Krishnamurti
Dialogue entre tradition et révolution — Conflit et conscience

Traduction libre d’un dialogue du livre Tradition et Révolution non publié dans l’édition française. Madras 5 janvier 1971 A : Lorsque vous dites que la mémoire est la fonction des cellules du cerveau, les cellules du cerveau, en tant que source d’intelligence, ont-elles un rôle valable à jouer dans leur propre réduction au silence ? Krishnamurti : Nous parlions hier de […]

Traduction libre d’un dialogue du livre Tradition et Révolution non publié dans l’édition française.

Madras 5 janvier 1971

A : Lorsque vous dites que la mémoire est la fonction des cellules du cerveau, les cellules du cerveau, en tant que source d’intelligence, ont-elles un rôle valable à jouer dans leur propre réduction au silence ?

Krishnamurti : Nous parlions hier de la raison pour laquelle la connaissance a été rendue importante comme moyen d’illumination. Apparemment, tous les maîtres religieux ont insisté sur le savoir, non seulement en Orient mais aussi en Occident. Et comme la tradition est si forte dans ce pays, il est vraiment nécessaire de découvrir quel rôle joue toute cette pensée systématisée dans l’atteinte de l’illumination. Quel rôle joue le conditionnement environnemental dans l’illumination ? Comment la culture, le conditionnement par la culture, prennent-ils naissances ? Vous devez couvrir l’ensemble du champ. Prenez une perspective traditionnelle comme celle de Nagarjuna ou de Sankara. Approchez-le à partir de là.

A : Les traditionalistes disent que toute action, toute activité, découle de causes, et que ces causes sont connues.

Krishnamurti : Vous faites une déclaration incorrecte. Vous allez de la cause à l’effet. Cela n’existe pas.

A : Cela commence par ce sutra : « Toutes ces manifestations de comportement, c’est le Bouddha qui vous a donné la source de toutes ces manifestations. Si vous connaissez la cause, vous pouvez éliminer la cause ». Telle est la déclaration du Bouddha. En comprenant la cause, vous vous en débarrassez et il nous a donné la cause. Toute pensée manifestée, tout comportement, se situe dans le champ de cause-effet.

Krishnamurti : Je mets ce point en doute. Nous voyons aussi que ce qui était la cause devient l’effet et que l’effet devient la cause. Il n’y a pas de cause fixe, il n’y a pas d’effet fixe. S’il y a une cause fixe, tout est fixe. Alors il n’y a pas d’explication, d’enquête, de mouvement possibles. Le gland produira un chêne. Avec ce principe, nous pensons que le karma fonctionne. Maintenant, y a-t-il un point fixe ou un mouvement constant que l’esprit et le cerveau sont incapables de suivre, de vivre ? Alors l’esprit dit qu’il y a une cause et un effet et il est maintenu dans ce schéma.

A : La cause et l’effet existent-ils ? S’il y a une chaîne de cause à effet, à n’importe quel point vous pouvez la tenir. Au point de la cause où l’effet devient la cause, c’est la clé de tout cela.

Krishnamurti : Qui doit le tenir ?

A : Lorsque l’effet devient la cause, c’est le point.

Krishnamurti : Vous m’avez insulté hier, c’est la cause. L’insulte peut avoir été le résultat de l’insulte que je vous ai faite précédemment, et en réagissant à nouveau, il y a une série d’actions, de modifications qui se déroulent en permanence.

Vous m’insultez ; à ce moment-là, si je suis totalement conscient, si l’esprit est totalement conscient, il n’y a pas du tout de cause effet. Vous m’insultez. La réponse à cette insulte vient du vieux cerveau qui s’est divisé, qui a fonctionné selon un schéma. Au moment de l’insulte, pour que le vieux cerveau ne réponde pas il faut une attention totale. Dans ce moment d’attention, il n’y a pas de cause effet.

A : S’il n’y a pas d’attention, cela devient la cause d’une autre chaîne. Par conséquent, là où un effet germe dans une nouvelle cause, c’est là que vient l’action qui est différente.

Krishnamurti : Je ne le pense pas. Je vous insulte. C’est peut-être le résultat de ma négligence inconsciente à votre égard. Cela vous a blessé et vous voulez me blesser. La cause est que je ne vous ai pas salué, et la cause est que je me suis intéressé aux oiseaux, au mouvement de leurs ailes. Je suis un artiste. Je veux regarder un oiseau dans tous ses mouvements. Où est la cause et où est l’effet ? Je vois un mouvement de feuilles dans la brise, et je ne vous salue pas. Vous êtes un vieil ami et vous êtes insulté.

J : La cause est en soi.

Krishnamurti : L’observation du mouvement n’est pas en soi.

J : L’insulte naît en moi, pas en vous.

Krishnamurti : J’ai involontairement donné une cause pour vous insulter.

J : Ce qui me fait sentir insulter est en moi. La cause et l’effet sont en moi.

Krishnamurti : Vous dites que, bien que je ne vous aie pas salué, le fait même de cette insulte est né en vous, et qu’il ne vous a pas été donné. Je n’en suis pas du tout sûr.

A : J’ai de l’affection pour vous et je vous vois regarder l’oiseau, je comprends, mais si je n’ai pas d’affection, alors je vous en voudrai. Donc, la causalité est toujours intérieure.

Krishnamurti : Je vois très clairement ce que vous dites.

A : Ce n’est pas toujours une relation individuelle. Au lieu de dire que cette cause surgit avec cette personne, la loi générale est la suivante : « Ainsi, toute la chose surgit avec une matrice de non-savoir — avidya. Vous arrivez au point focal du « je ». Dans avidya se trouve samskara, tout ce que l’homme a fait. De cela vient la conscience, de la conscience vient l’appellation. Cela conduit au corps et aux six sens : alors vous voyez. »

La cause est utilisée dans un sens large et cosmique. Mais vous commencez au point « je vois » et commencez seulement à partir de là.

J : Sankara dit que vous ne pouvez pas dire comment l’ignorance a commencé et il a nié la causalité. On peut mettre fin à la relation cause effet. Avant d’aller plus loin, il faut épuiser l’intellect.

Krishnamurti : Cela fait-il partie du Zen ?

A : Non, Monsieur, ce n’est pas le cas. L’éveil de l’intelligence n’est pas sui generis.

J : Vous ne pouvez pas contourner l’intellect. Nous ne savons pas comment le processus a commencé, mais nous pouvons y mettre fin.

Krishnamurti : De la graine, des cellules multiples, jusqu’à l’apparition de l’homme. À partir d’une cellule unitaire, ça se déplace.

A : Le biologiste ne va pas au-delà de la manifestation. Le supposer est une erreur.

Krishnamurti : Il y a l’ignorance et il y a toujours la perception, la sensation.

A : Samskara est ce qui est assemblé.

Krishnamurti : Mis ensemble dans le temps, ce qui signifie évolution.

A : Vous arrivez alors au point suivant, vijnana, qui est la conscience.

Krishnamurti : La conscience est-elle différente de samskara ? Ce qui a été assemblé est la conscience.

A : Monsieur, c’est la matrice. À l’intérieur de celle-ci vient votre conscience, ma conscience.

Krishnamurti : Découvrons-le.

A : La matrice est commune à tous.

Krishnamurti : Samskara, dites-vous, signifie mettre ensemble.

A : Littéralement, cela signifie « tendances ».

Krishnamurti : Je demande ce qu’est la conscience. La conscience est faite de contenu. Sans le contenu, y a-t-il une conscience du tout ? Le contenu de la conscience est la conscience. Le contenu est en cours depuis des siècles.

A : Le contenu est-il un tout ou un segment ?

Krishnamurti : Je vois que tous mes conditionnements font la conscience.

A : L’homme existe depuis de très nombreuses années. Avant que sa conscience n’apparaisse, la matrice était déjà là.

Krishnamurti : La pensée a commencé avec la cellule unitaire. L’homme vit depuis plus de trente-cinq mille ans ; durant cette période, il a accumulé toutes sortes d’expériences. Tout cela est la conscience.

A : C’est de là qu’est née la conscience.

Krishnamurti : Je ne sépare pas les deux. Il n’y a pas de séparation des deux. S’il n’y a pas de contenu, il n’y a pas de conscience. Dans la conscience, il y a de nombreux fragments, et ce n’est pas un contenu solide. Il y a différents niveaux, activités, attitudes, caractéristiques ; tout cela constitue la conscience totale. Une partie de cette conscience totale, un fragment de celle-ci prend de l’importance. Il dit alors « Je suis la conscience » ou « Je ne suis pas la conscience », « Je suis ceci », « Je ne suis pas cela ».

A : Vous avez fait une distinction entre la conscience qui a différents niveaux et le moment où elle dit « je suis différente ». À ce moment-là, elle devient différente.

R : « Je » et le « non je », la division est là.

A : Alors il y a une différence entre la matrice et le soi.

Krishnamurti : Écoutez, le contenu de la conscience est la conscience. Sans le contenu, il n’y a pas de conscience. Le contenu est constitué de diverses divisions — ma famille, votre famille, et tout cela ; elle est constituée de fragmentations. Un des fragments prend de l’importance sur tous les autres fragments.

R : La façon classique de le dire est que le reflet s’imagine être le prototype.

A : Dès qu’il y a concentration, l’individualisation commence.

Krishnamurti : Faites attention. Ceci est très important. Lorsque vous utilisez le mot « individu », cela signifie indivisible, en soi, sans fragment. Ainsi, un fragment s’arroge l’autorité, le pouvoir de critiquer, la censure — tout cela à l’intérieur de la zone que nous appelons conscience.

A : Dans le cas de la conscience en tant que le non identifié, que se passe-t-il ?

Krishnamurti : Je ne sais rien de l’identification.

A : Au moment où l’identification commence, la signification est que je m’identifie à la partie. C’est le point de séparation.

Krishnamurti : N’affirmez rien. Le contenu de la conscience est la conscience. Quand il n’y a pas de contenu, il n’y a pas de conscience. Dans ce contenu se trouvent d’énormes facteurs de conflit, de fragmentation. Un fragment s’arroge l’autorité, un fragment ne s’identifie pas aux autres fragments. Il se sent en insécurité — il y a de si grands conflits. Il ne s’identifie à aucun fragment, il ne le fait que lorsqu’il dit « J’aime ceci, je n’aime pas cela ».

R : Quel est-ce « je » ?

A : C’est mon propre passé.

J : « Je » est le fragment.

A : Le Bouddha a dit que c’est la totalité de toutes les impressions, le complexe d’impressions, qui s’est créé une identité pour lui-même mais qui n’a pas de véritable identité.

R : La conscience existe et sa diversité est immense.

Krishnamurti : Il y a de nombreux fragments. Comment se fait-il qu’un fragment devienne important, et que l’importance continue ensuite ? (Pause).

Je vois quelque chose. Il y a tout le champ de la fragmentation, qui est la conscience. Quand le « je » prend-il naissance ?

A : N’est-il pas implicite dans le champ de la conscience lui-même ? Le « je » qui en sort est latent en lui.

Krishnamurti : Il y a tous ces fragments. Pourquoi l’esprit ne les laisse-t-il pas tranquilles ? Je vois que ma conscience est constituée de divers fragments. Pourquoi ne les laisse-t-il pas tranquilles ? Que se passe-t-il ?

A : Identification.

Krishnamurti : Il y a fragmentation, contradiction, il y a conflit. C’est tout ce qui se passe. Le conflit a lieu. Au sein de ce conflit se trouve le désir de mettre fin au conflit.

A : Lorsqu’il y a un conflit, si je ne suis pas identifié, il ne m’affecte pas. À ce moment-là, cela ne devient pas un conflit.

Krishnamurti : Il n’y a que conflit, opposition, contradiction dans la conscience. Il y a ce champ de conscience que nous avons décrit. Là où il y a opposition, contradiction, c’est le champ du conflit. Il peut y avoir des fragments. Chaque fragment étant fragmentaire produira du conflit, de la douleur, du plaisir, du chagrin, de l’agonie, du désespoir.

C’est le champ. Alors qu’est-ce qui se passe ?

A : Je veux en finir.

Krishnamurti : Ici, toute cette structure de la conscience est un champ de bataille.

A : Pourquoi dites-vous cela ? La conscience est pleine d’irréconciliables. À partir du moment où j’utilise le mot « conflit », je me suis identifié.

Krishnamurti : Ce champ de conscience divisé est la source du conflit — l’Inde et le Pakistan. Je suis un hindou et vous êtes un musulman. Le fait est que la division entraîne inévitablement un conflit.

A : C’est ainsi jusqu’à ce qu’on en vienne à donner un nom ; le nom change la qualité.

Krishnamurti : Regardez le champ de conflit. Il y a division. Là où il y a division, il y a inévitablement conflit — ma famille, votre famille, mon Dieu, votre Dieu.

A : Est-ce que chaque fragment divisé devient conscient ?

Krishnamurti : Je vois le fait que là où il y a division, il doit y avoir conflit. Dans cette conscience où il y a tant de fragments, il doit y avoir un conflit. Dans le monde phénoménal, il est hindou et je suis musulman, et cela engendre la guerre et la haine. C’est un phénomène simple et direct. Nous parlons tous d’unité et continuons à nous diviser.

Voyez, Monsieur, ce qui se passe. Dans ce domaine, il y a conflit, contradiction, fragmentation, division ; quand le conflit devient aigu, alors vient le « moi » et le « vous ». Sinon, je laisse tomber. Je me laisse flotter dans ce conflit, mais dès que le conflit devient aigu — il y a la guerre, la guerre hindou-musulman, alors je suis un hindou et vous êtes un musulman ; l’identification se fait avec quelque chose que je pense être plus grand — avec Dieu, la nation, l’idée.

Tant que le conflit est léger, je laisse faire. Ce que je veux dire, c’est que tant qu’il n’y a pas de conflit, il n’y a pas de « je ».

Il n’y a pas de « je » s’il n’y a pas de conflit. Nous disons donc que le conflit est la mesure du « je ». Il n’y avait pas de conflit hier, il y a un conflit aujourd’hui, et j’espère qu’il n’y aura pas de conflit demain. Ce mouvement est le « je ». C’est l’essence du « je ».

A : Il y a beaucoup d’autres facettes.

Krishnamurti : L’arbre est-il différent des branches ? Il peut avoir mille branches. La structure de la conscience est basée sur ce conflit. Nous ne discutons pas de la façon de mettre fin au conflit.

R : La vision traditionnelle est que la division est le « je » et que la séparation du conflit est aussi le « je ».

A : Tant que le conflit n’est pas observé, est caché, « je » n’existe pas.

R : Est-ce que tout commence là ou est-ce que l’émergence du « je » va plus loin ?

Krishnamurti : Y a-t-il un soi, le « je », qui doit être étudié, ou le « je » est-il un mouvement ?

A : Vous dites que le « je » commence comme un mouvement dans la conscience.

Krishnamurti : Non. Il y a la supposition que le « moi » est statique. Est-ce le cas ? Le « je » est-il quelque chose que l’on doit apprendre ? Ou bien le « je » est-il un mouvement ? Est-ce que j’apprends sur quelque chose ou est-ce que j’apprends en mouvement ? La première hypothèse est inexistante. Elle est fallacieuse, elle est une invention.

Le fait central est donc la division. Elle est la source de tout conflit. Ce conflit peut prendre différentes formes, différents niveaux, mais c’est le même. Le conflit peut être agréable, je peux aimer être malmené, battu par ma femme, mais cela fait partie de la structure du conflit.

R : La nature de la conscience est le conflit.

Krishnamurti : Ce n’est pas sa nature. La conscience est conflit. Si je n’ai pas de conflit, que m’arrive-t-il ?

A : Vous dites qu’il n’y a pas de « je » s’il n’y a pas de conflit. Cela signifie-t-il que l’état de non-conflit est la non-conscience ?

R : L’état de non-conflit est au-delà du conflit. La dimension dans laquelle nous vivons est le conflit.

A : Monsieur, j’ai dit que l’intensification du conflit inclut l’attribution d’un nom.

Krishnamurti : Nommer est inclus dans tout cela. L’homme ordinaire suit le courant jusqu’à ce qu’un conflit devienne aigu.

A : Lorsque le conflit devient aigu, alors nommer commence.

Krishnamurti : Qu’est-ce que nommer ? Pourquoi avons-nous besoin de donner un nom ? Pourquoi est-ce que je dis « ma femme », pourquoi ? Enquêtez sur le sujet.

A : A un certain niveau, c’est pour la communication, à un autre niveau, c’est subtil.

Krishnamurti : Pourquoi je dis « C’est ma femme » ?

R : Nous voulons prolonger ce « qui est ».

A : Parce que je veux une continuité de cela.

Krishnamurti : Monsieur, je dis « ma femme » ; pourquoi ?

A : Sécurité, je veux m’accrocher à elle.

Krishnamurti : Écoutez, je dis que le mot n’est pas la chose. Il ne l’est jamais. Le mot n’est qu’un moyen de communication. Le fait n’est pas le mot. Le fait qu’elle soit « ma femme » est légalement vrai, mais qu’ai-je fait quand je l’ai dit ? Pourquoi l’ai-je nommée ? Pour donner une continuité, pour renforcer l’image que j’ai construite ? Je la possède ou elle me possède, pour le sexe, pour le confort, etc. Tout cela renforce l’image que j’ai d’elle. L’image est là pour l’établir comme mienne. Pendant ce temps, elle change, elle regarde un autre homme. Je ne reconnais pas sa liberté, et je ne reconnais pas du tout la liberté, pour moi-même. Alors qu’ai-je fait quand j’ai dit qu’elle était ma femme ?

A : Vous dites que nous n’aimons pas le mouvement, nous aimons tout ce qui est statique.

Krishnamurti : Je veux la posséder, et c’est pourquoi j’ai besoin d’elle. Les cellules du cerveau établissent un modèle d’habitude et refusent de quitter l’habitude.

A : La conscience entière est constituée de mots, de connaissances. Je veux comprendre cela, ce que vous dites.

Krishnamurti : La connaissance est assemblée. La connaissance est assemblée horizontalement ou verticalement. La connaissance est un processus. Le processus implique le temps. Le temps implique la pensée. Donc par la pensée, par la connaissance, par le temps, vous essayez de trouver quelque chose qui est hors du temps, qui n’est pas la connaissance, qui n’est pas la pensée. Vous ne le pouvez pas.

A : L’ensemble du processus que nous avons décrit doit également être non verbal.

Krishnamurti : L’utilisation des mots sert à communiquer, à partager ensemble quelque chose de commun entre deux personnes. Le point commun entre les êtres humains est le désespoir, l’agonie, le chagrin. Peut-on les dissiper avec le temps ou instantanément ? Ce processus doit-il s’arrêter par des mots ou sans mots ? Le mot n’est pas la chose. Vous pouvez décrire la nourriture la plus merveilleuse, mais la description n’est pas la nourriture.

A : L’utilisation des mots exige une compréhension complète du domaine de la connaissance.

Krishnamurti : Les mots sont nécessaires pour communiquer. Communiquer signifie partager ensemble des problèmes communs.

Le mot n’est pas la chose, mais nous devons utiliser le mot pour comprendre la chose.

Pourquoi accordons-nous tant d’importance aux mots ? Les mots sont destinés à communiquer. Nous devons être précis.

A : Pour que la communication ait lieu, il faut des mots.

Krishnamurti : Quand la communication a-t-elle lieu — partager ensemble un problème commun ?

A : Elle peut se faire de manière non verbale.

Krishnamurti : Pour moi, la communication signifie partager ensemble, penser ensemble, créer ensemble, comprendre. Quand sommes-nous ensemble ? Sûrement pas au seul niveau verbal. Nous sommes ensemble pour partager le problème, lorsque nous sommes extrêmement vitaux, passionnés, au même niveau avec la même intensité. Quand cela se produit-il ? Cela arrive quand on aime quelque chose. Quand on aime, c’est fini. Je vous embrasse et je tiens votre main, c’est terminé. Quand cette chose nous manque, nous tournons en rond avec des mots. Je suis sûr que cela échappe à tous les professionnels.

Notre problème est donc de savoir comment se rencontrer, se réunir au même moment, au même niveau, avec la même intensité. Voilà la vraie question. Nous le faisons lorsqu’il y a du sexe, ce que nous appelons l’amour. Sinon, vous luttez pour vous-même et je lutte pour moi-même. Voilà le problème. Pourrai-je, moi qui suis dans le chagrin, dire : « Réunissons-nous, parlons-en », et ne pas parler de ce que disent Nagarjuna, Sankara et d’autres.