Traduction libre
Je veux parler maintenant d’un aspect de la pratique du Zen appelé « Aller tout droit ». Un étudiant demanda à son maître : « Qu’est-ce que le Tao ? » — c’est-à-dire « Quel est le chemin ? » — et le maître répondit : « Continuez. » Aujourd’hui, nous dirions : « Allez ! » — comme dans « Allez, mec, allez ! ». Cet aspect du Zen se réfère au détachement — avoir un esprit qui n’est pas collant ou qui ne tâtonne, ne vacille ou n’hésite pas. Lorsque les enseignants du zen posent une question à leurs élèves, ils attendent une réponse immédiate, sans préméditation ni délibération. Dans le zen, on parle alors d’une personne qui « ne dépend de rien ». C’est-à-dire une personne qui ne s’appuie pas sur des formules, sur des théories ou des croyances pour diriger sa vie.
C’est très difficile pour nous de fonctionner de cette façon. Nous avons été amenés à croire que nous avons deux faces de nous-mêmes : un côté animal et un côté humain, autrement dit civilisé. Pour Freud ce sont : le principe de plaisir / la nature animale / le ça et le principe de réalité / la nature sociale / le surmoi ; et pour lui, ces deux faces de la personne sont en conflit permanent. Les théosophes parlent d’un moi spirituel supérieur et d’un moi psychique inférieur (orienté par l’ego). Et si vous regardez les choses de cette manière, le problème de la vie est de laisser votre meilleur moi prendre en charge votre moi inférieur — comme un cavalier prenant la commande du cheval. Mais voici le vrai problème : comment sauriez-vous si ce que vous pensez être votre moi supérieur n’est en fait que votre moi inférieur déguisé ? Lorsqu’un voleur vole une maison et que les flics sont appelés, ils entrent dans la maison au rez-de-chaussée pendant que le voleur monte à l’étage supérieur. Et quand la police monte à cet étage, le voleur grimpe au suivant. De la même manière, lorsque nous nous sentons comme le moi inférieur, — c’est-à-dire comme un ego séparé, — les moralistes viennent nous dirent : « Ne soyez pas égoïstes ». Alors l’ego essaie de prétendre qu’il est bon en s’identifiant à un moi supérieur.
Qu’est-ce qui vous permet de croire que vous avez un moi supérieur ? Vous l’avez vu ? Vous savez qu’il est là ? Non, vous voulez juste faire votre devoir ou vous comporter comme un honnête membre de la société. Mais ce n’est qu’une fausse façade. Si vous ne savez pas qu’il existe un moi supérieur mais que vous croyez qu’il en existe un, sur quelle autorité vous appuyez-vous ? Les bouddhistes pourraient citer le Bouddha, les Hindous pourraient dire que ce sont les Upanishads, les chrétiens diront c’est Jésus. Le Catéchisme commence par la phrase suivante : « Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles. », et les catholiques méprisent les protestants qui interprètent librement la Bible comme bon leur semble car sans autorité. Mais c’est ignorer le fait que les catholiques ont choisi d’accepter l’autorité de l’église pour interpréter la Bible à leur gré. En d’autres termes, vous devez clairement comprendre que c’est vous qui créez les autorités que vous acceptez. Autrement, tout n’est que tricherie.
Le zen ne présente pas une dualité entre un moi supérieur et un moi inférieur. Si vous croyez en un moi supérieur, ce n’est qu’une arnaque du moi inférieur. Si vous croyez qu’il n’y a pas de moi inférieur, mais seulement le moi supérieur, ou que le moi inférieur n’est simplement que la chose à travers laquelle le moi supérieur peut rayonner, ce n’est que valider la dualité. Si vous pensez avoir un moi inférieur — ou un ego dont vous devez vous débarrasser — et que vous vous battez contre lui, c’est le moyen le plus efficace qui existe pour renforcer cette illusion. Donc, cette formidable schizophrénie chez les humains — de penser qu’ils sont à la fois le cavalier et le cheval, une âme en commande du corps, une volonté qui doit contrôler les passions, etc. — ce genre de pensée divisive aggrave tout simplement le problème. Nous devenons de plus en plus divisés. En pensant ainsi, on aboutit à un conflit intérieur qui ne sera jamais résolu. Soit vous connaissez le vrai moi, soit vous ne le connaissez pas, et s’il arrive que vous le connaissez, alors ce que nous appelons le moi inférieur cesse d’être un problème, car ce n’est qu’un mirage. Eh bien, vous n’allez pas frapper les mirages avec un bâton ou essayer de leur mettre des rênes. Vous savez qu’ils sont des mirages et vous les traversez.
Quand j’étais enfant et que je faisais des bêtises, ma mère me disait : « Alan, ça ne te ressemble pas ! » J’ai donc acquis la conception de ce à quoi je ressemble dans mes meilleurs moments, — c’est-à-dire les moments où je me rappelais ce que ma mère voulait de moi. C’est ce genre de scission qui est implanté en chacun de nous. Et comme notre esprit est divisé, nous hésitons toujours — le choix que je suis sur le point de faire provient-il du moi supérieur ou du moi inférieur ? De l’esprit ou de la chair ? Le message que j’ai reçu est-il de Dieu ou du diable ? Et personne ne peut décider, car si vous saviez comment choisir, vous n’auriez pas à le faire. Vous pouvez y penser jusqu’à perdre les nerfs, mais vous ne trouverez jamais la réponse, car les problèmes de la vie sont si subtils qu’il est difficile d’essayer de les résoudre avec de vagues principes, — même si ces principes prennent la forme d’instructions morales spécifiques — c’est totalement impossible.
Il est donc important de surmonter la division en nous. Mais comment ? Où commencer si vous êtes déjà divisé ? Un aphorisme taoïste dit : « Quand la mauvaise personne utilise les bons moyens, les bons moyens fonctionnent de la mauvaise manière ». Alors, que devez-vous faire ? Comment peut-on avancer ? Fondamentalement, bien sûr, vous devez y être emmené par surprise.
Winthrop Sargeant a interviewé un vénérable moine zen à Kyoto. Le moine a demandé : « Qui êtes-vous ? », Ce à quoi Winthrop Sargeant a répondu : « Je suis Winthrop Sargeant ». Et le moine rit. « Non, dit-il, je ne veux pas dire ça. Je veux dire, qui êtes-vous, vraiment ? » Ce qui amena Sargeant à émettre toutes sortes d’abstractions sur le fait qu’il est un être humain particulier — un journaliste et un musicien, etc. — et le moine continua à rire. Finalement, le moine passa à autre chose, Sargeant se détendit et lorsque par la suite le moine raconta une blague. Sargeant éclata de rire. Et le moine dit : « Là vous voilà ! »
Voyez que ce rire n’était pas une réponse réfléchie. La réponse d’un esprit non délibéré est une réponse de l’esprit de Bouddha, ou d’un esprit non attaché. Mais ce n’est pas la même chose qu’une réponse automatique, car si vous êtes fixé sur l’idée de réagir rapidement, la rapidité devient une forme d’obstruction. Parfois, le Dr Suzuki répondait aux questions après une minute de silence, pourtant sa réponse était spontanée, car pendant ce silence, il ne cherchait pas quoi dire — il n’était pas gêné par le silence ou par sa non-connaissance de la réponse. Si vous ne connaissez pas la réponse, vous pouvez rester silencieux. Si personne ne pose de question, vous pouvez vous taire. Nul besoin d’être gêné ou d’être coincé. Mais vous ne pouvez pas non plus vous empêcher de rester coincé si vous pensez que vous êtes coupable en étant coincé. Lorsque vous êtes totalement libre de vous sentir coincé ou non, alors vous n’êtes pas coincé. Rien ne peut coller au véritable esprit — vous pouvez en faire la découverte par vous-même, en observant le flux de vos pensées.
Ce que nous appelons « le flux de la conscience » ou « le flux des pensées » est décrit en chinois en répétant le caractère de « pensée » à trois reprises — nian, nian, nian. Pensée, pensée, pensée. Lorsque vous ruminez, une pensée suit une autre, les pensées montent et descendent comme des vagues sur l’eau. Et quand les pensées s’évanouissent, c’est comme si elles n’avaient jamais existé. Lorsque vous voyez cela, vous comprenez que votre esprit ne colle vraiment pas — vous n’avez que l’illusion qu’il colle. Vous pouvez expérimenter un cycle où les mêmes pensées se succèdent, et ceci vous donne un sentiment de permanence, mais c’est juste une illusion. C’est en connectant nos pensées ensemble que nous avons la sensation que derrière nos pensées se trouve un penseur qui contrôle les pensées et en fait l’expérience. Mais l’idée qu’il existe un penseur n’est qu’une pensée dans le flux des pensées — pensée, pensée, pensée, penseur, pensée, pensée, pensée, pensée, pensée, pensée, pensée, penseur et ainsi de suite. Et si ça se produit assez régulièrement, vous obtenez l’illusion qu’il y a quelqu’un qui pense en dehors du flux des pensées qui viennent et s’en vont.
C’est ainsi que nous devenons divisés. Nous pensons qu’il existe une entité réelle en dehors des pensées, qui les choisit, les contrôle, les organise et ainsi de suite. En réalité, c’est le moyen de ne pas pouvoir contrôler ses pensées. Plus forte est la dualité entre penseur et pensées, entre celui qui sent et sentiments, plus le flux de sensations est amené à une activité de protection de soi. Ce qui ressemble de plus en plus à un disque rayé en vue de protéger, d’agrandir et d’élargir le statut du soi-disant penseur.
Si je dis « Marche ou assieds-toi, mais quoi que tu fasses, ne vacille pas », que suis-je en train de dire ? Quel genre de déclaration est-ce ? Quand je pose cette question — c’est-à-dire quel genre de déclaration est-ce ? — Je commence à discourir sur le discours. Et il m’est possible de faire cela, à condition que je n’essaye pas de le faire en même temps que la déclaration initiale. Si je veux dire quelque chose sur ce que je viens juste de dire, je dois le faire après, n’est-ce pas ? Mais pas en même temps. Je ne peux pas dire que vous êtes un imbécile tout en disant : « Et maintenant, je vous insulte », en tant de mots — à moins d’inventer un langage extrêmement complexe qui parle de lui-même au fur et à mesure. Cette explication vient illustrer la manière dont nous nous embrouillons complètement. Pendant que nous exprimons quelque chose, nous commençons à nous demander si c’est la bonne ou la meilleure chose à dire — autrement dit, nous commençons à hésiter. Nous commençons à recevoir trop de feed-back, et trop de feed-back rendent fou tout mécanisme. Et lorsque vous êtes très conscient d’une différence entre les actes et leur auteur, et que l’auteur commente ses actes en les exécutant, il n’en finira jamais. Vous voulez enfoncer un clou avec un marteau et, au moment où vous êtes sur le point de le faire, vous vous demandez si c’est le meilleur endroit pour le poser. Et c’est la raison pour laquelle vous vous frappez probablement le pouce — vous n’avez pas réussi à enfoncer le clou.
Je ne dis pas qu’il ne devrait y avoir aucune critique de la pensée. Je dis que lorsque vous critiquez la pensée en même temps que vous pensez, vous êtes désorienté et foncièrement confus. C’est ce que signifie le terme sanscrit klesha — une confusion troublante de l’esprit. Et ce genre de confusion est particulier aux humains en raison du langage, et j’utilise ce mot de manière très inclusive — mots, images, nombres, notations, etc. Donc, parce que nous pouvons parler de n’importe quoi, nous pouvons discourir sur le discours, nous pouvons parler sur la réflexion, et nous pouvons parler sur nous-mêmes comme si nous pouvions nous tenir à l’écart et dire : « Je me suis dit, disais-je ». Mais tout ce que nous sommes en train de faire est de produire une seconde pensée qui commente la précédente tout en prétendant que la seconde pensée est différente de la première. Et nous l’acceptons car nous croyons à toutes sortes d’images factices sur la mémoire — par exemple, nous pensons à la mémoire en termes d’enregistrement, comme pour une surface plane, fixe sur laquelle des marques sont inscrites pour une révision ultérieure. Nous pensons qu’il existe une chose stable sur laquelle les pensées laissent une marque à leur passage.
Cela vous semble-t-il familier ? Cette idée est directement liée à l’ancienne superstition selon laquelle le monde se compose de deux éléments – la matière et la forme. C’est le modèle en céramique de l’univers. Dieu a façonné Adam avec la poussière du sol. Donc, il y a des choses d’un côté et des formes gravées dessus — qui lui sont imposées, estampées — comme un sceau estampé à la cire. Mais qu’est-ce qu’une chose en dehors de la forme ? Et qu’est-ce que la forme en dehors de la chose ? Personne n’a jamais vu une partie d’une chose sans forme et personne n’a jamais vu une partie d’une forme sans chose, — c’est la même chose. Il n’est pas nécessaire de les penser comme différentes.
Il y a processus. Il y a le flux de la pensée. Le flux de la pensée n’arrive pas nécessairement à quelqu’un. L’expérience n’a pas besoin de frapper un expérimentateur. C’est juste un courant qui passe et nous nous persuadons d’être à côté et de l’observer, car c’est ainsi que nous avons été élevés. Dans ma pensée et dans mon expérience, je suis un objet — un objet très fugitif et passager — et vous êtes un objet qui va-et-vient. Je pense qu’il y a un moi entouré d’un monde extérieur, et vous pensez la même chose. Mais si vous y pensez sérieusement — que j’existe dans votre monde extérieur et vous dans mon monde extérieur — vous réalisez que ce n’est qu’un seul monde, que tout va ensemble. Il n’y a pas d’intérieur ou d’extérieur, c’est tout simplement le processus. Il est donc important de se débarrasser de l’illusion de dualité entre le penseur et la pensée. Découvrez qui est le penseur — celui qui semble être derrière les pensées. Qui est le vrai, l’authentique vous ?
Les maîtres zen utilisent parfois le cri comme méthode. Le maître dit : « Je veux vous entendre dire le mot mo et le dire vraiment. Je veux entendre non seulement le son, mais aussi la personne qui le dit. Maintenant, produis-le pour moi. » Et l’étudiant crie : « Mo ! ». Et l’enseignant zen dit :« Non. Ce n’est pas ça. » Et l’élève crie « Mo ! » encore plus fort, et le maître dit :« Pas tout à fait. Ça vient toujours de ta gorge. » Et cela dure longtemps, parce que le vrai mo ne sortira jamais tant que l’élève fait encore une différence entre un vrai mo et un faux mo.
Pour agir avec confiance, il suffit de le faire. Mais les gens n’y étant pas habitués, il est nécessaire de créer des situations sécuritaires comme celle ci-dessus dans lesquelles ça devient possible. Si nous agissions sans réfléchir durant les relations sociales habituelles, nous aboutirions à de grandes confusions. Si, par exemple, nous suivions le conseil de nos parents de toujours dire la vérité et que nous disions aux gens ce que nous pensons vraiment d’eux, nous aurions probablement de gros ennuis. Mais le zen offre une sorte de cadre dans lequel on peut pratiquer ce type de comportement — et les gens en deviennent experts et apprennent à l’appliquer dans toutes les situations. Les enseignants zen placent leurs élèves dans des situations qui les bloquent dans le cours normal des relations sociales. Par exemple, ils posent des questions absurdes telles que « Quel est le son d’une seule main qui applaudit ? » Et font des demandes impossibles, telles que « Touchez le plafond sans vous lever de votre chaise » ou « Arrêtez le son du sifflet de ce train ». Lorsque nous interprétons ces questions ou demandes d’une manière ordinaire, elles sont impossibles. Nous avons à dépasser nos moyens particuliers de discours.
Tous ces jeux auxquels nous jouons — jeux sociaux, jeux de production, jeux de survie — sont de bons jeux. Mais nous les prenons trop au sérieux. Nous pensons que le je est la seule chose importante ; alors le Zen s’efforce de nous détacher de cette idée, et ce faisant, nous réalisons qu’il est aussi bon de tomber raide mort que de continuer à vivre. Un éclair est-il mauvais parce qu’il ne dure qu’une fraction de seconde ? Une étoile est-elle bonne parce qu’elle existe depuis des milliards d’années ? Vous ne pouvez faire ce genre de comparaison. Un monde de foudre va de pair avec un univers d’étoiles — des créatures de courte durée et de longue durée vont de pair. C’est la signification du poème : « Les branches en fleurs croissent naturellement, certaines courtes, certaines longues ».
Dans une communauté zen, le comportement spontané est encouragé dans une certaine limite et, à mesure que l’élève s’y habitue, la limite est élargie. Finalement, l’étudiant pourra sortir dans la rue et se comporter comme un véritable personnage zen et se débrouiller parfaitement. Vous savez comment vous rencontrez quelqu’un dans la rue : vous vous dirigez l’un vers l’autre et vous décidez tous deux de vous déplacer dans la même direction pour éviter de vous cogner, puis vous reculez dans l’autre sens mais vous vous rapprochez de plus en plus de la collision ? C’est le genre de tour que les enseignants du Zen font subir à leurs élèves. Ils embrouillent leurs élèves pour voir comment ils s’en sortent.
Dans la vie de tous les jours, il existe une distinction très nette entre les personnes qui semblent toujours avoir le sang-froid et les personnes hésitantes et nerveuses. Ces dernières ne savent pas trop comment réagir dans une situation donnée — elles sont toujours embarrassés car leur vie est trop fortement programmée. « Vous avez dit que vous feriez telle chose à telle heure, etc., et maintenant vous avez changé vos plans et tout est foiré » — n’est-ce pas une commune querelle de mariage ? Le changement de plan ne cause pas vraiment d’inconvénient majeur, c’est juste un sentiment qui découle du fait qu’on est très inadaptable. S’il n’y a pas vraiment l’importance de faire telle ou telle chose, et que l’on s’offusque du fait que l’heure a été modifiée, c’est simplement parce qu’on est attaché à la ponctualité comme un fétiche. Nous dépensons énormément d’énergie à essayer de conformer notre vie à des images à ce qu’elles sont ou devraient être — des images que nos vies ne pourront jamais égaler ni satisfaire. La pratique zen implique, donc, de se débarrasser de ces images.
Dans notre culture, il y a des humoristes — ils savent faire des blagues et réussissent des gags dans des situations complètement inattendues. Eh bien, un maître zen fait exactement la même chose dans les situations de tous les jours. Vous pouvez le faire aussi, à condition de vous rappeler une seule chose et c’est un secret : vous ne pouvez pas vous tromper. C’est une chose très difficile à comprendre. Depuis notre enfance, nous nous sommes conformés à un certain jeu social qui stipule que vous ne devez pas commettre d’erreur, vous devez faire ce qui est bien, vous devez adopter un comportement approprié ici et un comportement approprié là, etc. Eh bien, nous sommes vraiment dépendants de ça — il est difficile de sortir de ce jeu d’enfant. De même, nous croyons toujours au jeu d’enfance qui dit qu’il y a trois types de personnes : Au sommet, au milieu et en bas. Chacun veut faire partie du groupe d’en haut — ils vivent au sommet de la colline, conduisent des Cadillac, ont une belle moquette, des pelouses tondues, etc. Et personne ne veut faire partie du groupe inférieur de personnes qui vivent au bord de l’eau, se font pousser la barbe, portent des jeans et fument de la marijuana. La plupart d’entre nous se situent quelque part au milieu et nous essayons toujours de grimper, ne réalisant jamais que le sommet a besoin du bas et que le bas a besoin du haut.
Ce jeu de compétition se manifeste aussi d’autres manières : je suis plus fort que vous ; Je suis plus intelligent que vous ; Je suis plus tendre que vous ; Je suis plus tolérant que vous ; Je suis plus sophistiqué que vous ; etc. Peu importe ce que c’est, ce jeu de statut social est toujours actuel. Un étudiant zen est une personne qui a cessé de jouer à ce genre de jeu. La vraie signification d’être un moine est de ne plus essayer de dépasser les autres. Pour devenir un maître, il ou elle doit arriver au point où ils ne cherchent plus à devenir un maître. L’idée même d’être meilleur qu’un autre n’a aucun sens. C’est totalement dénué de sens. Voyez, chacun manifeste la merveille de l’univers de la même manière que les étoiles, l’eau, le vent et les animaux. Et vous voyez chacun d’entre eux bien à sa place dans l’incapacité de commettre la moindre erreur, même s’ils pensent à leur manière qu’ils en commettent et poursuivent le jeu de la compétition.
Donc, si le jeu commence à vous ennuyer ou à vous causer des problèmes et des ulcères, alors vous pourriez penser à quitter le jeu et à vous intéresser à quelque chose comme le zen. Mais c’est simplement un symptôme de votre croissance dans une certaine direction. Lorsque vous êtes fatigué de jouer à un certain type de jeu, vous prenez naturellement une autre direction, tel un arbre qui produit une nouvelle branche. Avec un peu de chance vous le ferez au-delà des distinctions du supérieur et de l’inférieur, c’est-à-dire que vous ne pensez pas : « Je suis une personne spirituelle maintenant qui s’occupe de choses plus élevées ; Je ne suis pas un de ces abrutis qui s’intéresse uniquement à la bière et à la télévision. » Il existe différentes façons de vivre, tout comme il y a des crabes et des araignées, des requins et des moineaux, etc. Rappelez-vous du poème que j’ai cité plus tôt qui dit : « Les branches en fleurs croissent naturellement — certaines sont courtes, d’autres sont longues » ? Le premier verset du même poème se lit comme suit : « Dans le panorama du printemps, il n’y a rien de supérieur et rien d’inférieur. » À quoi sert la supériorité ? Dans le processus de croissance, le chêne n’est pas meilleur que le gland. Le chêne n’est que le moyen qu’a le gland pour produire d’autres glands.
Il y a donc un avantage particulier à devenir un marginal dans le sens de ne plus prendre au sérieux le jeu social. Et même lorsque les gens insistent sans cesse pour que vous jouiez le jeu, vous ne vous sentirez pas menacé par l’idée de faire des erreurs ou de mal faire les choses. En d’autres termes, vous ne continuez plus le conditionnement de votre enfance à l’âge adulte. Les prédicateurs, les juges et les enseignants de tous types adoptent la même attitude envers les adultes que les parents adoptent envers les enfants : ils leur disent ce qu’ils devraient faire et ne pas faire. Eh bien, peut-être que certains criminels ont encore à grandir, mais vous pouvez en dire autant des juges : il faut être deux pour se disputer. Et quand vous quittez le jeu, vous pouvez commencer à penser différemment — en polarités et non en conflits — car vous n’avez plus besoin de rester collé à la pensée concurrentielle : les bons contre les méchants, les flics contre les voleurs, les capitalistes contre les communistes, et toutes ces autres idées qui sont simplement infantiles.
Bien sûr, j’utilise un type de langage concurrentiel pour montrer que le jeu compétitif a ses limites. C’est comme si je venais de dire : « Regardez, j’ai quelque chose à vous dire, et si vous le saisissez, vous serez dans une situation bien meilleure que celle que vous aviez avant d’entendre ce que j’avais à dire. » Mais vous pouvez parler à un groupe particulier sans utiliser le langage, les gestes, les coutumes et les autres spécificités de ce groupe. Et les maîtres zen tentent de contourner cette situation en agissant de manière étrange et soudaine telle que les gens ne peuvent tout simplement pas comprendre. C’est la vraie raison pour laquelle le Zen ne peut pas être expliqué. Vous avez à faire un saut hors de ce jeu d’évaluation — les meilleurs contre les moins bons, le groupe contre le hors-groupe, etc. — et vous ne pouvez faire ce saut qu’en voyant qu’ils sont tous interdépendants. Disons que je vous parle, et je vous dis : « Regardez, j’ai une chose très spéciale à vous dire et vous devez absolument y faire attention. » Eh bien, je suis dans le groupe et vous à l’extérieur du groupe. Mais en réalité, je ne peux jouer le professeur si vous ne jouez l’élève ou l’auditeur — mon statut et ma position dépendent totalement de vous. Ce n’est pas quelque chose que j’ai d’abord, et puis vous le voyez : ces choses se produisent mutuellement. Donc, si vous n’avez pas écouté ce que j’ai à dire, je n’aurai pas parlé. Je n’aurai pas su quoi dire.
C’est donc cela l’intuition que les choses se tiennent mutuellement. Et quand vous le voyez et que vous n’êtes plus en compétition, vous ne commettrez plus d’erreurs, car vous n’hésitez plus. Quand j’ai appris à jouer du piano, mon professeur me frappait les doigts avec un crayon chaque fois que je jouais une fausse note. En conséquence, je n’ai jamais appris à lire de la musique — j’avais peur de ce crayon, j’ai donc hésité trop longtemps. Ce genre de chose s’intègre à notre psychisme. Même si nous sommes des adultes et avons dépassé l’âge d’être battus ou engueulés, nous entendons toujours les échos à l’arrière de notre tête de notre mère crier ou de papa hurler. Et nous transmettons les mêmes attitudes à nos propres enfants, et la farce continue. Cela ne veut pas dire que vous ne devriez pas fixer les règles avec vos enfants, mais que vous deviez prendre des dispositions pour les libérer plus tard dans la vie — je veux dire, vous devriez suivre un processus pour les guérir des effets pervers de l’éducation. Mais vous ne pouvez le faire que si vous grandissez vous aussi. À moins que nous grandissions. Je devrais m’inclure dans cette déclaration.
Lorsque nous rencontrons des maîtres zen pour la première fois, ils se présentent d’abord comme des figures extrêmement autoritaires. C’est-à-dire qu’ils font un excellent spectacle en tant que dragon, pour éliminer les personnes qui n’ont pas le courage de se lancer dans le travail. Mais une fois que vous avez dépassé cela, un changement très intéressant se produit. Le maître devient plus comme un frère ou une sœur. Ils deviennent des assistants affectueux et les élèves aiment le maître comme un proche frère ou sœur, au lieu de le respecter comme un parent. Et les élèves et les maîtres se jouent des tours, ils entretiennent une relation sociale très curieuse. Elle a l’apparence d’un piège et d’être autoritaire, mais tout le monde à l’intérieur sait quelle farce c’est. Vous voyez, les personnes libérées doivent être très cool. Autrement, une société qui ne croit pas vraiment en l’égalité et ne peut pas la pratiquer pourrait considérer ce type de relation comme une menace. Cela serait considéré comme extrêmement subversif. Les maîtres zen portent donc tout ce violet et cet or, portent des sceptres et s’assoient sur des trônes. Le monde extérieur regarde cela et se dit : « Ok, ce sont des gens bien. Ils ont de la discipline et de l’ordre ; c’est sans problème ! ».