Vous souvenez-vous quand j’ai écrit à propos de la théorie de l’Internet mort ? Vous savez, l’idée selon laquelle la plupart de ce que nous voyons, lisons et entendons sur Internet est généré par des bots ?
Eh bien, devinez quoi ? Cette théorie a été confirmée ! Tous ceux à qui vous parlez en ligne sont des bots, des espions, des trolls ou des combattants de psyops !
Et, comme vous allez le voir, ça devient encore pire avant de devenir (espérons-le) meilleur.
Intrigué ? Vous voulez savoir ce que cela signifie pour l’avenir d’Internet ? Ou, plus important encore, ce que cela signifie pour l’avenir de la communauté humaine ? Alors, poursuivez votre lecture !
DES ESPIONS ÉTRANGERS DÉMASQUÉS
Si vous « surfez sur le web » depuis les premiers jours de « l’autoroute de l’information », vous vous souvenez sans doute de l’une des toutes premières blagues en ligne : « Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien ».

Or, en 2025, il semble que nous devions modifier cette blague pour la faire passer d’une observation lapidaire sur l’anonymat en ligne à un avertissement sinistre sur l’instrumentalisation et le détournement de cet anonymat : « Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un officier étranger de psyops ».
Voyez-vous, le mois dernier, la plateforme de réseaux sociaux anciennement connue sous le nom de Twitter a décidé de déployer une nouvelle fonctionnalité : un outil de localisation qui révèle le pays ou la région où se trouve un compte donné. Le résultat ? Beaucoup de combattants étrangers de psyops ont été pris la main dans le sac.
@MagaNationX ?

… Il s’avère que ce compte est en réalité basé en Europe de l’Est.
Et le compte fan @IvankaNews consacré à Ivanka Trump ?

Il semble que cet admirateur de Trump et fan particulier d’Ivanka, soit basé dans le bastion MAGA du… Nigéria ?
Et ce ne sont pas seulement ces comptes-là. Le compte fan @BarronTNews_ consacré à Barron Trump (qui publiait des messages d’anniversaire émouvants à « Papa » Donald avant d’être exposé comme un compte de fan) ? Le compte « UltraMAGA Trump 2028 » ? Ces comptes et de nombreux autres ont été découverts comme provenant de coins tout aussi éloignés du globe.
Vous pouvez imaginer le festin que les rédacteurs de titres des médias dinosaures de l’establishment ont fait de ces révélations :
En effet, il semble que chaque média en ligne ait pu trouver des exemples de ses ennemis idéologiques exposés comme des agents étrangers.
Le média israélien ynetnews, par exemple, rapporte que la fonctionnalité de localisation de X a démasqué un « faux réseau d’influenceurs de Gaza », avec des comptes se présentant comme ceux de Gazaouis attaqués, mais qui proviennent en réalité de Malaisie, d’Afghanistan, du Pakistan et d’autres lieux clairement non gazaouis.
Certains utilisateurs ont contesté leur identification géographique ou ajouté du contexte à leur localisation apparente. Le compte @1776General_, se présentant comme « Constitutionnaliste, Patriote US, ethniquement américain », mais trouvé comme « basé en Turquie », a répliqué par un message indiquant : « Je travaille dans le commerce international. Je suis actuellement en Turquie pour un contrat ».
Fait remarquable, même le département américain de la Sécurité intérieure a dû publier un message rassurant affirmant qu’il est bien américain, après que des captures d’écran apparemment falsifiées ont circulé suggérant que le compte était basé dans un pays étranger.

[Je n’arrive pas à croire que nous devions préciser ceci, mais ce compte n’a jamais été géré et opéré ailleurs qu’aux États-Unis. Les captures d’écran sont faciles à falsifier, les vidéos sont faciles à manipuler. Nous vous remercions de votre attention sur ce point].
X, de son côté, a tenté de limiter les dégâts liés à l’incident — en conseillant aux utilisateurs que « sa nouvelle fonctionnalité pouvait être partiellement falsifiée en utilisant un VPN pour masquer la véritable localisation d’un utilisateur » — avant de supprimer purement et simplement les informations de localisation.
Ainsi, le Jour où les espions étrangers furent démasqués est arrivé, puis reparti. Pendant un bref instant, les gens se sont souvenus de l’une des leçons fondamentales d’Internet : vous n’avez aucune idée de qui (ou de quoi) vous êtes en train de « parler » lors d’une conversation en ligne.
Peut-être que le compte qui vous fournit un récit « à la première personne » d’un événement d’actualité brûlante ou une analyse « sur le terrain » d’un conflit militaire est réellement celui qu’il prétend être. Ou peut-être que c’est un chien. Mais il est tout à fait possible qu’il s’agisse d’un agent étranger cherchant à influencer votre opinion en vous servant des informations fausses, trompeuses ou sélectives.
Cela ne devrait surprendre personne qui prête attention.
Les personnes qui suivent mes publications de longue date se souviendront de mon rapport de 2018 sur l’instrumentalisation des réseaux sociaux, dans lequel je rapportais que :
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le Pentagone « achetait des logiciels qui permettront à l’armée américaine de créer et de contrôler de fausses personnalités en ligne — de fausses personnes, essentiellement — qui sembleront provenir du monde entier » ;
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des ordinateurs appartenant au gouvernement dans les bureaux du Corps of Engineers de l’armée à La Nouvelle-Orléans avaient été surpris en train d’attaquer verbalement les critiques du Corps ;
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des groupes israéliens donnaient des cours sur la manière d’éditer des articles de Wikipédia afin de s’assurer que le contenu de l’encyclopédie en ligne demeure « de nature sioniste » ; et
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un document interne du GCHQ — l’équivalent britannique de la NSA — avait fuité, révélant que les espions britanniques utilisaient les plateformes de réseaux sociaux pour diffuser de la propagande et influencer l’opinion publique.
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Et c’était il y a sept ans. Imaginez à quel point les choses ont empiré depuis, après la psyop Q Anonsense [1] et l’avènement de la 77e brigade et la prise de contrôle de toutes les grandes plateformes de réseaux sociaux par des responsables du renseignement « à la retraite ».
Oui, cela ne surprend personne, dans la communauté des réalistes du complot, que l’Internet soit inondé d’espions qui tentent activement de vous induire en erreur.
Mais attendez, ça devient encore pire !
BOTS DÉPLOYÉS, TROLLS LÂCHÉS

Pourquoi supposer que le compte avec lequel vous interagissez est humain — ou même canin ? À mesure que la technologie des chatbots progresse, il est de plus en plus probable que vous parliez à une machine.
Je ne parle pas ici à travers mon chapeau. Je parle statistiquement.
Vous n’avez peut-être pas remarqué cette information lorsqu’elle a traversé furtivement les fils d’actualité plus tôt cette année, mais c’est désormais confirmé : les bots représentent aujourd’hui plus de la moitié de tout le trafic Internet.
C’est la conclusion alarmante (mais guère surprenante) du rapport Imperva Bad Bot, une évaluation annuelle de l’activité des bots sur Internet réalisée par l’entreprise de cybersécurité Imperva. Le rapport de cette année a révélé que non seulement les « bots » — c’est-à-dire des programmes automatisés exécutant des tâches sur Internet — représentent désormais 51 % de l’ensemble du trafic en ligne, mais que 72 % de cette activité de bots est malveillante.
Une fois encore, ce n’est pas une nouvelle pour ceux qui prêtent attention. En effet, comme je l’observais dans mon éditorial « L’Internet est mort » il y a deux ans :
Si cette théorie [c’est-à-dire la théorie de l’Internet mort] est correcte, alors le contenu créé par ordinateur de l’Internet mort ne comprend pas seulement le contenu manifestement inhumain du web — par exemple le spam qui envahit chaque section de commentaires non modérée, ou les botnets qui inondent les réseaux sociaux de messages de propagande rédigés à l’identique — mais tout : le contenu lui-même, les commentaires sur ce contenu, les « personnes » avec lesquelles nous interagissons en ligne, et même les podcasts audio, les vlogs vidéo et d’autres médias apparemment générés par des humains.
Si le concept d’un Internet dominé par les bots pouvait sembler extravagant lorsque la théorie a été formulée pour la première fois, il est nettement moins extravagant à l’ère de la bouillie vidéo de Sora, de la bouillie des articles d’actualité générés par l’IA, de la bouillie des articles scientifiques générés par l’IA et de la bouillie des podcasts générés par l’IA. Après avoir été confronté au phénomène du Jésus-crevette de Facebook, qui peut douter que le web soit de plus en plus peuplé de bots publiant du contenu généré par l’IA pour être consommé par d’autres clankers (robots et IA), dans une sorte de version de l’Internet où le serpent se dévore lui-même dans sa propre bouillie, qui n’a de sens que pour des gens comme Zuckerberg et Musk ?
Mais attendez, ça devient encore pire !!!
Non seulement Monsieur et Madame Tout-le-Monde doivent composer avec les barbouzes en ligne, les espions et les cybercombattants qui déversent de la propagande au service des programmes néfastes de leurs commanditaires et manipulateurs, et non seulement ils doivent trier des montagnes de bouillie d’IA pour trouver une véritable interaction humaine en ligne, mais ils doivent aussi faire face aux trolls qui sont là pour empoisonner cette interaction humaine « pour le lulz (troll) ».
Quiconque a passé du temps dans la section des commentaires d’un site web, ou, de plus en plus, dans des discussions sur une plateforme de réseaux sociaux, sait parfaitement pourquoi le terme « rage bait (trad. Litt. appât à colère) » a été choisi par l’Oxford comme mot de l’année 2025. Comme tout internaute le sait trop bien, de nos jours, toute conversation en ligne réunissant suffisamment de participants pour être intéressante est inévitablement dominée par le plus petit dénominateur commun de comportements bruyants, odieux et grossiers.
Mais les trolls sont d’une tout autre trempe. Ils tendent des appâts à colère et déversent des arguments de mauvaise foi en ligne comme moyen, au mieux, d’évacuer leurs penchants antisociaux dans un environnement où ils ne risquent pas de se faire casser la figure, et, au pire, de détourner délibérément les conversations en ligne loin de sujets productifs.
Au fil de mes recherches, il m’arrive parfois de tomber sur des forums en ligne à l’ancienne et d’autres parties depuis longtemps oubliées du web, qui montrent comment se déroulaient les discussions en ligne il y a vingt ans ou plus, avant l’avènement des réseaux sociaux. La différence entre ces discussions et ce qui passe aujourd’hui pour du discours en ligne est toujours à couper le souffle. On peut y voir des gens d’une époque révolue de l’Internet avoir des discussions approfondies, parfois sur des questions politiques ou sociales importantes, sur lesquelles les intervenants sont en désaccord fondamental. Mais, contrairement à tout ce que l’on verrait aujourd’hui, ces débatteurs en ligne d’autrefois prenaient non seulement le temps d’articuler leur point de vue et la manière dont ils y étaient parvenus, mais ils écoutaient réellement leurs interlocuteurs et — horreur ! — échangeaient de bonne foi. Parfois, ils concédaient même des points ou acceptaient d’être en désaccord.
Le fait qu’un tel discours en ligne fécond appartienne désormais au passé est, évidemment, quelque chose à déplorer. Mais ce qui rend la chose encore pire, c’est que les types de guerres de flammes toxiques et génératrices de rage qui tiennent aujourd’hui lieu de discours en ligne commencent désormais à se manifester dans le monde réel. Toute une génération de jeunes qui a grandi principalement en ligne et dans la culture du trolling sur Internet a été socialisée à penser que c’est là ce qu’est une discussion humaine naturelle. Ils reflètent désormais cette attitude dans leur comportement quotidien, hors ligne, « dans la vraie vie », ce qui conduit à l’effondrement des normes sociales que nous observons autour de nous aujourd’hui.
En d’autres termes, l’Internet mort fuit.
Oui, comme nous l’avons vu, les choses passent de mal (les espions en ligne et les cybercombattants) à pire (la bouillie d’IA du web actuel) à encore pire (les trolls qui menacent de déchirer le tissu même de la société).
Mais voici la vraie question : est-ce que cela s’améliore ?
CE QUE CELA SIGNIFIE

Comme d’habitude, la réponse à cette question dépend de ce que nous en faisons.
Certes, il y a des choses que nous pouvons faire pour rendre le monde en ligne légèrement plus humain (dans le bon sens du terme).
Vous pouvez éviter les espions, les trolls et les cybercombattants (du moins en grande partie) en évitant totalement les grandes plateformes de réseaux sociaux et en participant à des discussions dans des cercles plus élitistes (comme la section des commentaires de corbettreport.com, pour prendre un exemple totalement au hasard).
Vous pouvez reprendre davantage le contrôle de votre vie en ligne en utilisant les flux RSS au lieu de laisser les algorithmes déterminer ce que vous lirez, regarderez ou écouterez ensuite.
Diable, il existe même une nouvelle extension de navigateur appelée « Slop Evader » que vous pouvez installer, et qui promet de vous aider à explorer l’Internet d’avant la bouillie de l’IA en recherchant du contenu datant d’avant le moment où ChatGPT a été lâché dans le monde. (Bien que, comme son créateur le reconnaît lui-même, cette extension ne soit qu’un simple filtre de date pour les résultats de recherche Google et ne constitue donc pas une solution fondamentale à la crise).
Mais peut-être que la véritable solution à cette urgence de l’Internet mort, générée par des bots, propagée par des barbouzes et enflammée par des trolls, ne se trouve pas en ligne du tout. Peut-être que la véritable solution se trouve dans une véritable communauté humaine. Dans de vraies personnes se rassemblant dans le monde réel pour se reconnecter à ce qui est véritablement humain.
Oui, cela ressemble à un fantasme irréaliste dans le monde en ligne d’aujourd’hui, n’est-ce pas ? Mais si nous ne pouvons même pas en rêver, nous ne l’atteindrons certainement jamais.
Texte original publié le 14 décembre 2025 : https://corbettreport.substack.com/p/dead-internet-confirmed-its-agents
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1 NDT En référence au mouvement Q Anon, qui était selon Corbett une opération psychologique de manipulation (psyop) !