R. P. Kaushik
Cheminement

Le titre est de 3e Millénaire Traduction libre Le Dr R. P. Kaushik était un philosophe au sens premier du terme – celui qui aime la vérité. Sa vie a été une exploration continue au-delà des réponses et des croyances conditionnées de l’esprit, dans la nature et l’expression de la totalité. Par ses écrits et […]

Le titre est de 3e Millénaire

Traduction libre

Le Dr R. P. Kaushik était un philosophe au sens premier du terme – celui qui aime la vérité. Sa vie a été une exploration continue au-delà des réponses et des croyances conditionnées de l’esprit, dans la nature et l’expression de la totalité. Par ses écrits et ses discussions publiques, il a partagé cette recherche avec des individus concernés du monde entier.

Les extraits suivants sont les réflexions du Docteur sur sa vie et son œuvre. Ils sont tirés de conversations tenues quelques années avant sa mort, le 15 juillet 1981, près de Giove, en Italie.

***

Vous savez, si nous regardons dans notre propre vie, nous pouvons très facilement voir ce que nous voulons. Je voulais le bonheur. Je voulais être libre de la peur. Enfant, on m’a appris à avoir peur de la foudre, des fantômes, des ténèbres, des voleurs et Dieu sait quoi. Ma mère disait qu’elle m’avait inculqué la peur des lions quand je n’avais qu’un an et qu’elle voulait me sevrer. À cette époque, il y avait un cirque à Lahore, la ville où nous habitions, et les lions du cirque rugissaient la nuit. Ma mère disait : « Regarde, si tu demandes du lait du sein, le lion va venir ! » Et j’ai cessé d’en demander.

J’avais aussi très peur de la foudre. Mais vers neuf ans, j’ai trouvé un livre religieux dans lequel il était écrit : « Si vous lisez ce livre, la peur ne viendra plus en vous. » J’ai donc gardé ce livre, et chaque fois qu’il y avait des éclairs et du tonnerre, je l’ouvrais et je commençais à le lire. Et d’une manière ou d’une autre, j’ai toujours été sauvé de la foudre ; je ne sais pas si c’était le hasard ou à cause de ce livre.

Quand j’étais à l’école, j’avais toujours peur de l’instituteur. À l’époque, si vous ne vous souveniez pas de vos leçons, vous receviez une raclée, et cette raclée était assez dure. Mais mon père me donnait de l’argent de poche tous les jours, et sur le chemin de l’école, je donnais une partie de cet argent aux pauvres, dans l’espoir que leurs prières me sauveraient de l’instituteur. Et bien souvent, j’échappais à cette punition.

Et ma plus grande peur était qu’est ce qui m’arriverait si mon père et ma mère mouraient. C’est ainsi que j’ai grandi. Mon premier besoin était de transformer la peur et de la dépasser – c’était la première expérience de l’enfance. Dès l’adolescence, j’ai pris conscience de la vie autour de moi, de l’existence ordinaire et banale que les gens mènent, et j’ai vu que je devais vivre ma vie d’une manière différente. Dans ma vie, j’ai toujours eu une grande fascination ou l’envie d’être soit un enseignant, soit un médecin, soit un sannyasi qui renonce à la vie ordinaire.

Puis, à l’âge de quinze ans, j’ai perdu un ami très cher. Il était si proche de moi que j’aimais le voir tous les jours. Nous avions l’habitude de concevoir une vie ensemble. Puis un jour, j’ai été informé tôt le matin que cet ami s’était noyé dans la rivière. Quand j’en ai pris connaissance, ce fut comme un coup de tonnerre. Cela m’a questionné : qu’est-ce que la vie et qu’est-ce que la mort ? Que se passe-t-il après la mort – vais-je le revoir ou non ? Si je ne vais pas le rencontrer, alors quel est le sens de cette vie qui est si courte ? À quoi sert ce plaisir qui est si éphémère ? Qu’est-ce que le bonheur quand il est toujours menacé par la peur ? J’ai donc été très malheureux ; pendant six mois, j’ai été malheureux. Quand j’étais seul, les larmes me venaient aux yeux. J’allais à la rivière où il s’est noyé, et je regardais les vagues et l’eau, et je me demandais ce qui se passait quand les gens allaient juste sous l’eau. Avec cette douleur et cette souffrance, il n’y avait presque rien dans ma vie ; rien ne m’intéressait.

Alors un ami m’a suggéré de lire la Gita. Et j’ai commencé la lecture, en essayant de savoir si elle pouvait m’apprendre quelque chose sur la vie après la mort. Puis après avoir lu la Gita et d’autres livres saints, je suis allé à Rishikesh, et j’ai vu quelques enseignants spirituels. Mais aucun d’entre eux ne m’a attiré, parce que partout où j’allais, je voyais des contradictions entre ce que ces grands hommes prêchaient ou écrivaient, et ce qu’ils vivaient réellement. L’un des enseignants que nous avons visités, un homme très simple, était considéré comme un saint par beaucoup de gens. Mais lors du rassemblement du soir, nous avons vu qu’il y avait un homme armé qui montait la garde. Et j’ai soudain été frappé par le fait que si les personnes religieuses ne croient pas en Dieu, ils croient aux armes à feu, alors quelle est cette spiritualité ? Et à ce moment-là, toute cette idée de spiritualité s’est effondrée.

Mais j’ai rencontré un homme à Rishikesh – un homme simple, illettré, qui n’a jamais rien prêché. Je suis allé dans sa chambre avec mon ami, et il nous a reçu avec une grande reconnaissance et une grande hospitalité. Il nous a offert de la nourriture, et nous avons mangé. Il avait beaucoup de livres religieux et il nous a demandé de lui faire la lecture parce qu’il ne savait pas lire. Nous avons donc pris un livre et nous avons commencé à lui faire la lecture, et nous avons constaté qu’il n’écoutait pas – il nous faisait seulement lire. Au bout d’une demi-heure environ, nous avons fermé le livre et nous lui avons dit que nous partions. Et il a répondu : « D’accord. Soyez heureux ! ».

Cette personne, sans aucun motif, nous a accueillis, nous a divertis, nous a donné à manger, et nous a fait lire ce livre sacré juste pour que nous puissions en profiter. Et quand nous avons voulu partir, il n’a jamais protesté, et il n’a jamais demandé notre adresse ou quoi que ce soit d’autre – rien sur l’avenir. Pour moi, cet homme exprimait de l’amour et du détachement. Il ne faisait pas de sermon ou de discours sur la spiritualité ou sur quoi que ce soit d’autre, mais à ce moment-là, nous sentions que nous étions en présence de Dieu. S’il y avait une vérité, la vérité était là – et cet homme reste encore dans ma mémoire. Je me demande donc toujours si nous pouvons prêcher la religion, l’esprit ou la vérité par des mots ou par certaines techniques ou méthodes. Pour moi, ce n’est qu’un sentiment de cœur à cœur. Si j’ai de l’amour dans mon cœur et que vous êtes ouvert et réceptif à ce « sentiment d’amour », vous serez touché. C’est ce toucher qui compte, pas des milliers de mots ou de conférences.

Ma recherche du gourou s’est donc arrêtée là. Si l’un de ces swamis m’avait impressionné, je serais peut-être devenu un sannyasi. Nous sommes donc revenus à Delhi, puis j’ai travaillé dur pour obtenir une bourse afin de pouvoir étudier la médecine. Mon père et mon grand-père avaient tous deux exercé la profession de médecin ; ce passé, associé à mon désir d’améliorer la souffrance physique, a peut-être déterminé ma décision de devenir médecin.

L’amélioration de la souffrance a donc été une partie très importante de ma vie. Mais bien plus que cette petite partie, d’amélioration de la souffrance physique, était le désir de trouver une solution totale aux problèmes humains. Tout au long de ma vie, j’ai regardé autour de moi diverses idéologies spirituelles. J’ai été très impressionné par la philosophie du Vedanta. Mais il y avait maintenant deux questions fondamentales que je me posais à l’époque et auxquelles le Vedanta ne pouvait pas répondre. La première était la suivante : si Brahmane est la réalité absolue et la vérité, et que ce monde maya, ce monde est une illusion, alors pourquoi les gens ne sont-ils pas attirés par la vérité – pourquoi sont-ils attirés par le mensonge ? Cela signifie que maya, le faux, doit être plus puissant. Et si c’est le cas, il est inutile d’adorer ou de poursuivre une vérité absolue qui est si impuissante et sans pouvoir. La deuxième question était la suivante : si Dieu est le créateur de cet univers, de ce monde, comment peut-il créer un monde aussi violent et destructeur ? Il aurait pu créer un monde meilleur, mais il ne l’a pas fait. Alors, y a-t-il un créateur ? Le Vedanta dit que tout cela n’est qu’illusion, qu’un rêve, et quand vous réalisez que c’est un rêve, c’est fini. Et l’idée d’Aurobindo, que c’est la lila de Dieu ou le jeu divin, n’était pas impressionnante non plus. J’ai senti que c’était peut-être un jeu divin pour le Seigneur, tandis que pour l’humanité c’était beaucoup de souffrance et de chagrin. Donc, si le Seigneur joue cette lila, ce doit être une farce très cruelle.

C’était donc une question lancinante à laquelle personne ne pouvait répondre à ma place. Puis, à la faculté de médecine, j’ai rencontré des marxistes ; et le marxisme m’a séduit en ce sens qu’au moins, quoi qu’ils disent, ils semblent le faire. Et à cette époque, il est apparu logiquement – du moins en théorie – que l’approche dialectique et matérialiste était plus factuelle, tandis que l’approche idéaliste et védantique ne l’étaient pas.

Mais j’ai découvert plus tard qu’il n’y avait pas de différence entre une philosophie idéaliste et une philosophie matérialiste. Toute philosophie est idéaliste, car elle est toujours basée sur une idée, et non sur des faits. Et il y aura toujours un écart entre une idée et un fait. Une idée et un fait ne peuvent être conciliés dans la vie humaine que si tous les individus d’un groupe ou d’une société vivent réellement cette vie d’intégrité. Et la plupart des gens ne vivent pas cette vie d’intégrité. Ils ne font que parler dans ces systèmes idéologiques, politiques ou spirituels d’intégrité. Il était donc de plus en plus évident que toute idéologie politique ne serait pas la solution. Même les matérialistes et les marxistes ne vivaient pas leur philosophie. Et en 1962, lorsque la Chine a attaqué l’Inde, et qu’il y a eu des divergences entre la Chine et la Russie, il était clair que ce que disait Marx n’était qu’un rêve utopique.

La question devenait alors la suivante : quand le marxisme n’est pas correct, et que le Vedanta ne l’est pas non plus, alors qu’est-ce qui est correct, quelle est la vérité ? Quelle est la signification de la vie ? Ainsi à partir de 1962, commença la recherche pour trouver le sens et le but de la vie, et pour voir s’il y avait un moyen, une solution permettant aux êtres humains de vivre à l’abri de la maladie, du désordre, du besoin, de la pauvreté, des conflits, et de vivre en paix. Ces deux idées centrales ont été à la base de cette recherche. Et comme personne n’était là pour apporter une réponse, tout ce que l’on pouvait faire était de recourir à tout ce qui avait été écrit sur le sujet, de réduire toute activité sociale et politique, de limiter l’activité professionnelle au minimum nécessaire pour subvenir à ses besoins, de s’asseoir et de méditer, et de réfléchir à la vie. Ainsi, à partir de 1962, la majeure partie du temps a été consacrée, après cinq à six heures de travail quotidien pour soutenir la famille, à cette investigation.

Et maintenant, cette recherche s’est rapprochée grâce à mon introduction à l’homéopathie, parce que l’homéopathie traite d’énergies infinitésimales – si petites qu’elles ne sont détectables par aucun instrument – et pourtant elles agissent. Il semble que la matière ait été transformée en une forme d’énergie ; ce qu’est cette énergie, personne ne le sait. Ainsi, toute la matière brute que vous voyez n’est pas la réalité finale ; il y a d’autres formes d’énergie qui sont plus fines que la matière.

J’avais entendu parler d’un médecin de ma ville natale qui pouvait dire à distance quelle était la maladie de son patient et lui prescrire ce qu’il fallait. Je l’ai rencontré par hasard, alors qu’il venait me voir pour un pansement et pour soigner des brûlures. Je lui ai donc demandé s’il avait ce pouvoir, et il m’a dit qu’en utilisant un mantra particulier, vous pouviez voir le patient venir à vous avant qu’il ne vienne réellement, et savoir quelle serait sa maladie, et dans de nombreux cas le traitement qu’il lui fallait. C’était donc un autre exemple de la suprématie de l’esprit sur la matière, et c’était une question d’investigation. J’ai donc commencé à utiliser ce mantra, non pas pour la réalisation de soi ou la spiritualité, mais seulement pour savoir si l’on pouvait voir dans l’avenir – un événement matériel qui n’a pas encore eu lieu. Ce mantra a eu un certain succès, et il m’a aidé à voir que la réalité mentale peut être aussi réelle que la réalité matérielle. Mais même ce mantra n’a pas eu un succès total ; j’ai donc continué à enquêter, à juste m’asseoir et méditer.

En 1966, j’ai atteint un certain stade, seulement en étant assis tout seul et en écoutant les sons – pas des sons particuliers, mais tous les sons autour de moi – dans lesquels la conscience s’élargissait pour inclure l’ensemble de l’univers. On avait l’impression que l’univers entier était à l’intérieur, et non à l’extérieur ; tout était à l’intérieur. C’était peut-être une conscience cosmique, une expérience de grande félicité ou de bonheur dans laquelle il n’y avait pas de conflit. Et cela venait sans mantra ou autre chose ; il suffisait de rester assis pour que cela commence à se produire. Et le sentiment était que c’était Shiva, ou la conscience du Christ.

Tout en vivant cela, en 1967, un événement personnel s’est produit, et il était difficile de comprendre cette situation ; je suis donc allé méditer au bord de la rivière. Et quand j’ai vu que cette expérience n’était pas la vérité absolue, alors toute cette conscience cosmique est tombée – et quelque chose a émergé sans aucune cause ni quoique ce soit. D’une grande dépression ou frustration est né un sentiment de grande joie et de beauté, qui n’avait pas de cause préalable. C’était le résultat d’un abandon total.

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Q : Cette conscience était-elle naturelle, physiologique, ou était-elle le résultat d’une technique particulière ?

Dr : Chaque fois que je m’asseyais tranquillement, je pouvais la sentir. Dès que je m’asseyais tranquillement et que j’écoutais les sons autour de moi, ma conscience s’élargissait. Je ne faisais rien, aucune technique n’était utilisée. Je m’asseyais simplement et j’écoutais tous les sons dans la pièce et à l’extérieur, aussi loin que possible, puis mon esprit ne faisait plus qu’un avec les sons. Et puis j’ai découvert que le son était dans l’esprit, non en dehors de l’esprit. J’étais conscient que l’univers était en moi, et j’avais l’impression de ne faire qu’un avec cette conscience cosmique. Mais en ce qui me concerne, il n’y avait pas d’ego. Je ne me sentais pas très heureux ou très fier d’avoir cette expérience, ni d’essayer de la raconter à quelqu’un d’autre ; j’étais simplement satisfait en moi-même.

Maintenant, à un certain moment, ma difficulté était que je ne pouvais pas comprendre une personne qui s’était comportée de manière irresponsable à mon égard. Du point de vue de la conscience cosmique, j’aurais pu l’excuser, mais pour pardonner à quelqu’un, il faut qu’il y ait une séparation – où je suis plus élevé que lui. Mais ce n’était pas cela. Et si vous ne pardonnez pas, alors détestez-vous ? Peut-on détester quelqu’un ? En fait soit vous détestez, soit vous pardonnez – il n’y a pas d’autre alternative que connaisse l’esprit et auquel il peut se relier.

Mais quand j’ai vu que je ne pouvais pas me relier à lui sous aucune de ces formes, il y a eu, en moi, une explosion d’énergie – je n’ai pas dormi, je n’avais pas faim, et j’étais très actif. Dans cet état, je voulais simplement m’éloigner de la maison pour résoudre, en moi, cette question ; ou du moins pour voir si cette énergie pouvait être stabilisée si je m’éloignais de la maison pendant un certain temps.

Avec cette idée, je suis parti, je suis resté près de la rivière et j’ai médité ; il y avait beaucoup d’énergie. Et différentes pensées et sentiments, différentes expériences venaient. Avec cette conscience cosmique, je me sentais Shiva. Mais un jour, j’ai lu le Shiva Purana, et il m’est apparu clairement qu’aucun de ces dieux et déesses n’était lui-même libre de l’aveuglement. La lecture de cet épisode m’a fait comprendre que ce n’est pas la vérité absolue – cette conscience cosmique n’est pas la vérité absolue. Et avec cette réalisation, toute possibilité d’identifier, d’une façon permanente, cette conscience avec Shiva, ou avec tout autre état divin semblable, s’est effondrée. Et donc, cette énergie qui avait cristallisé pendant cinq ou six jours s’est effondrée, et j’ai été absolument lavé, battu. Je suis parti de là, vaincu.

Et alors que je rentrais chez moi, assis dans la voiture, quelque chose a changé, et de cette frustration et de ce découragement total est né un grand sentiment d’expansion, de lumière et de joie, à l’intérieur comme à l’extérieur. À ce moment-là, j’ai su que quelle que soit cette énergie, il n’y a pas de cause. Cette expérience devient donc importante parce qu’alors j’ai réalisé que cette énergie se manifeste sans aucune cause – sans aucune technique, mantra, ou quoi que ce soit. Avant cela, toute la tradition disait que si vous pratiquez ce mantra, cette sadhana, vous obtiendrez finalement la réalisation ; vous devez passer par un processus, posséder une certaine technique.

Q : Quelle était la différence entre le premier état de conscience cosmique et l’état qui s’est produit plus tard ?

Dr : Dans la première conscience cosmique, il y avait un espoir ou une attente ; ici, il n’y avait ni espoir ni attente.

Q : Et pourtant, le sentiment était le même dans les deux expériences – un sentiment d’unité avec le monde ?

Dr : Unité, mais une unité très différente. Dans la première conscience cosmique, j’étais le centre ; l’expansion de mon esprit avait lieu, en quelque sorte. Mais cette fois il n’y avait pas de centre ici. Ici, je me suis rendu compte que je n’étais nulle part dans le tableau. C’était peut-être la même chose, mais à cette époque-là je n’avais pas cette conscience que l’intérieur et l’extérieur étaient identiques. C’était, pour ainsi dire, une période d’apprentissage.

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Il semble qu’il y ait différents fils qui passent – non seulement à travers la vie de l’individu, mais aussi à travers toute la psyché humaine, à travers l’éternité. Et ces thèmes – de Krishna, de Jésus, ou de Shiva – ont également traversé ma vie ; non pas dans le sens d’une identification, mais d’un flux naturel de ma psyché. Mais ensuite, ces notions, concepts ou images se sont transformés. Maintenant, Krishna, Shiva, Jésus, ou n’importe quoi d’autre peut encore être dans ma conscience, mais ces images, ces énergies sont transformées – ou mieux comprises. Elles ne sont pas seulement comprises à un niveau mécanique.

Donc ces énergies cosmiques – Jésus, Krishna, Bouddha – vivent toutes à travers nous, à travers la conscience humaine. Et tout ce qu’elles ont dit et fait appartient maintenant à la psyché humaine. Donc, quoi que j’aie fait, ou que quelqu’un d’autre ait fait, si vous êtes ouverts à cela, vous en faites tous partie. Il n’y a pas de séparation dans la conscience. Une fois qu’une interaction a eu lieu, la conscience est inséparable.

Et maintenant, je ne sais pas comment un homme peut dire, ça c’est moi. Vous voyez, je n’ai pas eu d’enseignant ou de gourou au sens traditionnel du terme, mais honnêtement, je ne peux pas dire cela, parce que tant d’influences, tant de choses de la vie m’ont toujours guidé. Je n’ai donc pas grandi dans le vide, j’ai grandi en société. Et quand toute la conscience est exposée dans ce monde, et que je fais partie de ce monde, alors Dieu seul sait quelles influences entrent dans ma vie. Ainsi, en 1967, lorsque cet événement s’est produit et qu’un changement de conscience s’est produit en moi, je ne sais pas d’où est venue cette conscience – de combien de personnes elle est venue, ou quelles énergies ont pu être aspirées ou exprimées à travers elle. Elle ne peut plus être une énergie personnelle. Et je pense que beaucoup d’autres personnes ont également subi certains changements au cours de la même période. C’est donc une chose cosmique qui se produit, et on ne peut donc pas dire que c’est ma conscience, ou que c’est moi, ou que j’ai découvert quelque chose.

Q : Est-ce que vous cherchiez au moins ce que vous avez trouvé ?

Dr : Je cherchais simplement une réponse à cette énigme. Je ne cherchais pas Dieu ou quoi que ce soit d’autre ; j’essayais juste de regarder, et de voir ce qu’est tout cela. Qu’est-ce que la vérité ? Je cherchais donc plutôt la solution aux problèmes de l’humanité, le problème humain – pas sous une forme particulière, mais juste ce qu’est le problème et quelle est la solution. En regardant cela, une série de choses commençaient à se produire, et je rencontrais certaines situations et j’arrivais à un certain point.

Je ne cherchais donc aucune forme de Dieu ou quoi que ce soit d’autre. J’ai commencé à m’interroger sur le sens de la vie après la mort de mon ami. Quand cette chose commence à se produire et que cela me vient, alors je découvre qu’il y a une solution au problème humain. Et certaines personnes recherchent cette solution au problème humain. Ma découverte d’une solution au problème humain – et beaucoup de gens qui cherchent cette solution – n’est donc pas un mouvement séparé. C’est un seul et même mouvement.

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Q : Qu’est-ce que l’éveil ? S’agit-il d’un événement ou d’un processus progressif ?

Dr : La première illumination est l’humilité. Vous voyez vos limites.

Soit vous venez à voir vos limites, soit vous naissez avec une certaine humilité, un certain amour ou une certaine affection pour les autres. Cette simplicité, cette qualité de base, est donc nécessaire. Avec cette humilité, vous pouvez vous ouvrir à l’inconnu ; vous pouvez apprendre, vous pouvez voir.

Ainsi, avec une certaine simplicité intérieure, et une relative absence de conflit, quand un problème, une peine ou une douleur survient, vous pouvez y faire face. Vous n’êtes pas enlisé ou détruit par elle. C’est donc la première liberté, qui est une liberté relative, sur le plan intellectuel. Maintenant que cela est arrivé, la seule question est de savoir si vous pouvez aller plus profondément dans cette énergie pour qu’elle prenne le contrôle de toute votre vie – tant émotionnellement que physiquement et intellectuellement – à tous les niveaux de votre être. Lorsque vous pouvez vivre dans cette énergie, je dirais qu’il y a une illumination complète ; alors vous n’avez plus de compétition, plus d’envie, de jalousie ou de problèmes venant de l’extérieur. Il y a peut-être encore des défis, mais ils n’offrent jamais une difficulté.

Savoir dans quelle mesure on peut exprimer cette énergie est donc la question de l’illumination. Différents degrés ou étapes entrent en jeu dans l’expression. Une fois que vous pouvez contacter cette énergie absolue, une fois que vous connaissez l’intemporel, c’est l’illumination. Et cela amène une certaine qualité d’humilité, et une certaine liberté. Mais cette énergie doit encore s’exprimer sur le plan mental et physique, ou sur le plan social. Et c’est un processus dans le temps, qui comporte des étapes. On ne peut pas s’attendre à ce que toutes ces étapes soient franchies en un instant. Cela peut arriver dans certains cas ; je ne peux pas l’exclure. Au fur et à mesure que le temps passe, et que nous le traversons, ou si je peux le traverser très rapidement, alors peut-être que je peux aider d’autres personnes à aussi le traverser rapidement. Mais cela prendra quand même un certain temps – plus ou moins long chez différentes personnes.

***

Le 27 mars 1973, j’ai eu ma première crise cardiaque. Et deux jours plus tard, il y a eu une deuxième crise. J’avais vu dans ma propre pratique que c’était quelque chose de grave – une fois qu’une crise cardiaque s’est produite, n’importe quand peut être la fin.

Alors, quand il est devenu clair que cela pouvait être la fin, la pensée m’est venue que je n’avais rien laissé à ma famille. Les enfants étaient encore aux études et ils n’étaient pas financièrement indépendants ; que leur arriverait-il si je mourrais ? Et il n’y avait rien à faire à ce moment-là. Alors, voyant que rien ne pouvait être fait – quoi que ce soit – cette pensée a disparu ; il n’y avait plus de problème à ce sujet. Ensuite, la deuxième pensée était, bon, si vous allez mourir, vous devriez voir ceux qui sont très proches de vous, et leur dire au revoir. J’ai donc eu l’idée d’appeler quelques amis qui m’étaient très proches, mais j’ai ensuite pensé qu’ils ne feraient que pleurer ou être tristes. Cette idée a donc été aussi abandonnée, et il n’y a plus eu de pensée après cela. L’esprit était complètement calme. Et ce fut un moment magnifique – l’esprit était complètement calme, la douleur avait été soulagée par une injection, et il n’y avait plus de pensée, plus de futur ou de passé ; le temps s’était arrêté.

Chaque moment était donc le dernier, et chaque respiration était une nouvelle naissance – c’était une expérience d’être d’instant en instant. Et avec ce sentiment que vous n’avez plus de raison de vivre, et sans lutte, l’esprit est calme ; avec cela, une guérison commença immédiatement à se produire. Et la guérison fut très rapide.

J’ai aussi découvert à ce moment-là que je pouvais parler de n’importe quoi, même si cela ne me concernait pas. Mais si c’était le cas, ça devenait un fardeau qui affectait le cœur. La pensée n’est donc pas un problème ; seul l’ego ou le moi est un problème. Quand la pensée n’est pas liée au moi, la pensée n’est pas un problème. C’était donc une belle expérience ; on apprend alors vraiment ce qu’est la mort et ce qu’est la renaissance, et comment on peut vivre d’un moment à l’autre quand la pensée n’opère pas.

En 1973, le rapport médical était donc très déprimant ; et ce qu’on m’avait appris, c’est qu’une fois qu’on a eu une crise cardiaque, le cœur ne peut jamais être complètement guéri – et la faiblesse reste toujours dans le cœur. À l’époque, les manuels indiquaient que la durée de vie maximale était de dix ans ; après une crise cardiaque, la plupart des gens meurent dans les dix ans. Et si l’on pense toujours à la prochaine crise, qui pourrait être fatale, on demeure constamment effrayé. La question s’est donc posée de savoir comment se libérer de cette défaillance d’un cœur faible et endommagé ; et toute l’intention était de le guérir, et de se libérer de cette idée.

Et maintenant, psychologiquement, il n’y a plus « d’attraction-répulsion ». Des réactions, ou de l’envie, ou de la jalousie, ou ce genre de choses, je n’en ai pas. Et sur le plan physique, tous mes besoins sont satisfaits, en termes de nourriture, d’argent, de vêtements ; et je n’ai aucun désir. Le seul problème est la santé physique, c’est le dernier obstacle. Auparavant, le corps souffrait dans certaines conditions météorologiques, dans la pollution ou dans certaines situations atmosphériques. Et si l’unité existe partout, pourquoi y aurait-il une division entre le corps et ce climat – pourquoi le temps devrait-il avoir un effet négatif sur l’individu ? Mon défi a été de le manifester, et ma venue en Amérique a été, encore et toujours, de relever ce défi, ou d’apprendre à le relever.

Pour moi, c’était donc presque une fin de l’histoire. Auparavant, les gens s’inquiétaient de ma santé ; aujourd’hui, personne ne s’inquiète de ma santé, quel que soit l’état de mon corps. Parce que si ça va aller, ça va aller ; si ça ne va pas aller, ça ne va pas aller. Ce changement s’est donc produit dans la conscience.

***

Q : Vous êtes-vous déjà penchés sur vos vies antérieures ?

Dr : Vous voyez, parfois je regardais mes tendances, et je voyais alors que certaines tendances sont comme un serpent ou un chien ou autre chose. Ainsi, à travers ces tendances, je pouvais presque sentir, sans le savoir en termes de temps ou de lieu, que j’ai été l’univers entier, à différents stades – si je regardais n’importe quoi. J’ai été l’arbre aussi, j’ai été le chien et le chat aussi – mais pas un chien ou un chat en particulier.

Q : Avez-vous jamais eu le sentiment d’avoir été une personne particulière à un moment différent de l’histoire ?

Dr : Cela pourrait aussi être possible. Par exemple, dans ma famille, bien que je sois né dans une famille hindoue, une famille brahmane, je n’ai jamais eu l’esprit étroit. Même si la famille était brahmane, nous avions toujours une vision cosmique. Par exemple, les musulmans étaient nos amis, les chrétiens étaient nos amis, et nous nous sentions unis à eux ; il n’y avait jamais de difficulté parce qu’ils étaient musulmans ou chrétiens et que nous étions brahmanes. Et je ne me sens pas étranger dans une société occidentale ou chrétienne, ou dans une société musulmane ou indienne. Je ressens la même chose partout. Je ne me sens vraiment dans aucune division avec une autre communauté ou une autre caste. De ce fait, psychiquement, je suis plus proche de la psyché occidentale que de la psyché indienne ou brahmane. Je peux donc voir dans le présent qu’il semble y avoir quelque chose en dehors de l’influence de l’environnement.

Mais pour moi, ce n’est pas important ; ce qui est important, c’est d’aller au-delà de cela – que ce soit cette vie-ci, ou les vies passées. Vous voyez, c’est une question d’identification ; la pensée s’est identifiée à certains passés, à certaines situations. La pensée pourrait s’identifier, vous pourriez dire, avec le Brahmane. Mais il n’y a pas de Brahmane. Alors maintenant que la pensée a pris fin, il est très difficile d’investiguer dans les vies antérieures – parce qu’il n’y a plus de passé. Il n’y a plus que des souvenirs que l’on garde.

La naissance ou la renaissance n’est donc qu’un certain incident, une certaine manifestation. Mais vous serez introduit à toutes les tendances inhérentes. Vous pouvez le voir dès maintenant ; vous n’avez pas besoin d’aller dans les vies antérieures pour cela, parce que vous êtes un produit du passé. Donc, aujourd’hui, si vous commencez à vous regarder, vous serez introduit à l’ensemble de votre passé, et vous pourrez le parcourir.

Vous voyez, mon sentiment est que lorsque vous vous ouvrez à cette énergie absolue, vous traversez en fait toute la barrière psychologique, le monde psychique. Le monde psychique s’effondre presque ; vous le rejetez. Et à travers cela, vous le dépassez, et vous touchez l’absolu.

Lorsque je passe en revue tous mes souvenirs passés – toutes mes habitudes, mes conditionnements et mes complexes – je passe à travers cela, en revue toutes mes vies passées, l’ensemble de mon passé ainsi que le passé racial. Et en traversant cela, en comprenant cela, j’en suis libre. Donc, quand vous pouvez passer à travers cela, votre esprit est purifié.

Et en regardant, vous serez introduit à certains désirs ou à la nostalgie du pouvoir, de la position – tout cela fait partie de cette mémoire. Il se peut que l’on ait encore besoin de pouvoir ; pour fonctionner efficacement dans la vie, pour être en bonne santé, pour faire le travail que l’on fait, ce pouvoir est nécessaire. Mais pas le pouvoir de dominer quelqu’un d’autre, pour être supérieur à quelqu’un, pour montrer ou prétendre, pour avoir une position. Ainsi, lorsque la recherche du pouvoir est finie, l’esprit est pur. Et quand le corps est libéré de l’excès et de la maladie, le corps est dans un état de pureté. Le corps et l’esprit doivent donc atteindre un état de pureté avant que l’énergie, le cosmique, ne puisse se manifester. Et chacun d’entre nous doit faire ce travail – passer à travers son passé par l’observation de soi, et prendre soin de son corps et de sa vie sur les plans moral, mental et social. C’est par là que vient la purification.

Donc, d’un point de vue absolu, explorer le psychique, ou le monde des phénomènes, ce n’est pas pour trouver Dieu ou quoi que ce soit, mais juste pour trouver l’expression de la totalité de votre esprit ; pour voir toutes les capacités, l’épanouissement de l’esprit – ce qu’est le plein potentiel de l’esprit humain.

Mais maintenant je vois aussi qu’en passant par toute cette méditation, et en étant dans cette énergie, certaines zones du cerveau continuent à s’ouvrir d’elles-mêmes ; certaines choses commencent à se produire. Je n’ai donc rien fait de particulier, mais certaines choses s’ouvrent – comment utiliser certaines énergies pour guérir, ou transférer cette énergie à quelqu’un d’autre ; guérir la conscience ou guérir le corps.

On pourrait donc essayer d’initier ces choses par certaines techniques, mais il est également possible que toutes ces facultés s’ouvrent d’elles-mêmes progressivement. Mais je ne serais pas intéressé par l’ouverture prématurée de ces facultés chez des personnes qui ne sont pas allées au-delà de la recherche du pouvoir. S’il y a une recherche de pouvoir ou de position, le danger est que ces énergies deviennent destructrices.

Vous savez, une fois que vous avez découvert la création, vous pouvez créer. Et si vous regardez en arrière, vous verrez que nous avons tous créé nos circonstances.

Q : Dans un certain but ?

Dr : Il doit y avoir un but. Maintenant, avec le recul, vous pouvez voir le but, après réflexion ; mais à ce moment-là, on peut ne pas connaître le but. On ne fait qu’exprimer une certaine énergie.

Donc, sans avoir vécu autant d’expériences différentes, beaucoup de choses n’auraient pas été apportées à mon caractère. Les circonstances de ma naissance et de ma formation ont fait mûrir en moi une certaine essence. Chacun de nous choisit ses propres expériences – c’est ce que nous appelons le karma. Et je ne pense pas que ce karma soit une punition, car nous le choisissons pour notre propre croissance. C’est nécessaire, sans cela il n’y aura pas de maturité.

Et chacun d’entre nous le fait. Jusqu’à présent, nous l’avons fait de manière inconsciente. Mais maintenant que vous comprenez le mécanisme, vous pouvez le faire consciemment – ou du moins éviter consciemment ce que vous pensez être indésirable. Mais quand nous ne comprenons pas cela, nous blâmons le monde, les étoiles et tous les autres. Et je pense que nous créons tous une forme ou une autre. Nous sommes une création de nos parents ; mais au-delà d’un certain point, nous prenons l’héritage – quoi qui nous a été donné – et nous lui apportons nos propres ramifications. Et c’est ainsi que nous avons créé cet univers, très inconsciemment, à partir de différents endroits. C’est ainsi que notre rencontre n’est pas exceptionnelle. Toute personne – même l’homme le plus ordinaire – crée son propre caractère à travers ses énergies et ses idées dispersées. Mais chaque fois qu’il y a un but ou une volonté créée à l’intérieur, une certaine volonté, elle commence à se manifester vers cela ; une certaine énergie commence à se manifester.

Nous sommes donc tous cocréateurs dans cet univers. Et si nous pouvions tous nous entendre, alors nous pourrions créer quelque chose de beau ; nous n’avons pas à créer quelque chose de violent et de destructeur.

Et maintenant, un autre problème se pose ; j’en arrive à un point où je sais que toute cette réalité est créée par l’homme, et que toute cette réalité universelle est également créée par un esprit cosmique ou un esprit collectif. Il s’agit donc maintenant de créer, par l’imagination ou la pensée. Désormais, je peux donc maintenant changer ma situation, la créer. Mais il n’y a plus guère d’intérêt à cela, parce que lorsque vous pouvez créer quelque chose, quel intérêt y a t-il à la création ? j’en suis arrivé à un point où je ne sais plus ce qui est spontané et ce qui est réel ; ce qui est spontané et ce qui est imaginaire, ou dicté par la pensée. La vie évolue donc dans une dimension qui est indescriptible. On essaie maintenant d’exprimer, ou d’être dans l’expression de cette unité de vie.

Quand je commence à parler de l’histoire de la vie, je la vois de façon très différente de ce que je voyais avant 1967. Les plaisirs et les peines, les pressions et les difficultés de cette époque semblent maintenant n’être que des rêves ; il semble qu’ils ne se soient pas produits. Mais à cette époque, ils semblaient très réels.

Dans ma vie, il y a peut-être eu quelque chose d’unique ou de spécial dès le début. Mais très tôt, j’ai appris à être un homme ordinaire et à traverser tout ce que l’homme ordinaire traverse ; et je n’ai jamais choisi pour moi quelque chose en dehors du cycle commun. En essayant de trouver une voie, la voie ne doit pas être une voie spéciale propre au Dr Kaushik ou à un individu quelconque ; elle doit être une voie commune à l’humanité. Je n’ai donc pas profité de mes capacités, de mes aptitudes. Et de la même manière, je n’ai pas pris de décisions dans ma vie qui pourraient être basées sur certains avantages ou certaines capacités. Cela doit se produire comme un appel naturel de la vie. Si je n’étais pas convaincu que c’était la vérité et la seule bonne chose à faire, je ne l’aurai pas fait.

C’est ainsi qu’en 1967, j’ai compris mes capacités et j’ai acquis une certaine connaissance ou compréhension que je peux partager avec les autres. J’avais donc le choix de quitter ma maison, et la capacité d’aller vendre cette idée, ou de vendre de la spiritualité, et de bien gagner ma vie, peut-être même de vivre dans des circonstances luxueuses – cette possibilité était là. Mais je n’ai pas choisi cela, pour la simple raison que maintenant ma vie s’applique à chaque homme, et que chaque homme n’a peut-être pas cette capacité. Et pour tout homme du commun qui est confronté à une situation familiale malheureuse et à un travail ennuyeux, alors quelle est sa réponse, quelle est sa solution ? Pour moi, la solution devait donc se situer dans le cadre de l’existence de l’homme du commun. C’est donc ce que j’ai vécu. Donc, quand j’ai vécu cela pendant six ans, j’ai pu dire : « écoutez, tout le monde peut vivre de cette façon, parce que je l’ai vécu ».

Par exemple, lorsque j’exerçais à Sonepat, le propriétaire a déposé une demande d’expulsion, et il devenait de plus en plus avide d’un loyer de plus en plus élevé ; et il augmentait le loyer du double ou du triple, hors de toute proportion, et je ne pouvais pas me le permettre. Il a alors déposé une demande d’expulsion sous de faux prétextes. Maintenant, un de mes amis qui était de nature sainte est venu me voir et m’a dit : « Regarde, tu es un dévot de Dieu, tu es un homme religieux ; si tu pries Dieu, Dieu. te donnera soit une nouvelle maison, soit beaucoup d’argent pour acheter une nouvelle maison. Pourquoi devrais-tu engager un litige ? » Et j’ai réalisé que tous mes besoins étaient satisfaits par la vie, par la nature ; et que si je sentais le besoin que Dieu me donne une maison ou de l’argent pour le loyer, cela viendrait. Mais je n’ai pas fait cela, et la raison en était que tout homme du commun n’a peut-être pas la foi en Dieu. Faut-il donc avoir foi en Dieu pour résoudre son problème ? Tant de propriétaires donnent aux locataires cet avis d’expulsion, et tout le monde n’a pas ma foi en Dieu. Alors comment peuvent-ils résoudre leur problème ? J’ai dit : même si vous n’avez pas la foi, comment pouvez-vous résoudre le problème ? Je n’ai donc pas utilisé l’instrument de la foi ou le pouvoir de la foi pour résoudre mes problèmes. Je suis passé par l’expérience commune. Et quand je passe par cela, je sais que n’importe qui peut y faire face. Ce litige à duré deux ou trois ans. Et, pour moi, l’aide est aussi venue de cette façon ; la nature m’a aidé. L’avocat était mon ami, il ne me faisait rien payer, les choses s’arrangaient bien. J’ai donc démontré que même un homme sans foi peut faire face aux défis de la vie – quand il commence à se retrouver dans un état sans choix. C’est le choix qui pose problème ; quand il n’y a pas de choix, il n’y a pas de problème.

Q : Donc, vous apprenez ou construisez votre foi par votre propre expérience.

Dr : Oui – non pas que vous croyiez aux paroles de quelqu’un. Car si je résous mon problème par la foi, je ne sais pas si le problème peut être résolu d’une autre manière.

Donc, comme je suis allé à travers la vie, j’ai pris de la drogue, j’ai pris de l’alcool, j’ai eu des rapports sexuels, j’ai été mariée, j’ai vécu toutes les choses qu’il pouvait y avoir dans la vie – les hauts et les bas de la vie, de la politique, de la profession, des affaires – j’ai traversé tout cela. Et après cela, je peux encore dire que tout le monde peut s’en sortir. Mais si je ne l’avais pas vécu, je ne pourrais pas dire que l’on peut aller au-delà de cette vie mondaine.

Alors mon histoire est celle d’un homme ordinaire, rien de spécial ; et si jamais j’avais quelque chose de spécial, je l’ai abandonné. Vivre comme un homme ordinaire, et découvrir que c’est la voie de l’homme ordinaire – voilà mon histoire. Toute la vie est comme ça.

Je ne sais donc pas si, dans notre expérience, quelque chose se développe ou si quelque chose existe déjà. D’une part, j’ai l’impression qu’aucun changement n’a eu lieu dans ma vie, qu’il y a une essence immuable quelque part en moi ; et pourtant des changements se sont produits à l’extérieur, à la périphérie. Et quel est ce Je qui change, et quel est ce Je qui est ce Je qui ne change pas ? Il est difficile de le dire.

Q : Sont-ils même séparés ?

Dr : Je ne sais pas. Ils pourraient être séparés ou ne pas l’être. Mais il faudrait bien qu’il y ait une union quelque part, sinon il y aurait une dichotomie. Vous devez vivre dans deux mondes – un monde absolu et un monde de relativité – qui sont séparés l’un de l’autre.

Q : Vous dites donc que ce Je changeant est le reflet de…

Dr : … de ce Je essentiel, parce que sans ce Je essentiel, ce Je changeant devient tellement insignifiant. Il ne comprend rien, il devient un mouvement si mécanique. Donc le Je changeant n’a sa place que dans la compréhension ; et le seul lien est l’intelligence. Sans cette intelligence, le Je changeant tombe dans la recherche de pouvoir, devient domination et violence. Mais quand ce Je changeant est le reflet du Je éternel ou du Je immuable, il ne devient pas fou. Il faut donc découvrir cet état immuable avant que la réalité changeante n’ait un sens.

Après 67, j’apprenais encore sur ma relation à la société. J’ai rencontré des gens d’horizons différents, avec des conditionnements différents, et j’ai dû apprendre encore et encore à établir des relations avec eux. Ainsi, en moi-même, j’étais peut-être parfait, mais dans mes relations avec les autres, j’ai trouvé mon imperfection. C’est cette imperfection qui m’a fait apprendre. Le défi consiste donc à découvrir la relation entre ces deux niveaux d’existence.

Q : Dans le passé, les gens ont appelé ces deux niveaux le moi supérieur et le moi inférieur.

Dr : Disons trois niveaux – l’individuel, l’universel et le supra-cosmique. Le supra-cosmique, nous ne pouvons pas le décrire, nous ne pouvons pas le connaître, nous ne pouvons qu’être en contact avec lui. C’est l’énergie primordiale d’où même le cosmique est issu. Le cosmique est l’universel, dans lequel vous, moi, tout n’est qu’un seul esprit ; vous pouvez l’appeler âme, atman, le soi. À ce niveau, nous ne faisons qu’un – le conditionnement extérieur et les attributs extérieurs disparaissent, ce qui est l’empreinte de la mémoire à travers laquelle l’esprit a grandi ou a accumulé. Et peut-être que le corps ne peut pas être libre de ces mémoires. Mais il n’est concerné que par la mémoire factuelle, et l’esprit est maintenant libre de la mémoire personnelle et psychologique. Les souvenirs sont là, mais il n’y a plus d’identification avec eux.

Q : Quand on regarde sa vie, qu’il s’agisse de souvenirs, de conditionnements ou autres, il semble que chaque personne exprime une certaine qualité ou énergie. C’est tout simplement ainsi ; non pas comme une condition imposée, mais comme une qualité réelle. Quel est ce niveau ?

Dr : C’est la véritable essence individuelle, qui est libre de tout conditionnement.

Q : Et comment est-ce relié au niveau cosmique ?

Dr : Vous voyez, c’est le lien à découvrir – comment le cosmique projette de nombreuses émanations pour sa propre manifestation.

Q : Et au-dessus de cela, vous dites qu’il y a un troisième niveau…

Dr : Au-dessus, c’est indescriptible – vous ne le connaissez pas. Le supracosmique est l’énergie de base à partir de laquelle le cosmique ainsi que l’individu se sont manifestés. Cette énergie utilise le cosmique pour s’exprimer, et elle reste toujours libre de toute expression. C’est donc le pont à découvrir – entre le cosmique et le supracosmique.

Q : Qu’est-ce qu’exprime cette énergie cosmique ?

Dr : Le cosmique exprime l’amour, l’affection, l’unité – entre les différents êtres humains. Lorsque cet amour ou cette affection s’exprime, cela signifie que le cosmique a commencé à se manifester. Avant que l’amour ou l’affection ne s’exprime, la pensée s’exprime – par la violence, l’antagonisme et le conflit.

Q : Mais cette énergie, la plus élevée, le supracosmique…

Dr : … est inconnaissable, est au-delà de toute description ; vous ne pouvez pas l’appeler ceci ou cela. Elle est la source de tout – même la pensée en est sortie, et qui est toujours en conflit. Mais dans cette énergie, tous les conflits sont réconciliés.

Cette énergie, qui est l’énergie absolue, peut toucher les personnes malades, en mauvaise santé, les pécheurs, les voleurs, les ivrognes, n’importe qui. Elle peut toucher n’importe qui dans de brefs moments, mais elle ne se stabilise pas. L’énergie cosmique peut aussi toucher, mais elle ne se stabilise pas. Pour cette stabilisation, vous aurez besoin d’un certain soin et d’une préparation du corps et de l’esprit, de l’instrument.

Q : Et quand vous mourrez, avez-vous un sentiment de ce que cette étape représenterait en termes de votre Je immuable ? Vous sentez-vous lié à la terre, dans le sens où vous voulez aider le monde ?

Dr : Cela ne dépend pas de moi. Même maintenant, quand je viens en Amérique – si les gens ne veulent pas que je vienne, je ne suis pas intéressé à venir. Je n’ai pas le sentiment que je dois aller voyager pour changer le monde. Si le monde a besoin de moi, je suis là ; si le monde n’a pas besoin de moi, je suis très heureux d’être seul. Alors même ce désir que je devrais partir en croisade et changer le monde n’est pas là. Les gens d’ici peuvent ressentir un certain besoin, s’ils m’invitent, je viens ; s’ils ne m’invitent pas, je ne viens pas.

Ainsi, de la même manière, après la mort de la forme physique, je ne sais pas quelle forme elle prendra. Mais supposons que cette forme n’arrive pas à son achèvement, et le physique meurt ; le Je immuable reste inaffecté. Le Je immuable, peut perfectionner un autre corps, parce que pour moi, c’est la direction de l’humanité – la perfection du corps et sa libération de la maladie et de la mort. Ainsi, après la mort du corps, si mes disciples et les personnes qui m’entourent pensent que je suis nécessaire, je suis là. Je vivrai à travers chacun d’eux.

Q : Vivre à travers eux consciemment, ou dans le sens où s’ils avaient besoin de vous, votre conscience serait disponible ?

Dr : Vous voyez, même maintenant, je n’ai pas l’impression de vivre dans un endroit particulier. Je pense que je vis partout. Donc, que quelqu’un me cherche consciemment ou inconsciemment ne fait aucune différence. Cette énergie est partout ; lorsque vous êtes lié à cette conscience cosmique, vous êtes partout. La seule chose est de se connecter.

Q : Quand quelqu’un est dans le besoin et vous connaît personnellement, il va puiser cette énergie à travers vous en ce sens que, pour lui, vous en êtes le symbole ?

Dr : Oui, mais je ne le saurai, peut-être, même pas.

Q : Et si quelqu’un qui ne vous a jamais rencontré est dans le besoin, dans ce cas, il attire aussi l’énergie vers lui, juste par le besoin.

Dr : Parce que cette énergie ne se manifeste pas seulement à travers moi – elle se manifeste sous de nombreuses formes. Ainsi, quelle que soit la forme intelligible pour quelqu’un, il attire l’énergie à travers cette forme. Je ne dirais pas que cette énergie n’est confinée qu’en moi, et que les gens n’ont qu’à se tourner vers moi pour obtenir cette énergie. Ils peuvent contacter l’énergie sous différentes formes, de différentes manières.

Et je ne conseille à personne de penser à moi, ou à ma forme, parce que je ne veux pas que les gens deviennent prisonniers de ma forme. Pour moi, cette forme est une chose accessoire, elle n’est pas une chose absolue dans toute l’évolution de l’humanité. Je ne veux donc pas que les gens soient liés à quelque chose de transitoire. Je conseille seulement aux gens de penser à moi s’ils ne peuvent pas contacter l’énergie autrement. Mais s’ils le peuvent, qu’ils le fassent sans ma forme ; je ne veux pas être un intermédiaire. Je ne veux pas que quelqu’un soit esclave de ma forme. Je me suis efforcé de dire aux gens de ne pas penser à être proches de moi, ou à vouloir toujours être proches de moi, mais seulement de penser à moi comme cette énergie… Et cette énergie est la même partout.

Parce que si je dis que c’est ma forme, et que c’est à cause de ma forme que vous ressentez cette énergie, ou que vous pensez à ma forme et que l’énergie vous aidera, cela signifie que le monde entier doit suivre ma forme : et une nouvelle religion ou église doit être constituée, et que je vais être un nouveau messie, et alors seulement il y a un salut pour l’humanité. On ne peut pas faire en sorte que les gens se mettent d’accord sur une forme unique, c’est une chose simple. Donc, si l’humanité doit être aidée, doit se rassembler et coopérer, aucune forme ne doit être sacro-sainte. Ma forme ne doit pas faire obstacle à l’unité.

Q : Si vous êtes arrivé à la connexion avec cette énergie juste à l’intérieur de vous-même, alors vous montrez qu’il est possible pour n’importe qui de le faire. Mais dire à quelqu’un de méditer sur vous est quelque chose que vous n’avez jamais fait.

Dr : Alors ce n’est plus une voie de l’homme ordinaire – cela devient une voie de l’homme spécial. On doit choisir une personne particulière, une religion particulière ; et alors ce n’est pas différent du christianisme ou du bouddhisme ou de toute autre religion organisée. Et cela n’a rien à voir avec l’énergie, car la vérité se manifeste partout. Les gens devront s’ouvrir intérieurement ; la vérité est emprisonnée dans chaque cœur. Ce n’est pas moi.

Celui d’entre vous qui remettra en question sa propre vie trouvera le chemin. Et une fois que vous serez en route, l’aide viendra d’une source ou d’une autre.

Donc, je ne peux dire qu’une seule chose. Moi-même, je n’ai pas eu d’enseignant officiel. Mais quelle que soit la voie qui s’offrait à moi, je l’ai expérimentée, et quand elle n’a pas fonctionné, elle est tombée et l’étape suivante s’est ouverte. Chaque fois que j’ai vécu une nouvelle expérience, j’ai cru avoir trouvé la vérité, mais quand j’ai pris la route et le virage suivant, j’ai réalisé que c’était la vérité, et que ce que je pensais être la vérité ne l’était pas.

Je ne veux donc pas prêcher à qui que ce soit ce que je pense être vrai, parce que, pour moi, ce n’est peut-être pas la vérité. Quelque chose est vrai pour vous quand vous le découvrez. C’est faux quand c’est dit par un autre. Parce que l’expérience d’un autre ne peut pas être votre propre expérience. Elle devient une vérité de seconde main, et la vérité de seconde main n’a pas de sens.

Donc quand je parle de mes expériences, cela peut créer un conflit dans votre esprit. Si ça vous plaît, vous pouvez essayer d’imiter ou de réaliser. Mais si vous commencez à imiter dans le sens de « c’est le moyen d’être éveillé » ou « c’est la façon dont vous devez être », vous adoptez la forme et non le contenu, non pas l’esprit de cela mais la forme. Cela ne fera que créer un conflit entre ce que vous êtes et ce que vous voulez être.

Voyez-vous, j’en suis arrivé à une certaine compréhension dans ma vie. Et si j’en suis arrivé là, tout le monde peut y arriver. Mais cela ne vient pas par imitation, cela s’épanouit tout seul, quand on commence à regarder à l’intérieur. Donc tout ce que je peux dire, c’est : vivez ce que vous vivez, vivez-le totalement et complètement. Et si cela vous donne un bonheur et une satisfaction complets, continuez à le vivre. Mais si cela ne vous donne pas un bonheur total, alors découvrez pourquoi. Au-delà de cela, je ne connais aucun autre moyen.