Albert Blackburn
Explorer les mondes au-delà de la pensée

Traduction libre À la lumière de la conscience, la pensée cesse et la vie crée un état de pure insight. G : Que veux-tu dire par « explorer les mondes au-delà de la pensée », qui est bien sûr le sous-titre de ton livre, Now-Consciousness ? A : Tu sais, j’ai toujours pensé que c’était un titre […]

Traduction libre

À la lumière de la conscience,

la pensée cesse et la vie crée un état de pure insight.

G : Que veux-tu dire par « explorer les mondes au-delà de la pensée », qui est bien sûr le sous-titre de ton livre, Now-Consciousness ?

A : Tu sais, j’ai toujours pensé que c’était un titre intriguant, parce qu’il n’était pas destiné à être juste une phrase accrocheuse, ou un titre accrocheur. Il a vraiment une signification profonde, et j’aimerais entrer dans le vif du sujet, parce qu’il concerne toute la quête de la Conscience Immédiate. Tout d’abord, considérons le mot « explorer », dans quelles conditions pouvons-nous explorer quoi que ce soit ? Pour explorer quelque chose, il faut partir de l’endroit où l’on se trouve à un moment donné, n’est-ce pas ? Tu peux explorer intellectuellement ; par exemple, tu peux explorer la Russie ou une autre partie du monde dans ton esprit, mais ce ne sera que dans ton esprit, n’est-ce pas ?

G : On utiliserait alors les connaissances du passé pour explorer.

A : C’est exact ; en d’autres termes, tu utiliserais le processus de la pensée pour explorer. Mais explorer les mondes au-delà de la pensée reviendrait à explorer sans le processus de pensée. Comment pouvons-nous explorer les mondes sans le processus de pensée, à moins de commencer dans l’instant présent ? Car le moment présent, comme nous l’avons déjà dit, ne requiert aucune pensée, seulement de l’attention. Toi et moi sommes assis ici, et nous sommes entourés de toutes les choses tangibles qui se trouvent dans cette pièce, ainsi que d’autres choses intangibles qui sont probablement ici, comme les signaux de radio et de télévision, etc., que nous ne pouvons pas voir, goûter, sentir ou ressentir sans l’équipement adéquat. Toutes ces choses devraient constituer le point de départ de l’exploration ; elles n’ont rien à voir avec la pensée. Les choses dans cette pièce, bien qu’elles aient été créées par la pensée, et à l’origine par quelqu’un, ne font pas partie de la pensée à ce moment précis. Elles ne deviennent une partie de la pensée que lorsque tu te concentres ou focalise ton attention sur des éléments spécifiques. Sinon, elles sont au-delà de la pensée. Cet instant présent est au-delà de la pensée.

En d’autres termes, ce que j’essaie de dire, c’est que la perception de quelque chose au-delà de la pensée ne nécessite pas un état de conscience mystérieux, occulte ou particulièrement élevé. Il ne s’agit pas d’un état exotique que l’on ne peut expérimenter qu’après avoir mené un certain mode d’existence. Tout le monde est en contact avec le moment présent, à chaque jour de sa vie. L’exploration de ce qui est au-delà de la pensée serait donc une exploration des vraies valeurs de la vie telles qu’elles existent réellement à chaque instant, car le monde de la pensée est évidemment le monde que la société a créé. C’est notre structure sociale complexe, c’est le monde des affaires, c’est notre vie domestique, c’est notre relation aux autres – la façon dont nous abordons toutes les relations dans lesquelles nous sommes impliqués – tout cela fait partie de la structure de la pensée. C’est le monde de la pensée.

Toute l’idée de la Conscience Immédiate est d’accorder une attention complète et de percevoir complètement le présent qui existe à chaque instant. L’exploration de cette conscience signifie que tu dois commencer là où tu es, « ce qui est », à chaque instant. Tout le monde peut le réaliser. Ce n’est pas quelque chose d’unique, ou de spécial. Tout le monde peut le réaliser, et c’est là tout l’intérêt.

Nous avons donc déterminé que l’exploration doit commencer ici et maintenant. C’est toujours l’étape suivante, à condition qu’il s’agisse d’une exploration des faits de la vie, et non des idées que nous nous en faisons. Nous n’explorons pas le monde de la pensée ; ce monde a été exploré par tous ceux qui ont vécu sur cette planète. Les traces de ces explorations se trouvent dans toute la littérature existante et dans les connaissances qui nous ont été transmises par la tradition.

G : Mais comment laisser la pensée en arrière ?

A : Eh bien, c’est un peu précipité. Je pense que la première question est plutôt : Qu’est-ce que la pensée, et qu’est-ce qui la déclenche ? En d’autres termes, si nous ne sommes pas complètement immergés dans la pensée, qu’est-ce qui déclenche le processus de pensée ? Qu’est-ce qui nous pousse à sauter dans le « train de la pensée » et à y faire un tour ?

G : Le savoir, ce que je sais déjà.

A : Dirais-tu que le savoir est un autre terme pour la mémoire, que la mémoire est une partie du savoir ?

G : Oui.

A : Donc la mémoire déclenche le processus de pensée. Supposons que la vie me présente une situation particulière, un certain défi. Si certains aspects de ce défi correspondent à un souvenir dans mon champ de conscience, alors ce souvenir est suscité par le défi. Le processus ressemble à la récupération d’une photographie dans un album ou à l’obtention d’un résultat dans un ordinateur. Le souvenir lui-même suscite un train de pensées de notre conscience, lié à ce souvenir particulier. Le souvenir est comme un bouton d’ordinateur ; nous appuyons sur le bouton de l’ordinateur et il en sort une réponse. Le train de pensées particulier associé à un souvenir est analogue à la réponse d’un ordinateur. Nous faisons ensuite un tour sur ce « train de pensées » particulier jusqu’à ce que la vie nous présente un autre défi (qui met fin à cette pensée), ou que la pensée, en raison de similitudes, continue sous une forme différente ; c’est par le biais des souvenirs associés qu’une pensée en entraîne une autre, et encore une autre. La plupart du temps, nous sommes pris dans une chaîne de pensées sans fin. Il semble que ce soit là l’origine de ce que nous appelons la pensée.

G : Si la mémoire est à l’origine de la pensée, qu’est-ce qui produit la mémoire ?

A : Évidemment, il semble y avoir plusieurs types de mémoire, n’est-ce pas ? Mais la mémoire, qui semble nous empêcher de rencontrer le présent de manière factuelle, est ce que nous appelons la mémoire psychologique. Nous devons nous interroger sur l’origine de la mémoire psychologique. As-tu des idées à ce sujet ?

G : Eh bien, je pense que les sentiments y sont très impliqués – il y a un contenu émotionnel dans cela.

A : Oui, c’est vrai ; les sentiments sont impliqués. Mais nous avons tous fait l’expérience d’agir spontanément, en fonction d’une intuition ou d’un défi qui s’est présenté et qui exigeait une réponse créative. Une telle réponse semble contourner notre mémoire personnelle, nous emmenant au-delà de notre volonté égoïste personnelle.

G : Comme dans une crise, où l’action est instantanée.

A : Oui, comme dans les actes de bravoure ou d’héroïsme soudains, ou dans d’autres actions dans lesquelles les gens sont complètement sortis d’eux-mêmes et agissent spontanément. Et quand l’événement est terminé, y a-t-il une mémoire psychologique liée à celui-ci ?… Il y a une mémoire liée à celui-ci, mais la mémoire est celle du montage que nous avons élaboré après l’événement, de la pensée que nous avons eu, et dans laquelle nous avons introduit l’idée de « moi ».

Nous essayons de nous rappeler ce que nous avons fait et comment nous l’avons fait. Nous commençons à fournir des raisons et des excuses, et à donner des explications à l’acte d’héroïsme ou de bravoure. Nous nous identifions à cet acte et nous nous rappelons que c’est nous qui avons été courageux ; nous avons fait quelque chose que d’autres n’ont pas fait. N’est-ce pas là que la mémoire psychologique entre en jeu, dans ce type d’action ? Mais ce n’est pas un souvenir de l’action elle-même, parce que l’action était si spontanée, si juste, si vraie, et si directe, qu’aucun souvenir n’y était lié.

G : Je vois la différence, oui.

A : Au niveau personnel, du moins, il n’y avait pas de mémoire. La seule chose dont on se souvient, c’est ce qu’on en a fait postérieurement ; en d’autres termes, la pensée n’était qu’un accessoire après coup !

G : Oui.

A : Je dirais donc que la mémoire psychologique est comme un album photographique de tous les événements qui nous sont arrivés au cours de notre vie ; parfois, il y a eu une action directe, une action juste, mais le souvenir de ces actes n’est pas dans l’album. Les actions que nous accomplissons dans la vie, en tant qu’individus égocentriques, ont toujours une mémoire psychologique qui leur est liée.

G : Oui, parce que tout cela fait partie du contenu de la conscience.

A : Oui, le contenu de la conscience (comme nous l’avons dit à d’autres moments) est tout l’ensemble de la pensée humaine. Toutes nos idées, toutes nos valeurs, tous nos idéaux, tous nos efforts, nos amours, nos haines, nos joies, notre bonheur et notre plaisir – tout cela fait partie de la conscience humaine.

G : Oui, et il est généralement possible de les retrouver grâce au lien ou à la connexion avec le contenu émotionnel qui entoure ces événements ou ces faits.

A : Je pense que le contenu émotionnel détermine la mesure dans laquelle un certain événement est enregistré dans notre mémoire psychologique.

G : Oui. Pourquoi la pensée est-elle fragmentaire ?

A : Eh bien, je la considère comme fragmentaire parce qu’en observant ma propre pensée, ou en étant conscient du processus de la pensée, je constate qu’il m’est impossible de penser à plus d’une chose à la fois. Je peux penser à n’importe quel objet dans cette pièce, ou à n’importe quelle idée, mais il s’agit d’une progression linéaire de la pensée, passant d’un détail à un autre, n’est-ce pas ?

G : Oui.

A : Tu ne peux pas penser à la totalité de la vie. Tu ne peux pas penser à la totalité de cette pièce – tout ce qui est dans cette pièce, toi et moi et tout ce qui se passe – si ce n’est de manière linéaire, pas à pas, étape par étape ; et comme nous l’avons déjà dit, nous avons appris à le faire si rapidement que nous croyons penser à la totalité. Nous sommes satisfaits par cette façon de penser, mais pour moi, c’est toujours fragmentaire.

G : Quelle est donc la différence entre la connaissance – travaillant toujours à partir du connu, de la mémoire – et un état de connaissance ?

A : Un état de connaissance est évidemment dans le présent, n’est-ce pas ? En d’autres termes, nous pouvons savoir que nous sommes assis ici, nous savons que nous avons les pieds sur le sol, nous connaissons notre relation avec tout ce qui se trouve dans cette pièce. C’est une connaissance qui est toujours dans le présent, jamais dans le passé ou le futur. Mais la connaissance se rapporte au monde que l’homme a créé par la pensée, n’est-ce pas ? Il s’agit de tous les souvenirs, de tous les éléments d’information mémorisés, qui sont utilisés dans notre système éducatif, dans nos salles d’apprentissage, et qui sont contenus dans tous les livres des bibliothèques.

En d’autres termes, la connaissance est équivalente à l’information contenue dans notre banque de mémoire personnelle, la réponse que nous obtenons lorsque nous appuyons sur un certain bouton portant un certain nom ; elle émerge sous la forme de savoirs, de connaissances personnelles. Et puis il y a le savoir humain, qui est contenu dans tous les livres des bibliothèques et des établissements d’enseignement. Il s’agit de toutes les connaissances, celles que l’humanité a expérimentées dans le passé.

La connaissance est toujours bidimensionnelle, et c’est l’une des raisons pour lesquelles je pense qu’il est dangereux que notre structure sociale, notre société, et les actions des personnes impliquées, soient toujours basées sur la connaissance. Leurs actions sont toujours basées sur la façon dont les gens ont agi auparavant dans des situations similaires. Toutes les lois, toutes les règles, toutes les choses que nous suivons, sont toutes basées sur une vision bidimensionnelle de la vie. Tout est toujours basé sur le passé, sur ce que quelqu’un a fait dans le passé. Si une loi doit être interprétée par un jury, par exemple, cela doit être fait conformément aux interprétations données dans le passé.

G : Préséance.

A : Mais la connaissance est une qualité du moment présent ; elle inclut un sentiment holistique sur la vie telle qu’elle est et telle qu’elle existe réellement à ce moment.

G : Je vois. Quelle est l’origine de l’idée du temps ?

A : Le temps existe-t-il dans cet instant présent ?

G : Temps physique, temps chronologique.

A : C’est une pensée, une idée.

G : C’est une commodité.

A : Mais c’est toujours une idée.

G : Mais nous l’utilisons comme un fait.

A : Non, ne regarde pas l’horloge.

G : Je regarde l’horloge et il est neuf heures moins le quart.

A : Mais ce n’est qu’une idée, cela n’a rien à voir avec l’instant présent. Tu l’introduis dans cet instant présent en tant que pensée, mais cette idée ne fait pas partie du moment présent.

G : Mais j’appelle le temps physique une commodité. Si nous avons un rendez-vous à neuf heures, nous devons en tenir compte.

A : Mais tu t’éloignes de l’instant présent en l’y introduisant.

G : Mais certaines personnes diraient que c’est ça l’instant présent ; il est neuf heures moins le quart, et si j’ai un rendez-vous à neuf heures, je dois me préparer.

A : Vois-tu comme il est facile de s’éloigner de l’instant présent ? C’est vraiment facile, tu sais. Par ton action juste maintenant, tu as répondu à ta propre question : « Quelle est l’origine du temps ? » L’origine du temps était dans ton esprit quand tu as regardé l’horloge et dis ce que tu as fait. N’est-ce pas cela, toujours, l’origine du temps ? Il est évident que le temps chronologique existe. Nous pouvons regarder l’horloge et nous savons qu’après un certain nombre de minutes, il y aura un autre temps. Mais je parle du temps psychologique, de l’idée du temps qui nous met toujours tellement sous pression. N’est-elle pas impliquée dans nos idées de performance et de compétition, et dans de nombreux problèmes liés au stress que l’on rencontre dans notre société actuelle ?

Dans le monde naturel, je ne vois aucune chose telle que le temps. Je ne vois le temps qu’en relation avec les idées que nous nous en faisons. Si tu n’utilises pas la mémoire pour regarder en arrière, ou si tu n’utilises pas ton imagination pour regarder en avant, le temps existe-t-il ?

G : Non, alors il n’y a que l’instant.

A : Tu dois utiliser la pensée pour regarder en arrière, n’est-ce pas ?

G : Oui.

A : Mais tu ne peux pas utiliser la pensée dans l’instant présent. La pensée n’a aucune signification dans le moment présent Elle n’a de signification que lorsque tu veux lier l’instant présent à quelque chose dans le passé par la mémoire, ou rêver d’un futur que tu espère atteindre. La pensée n’est-elle pas toujours le premier pas hors du moment présent ? Si cela est vrai, la pensée doit être à l’origine du temps ; le temps ne pourrait pas avoir lieu sans la pensée.

G : C’est exact, car la pensée fait toujours intervenir le passé ; elle est le lien entre le passé et ce que nous essayons de former dans le futur.

A : La pensée va toujours dans le passé ou dans le futur, mais il n’est pas nécessaire de penser au moment présent. Par exemple, ne serait-ce pas ridicule si j’étais assis ici et que je te disais : « Je veux que tu penses à ta main, je veux que tu penses à t’asseoir sur cette chaise, je veux que tu penses à toutes les choses que tu expérimentes en ce moment » ? Tu pourrais penser que c’est ridicule, car il est évident que nous n’avons pas à penser à ces choses. Il y a une qualité du « connaître » dans notre relation aux choses, n’est-ce pas ?

En réalité, je considère que tout cela est très, très simple ; c’est tellement simple que la plupart des gens semblent avoir du mal à le saisir. Ils cherchent une réponse compliquée, parce que le monde de la pensée est devenu si compliqué (en termes de valeurs, de noms et d’idées que les gens lui ont ajoutés au fil des âges) qu’ils pensent que la réponse doit être complexe. Mais de mon point de vue, elle est si simple que tout le monde passe à côté. La simplicité réside dans ce qui se passe en ce moment même ; il y a en toi et moi une connaissance, en ce moment même, sur notre relation exacte avec tout ce qui nous entoure.

G : Si la pensée a mis tout cela ensemble, comment peut-on aller au-delà ?

A : La pensée peut-elle aller au-delà ?

G : Comment le pourrait-elle ? Et qu’est-ce qui peut aller au-delà ? Comment peut-on aller au-delà ?

A : Il est évident qu’un nouveau facteur doit être introduit pour transcender le processus de la pensée ; et encore une fois, nous devrions être en mesure de l’aborder à partir de ce moment présent. Existe-t-il quelque chose dans cet instant présent qui ne soit pas une partie de la pensée, et qui ne soit pas une partie de notre banque de mémoire personnelle et de notre ego ?

G : Je dirais la conscience, la perception, et les choses factuelles dont nous sommes entourés.

A : Je pense que tu as raison. Je pense que la perception est quelque chose qui est au-delà de la pensée, parce que la perception est inhérente à chaque créature vivante dans le monde. Chaque créature vivante a une perception, et est capable d’utiliser la perception dans son propre champ de conscience.

G : Oui.

A : Je pense que le problème qui existe est que nous nous sommes identifiés à la perception. Nous disons que nous percevons, ou que nous ressentons, ou que nous éprouvons, ou que nous faisons. Je pense que ce ne sont que des idées, car d’un point de vue factuel, il n’y a que voir, il n’y a que faire, il n’y a que sentir, il n’y a qu’entendre ; ce n’est qu’une idée que nous voyons, que nous entendons, que nous éprouvons, que nous ressentons ces choses. Je crois que chaque personne doit explorer cela elle-même, et voir si c’est vrai ; la perception existe-t-elle au-delà des idées personnelles que nous avons à son sujet ?

Pour moi, c’est un fait très réel que la perception est en dehors de mon champ de conscience. Elle est complètement séparée du processus de la pensée. Lorsque mon esprit est calme, il y a perception complète ; il n’y a pas de fragmentation due à mon identification personnelle à un objet.

G : Mais au moment où je dis que je suis consciente de ce beau coucher de soleil, je fais intervenir mon ego, ou je fais intervenir le « je » de la pensée. Je crée un souvenir, pour que demain je puisse dire : « Hier, j’ai vu un beau coucher de soleil ».

A : C’est exact ; en d’autres termes, nous prenons une image mentale d’une chose dès que nous nous identifions à elle et que nous disons : « Je l’ai vue » ou « Je la vois » ; « Je dois m’en souvenir, parce que c’est une belle image et je veux la mettre dans mon album photographique pour que demain je puisse la ressortir et la comparer à une autre que j’ai vue, ou pour que je puisse vous en parler ».

G : C’est ainsi que nous générons notre propre corpus de connaissances.

A : C’est aussi une question de communication. Nous ne pouvons pas communiquer avec une autre personne sans utiliser des mots ou des idées. La communication sur le plan physique doit passer par le champ de la conscience, n’est-ce pas ?

G : Oui.

A : Je peux te communiquer des choses que j’ai vécues, ou que je vis en ce moment. Je peux le faire par les mots, ou par la mémoire, mais je dois utiliser le champ de la conscience humaine. Je dois utiliser les valeurs, les mots et tout ce que nous comprenons tout cela pour te transmettre l’idée.

Mais ta perception d’une idée ne doit pas nécessairement impliquer le champ de la conscience. Une compréhension ou une connaissance soudaine peut se produire en toi lorsque tu m’entends parler ou décrire quelque chose. Et même si j’utilise mon conditionnement pour le décrire, tu n’as pas besoin d’utiliser ton conditionnement pour le comprendre. C’est là tout l’intérêt.

G : Je peux utiliser la Conscience Immédiate pour le comprendre.

A : Oui ! C’est très important, car cela crée une situation entièrement nouvelle. En d’autres termes, toi, moi ou toute autre personne qui s’efforce de communiquer une certaine idée ou un certain insight doit utiliser des formes grammaticales communes afin d’être compris. Mais la compréhension holistique de l’autre personne doit se situer en dehors du champ de la conscience humaine. Si la personne qui écoute ne comprend ou n’interprète les mots que de façon mécanique, alors la compréhension de cette personne ne se situe qu’au niveau verbal ; elle ne va pas plus loin et cela n’affecte pas ses actions. Pour que tes actions dans la vie soient réellement affectées dans tes tripes, tu dois comprendre les choses en dehors du champ de ton conditionnement personnel. Tu ne peux pas te laisser prendre par les mots que tu entends. Tu ne peux pas évoquer quelque chose de ta banque de mémoire, ou évoquer une photographie que tu as prise personnellement, un souvenir, et faire en sorte que la compréhension ait lieu. Dès que tu te surprends à interpréter quelque chose de quelque manière que ce soit – en retournant dans ta banque de mémoire de quelque manière que ce soit – laisses tomber. En laissant tomber la mémoire, tu es à nouveau ouverte et libre de ton conditionnement. Une fois libre, la compréhension peut avoir lieu à un niveau profond, et cela peut vraiment changer ta vie.

C’est pourquoi Krishnaji avait tant de mal à communiquer avec les gens qui l’écoutaient ; la plupart d’entre eux interprétaient les mots qu’il utilisait. Ils étaient embourbés dans les idées évoquées dans leur esprit par les mots qu’il utilisait, et ceux-ci ne les impressionnaient pas à un niveau profond. Par conséquent, il n’y avait pas de compréhension. Ils disaient : « Je comprends ce dont parle Krishnamurti, c’est très clair ! », mais il n’y avait pas de révolution intérieure dans leur compréhension de la vie.

G : C’est donc devenu une autre accumulation d’idées.

A : Exactement, il n’y a pas eu de révolution intérieure. La révolution intérieure ne peut avoir lieu qu’en dehors du champ de la conscience. Il faut qu’il y ait une écoute, pas toi qui écoute, une écoute sans « toi » dans le paysage. Et lorsqu’il y a cette écoute, alors ce qui est entendu n’est pas interprété, n’est pas analysé et n’est pas filtré par ton conditionnement. En cela, il y a une compréhension holistique qui t’affecte à un niveau profond, qui change ta vie et qui apporte cette révolution intérieure dont parlait Krishnaji.

G : C’est vrai.

A : Je pense que c’est le secret de tout cela.

G : Oui. Donc cette perception, cette conscience est nécessaire. Si on est dans un état de conscience de l’instant présent, alors qu’est-ce qui est au-delà ? Qu’est-ce qui est au-delà de la création de l’homme, au-delà de tout le champ du connu ? Que se passe-t-il ? Allons-y maintenant.

A : Eh bien, le monde de la nature est au-delà ; la compréhension, l’amour, l’affection, l’attention, la compassion, la beauté et toutes les soi-disant vertus sont au-delà ; tout ce que l’humanité a toujours rêvé de posséder, mais n’a jamais vraiment possédé, sauf en tant que nom ou idée, est au-delà de la conscience humaine. Et ce n’est pas quelque chose qui ne peut être touché à tout moment, car ce qui est au-delà de la conscience humaine (comme nous l’avons dit précédemment), c’est le moment présent. Ainsi, la beauté peut être touchée dans l’instant présent si je ne suis pas dans l’image, « je » en tant qu’idée. L’affection peut être touchée dans l’instant présent ; l’amour peut être touché dans l’instant présent ; la compréhension peut être touchée. Toutes les choses que nous venons de nommer peuvent être touchées dans l’instant présent.

G : Oui.

A : C’est tellement simple que tout le monde passe à côté, car la plupart d’entre nous attendent une réponse compliquée. Tu dois expérimenter et découvrir par toi-même la beauté simple de cette approche de la vie.

G : C’est tellement direct.

A : Absolument direct ; perception directe, action directe.

G : Alors, comment se réveille-t-on ? Comment peut-on rester dans le présent ?

A : Bien, commençons à nouveau dans cet instant présent, parce que c’est le point de départ. Chaque étape, chaque question doit commencer par cet instant présent. Poserais-tu la question : « Comment puis-je m’asseoir sur cette chaise ? »

G : Non, je suppose que je sais comment.

A : « Comment puis-je poser mes pieds sur le sol ? Comment puis-je joindre mes deux mains ? Comment puis-je regarder quelqu’un d’autre ? » Tu sais, c’est tellement simple. Il n’y a pas de comment pour nous. La question n’est donc pas de savoir comment faire quelque chose de manière positive, mais plutôt de connaître ce qui nous empêche de le faire. Telle devrait être la question. Qu’est-ce qui m’empêche d’être conscient que je suis assis sur cette chaise ? Qu’est-ce qui m’empêche d’être conscient que j’ai les mains jointes et que mes pouces bougent l’un contre l’autre ? Qu’est-ce qui m’empêche d’être conscient de cela ?

G : Tout ce dont nous avons parlé.

A : C’est vrai ; la pensée.

G : La pensée.

A : En d’autres termes, l’identification à un certain objet ou à une certaine idée qui a été rappelée par le processus de mémoire, un extrait de notre banque de mémoire personnelle. C’est ce qui nous empêche d’être constamment attentifs et conscients de ce qui se passe dans l’instant présent.

G : Alors sans conscience, il n’y a pas de véritable amour, pas de beauté, pas de compassion, pas d’affection, rien de ce qui est au-delà de la pensée.

A : Cela n’existe pas, lorsque je pense.

G : Non.

A : Cela ne peut pas être. Cela peut exister en tant qu’idée, je peux nommer chacune de ces choses comme des abstractions. Mais ce n’est qu’une idée, ce n’est pas la chose elle-même. Les émotions elles-mêmes, qui font partie du sentiment holistique de la vie qui contient toutes ces soi-disant vertus, sont là à chaque instant. Mais nous n’en sommes tout simplement pas conscients parce que nous sommes occupés à penser à une idée insignifiante qui n’a rien à voir avec elles.

Bien sûr, tu dois utiliser la pensée pour faire des plans. Si tu as une certaine idée de ce qui doit être fait cet après-midi, ou demain, ou quoi que ce soit d’autre, tu dois utiliser la pensée, tu dois utiliser la capacité de planification créative de ton cerveau pour y parvenir. Mais la plupart du temps, nous ne sommes pas dans cette situation ; la plupart du temps, nous pourrions nous asseoir et apprécier ces autres choses dont nous avons parlé comme des possibilités. Nous pourrions les apprécier comme des faits, et pas seulement comme des idées.

G : En d’autres termes, je ne vois pas la nature quand je pense.

A : Bien sûr que non.

G : Je peux voir que c’est un arbre, ou un oiseau, et ainsi de suite, mais je ne le vois pas vraiment, je ne le sens pas, ou je ne le perçois pas quand l’esprit bavarde.

A : Dès que tu nommes quelque chose, tu ne le perçois plus. Tu perçois l’arbre, et dès que tu nommes l’arbre, la perception disparaît. Dans l’acte de nommer, le nom que tu donnes à l’arbre se superpose entre toi et l’arbre. Le même phénomène se produit dans toutes les phases de notre vie.

G : Voir la beauté de ce que nous disons, et sa nécessité, et peut-être en faire l’expérience – comment cela se produit-il ?

A : Je pense que nous devrions commencer une fois de plus par quelque chose que nous pouvons comprendre. Il est évident que la pensée ne peut pas se réveiller d’elle même. Je considère que la pensée est une forme de rêve. (Les gens appellent ça penser, tu sais, mais en fait c’est de la rêverie !) La pensée ne peut pas se réveiller. Si tu es au milieu d’un rêve la nuit, tu ne peux normalement pas te réveiller immédiatement. Cependant, il existe certaines techniques que les occultistes utilisent pour s’inciter eux-mêmes à se réveiller au milieu d’un rêve ; ils poursuivent alors le rêve d’une manière différente, objectivement.

G : On fait des expériences avec ça dans les laboratoires de rêve.

A : Il y a la possibilité de le faire. Il y a aussi la possibilité de se réveiller et de prendre conscience du fait que tu es dans un certain train de pensées. Ensuite, au lieu de poursuivre cette pensée particulière (qui, de ton point de vue, pourrait être une pensée négative), tu poursuis le processus de pensée en y substituant ce que tu considères comme une pensée plus positive, plus acceptable.

G : C’est toujours la même chose. Il s’agit toujours d’utiliser la mémoire pour s’inciter à penser d’une autre manière.

A : Par conséquent ces deux façons de faire sont vraiment des tours de l’esprit, n’est-ce pas ?

G : Oui.

A : Donc, si la pensée ne peut pas se réveiller, si la pensée ne peut pas s’arrêter d’elle même, si la pensée ne peut pas s’extraire du champ de la conscience humaine – qui est l’origine de la pensée en premier lieu – alors quelque chose d’autre doit avoir lieu, n’est-ce pas ? Un autre facteur doit entrer en jeu pour sortir de l’impasse. Plus tôt, nous sommes arrivés à la conclusion que la perception et la présence sont en dehors de la conscience humaine. Alors, qu’est-ce qui va nous réveiller ? C’est la question que tu as posée.

G : Tu viens de dire que la pensée ne peut pas réaliser sa propre fin. Que veux-tu dire par là ? Tu ne peux pas te penser jusqu’à la fin de la pensée ?

A : Non, il doit y avoir un pouvoir (agency) extérieur, n’est-ce pas ? Il doit y avoir un facteur extérieur à ma réponse conditionnée.

G : Tu as dit que la pensée ne peut pas s’arrêter. Tu ne peux pas t’asseoir et dire : « Je vais méditer et arrêter de penser » ?

A : Non, parce que le fait d’arrêter consciemment une pensée de type négatif, par exemple, et de la transformer en une pensée positive, revient à poursuivre le processus de la pensée. Certaines des organisations dites de la Nouvelle Pensée font ce type de manipulation mentale ; elles vous disent de penser positivement au lieu de penser négativement. Il s’agit simplement d’une ruse de l’esprit. En d’autres termes, ils continuent à faire l’expérience du même rêve, mais ils l’ont modifié et l’ont transformé en un rêve positif au lieu d’un rêve négatif.

Mais cela ne répond pas à ta question, et je pense que c’est une question intrigante. J’aime utiliser des analogies, car je pense que les analogies sont vraiment une autre façon de parler des harmoniques à un autre niveau. Par exemple, tu as, toi-même, étudié en profondeur et utilisé ton esprit et ta capacité mentale au maximum pour déterminer tous les faits concernant une certaine façon de vivre. Tu es allée aussi loin que possible dans ta réflexion créative sur le sujet, et tu as utilisé ta capacité mentale pour découvrir tout ce qui concerne le travail de guérison que tu exerce. Est-ce vrai ?

G : Oui, ça l’est.

A : Supposons ensuite que quelqu’un t’appelle cet après-midi et te dise que ton aide est requise demain matin à 8 heures, que la capacité que tu as développée en tant que « guérisseuse » est nécessaire pour aider quelqu’un. Tu te rends compte de la valeur de le faire, tu vois que la vie t’a choisi pour cela et que tu as la capacité de le faire, et tu as le sentiment que tu peux, peut-être, aider cette autre personne. As-tu besoin d’un réveil pour te réveiller à temps pour être prête pour ton rendez-vous de 8 heures demain matin ? Ou vas-tu te réveiller spontanément ?

G : Je vais me réveiller toute seule.

A : Tu te réveilleras. Tu n’as pas besoin de réveil. Tu peux en mettre un juste par mesure de sécurité parce que tu n’es pas complètement sûre de te réveiller, mais tu te réveillerais toujours. Tout comme je me réveillerais si quelqu’un m’appelait pour me parler de mon sujet préféré, la conscience du moment présent. Je me réveillerais ; je n’aurais pas besoin de réveil parce que je suis intensément intéressé par le sujet, tout comme tu es intensément intéressée par ce que tu fais, toi aussi. Nous ne pouvons pas dire que c’est « toi » qui te réveilles, ou « moi » qui me réveille. C’est l’intérêt que nous portons aux choses dans lesquelles nous sommes impliqués qui nous réveille. Cet intérêt fait partie de la force-de-vie, la vitalité ou l’énergie de la vie, qui nous réveille. N’est-ce pas vrai ?

G : Oui, on a hâte de commencer.

A : Eh bien, si cela est vrai au niveau physique, pourquoi cela ne s’applique-t-il pas aussi à d’autres niveaux ? Cela ne s’appliquerait-il pas au fait de se réveiller d’un schéma de pensée ?

G : Cela fait partie de cette intention intérieure, de cet intérêt.

A : Supposons que j’aie approfondi ce sujet, suffisamment, pour voir la valeur et la logique du réveil. Je me rends compte que la plupart du temps, je m’identifie à un seul fragment de chaque instant ; je vois le danger potentiel de cette réponse limitée aux défis imprévus et je suis vraiment sérieux dans mon désir de changer. Je vois que je ne serai pas en mesure de faire face de manière adéquate aux urgences qui peuvent se présenter tant que je ne serai branché que sur un seul canal. Supposons que tu m’aies dit tout cela, que je me sois penché sur la question et que j’aie compris, logiquement du moins, que ce que tu dis doit être vrai. Je ne l’ai peut-être pas ressenti profondément parce que je n’en ai pas fait l’expérience moi-même, mais je vois que la vie doit être beaucoup plus riche ; il doit y avoir mille choses là-bas dont je n’ai pas conscience.

Mon enquête et mon intérêt profond ouvrent la porte à l’insight. Il y a libération du connu, car je vois clairement que la pensée ne peut pas faire de percée. Un autre facteur, extérieur à moi-même, doit intervenir. En d’autres termes, je ne peux pas me réveiller consciemment de mon sommeil, ni provoquer consciemment une prise de conscience.

Percevoir la validité de ces observations me donne l’intention intérieure de me réveiller, et cette incitation intérieure accomplit ce que la pensée ne peut pas faire. La pensée ne peut pas s’extraire du piège qu’elle a créé. C’est la reconnaissance sincère de cette impasse qui ouvre la porte à l’insight.

G : C’est exactement ça.

A : Si j’ai atteint ce stade mental, que je l’ai vraiment poussé et que je suis vraiment passionné, ma demande et mon intérêt seront les choses mêmes qui me réveilleront.

G : Et ensuite, tu passes cela à l’action. Lorsque quelqu’un vient te voir avec un problème, tu l’abordes avec une attitude de « je ne sais pas ». Par exemple, je ne peux pas aborder le processus de guérison avec la connaissance que j’ai, mais si je reste loin de la pensée et que je m’accorde à l’énergie qui est là, qui existe dans ce même état de perception, la guérison peut se produire.

A : Exactement.

G : Et si tu adoptes cette approche lorsque quelqu’un vient à toi avec une question, plutôt que de l’aborder du point de vue de ce que tu as déjà écrit ou pensé ou expérimenté, alors une véritable communication peut se produire. Ou tu peux au moins dire quelque chose d’important à cette personne ; qu’elle puisse l’appréhender de la même manière ou non ne relève pas de ta responsabilité.

A : Tu ne fournis pas personnellement la réponse. Si tu es ouverte, si ta coupe est vide et que la vie déverse, en toi, des informations à chaque instant par le biais de l’insight, alors tu ne dis pas consciemment quelque chose destiné à susciter une réaction particulière chez l’autre personne. Si tu as l’idée que tu vas produire un certain résultat, c’est un produit de la pensée.

G : C’est exact. « Je » ne suis pas une guérisseuse, « Je » ne peux guérir personne.

A : Tu dirais spontanément et intuitivement ce qui est juste, sans avoir la moindre idée de la raison pour laquelle tu le dis. Et c’est la vie qui engendre chez l’autre personne la compréhension qui peut changer le cours de sa vie. Mais tu ne le fais pas pour obtenir un résultat spécifique ; c’est là le point important.

Les gens pensaient que Krishnaji leur disait délibérément certaines choses destinées à susciter des résultats particuliers, parce que des résultats spécifiques se sont produits à la suite de ce qu’il disait. Mais je ne crois pas qu’il avait lui-même l’intention de le faire ; ce qu’il disait à ce moment-là, c’était la bonne chose à dire. C’est la vie qui a engendré une compréhension chez l’auditeur.

G : Oui, parce que cette énergie, cette vie, cet amour qui passe, travaille en fait dans cet état au-delà de la pensée et c’est l’état de pur insight et de pure compassion, et dans cet état, la guérison et la compréhension peuvent avoir lieu.

Que penses-tu par ce que Krishnaji voulait dire qu’on doit suivre une pensée jusqu’à sa fin ?

A : Si je m’éveille soudainement au fait que mon esprit s’est identifié à un certain train de pensées, il y a deux directions dans lesquelles je peux aller, n’est-ce pas ? Habituellement, cette direction est vers l’avant ; j’utilise la pensée et l’imagination pour conclure la pensée particulière dans laquelle j’étais impliqué au moment où je me suis réveillé. En d’autres termes, j’analyse ma pensée, j’interprète la pensée que je viens d’avoir, et je la poursuis jusqu’à une conclusion. Cela implique le processus de la réflexion, n’est-ce pas ?

G : Oui.

A : En d’autres termes, il est impossible de partir du point où tu t’es éveillée sans utiliser la pensée.

G : Donc Krishnaji ne pouvait pas vouloir dire ça, n’est-ce pas ?

A : Non. Reprenons l’analogie du sommeil. Lorsque tu te réveilles le matin, tu as immédiatement conscience d’être dans le lit où tu t’es couchée (si tout est normal). La conscience de la façon dont tu t’es endormie la nuit, de la façon dont tu t’es préparée à te coucher, de tous les événements qui ont précédé – tout cela te revient en un clin d’œil lorsque tu te réveilles le matin. Tu n’as pas besoin d’y réfléchir ; en un clin d’œil, tu vois tout le chemin parcouru. Tu vois même certains des rêves auxquels ton esprit était impliqué pendant la nuit.

De la même manière, à un niveau harmonique différent et plus élevé, tu peux te réveiller ou prendre soudainement conscience du fait que tu as été impliquée dans la pensée. Immédiatement, au lieu de continuer, au lieu d’analyser et de réviser la pensée, et tout le reste de ce processus, prends conscience de ta tendance à faire cela, et dès que tu commences à le faire, laisse tomber. Dans ce laisser tomber, il y a une vision claire de l’ensemble du chemin parcouru. Tu vois le train de pensées dans lequel tu étais impliquée et comment il a pris naissance. Tu vois le souvenir qui l’a déclenché ; Tu vois le défi de la vie qui l’a déclenché – tu vois le nom, ou la personne, ou quoi que ce soit qui a déclenché ce train de pensées particulier. Tu peux alors percevoir l’origine de la pensée, comment elle a commencé dans ton esprit, comment tu as été conditionnée à réagir à une chose particulière, et comment tu t’es programmée pour répondre d’une manière particulière. Et puis la pensée peut même être retracée dans toutes sortes d’autres petits canaux, jusqu’à l’origine réelle du souvenir lui-même. Quand tout cela est clairement vu, il se dissipe, il se fane. Il n’existe plus, et tu n’es plus troublée par ce souvenir particulier.

G : Veux-tu dire qu’il diminue, que le contenu disparaît, ainsi que les sentiments qui y sont associés ?

A : Les sentiments s’en vont, la vie s’en va, et ça se ratatine à la lumière de la compréhension. Ça se fane à la lumière de la prise de conscience du chemin inverse qui mène à tout ce train de pensées. Mais si tu fais l’erreur d’aller de l’avant, tu lui donnes une nouvelle énergie, tu lui donnes une nouvelle vie, tu lui donnes une nouvelle continuité ; et alors ça continue à revenir encore et encore, et il n’y a pas de fin à cela. Ça devient une réponse névrotique.

G : Et il n’y a pas de fin à tout cela.

A : C’est donc ce que je pense que Krishnaji voulait dire lorsqu’il parlait de suivre la pensée jusqu’à sa fin ; il savait que nous la suivons, elle mène à une impasse, qu’on n’y échappe jamais, et qu’on découvre par soi-même qu’on ne peut jamais y échapper.

G : Suivre la pensée jusqu’à une fin est-ce différent de l’analyse ?

A : Oh oui, complètement ; l’analyse, c’est aller de l’avant avec la pensée. L’analyse, c’est aller de l’avant, mais aussi regarder en arrière pendant que tu vas de l’avant et analyses la chose à laquelle tu pensais. L’analyse fait partie du processus de pensée.

La Conscience Immédiate est le monde au-delà de la pensée, où il y a l’amour, la compassion, la beauté et une unité holistique de la vie.