Vision de l'unité, entretien Basarab Nicolescu et Christine Hardy

Cela veut dire que ce que l’on met en doute ici, c’est la notion même de l’identité précise d’une particule, et on essaie de lui substituer la notion de relation entre particules. Ainsi, ce sont les relations entre les particules qui sont responsables de l’apparition d’un objet qu’on appelle particule. Il n’y a pas d’objet en soi, ni d’identité propre qu’on puisse définir d’une manière séparée ou distincte des autres particules. Une particule est ce qu’elle est parce que toutes les autres particules existent à la fois…

Note : Depuis la réalisation de cet entretien en 1983, de nombreuses découvertes scientifiques viennent donner une appréciation différente de certaines nouvelles tendances de l’époque comme cela s’est passé dans la recherche sur la théorie des cordes en physique, à cela s’ajoute le fait qu’une pensée ouverte et vivante comme celle de Basarab Nicolescu ne peut qu’évoluer, s’approfondir pour embrasser – dans une vision ouverte – d’autres avenues de la recherche. Nous conseillons donc aux lecteurs intéressés de consulter les derniers écrits de M. Nicolescu pour être à jour avec l’évolution de sa démarche.

(Extrait de La science devant l’inconnu par Christine Hardy. Édition Rocher 1983. Copyright Christine Hardy)

C. H. — Pouvez-vous nous donner une vue d’ensemble de vos recherches actuelles ?

B. N. — Actuellement, je suis impliqué dans des recherches de physique théorique des particules élémentaires et notre but est d’essayer de comprendre ce qu’on appelle les constituants de la matière par les lois générales de la physique des particules ; autrement dit d’essayer de concilier le concept des constituants des particules avec le principe d’auto-consistance de la nature.

C. H. — Qu’est ce principe d’auto-consistance de la nature ?

B. N. — Je crois que nous aurons largement l’occasion dans cette interview de parler de cela. Cela fait partie d’une approche qui est apparue vers 1960 et qui s’appelle le « bootstrap » ce mot, intraduisible en français, signifie essentiellement que le monde bâtit ses propres lois par l’auto-consistance.

Dans cette recherche, on essaie, à partir de quelques principes généraux, de bâtir la théorie des particules, des quarks, et de tous les phénomènes du monde naturel, selon les principes de consistance. Si vous voulez, voici une définition plus exacte du bootstrap qui a été donnée par celui qui a introduit pour la première fois cette idée, Geoffrey Chew, professeur à l’Université de Berkeley :

« Le seul mécanisme pour satisfaire aux principes généraux de la physique est le mécanisme de la nature… ; … les particules observées… représentent le seul système quantique et relativiste qui peut être conçu sans contradictions internes… Chaque particule nucléaire a trois rôles différents : 1) un rôle de constituant des ensembles composés ; 2) un rôle de médiateur de la force responsable de la cohésion de l’ensemble composé, et 3) un rôle de système composé… [1]  »

Comme vous le voyez, dans cette définition qui est assez complexe, je dirai même assez vertigineuse, la partie apparaît déjà en même temps comme le tout. Et nous avons là une possibilité de relation avec l’objet de notre entretien, qui est de déchiffrer des liens possibles entre la physique contemporaine et la tradition. Or, en ce qui me concerne, je suis surtout intéressé par la tradition occidentale.

Vous voyez donc que le bootstrap est essentiellement une vision de l’unité du monde. L’affirmation est celle-ci : le seul monde compatible avec les lois générales, c’est le monde de la nature. Autrement dit, ce que nous, nous pouvons faire, c’est une série d’approximations.

Le bootstrap affirme qu’il est impossible de trouver un système sans contradiction interne sur le plan logique qui soit en même temps en accord avec tout ce qui est observé ou qui sera observé. Ainsi, c’est la nature elle-même qui bâtit sa propre unité.

C. H. — Oui ; rien dans la nature ne peut être en dysharmonie.

B. N. — C’est beaucoup plus que cela. Le bootstrap exprime une loi de l’harmonie. Mais en même temps c’est plus que cela. Quand Chew a dit : « Une particule a le rôle de constituant, de médiateur, et de système composé à la fois », cela veut dire quoi, essentiellement ? Cela veut dire que ce que l’on met en doute ici, c’est la notion même de l’identité précise d’une particule, et on essaie de lui substituer la notion de relation entre particules. Ainsi, ce sont les relations entre les particules qui sont responsables de l’apparition d’un objet qu’on appelle particule. Il n’y a pas d’objet en soi, ni d’identité propre qu’on puisse définir d’une manière séparée ou distincte des autres particules.

Une particule est ce qu’elle est parce que toutes les autres particules existent à la fois. Donc ce n’est pas simplement une harmonie, c’est plus que cela : c’est un dynamisme, une loi dynamique qui fait que les caractéristiques et les attributs d’une entité déterminée physique sont le résultat des interactions avec toutes les autres particules qui existent dans cet ensemble, dans l’ensemble de la nature.

Évidemment, c’est une affirmation vertigineuse, parce que cela pose dès le début le problème de la nature de la prédiction scientifique. Parce que, bien sûr, c’est impossible de connaître le tout, de connaître la nature dans son ensemble. Par conséquent, il faut admettre au départ que ce que l’on cherche, ce sont des voies de lumière, des voies d’éclairage de cette auto-consistance de la nature.

C. H. — C’est déjà une approche synthétique et non plus séparatiste.

B. N. — Oui, c’est une approche de l’unité du monde.

C. H. — Il doit donc nous manquer forcément des facteurs qui interviennent dans le système ?

B. N. — Il y a en même temps des ensembles relativement indépendants qu’on peut identifier en tant que particules, mais d’une manière approximative. Il n’y a pas de lois d’identité fixe ; et cela est tout à fait en accord avec l’idée que l’on a de la particule à partir de la mécanique quantique.

Il est bien établi depuis 1930, essentiellement, qu’on ne peut avoir à la fois la position et l’impulsion d’une particule avec une précision absolue, de même on ne peut avoir à la fois l’énergie et le temps de vie de la particule. Par conséquent, la mécanique quantique a déjà mis en doute depuis longtemps la notion d’identité. Cette notion d’identité fait que l’on ne peut définir un objet d’une manière séparable. On voit plutôt l’univers comme un système de connexions, comme un système de relations, d’événements, et non pas comme un système d’objets séparés.

Il faut être très conscient que cela implique une nouvelle logique ; une logique où n’existe plus l’affirmation qu’un objet est soit A, soit non-A. Cette affirmation rejoint une certaine tradition occidentale qui a eu, depuis longtemps, cette vision de l’unité du monde. Elle rejoint aussi la logique de l’antagonisme énergétique de Stéphane Lupasco.

Le postulat de base de la logique de Stéphane Lupasco, c’est qu’un objet est à la fois A et non-A, ce qui semble une affirmation absurde sur le plan logique, mais qui est tout à fait compatible avec ce que l’on voit au niveau de la mécanique quantique.

Au niveau logique, ce qui est mis en cause, c’est la notion d’identité d’une particule en tant qu’objet séparé. Il est très intéressant qu’il y ait une possibilité de relation, d’une part, avec la tradition dans cette vision de l’unité du monde et, d’autre part, avec certaines approches qui sont faites en dehors de la physique, mais qui ont induit depuis assez longtemps la nécessité d’une nouvelle logique. Cela me semble crucial, parce que, même si l’on renonce à la notion d’identité d’un objet séparé, le monde reste rationnel, et cela est très important à comprendre.

À ma connaissance, le premier philosophe qui a essayé d’élaborer une nouvelle logique d’une manière un peu plus formelle et dans une certaine relation avec la science de l’époque a été le philosophe russe Ouspensky. Dans son livre Tertium Organum, paru en Russie vers 1912, il mettait à la base de sa logique, comme principal axiome, — je le cite :

« A est en même temps A et non-A, ou chaque chose est A et non-A, ou chaque chose est le Tout [2]. »

Or il est très remarquable qu’Ouspensky ne pouvait pas avoir connaissance de la mécanique quantique, pour la simple raison que la mécanique quantique s’est constituée plus tard. Mais il montrait là une certaine intuition des nouveaux phénomènes de la physique.

En ce qui concerne Lupasco, la nouveauté essentielle, c’est que sa philosophie est partie de la science, et est basée sur la science. C’est par cette démarche qu’il a découvert les lois de contradiction qu’il appelle les lois d’antagonisme énergétique mais je dois dire que sa découverte n’a pas été assez étudiée jusqu’à présent ; c’est encore un domaine tout à fait ouvert.

C. H. — C’est pourtant la raison pour laquelle on a fait tout d’abord cette liaison avec la philosophie orientale, on a cherché des réponses en premier lieu dans la philosophie orientale parce que les enseignements étaient moins voilés. Les matériaux sont beaucoup moins évidents dans la mystique occidentale.

B. N. — Peut-être y a-t-il un langage différent, et cela fait partie de la manière de penser occidentale, mais du point de vue richesse de l’enseignement, je -ne crois pas qu’il y ait une différence essentielle. Je crois aussi qu’il y a une relation plus profonde entre la science qui est, il faut le reconnaître, un produit occidental et un mode de penser qui a existé ici, en Occident ; dans ce sens-là, il y a continuité.

Je ne veux citer que deux noms, qui me sont plus familiers, bien qu’il y en ait certainement bien d’autres, ce sont ceux de Saint Jean de la Croix (1542-1591) et de Jakob Böhme (1575-1624).

Pour vous donner un exemple, j’ai cité tout à l’heure la définition du bootstrap donnée par Geoffrey Chew. On a dit qu’elle se rapprochait beaucoup de la vision de l’unité du monde dans le bouddhisme Mahayana, mais on oublie que ces affirmations de l’unité sont présentes d’une manière continue dans la tradition occidentale. Jakob Böhme, dans une affirmation extrêmement condensée, presque un axiome, dit, dans le Mysterium Pansophicum : « Le Tout ensemble n’est qu’un être [3]. » Eh bien il y a là l’affirmation très dense, très riche, de l’unité du monde.

Évidemment, dans le bootstrap, on dit pratiquement la même chose : le monde, la nature est une entité globale, et chaque partie ressent ce qui se passe dans les autres parties de l’univers. Il y a non-séparabilité au niveau fondamental.

Cependant, il y a certainement séparabilité au niveau approximation, c’est d’ailleurs pour cela que l’on peut faire des mesures, de la science détaillée et des prédictions, mais à un certain niveau de compréhension, il y a unité.

Cela est un exemple simple (il y en a des milliers d’autres) qui nous montre que nous ne sommes pas obligés d’aller chercher très loin ce qui se trouve juste à côté de nous.

C. H. — Il est merveilleux de pouvoir faire le lien avec toutes les traditions, malgré tout, parce que cela montre le passage d’un univers rationnel scientifique, qui est resté au niveau de la matière, à un univers scientifique qui s’étend à des niveaux spirituels. Il est donc heureux que toutes les traditions concordent.

B. N. — C’est vrai et c’est faux, parce que la forme historique joue un rôle. Si je vous dis quelque chose d’extrêmement intéressant, si je vous le dis en chinois et que vous ne compreniez pas le chinois évidemment, la signification peut ne pas être perçue. Encore une fois, si l’on essaie de faire un jeu d’analogies, un jeu de miroirs, on ne va pas apprendre grand-chose. On va être satisfait à un niveau de sentiments, à un niveau d’images poétiques, mais pas nécessairement à un niveau de compréhension. On oublie donc, dans cette mode actuelle du rapprochement entre la science et la tradition, que les deux domaines sont très distincts, dans leurs définitions, dans leurs méthodes, c’est-à-dire dans pratiquement tout.

Est-ce qu’il y a séparation totale, voilà la question intéressante. Je crois qu’on peut progresser, si l’on reconnaît que les domaines sont très différents, et en essayant de voir où il y a des points d’osmose, des points de contacts. Je vais simplifier beaucoup et c’est une affirmation presque triviale : je crois que la science se livre, tous les jours, à une manipulation du mental. Or la tradition essaie d’élaborer une méthode de connaissance basée sur le silence du mental. Il y a donc une sorte d’opposition dès le départ. Là où il peut y avoir un point de contact, c’est justement dans les limites du mental lui-même. Comment alors peut-on trouver les limites du mental, sinon par le mental lui-même, par la science elle-même.

Autrement dit un point de départ intéressant existe justement dans les limites de la science. Ce mouvement intérieur de la science arrive à une certaine limite et là, il peut se produire un saut vers un autre genre de compréhension, et non seulement il y a un saut, mais un point de contact s’établit.

C. H. — Vous voulez parler de la limite du mental lui-même, ou de la limite d’une certaine logique face à la réalité.

B. N. — De la limite d’une certaine logique face à la réalité. Voyez, j’aime beaucoup cette idée de Saint Jean de la Croix, que, dans le monde, il y a des degrés de raison.

Le monde de la mécanique quantique peut être considéré comme irrationnel par rapport au monde de la physique classique. De même la poésie de Mallarmé par rapport à une poésie très accessible. Cette notion de degré de raison est donc très importante. Or des degrés de raison, cela veut dire des logiques différentes, mais le monde reste matériel, le monde reste rationnel à chaque niveau.

C. H. — Oui mais cela veut dire l’insertion dans la science de toute une nouvelle sphère de l’homme.

B. N. — Oui, c’est cela : considérer l’homme en tant qu’unité et non en tant que parties. C’est la même idée d’unité qui revient. Il me semble cependant que ce genre de discussion ne doit pas rester trop dans le vague. Ce qui est enrichissant, c’est de voir comment, dès l’intérieur de la science, on arrive à ces limites, à ces points de contacts.

C. H. — Quels sont ces points de contacts ?

B. N. — C’est un sujet extrêmement riche et complexe qui demanderait à être développé dans plusieurs livres. Mais je vais vous citer un exemple intéressant, un phénomène quantique très remarquable : celui de l’augmentation de l’énergie vers l’infiniment petit.

Quand vous diminuez la taille d’un objet, les particules qui sont à l’intérieur sont obligées d’avoir une vitesse de plus en plus grande et une énergie associée de plus en plus grande. Il y a donc une sorte de densification de l’énergie vers l’infiniment petit ; et là, c’est évidemment un mystère très intéressant, n’est-ce pas, comme une sorte d’autoprotection du secret. On va vers l’invisible dans une échelle qui n’est pas celle du corps et l’on voit qu’il y a là une énergie disponible de plus en plus grande. Pour vous donner un exemple bien connu : si vous calculez l’énergie contenue dans un gramme de matière, cela équivaut à l’énergie dégagée par la chute de trente millions de tonnes de la hauteur de la tour Eiffel.

Donc, vous voyez qu’il y a là un mystère lié à la densification de l’énergie. Ce n’est d’ailleurs pas tellement un mystère pour la science puisque cela est décrit par des équations, en particulier par des relations qu’on appelle, à tort, peut-être, des relations d’incertitude. (Ces relations sont très riches sur le plan de la prédiction scientifique.) Voilà un point de contact avec la tradition. Certains visionnaires, Swedenborg en particulier, parlent de la possibilité que les mystères soient, en quelque sorte, localisés ou trouvés dans l’infiniment petit.

Je citerai aussi une formule de Stéphane Lupasco qui me semble fulgurante. Il dit, à propos de cette densification de l’énergie : « La contradiction est un principe de concentration et d’intensification de l’énergie [4]. » Et c’est vrai parce qu’à cette échelle élémentaire on n’assiste pas tellement à une harmonie, mais plutôt à une lutte extraordinaire.

Il y a création et destruction continuelles de particules. On ne peut plus parler de quelques objets stables et harmonieux. Les événements se présentent plus exactement comme des créations et des destructions. Il s’agit d’une sorte de lutte continuelle associée à une densification considérable de l’énergie ; or qui dit densification de l’énergie en présence de différentes caractéristiques des particules, sous-entend en même temps une grande quantité d’information trouvée à cette échelle de l’infiniment petit. Voilà un exemple très simple, on pourrait en citer beaucoup d’autres.

Je vous ai donc parlé déjà de la vision de l’unité du monde qui est une constante dans la tradition occidentale et on peut rapprocher aussi certaines lois des formes, en physique, qui sont proches de ce que Jakob Böhme a décrit dans ses livres.

C. H. — Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les lois des formes ?

B. N. — Vous connaissez sûrement l’histoire de la vie de Jakob Böhme. En 1600, à l’âge de vingt-cinq ans, il a eu une expérience assez extraordinaire : il regardait un objet brillant et il s’est senti tout à coup inondé par un flot d’informations. Je ne crois pas qu’il soit très exagéré de dire que, toute sa vie, il a essayé, dans ses livres, de rendre compte de ce moment d’inondation par des flots d’informations. Il a donc essayé de décrire, d’une manière vraiment occidentale (c’est-à-dire d’analyser et d’expliquer aux autres de façon intelligible) ce qu’il a vécu à ce moment-là.

Parmi les idées-forces de Jakob Böhme, il y a deux lois des formes que l’on peut appeler, de façon condensée : une loi des trois, et une loi des sept. J’aimerais décrire cela parce que Jakob Böhme est un précurseur de l’idée de discontinuité, idée qui n’est pas tellement courante dans la philosophie occidentale et qu’il a présentée d’une manière magistrale dans ce qu’on a appelé la loi des sept. Son raisonnement est le suivant : à la base du monde, de tout ce qu’on voit (et tout ce qu’on voit est signe de ce que l’on ne voit pas, donc il y a manifestation et dévoilement dans la nature), à la base de tous les phénomènes, il y a une loi des trois. Cette loi de trinité est très courante dans toutes les traditions, mais Böhme ajoute un quatrième principe aux trois principes qui sont à la base de tous les phénomènes. En ce sens, sa trinité est plutôt une quaternité. Et ce quatrième principe est Sophia : la contemplation de Dieu. Sophia est une sorte de médiateur entre les trois principes et les sept formes générales ou qualités qui déterminent tout phénomène (la loi des sept). Dans notre langage moderne cela équivaut à la notion de temps ; c’est le temps qui est le médiateur entre les lois générales et ce qui est manifesté. La contemplation, la respiration de Dieu, c’est en quelque sorte le temps.

Ensuite il y a cette loi des sept qui dit que tout phénomène est une sorte de jeu entre sept qualités interchangeables, mais avec cette particularité qu’il y a discontinuité entre les trois premières qualités et les quatre finales.

Böhme ajoute que les trois premières qualités sont dominées par le premier principe appelé Deus absconditus. Les quatre dernières sont une manifestation de Deus revelatus. Et dans l’intervalle entre les trois premières et les quatre dernières, il y a un principe que l’on appelle Fiat, ou parole créatrice, qui est réellement un principe de discontinuité.

Les deux lois fondamentales, la loi des trois et la loi des sept, sont une constante de la Tradition. C’est leur éclairage qui change. On les retrouve ainsi dans un enseignement contemporain, celui de Gurdjieff [5]. Gurdjieff donne un éclairage tout à fait nouveau, d’une extraordinaire richesse, à ces lois des formes. En particulier, l’idée de discontinuité est considérablement approfondie. Mais ceci pourrait être l’objet d’un autre entretien.

Je trouve ce schéma structurel très intéressant, parce que l’idée de discontinuité est une acquisition très récente de la science occidentale. Même de nos jours, après l’apparition et le développement considérable de la mécanique quantique, qui est basée sur l’idée de discontinuité, on essaie malgré tout de concilier cela avec des idées de continuité.

Dans la théorie du bootstrap, nous nous sommes posés les mêmes questions. Dans cette théorie du bootstrap, qui est une autre voie d’unification du monde, en 1979, on a reconnu la nécessité de dimensions qui dépassent et soient en dehors de celles de l’espace-temps, et cela grâce à un outil mathématique que l’on appelle la topologie.

C. H. — Qu’est-ce ?

B. N. — La topologie est la science mathématique qui essaie de déterminer des lois de formes. Et dans cette version récente de la théorie du bootstrap, élaborée par Chew lui-même et par Valentin Poénaru, mathématicien français, professeur à l’université d’Orsay, il y a deux espaces : un espace qui est lié aux qualités des particules et un espace qui est lié à l’espace-temps [6]. La différence avec les autres approches d’unification est que l’on reconnaît trois niveaux du monde : la topologie introduit aussi une notion de complexité : on part de quelque chose de très simple (à complexité topologique nulle) et on essaie de bâtir des systèmes de plus en plus compliqués, pour remonter jusqu’au monde « réel », au monde observé.

C. H. — A certains niveaux de complexité, la structure change ?

B. N. — C’est cela. C’est-à-dire qu’il y a un niveau fondamental de complexité nulle où, justement, cette loi d’unité du bootstrap opère de la manière la plus claire et la plus directe. Il ne s’agit donc pas encore du monde réel, mais d’un monde sub-quantique, avant le monde des particules, dans lequel des lois fondamentales opèrent.

Ensuite, avec un certain degré de complexité (ce que Chew appelle les événements forts), on arrive au niveau des particules telles qu’elles sont décrites par la mécanique quantique ; mais ce n’est pas encore le monde observé. Pour atteindre le monde observé, il faut une sommation, une complexité encore plus grande. Avec ces trois niveaux, on en vient, dans cette théorie, à l’espace-temps comme approximation.

C. H. — C’est très étonnant de placer le niveau de complexité minimale dans l’espace sub-quantique.

B. N. — Il n’y a pas le choix ici, en ce sens qu’il s’agit d’une théorie mathématique et les lois de la consistance nous l’imposent. Ce n’est pas parce qu’on l’a voulu ou parce qu’on a eu une idée de derrière la tête qu’on a fait cela. C’est la structure même de la théorie qui l’impose.

C. H. — Dans les niveaux sub-quantiques il y a un univers inconnu ordinaire (bien sûr, dans le monde observable aussi) il peut donc y avoir là une complexité beaucoup plus grande mais qu’on ne perçoit pas.

B. N. — Vous venez cependant de faire une affirmation contraire à la Tradition, je vous le signale, parce que s’il y a des lois fondamentales, elles sont justement dans le domaine invisible.

C. H. — Elles sont partout…

B. N. — Et le monde réel, c’est une sorte d’approximation, d’illusion malgré ce mot que je n’aime pas.

C. H. — C’est pourquoi cela me paraît beaucoup plus compliqué dans l’invisible que dans le visible.

B. N. — C’est l’idée de base : la complexité génère la réalité.

C. H. — Oui, mais la complexité la plus grande est dans l’invisible, donc dans le sub-quantique.

B. N. — Non, il n’y a pas de « donc ». Si vous faites la construction. Si vous bâtissez, si vous donnez des lois, des règles

C. H. — Je vois ce que vous voulez dire : les lois fondamentales sont beaucoup plus synthétiques.

B. N. — C’est cela, plus synthétiques, et elles ne se retrouvent plus d’une manière pure dans le manifesté, dans l’espace-temps. Or, dans tout ce que nous faisons, par exemple parler, nous nous manifestons dans l’espace-temps. Notre corps existe dans l’espace-temps. Dans ce sens-là, on peut voir la réalité comme liée à l’espace-temps. On arrive ainsi à cette affirmation paradoxale et étonnante dans la bouche des physiciens que, dans le contexte de ces théories, la réalité observable apparaît comme une approximation.

C. H. — Cela veut dire que l’on est une condensation, dans un espace-temps défini, de forces beaucoup plus grandes ; un point d’apparition dans l’espace-temps. Et là on a peut-être une notion de plan par rapport à l’invisible. C’est-à-dire que l’on peut exister dans beaucoup de plans dans l’invisible, mais on est condensé, on est manifesté à un moment de l’espace-temps.

B. N. — C’est cela. Autrement dit, la Réalité (dans le sens profond du mot) implique des dimensions supérieures.

C. H. — Donc on ne peut pas se résoudre simplement en tant qu’individu à ce que nous sommes maintenant en tant que manifestation dans l’espace-temps.

B. N. — Citons encore Jakob Böhme, dans Base des six points théosophiques : « Et ainsi nous devons entendre un triple être, ou trois mondes l’un dans l’autre. Le premier est le monde de feu qui dérive du centre de la nature… Et le second est le monde de lumière qui demeure dans la liberté… mais qui dérive du monde du feu… Il demeure dans le feu et le feu ne le saisit pas, et c’est là le monde mitoyen… Le troisième monde est l’extérieur dans lequel nous demeurons selon le corps extérieur, avec les œuvres et les essences extérieures qui ont été créées du ténèbre et aussi du monde de lumière… [7]  »

Voilà une vision qui essaie de formaliser les niveaux de réalité selon une manifestation de la loi des trois. Évidemment, on retrouve cette idée de dimensions supérieures dans toute la tradition occidentale d’une manière très explicite et elle est liée à l’espace-temps et à quelque chose de plus large que l’espace-temps.

Personnellement, sur le plan scientifique, les expériences décrites par Saint Jean de la Croix dans la Montée du Carmel m’ont toujours intéressé. Je dis bien du point de vue scientifique, car je trouve que Saint Jean de la Croix avait réellement la démarche d’un physicien expérimentateur de nos jours essayant de collectionner des données pour découvrir des régularités, des lois. Bien sûr, il étudiait des phénomènes d’un ordre bien spécial et il a dû, pour cette raison, inventer une nouvelle terminologie adaptée à ces nouveaux phénomènes. Ensuite, par une méthode de doute continuel, il a essayé de décrire, pour les autres, ce qu’il avait vécu.

La Montée du Carmel, c’est un traité didactique qui me semble plus intéressant (c’est un avis personnel) que ses poèmes. Or, ce qu’il décrit, c’est essentiellement cette nécessité de sortir de l’espace-temps. Écoutez par exemple : « Toutes les affections que l’âme porte aux créatures sont devant Dieu comme de pures ténèbres ; tant qu’elle y est plongée, elle est incapable d’être pénétrée de la pure et simple lumière de Dieu… Car les ténèbres ne sont rien, et moins que rien, puisqu’elles sont une privation de la vue… [8] »

La méthode qu’il préconisait était donc justement de sonder des dimensions extérieures à l’espace-temps. Ces dimensions extérieures sont-elles les mêmes que celles dont nous parlons en science ? C’est une hypothèse que l’on peut faire.

C. H. — Il y a quelque chose qui me gêne un peu : vous parlez de dimensions extérieures à l’espace-temps. Je crois qu’il faut souligner que lorsqu’on ajoute ces dimensions extérieures à l’espace-temps, cet espace-temps est toujours là, mais il subit une transformation.

B. N. — Ce n’est pas lui qui subit une transformation. C’est la réalité elle-même qui subit une transformation. Oui, finalement, vous avez parfaitement raison.

C. H. — C’est-à-dire que quand on ajoute des dimensions, on change de plan, et alors l’espace-temps est différent.

B. N. — Vous m’obligez à parler de cela, j’en parlerai. Car vous touchez là du doigt quelque chose d’essentiel qui est la nature de l’espace-temps. Et c’est crucial. Si vous voulez, dans cet ensemble plus large des dimensions, un événement se passe dans toutes les dimensions à la fois. Par conséquent, on ne peut plus parler à ce niveau-là de temps continu.

C. H. — Et linéaire.

B. N. — Linéaire et continu.  Il y a une loi de causalité, mais l’événement se passe d’une manière soudaine. Il n’y a pas « avant » et « après » dans le sens habituel du terme. Il y a comme une sorte de discontinuité dans la notion du temps lui-même et le temps continu que l’on observe est le résultat de ces opérations de complexification et de sommation sur des degrés de liberté ; donc le temps continu lui-même apparaît comme une approximation. Ce que vous dites est vrai : il y a quelque chose dans la nature de l’espace-temps qui n’est pas encore complètement compris, il faut le dire, et c’est un des grands problèmes de la physique, de comprendre cette nature.

Ainsi, par exemple, dans la théorie du bootstrap, à un niveau plus profond, on peut se poser le problème de dériver l’espace-temps lui-même, en tant que produit de l’auto-consistance de l’univers. Mais ce qu’on sait actuellement, c’est moins que cela, c’est que le temps continu de la vie habituelle est une approximation dans le sens mathématique du terme.

C. H. — Quand vous avez dit que l’événement se passe dans plusieurs dimensions en même temps…

B. N. — Je vous arrête, « en même temps » n’a plus de sens.

C. H. — Oui, très juste ! Donc quand cet événement se passe dans plusieurs dimensions, je peux dire que j’existe, moi aussi, dans plusieurs dimensions, de façon discontinue et, malgré tout, dans chaque dimension, je suis dans une apparence de continu.

B. N. — Dans la mesure, faut-il ajouter, où il y a une relation entre votre corps et les mondes dont nous parlons ici, c’est-à-dire les mondes des particules. Il y a bien sûr une relation évidente, c’est que votre corps est fait de particules. Est-ce que cela suffit pour transposer ces lois des formes qui existent dans l’infiniment petit au niveau du corps tout entier, c’est une autre histoire ; mais enfin, on peut envisager la question.

C. H. — On pose ici le problème essentiel. Lorsque la science trouve ces nouvelles dimensions au niveau sub-quantique, un lien doit bien être fait avec le mental de l’homme dont on n’a pas encore actuellement trouvé les dimensions. Alors, où trouve-t-on les dimensions du mental ? Car un lien doit être établi quelque part entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, entre la dimension du mental qui n’a pas encore sa place dans la science et les nouvelles dimensions trouvées au niveau sub-quantique. Alors, où est le lien ?

B. N. — Le lien, dirai-je, c’est vous !

C. H. — Oui, mais ça ne suffit pas.

B. N. — Je crois que cela suffit. C’est votre corps, votre présence, votre être.

C. H. — Il est absolument anormal que la science actuellement ne donne pas les dimensions du mental et de l’esprit.

B. N. — Non. La puissance des lois logiques, c’est ce qu’on fait tous les jours, ce que vous appelez les dimensions du mental.

C. H. — Cela serait voir le mental uniquement au niveau de la manifestation. Or si l’on pose l’existence de domaines de causalité par rapport à la manifestation, c’est forcément là que se trouve le mental.

B. N. — C’est là ce que j’appelai les domaines limites. Il faut bien voir qu’il n’y a que certaines choses que l’on peut faire dans la science telle qu’elle est définie actuellement ; la définition peut changer mais dans la définition actuelle, c’est-à-dire reproduire une expérience, avoir des lois vérifiables, etc., je dirai que ce n’est pas encore du domaine de la science.

C. H. — Pourtant on en est tout près.

B. N. — C’est vrai, on en est tout près, mais on n’en est pas encore là. Je me permets de vous citer une anecdote, pour détendre le ton trop formel de cette discussion, sur la façon dont on prépare la soupe allemande à la poule : Vous prenez une grosse marmite et vous la remplissez d’eau. Ensuite vous ouvrez toutes grandes les portes de la cuisine et vous laissez entrer une poule ; vous la poursuivez à travers la cuisine et l’instant d’après vous avez une extraordinaire soupe à la poule dans votre marmite. Vous pouvez utiliser la même poule des centaines et des centaines de fois, vous aurez toujours cette soupe extraordinaire à la poule dans votre marmite jusqu’au moment où la poule, fatiguée, refusera de respirer. C’est une anecdote, mais je dirai qu’elle illustre assez bien la situation de la parapsychologie.

Je crois donc qu’il s’agit de domaines différents, nettement différents. Si on regarde bien, tous les grands mystiques ont parlé de phénomènes que l’on peut qualifier de parapsychologiques, de phénomènes extraordinaires. Mais d’une part, ces gens-là ont passé vingt ou trente ans de leur vie dans une purification spirituelle pour arriver à ce genre de manifestations et, d’autre part, ils refusaient ce genre de manifestations.

Saint Jean de la Croix dit souvent : « C’est la manifestation du diable. » Ce n’étaient ni les pouvoirs, ni les phénomènes paranormaux qu’ils recherchaient, mais une vie spirituelle. Et c’est là où je trouve, et je m’excuse de le dire si crûment, dans certaines démarches de la parapsychologie contemporaine (je dis bien dans certaines) une sorte de récupération, qui est faite par une vision tout à fait réductionniste, des faits qui dépassent de loin cet aspect naïf et direct des choses. C’est à nouveau une sorte de manifestation de la pensée réductionniste.

J’ai eu l’occasion, en Californie, de rencontrer quelques-uns des plus grands parapsychologues actuels dans le monde, en particulier Charles Tart. J’ai été très touché quand il m’a dit : « Oui, la parapsychologie est actuellement dans un stade analogue à la physique pré-newtonienne » ; et cela est vrai. Il n’y a pas encore de méthodes, ni de faits réellement établis au sens scientifique. Alors pourquoi cette course après l’honorabilité scientifique ?

C. H. — Le problème est que si les ésotéristes restent dans un domaine uniquement spirituel, et si la science veut se cantonner dans le domaine uniquement rationnel, il ne pourra jamais y avoir de contact entre les deux visions du monde, et c’est rester dans la dualité.

B. N. — Si, il y a la limite. Toujours la limite.

C. H. — Pourtant ce qui serait intéressant, à l’époque actuelle, alors que la science commence à s’ouvrir à d’autres dimensions de la réalité, c’est que les ésotéristes puissent, au moins eux aussi, essayer de trouver les lois de certains phénomènes spirituels ou psychiques.

B. N. — Absolument, c’est une démarche très honorable. Mais pourquoi le faire par les méthodes scientifiques ? Pourquoi ne pas comprendre qu’il s’agit de rechercher des méthodes tout à fait nouvelles qui ne sont pas forcément appropriées à. la science.

C. H. — Oui, mais la science est en train de se transformer.

B. N. — Non, la science reste telle qu’elle est. Vous voyez, j’ai trop de respect, et pour la science, et pour la tradition, pour ne pas voir un certain danger dans cet emprunt des méthodes scientifiques (encore une fois telles qu’elles sont actuellement définies dans la science). La meilleure façon de me faire comprendre, c’est de citer à nouveau Jakob Böhme : « Le corps extérieur n’a aucune puissance pour mouvoir le monde de lumière ; il s’est seulement introduit ainsi dans le monde de lumière, ce qui a fait qu’elle est éteinte dans l’homme. Mais seulement le monde ténébreux n’en est pas moins demeuré-en soi ; et le monde de lumière demeure en lui, immobile, il est en lui comme caché… » (Réf. 3, p. 134)

Je crois que les mots clés sont là : « Le corps extérieur n’a aucune puissance pour mouvoir le monde de lumière. » C’est une affirmation qu’il faut, je crois, approfondir. Finalement, on peut dire que la science, telle qu’on la pratique actuellement, s’occupe du corps extérieur. Or on ne peut pas avoir accès directement, par ce corps extérieur (même si l’on croit aux idées de la tradition) à ce que vous appelez un autre plan de la réalité.

Alors ! comment faire ? Je n’ai pas une vision extrémiste des choses. Je vous dirai que j’ai une certaine croyance qu’il n’y a pas cette distinction nette entre les mondes matériels et spirituels, je crois qu’il y a un ordre de matérialité…

C. H. — Voilà ! c’est justement là où se trouve le lien entre la science et l’ésotérisme.

B. N. — … Le monde est réellement matériel à tous les ni veaux, il y a tout simplement une densité différente. Il y a des lois, et qui dit lois dit essentiellement matière.

C. H. — Vous voulez dire qu’il n’y aurait pas de lois dans le monde de l’esprit ?

B. N. — Si, il y en a. Ce que je voulais dire, plus simplement, c’est que les lois qui fonctionnent à un certain niveau ne fonctionnent pas à un autre niveau. Ce sont des lois nouvelles, et le saut n’est pas complètement discontinu : il y a une discontinuité, mais en même temps une certaine relation. Alors, quelle relation ? D’abord je vous dirai une chose très simple qui apportera des arguments à votre point de vue : il est clair que dans les témoignages des grands hommes de science, on trouve décrites des expériences qui touchent à un autre domaine de réalité.

Il y a l’exemple célèbre de Niels Bohr, qui a eu une vision du monde planétaire de l’atome en rêve. C’est tellement beau que je voudrais le citer en entier, je l’ai trouvé dans un livre de Moufang et Stevens. Je cite : « Il (Niels Bohr)… se vit soudain transporté sur le soleil de gaz brûlant, d’où il pouvait observer la terre. Des planètes passaient en sifflant devant le soleil. Elles étaient reliées à celui-ci par de minces filaments et tournaient autour. Soudain, le gaz sur lequel il croyait être se solidifia et le soleil et les planètes se réduisirent. Les planètes tournaient autour du soleil à une vitesse effrénée. Niels Bohr se réveilla à ce moment et eut conscience d’avoir découvert dans son rêve le modèle tant cherché de l’atome. » (W. Moufang et W.O Stevens, « Le mystère des rêves », Deux Rives, 1956)

C’est un témoignage intéressant, parce que cela veut dire qu’il y a des associations qui ne sont pas purement mentales et qui ne sont pas utilisées dans notre état normal d’éveil. Il y a des associations nouvelles, mais ces associations nouvelles passent par le rêve par exemple, ou par l’intuition, mais pas par la méthode scientifique. Autrement dit : il y a moyen d’accès, mais il ne faut pas réduire tout au plan spécifique.

C. H. — Ce n’est pas une réduction.

B. N. — C’est une réduction. Si l’on fait les cartes, par exemple, ou si, pour la télépathie, on va voir les coïncidences, etc.

C. H. — Pour le moment, la parapsychologie telle qu’elle est étudiée (avec les cartes de Rhine par exemple) est en effet une réduction. Mais si on voulait faire entrer dans la science certaines lois de l’esprit qui sont nouvelles, la science serait obligée de s’élargir pour comprendre ces lois-là et ce ne serait plus une réduction de l’esprit. Il est anormal que la science ne s’occupe que de l’homme extérieur et de l’univers extérieur. Car nous avons en nous un être de lumière qui est capable aussi de percevoir le monde de lumière avec ses lois.

B. N. — Attendez, car ce que vous dites de la science n’est pas tout à fait exact.

C. H. — Il s’agit de retrouver la science synthétique. Avant que la science ne s’occupe que de l’observable et du répétable, les chercheurs, ne serait-ce qu’il y a un ou deux siècles, étaient des philosophes en même temps que des scientifiques ; ils créaient une science synthétique. Dans la tradition, la science a été synthétique.

B. N. — Absolument vrai, mais je parle de la science telle qu’elle est définie actuellement. Si vous voulez la changer, c’est une autre chose.

C. H. — Oui, oui, justement !

B. N. — Tout mon point de vue, ma thèse, c’est de faire remarquer que même si on ne change pas de définition, même si on reste dans le cadre de la science telle qu’elle est actuellement, on a pourtant les moyens d’éclairer la voie de cette recherche spirituelle. Vous voyez, il y a deux choses différentes, et je dirai que c’est Saint Jean de la Croix qui, paradoxalement, a parlé, de la manière la plus étonnante, de ce rôle de la science telle qu’elle est conçue actuellement. J’aime beaucoup cette citation de lui. Je vous la donne parce qu’elle est contraire à une certaine vision que l’on a de lui : « Ainsi donc l’âme qui aurait repoussé et rejeté le goût de toutes les choses créées, et mortifié toutes ses tendances, serait, nous pouvons le dire, comme dans la nuit et l’obscurité ; ce ne serait en quelque sorte qu’un vide complet par rapport à tous les objets créés. La cause de cela, c’est que l’âme… est, au moment où Dieu l’unit au corps, comme une table rase ou lisse sur laquelle il n’y aurait rien de peint ; et, à part les connaissances qu’elle acquiert peu à peu par les sens, il ne lui en vient naturellement aucune autre d’ailleurs… Ôtez-lui ce qu’elle peut apprendre par les sens qui sont comme des fenêtres de sa prison, elle ne peut naturellement rien connaître par un autre moyen…  » (Réf. 8, p. 34)

Je crois encore une fois qu’il touche là le problème essentiel. On l’a souvent présenté comme un apôtre du non-savoir dans sa méthode de connaissance. Or vous voyez que dans ce cas ce n’est pas tellement vrai.

Il dit : « Les organes des sens sont des fenêtres de sa prison », il ne dit pas « les murs de sa prison ». C’est très important. Cela veut dire que même si l’on reste dans le cadre du monde extérieur, des organes des sens et des appareils qui prolongent les organes des sens, on a une possibilité d’accès, de vue, de fenêtres de la prison, par la science elle-même. C’est une des appréciations les plus extraordinaires de la science que j’ai trouvée chez un penseur traditionnel.

C. H. — Je crois que c’est la raison pour laquelle on peut dire tout d’abord que l’on est sur la terre pour apprendre quelque chose à travers ces sens, ces fenêtres, et ce n’est pas pour rien, sinon on n’acquerrait pas de connaissances, comme il le remarque justement, et ensuite, pour fixer ces connaissances, on doit utiliser le langage de l’époque, c’est-à-dire actuellement le langage de la science. Faire ainsi, ce n’est pas réduire l’esprit, mais lui donner une autre possibilité d’application.

B. N. — Absolument. D’ailleurs Lupasco, il y a près de quarante ans, a émis l’hypothèse, maintenant très à la mode, d’une certaine relation entre le monde physique et le monde spirituel ou psychique, lorsqu’il a découvert un troisième type de systèmes possible, celui de systèmes dynamiques antagonistes qui ne sont pas dominés les uns par les autres. Ce sont des systèmes neutres ou neutralisants dont les forces antagonistes s’actualisent et se potentialisent simultanément. Lupasco dit que c’est justement ce troisième type de systèmes énergétiques qui paraît constituer le système psychique, et qui définit en même temps plus particulièrement la réalité quantique (Réf. 4, pp. 80-81).

Je crois qu’il faut bien comprendre cette hypothèse parce qu’elle est d’une grande subtilité. Il ne dit pas : « L’âme est dans le neutron » ou « l’âme est dans l’électron », ce serait une absurdité du point de vue scientifique et aussi du point de vue traditionnel : il y a des centaines de particules qui sont essentiellement sur le même pied les unes que les autres. Ce que Lupasco dit, c’est tout à fait différent : il montre qu’il y a une certaine unité dans les lois des formes. Car, quand il parle de ces systèmes énergétiques, c’est l’énergie qui unifie en quelque sorte des domaines tout à fait distincts.

Ce qui est à la base du monde physique, c’est l’énergie (depuis Einstein pourrait-on dire) et ce qui est à la base du mot psychique, c’est aussi l’énergie, mais l’énergie est régie par des lois des formes. Donc on peut voir une relation justement dans les lois des formes et non pas dans une manifestation plus ou moins accidentelle ou régie par des lois de détails.

C. H. — Qu’appelez-vous exactement « les lois des formes » ? Sont-elles des lois de structures que l’on pourrait retrouver de façon synthétique à différents niveaux de réalité ?

B. N. — Oui, ce sont des lois structurelles. Je vous ai déjà mentionné au cours de cet entretien la loi des trois et la loi des sept, qui sont des lois des formes, c’est-à-dire qu’elles peuvent s’appliquer dans des domaines tout à fait différents.

On peut revenir d’ailleurs à la loi des trois, car nous avons à présent assez de données pour en discuter.

La loi des trois est une manifestation plus subtile que la loi des sept qui montre la discontinuité. Dans les approches contemporaines de la physique, que ce soit l’approche du bootstrap ou que ce soit la théorie des champs comme la chromodynamique quantique, c’est-à-dire la théorie des quarks et des champs qui leur sont associés, il y a une loi des trois très profonde qui se manifeste.

Ce qui se passe essentiellement, c’est que les quarks apparaissent comme particules et comme non-particules à la fois.

Ils ne sont pas réellement des particules parce qu’on ne les voit pas et qu’on n’est pas arrivé à les séparer. Et pourquoi n’est-on pas arrivé à les séparer ? Parce que ces quarks, ces objets invisibles mais manifestés d’une manière indirecte, possèdent un attribut que l’on appelle la couleur. Bien sûr, il ne faut pas confondre cette « couleur » des quarks avec la couleur habituelle.

C’est ici un mot qui décrit une certaine propriété de l’interaction entre les quarks ; et ces couleurs, selon nos connaissances, sont au nombre de trois et font que les quarks ne peuvent jamais sortir de la matière, c’est ce qu’on nomme « le confinement permanent ».

On peut donc observer certains effets d’une manière indirecte, mais à cause de cette loi des trois (je simplifie beaucoup) ces objets, pour sortir, auraient besoin d’une énergie infinie. Or l’énergie qui est disponible à l’échelle humaine est évidemment finie.

Vous voyez comment une loi des formes peut être liée à quelque chose de très physique. D’ailleurs cette loi des formes se manifeste de manière encore plus claire dans l’approche topologique du bootstrap, dans laquelle les quarks apparaissent associés à la division d’une certaine surface bidimensionnelle sur laquelle les événements sont déployés. Et dans cette division, il y a un objet fondamental mathématique qui permet de déduire les lois, c’est le triangle. Donc, par l’intermédiaire du triangle qui nous donne les lois d’invariance, nous avons une relation directe avec la loi des trois.

Voilà encore une relation entre une loi des formes et la réalité physique. Ces lois des formes peuvent évidemment se manifester dans des domaines très différents comme la biologie ou la physique. Lupasco parle depuis longtemps des trois matières, des trois orientations privilégiées, des trois types de systèmes, c’est encore cette loi des trois, bien qu’il ne l’appelle pas ainsi. C’est donc la base d’une nouvelle logique par les lois des formes.

Pourquoi cette loi des trois ? Justement parce que nous la retrouvons dans la loi du tiers inclus dans la nouvelle logique il n’y a plus d’identité d’un objet. C’est ce que j’ai dit : un objet est A et non-A à la fois.

C. H. — Je crois que l’on voit nettement se dessiner dans la science le passage d’un univers duel ou polaire (A et non-A) à un univers à trois composantes.

B. N. — Oui, c’est vrai, c’est vrai.

C. H. — Et c’est très important du point de vue logique, car le nombre trois rend déjà compte d’une dimension spirituelle.

B. N. — Certainement. Et je crois que cela a mis très long temps parce que le troisième terme de cette nouvelle logique, ou la troisième manifestation, si vous préférez, est beaucoup plus subtile, et donc beaucoup plus difficile à trouver que les autres. Cependant cela reste une manifestation matérielle, car on manipule des équations mathématiques et il ne s’agit pas d’introduire une idée extérieure.

La loi de polarité était visible depuis longtemps dans la physique : vous avez les particules et les antiparticules, la matière et l’antimatière. Où est le troisième terme ? Il est très difficile à trouver. Le troisième terme, en quelque sorte, c’est le médiateur ; c’est cet univers dont parle Lupasco, dans lequel les tendances s’équilibrent. C’est la raison qui a fait que ce troisième terme a mis beaucoup plus de temps à apparaître, mais j’ajoute que maintenant, cette logique à trois termes fait partie des idées courantes.

Il n’y a pas que les mystiques qui ont entrevu cette loi des trois. Il y aussi des philosophes, avant Lupasco, mais ceux-ci avaient le désavantage de ne pas connaître la physique moderne. Je voudrais en citer un : Charles Saunders Peirce, considéré comme le plus grand logicien et mathématicien américain. Toute sa vie il a été obsédé par cette loi des trois. Ce qu’il disait essentiellement, c’est que toutes les catégories logiques se réduisent, par la représentation des graphes, à un vortex à trois, et qu’il y a donc une structure ternaire dans chaque concept, dans chaque phénomène. Cela a été poussé beaucoup plus loin par l’analyse de Lupasco, et l’on voit apparaître dans les faits scientifiques eux-mêmes cette loi des trois.

C. H. — Je pense même que l’on devrait utiliser cette logique ternaire dans les langages des ordinateurs.

B. N. — Certainement. Mais avant les langages des ordinateurs, on devrait déjà l’employer dans le langage scientifique. Or il faut bien reconnaître que nous sommes dans une situation paradoxale.

Un moyen de décrire la logique qui est à la base de la mécanique quantique serait justement l’adoption d’une logique à trois termes. Pourtant nous opérons actuellement de nouveau avec une logique à deux termes. Le langage n’a pas changé bien que les faits expérimentaux eux-mêmes nous aient obligé à voir la réalité ainsi ; mais les concepts n’ont pas suivi.

Il faut bien se rendre compte que la physique est une science très jeune. Elle n’en est pas encore arrivée à ce point de maturité qui lui permettrait de se poser des questions sur ses propres méthodes. Les mathématiciens l’ont fait depuis longtemps, et c’est en cela que des logiciens comme Peirce ou Lupasco sont des précurseurs parce qu’un jour ou l’autre nous serons obligés d’adopter ce nouveau langage.

On parle souvent des paradoxes de la mécanique quantique. Or c’est peut-être un faux problème parce que les paradoxes apparaissent souvent du fait de l’inadaptation du langage à la matière qui est manipulée dans les théories actuelles. Cela crée forcément des paradoxes, ne serait-ce qu’au niveau de la terminologie, au niveau épistémologique, car les paradoxes ne se situent pas tellement au niveau de la réalité expérimentale elle-même.

C. H. — Malheureusement la structure même de notre langage est duelle, dans la grammaire : le sujet et l’objet, etc.

Je parlais tout à l’heure du langage des ordinateurs parce que cette nouvelle logique s’introduit plus facilement d’abord par l’ordinateur. Mais si l’humanité veut passer à un autre niveau de conscience, notre grammaire elle-même doit changer.

B. N. — Je dois dire que c’est tout d’abord notre mode de pensée qui doit changer.

C. H. — Oui, mais on sera repris sans cesse par la polarité si, au moment même où on dit : je vois, on introduit déjà une dualité.

B. N. — C’est cela, évidemment. Tout cela est très subtil et compliqué à la fois. Changer notre mode de penser, cela suppose accepter la contradiction comme inhérente dans le monde réel, et c’est une démarche très difficile puisque cela implique la mise en question de notre identité même, ce qui provoque une certaine peur. Mais c’est de cela que l’on parle dans la logique quantique : accepter la contradiction, accepter que la notion fondamentale soit l’interrelation, que l’univers soit comme un être dans lequel il y a des lois de maintenance qui font que si une partie change, toutes les autres parties sentent ce changement.

Or la manière dont nous avons opéré jusqu’à présent (dont on ne peut nier qu’elle ait engendré beaucoup de succès sur le plan pratique) c’est d’employer la méthode de séparation. Parce que nous avons pu séparer les objets, nous avons pu faire des découvertes extraordinaires. Malgré tout, nous disons maintenant que la vraie compréhension passe par la non-séparabilité.

Si on accepte cette idée très riche, formulée par Geoffrey Chew, de la réalité comme approximation, il n’y a plus vraiment de contradiction entre des objets séparables et des objets non séparables.

Il faut que la science reste dans un domaine bien défini. Jusqu’à présent, elle a eu un tel succès sur le plan pratique qu’il ne faudrait pas, par un changement tout à fait naïf et brutal, prendre le risque de casser la maison tout entière.

C. H. — Je ne crois tout de même pas.

B. N. — Si, parce qu’il s’agit d’unifier les mondes plutôt que d’essayer de les juxtaposer.

C. H. — Justement, c’est pour cela qu’on ne peut laisser l’esprit d’un côté et la matière de l’autre. Si l’on veut dépasser la dualité, on est obligé de faire le lien entre les deux.

B. N — Bien sûr, c’est absolument vrai. Mais encore une fois, pourquoi croire que les méthodes de connaissance soient l’apanage de la science telle qu’elle est définie actuellement. Il y a d’autres modes de connaissance aussi valables et il existe une relation très subtile, peut-être par cette loi des formes, entre les différents domaines.

Comment donc peut se produire cette unification ? Car je vois bien ce qui vous tracasse : c’est que l’homme doit être une unité et ne doit pas être séparé en lui-même…

C. H — Bien sûr, il ne peut pas séparer son esprit de sa matière. D’autre part, ces lois des formes, entre autres, ce sont déjà des lois synthétiques qui vont être valables sur tous les plans : mentaux, subquantiques ; et dès ce moment-là, on peut obtenir une unification extraordinaire.

 

B. N. — Exactement, mais cette unification est un processus qui ne peut pas s’opérer en appliquant les lois du mental aux lois du non-mental, car alors ce serait la catastrophe et pour le mental, et pour ce qui est extra-mental.

C. H. — Il ne s’agit pas d’appliquer des lois à un autre domaine mais de découvrir celles qui se répercutent à plusieurs niveaux.

B. N. — Bien sûr, celles qui ont une certaine conséquence. C’est déjà un pas énorme, qui montre que les scientifiques ne sont pas opposés à une remise en question, de s’être rendu compte très vite que l’observateur est impliqué lui-même dans le processus de mesure. Autrement dit : l’observateur cesse d’être un « observateur » et devient, avec le mot de Wheeler, un « participant ».

Alors, qui est le participant ? C’est tout d’abord le moyen de connaissance lui-même, c’est-à-dire le mental. Donc le mental fait déjà partie de la réalité physique, ce qui est un énorme pas en avant, parce que avant, on gardait cette croyance profonde que le mental était séparé d’une réalité extérieure objective qui pouvait continuer à exister sans le mental. Or, ce que la physique, par ses propres moyens, est arrivée à dire, c’est que le mental est lui-même une partie de l’observation.

La science aime à avancer par petits pas. Dans un proche avenir, il s’agira donc s’investiguer les structures du mental, car elles ne sont pas connues. Comment le mental est-il lié à l’espace-temps ? On ne le sait pas. Donc avant de parler des grandes lois de l’esprit…

C. H. — Je suis bien d’accord : les lois que nous avons à examiner sont les lois du mental. Mais dès que l’on étudie le mental, on touche tout de suite au domaine spirituel.

B. N. — Oui.

C. H. — Comment alors à ce moment-là approcher les lois du mental de manière scientifique ?

B. N. — Personne n’en sait rien pour l’instant. C’est déjà un progrès immense que la question soit posée. Par exemple, dans les débats sur les paradoxes de la mécanique quantique, on se pose cette question. C’est pourquoi je crois qu’un avenir proche va nous amener des découvertes importantes dans cette direction.


[1] G.F. Chew, « Impasse du concept de particule élémentaire », in The Great Ideas Today 1974, Encyclopaedia Britannica, p. 119.

Voir aussi, pour comprendre l’évolution du concept de « bootstrap » : G. F. Chew, « S-Matrix Theory of Strong Interactions », Benjamin (USA), 1961. G.F. Chew, « The Analytic S-Matrix ». Benjamin (USA), 1966. G.F. Chew, « Bootstrap : A Scientific Idea ? », Science, vol. 161, pp. 762-765, 1968. G.F. Chew, « Hadron Bootstrap : Triumph or Frustration ? », physics Today, vol. 23, no 10, pp. 23-28, 1970.

[2] P.D. Ouspensky, « Tertium Organum », Vintage Books, New York, 1970, p. 236 ; la première édition do ce livre est parue en 1912, en Russie. Pour la bibliographie complète des travaux de P.D. Ouspensky, voir « Remembering Pyott Demianovich Ouspensky », Yale University, New Haven, Connecticut (USA), 1978.

[3] « Jakob Böhme », Cahiers de l’Hermétisme, édités par Antoine Faivre et Frédérick Tristan, Albin Michel, 1977, pp. 190-191.

[4] Stéphane Lupasco, « Les trois matières », 10/18, Julliard, 1970, p. 82, Pour comprendre la philosophie de Lupasco, voir la bibliographie en fin d’interview, et aussi : « Être et ne pas être avec Lupasco », numéro spécial de La Tour de Feu, cahier 85, mars 1965.

[5] Voir, par exemple, G.I. Gurdjieff, « Récits de Belzébuth à son petit-fils », Ed. Stock Plus, 1979, vol. I, pp. 137-138, 441-461, vol. II, pp. 224-225, vol. III, pp. 9-63 (rééd. Ed. du Rocher, 1983).

[6] G.F. Chew et V. Poénaru, « Topological Bootstrap Theory old Hadron, », Zeitschrift fiir Physik, C 11, 59, 1981.

Pour les développements récents de la théorie du bootstrap topologique, voir aussi : G.F. Chew, J. Finkelstein, R.Mc Murray et V. Poénaru, « A Topological Theory of Electromagnetism », The Physical Review, D 24, 2287, 1981. P. Gauron, B. Nicolescu et S. Ouvry, « Topological Super-symmetric Structure of Hadron Cross Sections », The Physical Review, D 24, 2501, 1981. G.F. Chew, J. Finkelstein, B. Nicolescu et V. Poénaru, « Topological Compositeness of Quarks, Leptons and Electroweak Bosons », prépublication de l’Institut de Physique Nucléaire d’Orsay, IPNO/TH 82-4, 1982.

[7] Réf. 3, p. 133.

[8] Saint Jean de la Croix, « La Montée du Carmel », dans Œuvres spirituelles, Seuil, 1954, pp. 36-38.

Christine Hardy est Dr es sciences humaines et ethnologue. Son blog en anglais : http://chris-h-hardy-dna-of-the-gods.blogspot.fr/. Dernier livre publié en Français : La Prédiction de Jung : La métamorphose de la Terre. Dervy, 2012. En anglais : DNA of the Gods: The Anunnaki Creation of Eve and the Alien Battle for Humanity, Bear & Co., USA & Canada, mars 2014. À Lire aussi son interview dans le numéro 104 de 3e Millénaire.