ont pas laissé entrer ceux qui voulaient.

Si l’on vous interroge : Quel est le signe de votre Père qui est en vous ? dites-leur : C’est à la fois un mou­vement et un. repos.

Celui qui connaît le Tout, s’il est privé de lui-même, est privé du Tout,

Le Tout est sorti de moi et le Tout est parvenu à moi. Fendez du bois : je suis là ; soulevez la pierre et vous me trouverez là.

Ne comprenez-vous pas que celui qui a créé l’intérieur est aussi celui qui a créé l’extérieur ?

Celui qui boit de ma bouche deviendra comme moi : moi aussi je deviendrai lui, et ce qui est caché lui sera révélé.

Jésus et la sagesse orientale

J.B. — Quels rapprochements peut-on faire entre l’enseignement de Jésus et les grandes traditions telles que l’Asie les a conservées ?

E.G. — Une fréquentation prolongée, attentive, des cent quatorze logia de Jésus révèle une pensée attestant des correspondances surprenantes avec les grands enseignements orientaux. Par exemple, avec la Bhagavad-Gîtâ et les Upanishad, la poésie mystique des soufis, les aphorismes du tch’an, les koan du zen. J’ai pu établir des rapprochements entre telles paroles de Jésus et Bouddha, Lao-tseu, Lin-tsi, Hui-nêng, Gaudapâda. Mais c’est encore du Tao en tant que voie du « juste milieu » que cet enseignement est le moins éloigné… Ces rapprochements portent sur l’esprit d’enfance et de pauvreté, sur la non-violence et le désengagement, les illusions du mental, l’abolition de l’ego, la nécessité de vivre hic et nunc, la conciliation des contraires, l’androgynie primordiale, le vide métaphysique, le Père en tant qu’aspect incréé — le brahman sans second —  et le Fils en tant que réalité manifestée — l’âtman.

J.B. — Inutile d’imaginer un voyage de Jésus en Inde ou au Tibet !…

E.G. — Comparé aux enseignements initiatiques de l’Asie, ce message se révèle dans ses dimensions d’universalité, permet à l’Orient et à l’Occident de parler le même langage.

L’Evangile du troisième millénaire

J.B. — « L’Evangile selon Thomas » oblige à une révision complète des dogmes de l’Eglise. La question qu’on peut se poser est celle-ci : que va-t-il rester de l’édifice ?

E.G. — Il faut s’attendre à des révisions pénibles et déchirantes. C’est le prix à payer pour retrouver la vérité originelle et obtenir la libération. Il reste bien peu de paroles authentiques de Jésus dans les Evangiles canoniques. L’évacuation de l’ésotérisme dès le début condamne aujourd’hui l’Eglise soit à se replier sur des positions historiques et sécurisantes de moins en moins tolérables, soit à foncer dans le social. Or, on ne peut rien comprendre à cet ésotérisme sans le préalable retournement, l’indispensable metanoia de tout son être, pour revenir à la « source bouillonnante » que Jésus a « mesurée ».

J.B. Et c’est ce retournement qui fait peur. Il est renonciation à toute sécurité.

E.G. — Jésus a dit : « Quand ils auront rejeté leur vin, alors ils changeront de mentalité. » Je pense que « l’Evan­gile selon Thomas » ne peut trouver d’écho que chez ceux qui ont commencé leur propre remise en question et sont disposés au sacrifice total du Moi. Nous ne pouvons comprendre et vivre le message de Jésus que si nous parvenons à nous libérer des forces paralysantes de notre inconscient, imprégné de légalisme juif et de dogmatisme chrétien. Ce travail ne pourra se faire que sur plusieurs générations.

J.B. Certains, se référant à la loi selon laquelle toute fin de cycle en rejoint le commencement, pourront penser que la découverte de ce cinquième Evangile, qui, en fait, est le premier, constitue une nouvelle preuve de la fin du cycle chrétien.

E.G. — Pour moi, elle indiquerait plutôt la renaissance de la spiritualité occidentale. Cette découverte est une chance insigne offerte à l’homme de notre temps, juste au moment où les Eglises ne peuvent plus répondre à ses interrogations essentielles. A maladie mortelle, remède radical… Tandis que le judéo-christianisme se meurt sous nos yeux, réduit à un épiphénomène de civilisation, « l’Evangile selon Tho­mas » inaugure un nouveau cycle, ouvre déjà la voie de réalisation aux hommes du troisième millénaire.

A lire

Philippe de Suarez : l’Evangile selon Thomas (1975).

Emile Gillabert : Saint Paul, ou le Colosse aux pieds d’ar­gile (1974) ; Paroles de Jésus et Pensée orientale (1974) ; Moïse et le Phénomène judéo-chrétien (1976), etc.