Il est opportun de rappeler que la gnose éternelle n’est pas une réflexion sur le futur et qu’elle ne voit pas le salut des hommes dans le devenir. Elle est connaissance et reconnaissance, par-delà le temps et l’espace, de ce que nous sommes réellement. Elle voit le salut dans un présent libérateur par une recherche intérieure et individuelle.
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Émile Gillabert : L'Évangile selon Thomas et les Évangiles Canoniques
La libération de l’homme grâce à la connaissance par identification, tel est le trait essentiel de l’Évangile selon Thomas. Cette libération est conçue comme un éveil tandis que dans les évangiles canoniques elle devient la résurrection au sens de réanimation d’un cadavre ; elle est intérieure et individuelle et non régénération collective de notre être pécheur par un sang rédempteur ; elle est prise de conscience que notre Être véritable est éternel alors que notre être psycho-somatique est mortel ; elle est invitation à faire le deux Un, et non dualité cultivée et entretenue dans le temps et pour l’éternité du Créateur et de la créature ; elle dénonce le caractère illusoire, voire mensonger, du temps et de l’espace, récusant ainsi la conception du salut dans le devenir historique.
Émile Gillabert : Les Esséniens étaient-ils gnostiques ?
La vraie gnose étant la connaissance – ou la reconnaissance – ici et maintenant de ce que nous sommes réellement, toute forme de salut qui se situe dans un futur et un ailleurs n’est pas et ne peut pas être gnostique. La gnose, nous l’avons vu, transcende le temps et l’espace, or les esséniens vivaient orientés vers un salut qu’ils croyaient prochain mais qui était absolument spatio-temporel. Cette forme de salut – qui sera aussi celle des chrétiens – se situe dans la ligne exotérique alors que la gnose possède toutes les caractéristiques d’un véritable ésotérisme. De plus, chez le gnostique, la réalisation, ou l’éveil, est l’aboutissement d’une recherche individuelle. La découverte du Royaume intérieur – pour reprendre la terminologie de Jésus – est au terme d’une aventure solitaire, alors que chez les esséniens, comme aussi dans une certaine mesure chez les chrétiens, le salut à venir est collectif, la damnation également…
Un objet unique rechercher ce que Jésus a dit. Entretien avec Émile Gillabert
La science contemporaine remet en cause la réalité des objets. Cette table, ce cendrier apparaissent comme des objets solides alors que le chercheur en microphysique voit de l’énergie en mouvement. Cette vision du monde va dans le sens de la non-dualité gnostique. C’est par suite d’une illusion que je vois les choses séparées. Le savant et le métaphysicien sont d’accord sur l’interdépendance de toute chose ; l’un et l’autre comprennent cette parole de Jésus : « Il y a de la lumière au dedans d’un être lumineux, et il illumine le monde entier » (log. 24).
Émile Gillabert : La gnose: ni l'hellénisme, ni le christianisme ne suffisent à l'expliquer
Chez Jésus et chez les gnostiques, le temps n’est plus à l’image de l’éternité ; il est à la fois le moment de notre servitude et la chance de notre réalisation intemporelle ; il est l’occasion de l’interrogation qui revient chez les gnostiques comme un leitmotiv : « qui suis-je ? » et le théâtre ou l’ego doit perdre le combat qui l’oppose illusoirement au Soi : situation tragique dont le dénouement est la mort de l’ego. Le conflit se résout par une prise de conscience du caractère contingent, voire illusoire, du temps…
Emile Gillabert : Vie naturelle et réalisation intemporelle
Ce qu’il faut souligner, c’est l’importance de l’état intérieur de celui qui recherche sa réalisation. La liberté et l’harmonie ne peuvent s’instaurer que chez l’homme qui a surmonté le dualisme: ce qui suppose que sa vision compensatrice du monde a pu se faire d’une façon aisée et naturelle favorisant une acceptation sans laquelle la vie conduirait au désespoir. L’homme qui reste dans l’optique dualiste tend à accorder au principe positif une valeur exclusive par rapport au principe négatif et à l’identifier à Dieu, tandis que le second devient le Diable. Cette opposition est contraire à l’idée de l’Etre suprême qui englobe les inverses complémentaires.
Jean Biès : A propos du cinquième évangile entretien avec Émile Gillabert
L’incompréhension ne pouvait être que totale : un dialogue de sourds, avec des disciples infantiles, interprétant les paraboles dans un sens quantitatif et historique, et fermés à toute notion d’intériorité et d’éternité. L’aventure du Royaume est intérieure et individuelle ; elle a été comprise comme extérieure et collective. L’éveil de la conscience a été confondu avec la « résurrection des morts ». Manger le pain de la Parole, s’abreuver à la coupe de l’Enseignement est devenu la Cène (alors que Jean lui-même n’identifie nullement la chair et le sang du Fils de l’Homme au corps et au sang d’une victime offerte en sacrifice : le rachat par le sang est une idée de Paul…). L’épreuve salvatrice de celui qui se prend en main a dégénéré en salut par la Croix de celui qui se fait prendre en charge. Le dévoilement de l’Esprit, lorsque cesse notre cécité, a été pris pour l’apparition de Jésus post mortem. Le retour à l’Un, à l’Etre intemporel, la fin de tout dualisme sont devenus la « fin des temps »…