Robert Powell
Je ne m’en vais pas. Où pourrais-je aller ?

Juste avant sa mort, alors que les dévots étaient accablés par l’approche de son départ, Sri Ramana Maharshi les a rassurés avec la déclaration ci-dessus. Quelle est la signification de ces paroles immortelles ? Nous avons l’idée qu’à la mort, nous allons quelque part, que nous quittons cette terre, ce monde. Il est nécessaire et, je […]

Juste avant sa mort, alors que les dévots étaient accablés par l’approche de son départ, Sri Ramana Maharshi les a rassurés avec la déclaration ci-dessus. Quelle est la signification de ces paroles immortelles ?

Nous avons l’idée qu’à la mort, nous allons quelque part, que nous quittons cette terre, ce monde. Il est nécessaire et, je pense, très fructueux d’examiner soigneusement cette situation par soi-même. En premier lieu, qu’est-ce que « ici » et part-on réellement quelque part ? De plus, qu’est-ce que « maintenant » et qu’est-ce que le futur ? Ces termes ne sont-ils pas toujours une fonction de l’activité corps-esprit-sens ? À l’état de veille, je peux affirmer que je me trouve « ici » (ou dans tel ou tel lieu) dans le présent. J’ai un sentiment de présence, qui est une fonction directe de ma conscience. En l’absence d’activité corps-esprit-sens, où est « ici » et où est « là-bas » ? Et lorsque les sens sont endormis, comme dans l’état de sommeil profond, où sont « ici » et « maintenant » ? Il doit être évident que le sens de localisation et de temps est le résultat direct de l’activité somatique et non une donnée absolue.

On pourrait objecter que mon sentiment d’être ici est confirmé à chaque instant par mes semblables, qui peuvent attester que je suis ici avec eux, dans le moment présent. Mais chacun d’eux, sans exception, n’est-il pas lui aussi le produit de l’activité corps-esprit-sens dans sa détermination de ce qui est « ici et maintenant » ? Existe-t-il un seul être humain qui possède un sens absolu de localisation et de temps, indépendant de toute activité physiologique ou mentale, et qui puisse servir de référent ou de point de référence pour les autres ? Évidemment, non. Ainsi, la seule « connaissance certaine » que les individus possèdent à ce sujet repose sur des « ouï-dire ». Einstein a démontré qu’il est impossible pour un observateur de déterminer sa localisation dans l’espace et le temps absolus.

Nous allons maintenant un pas plus loin en affirmant la vérité qu’en fin de compte, c’est-à-dire dans l’absolu, l’espace et le temps n’existent pas du tout — pas même l’espace-temps « relativiste » ou relatif — et que, par conséquent, il n’existe aucun être « séparé ». Nous devons affirmer avec force que la conscience de l’espace-temps repose sur une descente initiale dans la « physicalité ». Cette phase germe à son tour sous la forme d’une identité tirée de l’identification à une certaine forme « présentée » (c’est-à-dire fabriquée) par les sens et, psychologiquement, en tant qu’impression laissée dans la conscience collective, une image imprimée sur nos supposés semblables — amis et famille. Cette image peut avoir un certain statut, susciter divers états émotionnels ou engendrer du plaisir. Tout cela contribue au sentiment d’« être quelqu’un », qui n’est jamais examiné, mais pris comme un « donné ». On tombe amoureux de sa propre forme, de sa propre image, pour ainsi dire. La pratique du vichara (la voie de l’enquête sur soi-même), telle qu’enseignée par Sri Ramana Maharshi, libère de l’étouffement des relations illusoires. Si l’on est sans peur dans son effort, on est inévitablement conduit à la vérité libératrice du soi ou à la vacuité de l’ego. Cette découverte fondamentale culmine dans le dénouement de toute la toile de Maya et la réaffirmation de l’unicité originelle de l’être.

Ainsi, lorsqu’elles sont méditées de cette manière, les paroles du Maharshi acquièrent une nouvelle signification lorsqu’il affirme avec une totale certitude qu’il ne partirait nulle part, qu’au sens le plus profond, il serait toujours avec ses dévots, en fait avec quiconque le reconnaîtrait pour ce qu’il est réellement : leur véritable Soi, la Conscience, qui est antérieure à l’espace et au temps.

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Le regretté Robert Powell est l’auteur de plusieurs ouvrages spirituels classiques, notamment Why Does God Allow Suffering, Crisis in Consciousness, Dialogues on Reality, et The Real Is Unknowable, The Knowable Is Unreal. Il a également édité trois ouvrages de dialogues transcrits à partir d’enregistrements des entretiens avec Nisargadatta Maharaj.