P.D. Ouspensky
Les 4 niveaux de conscience et les 7 catégories d'hommes

Poursuivant notre étude de l’homme, nous abordons à présent plus en détail les différents états de conscience. Comme je l’ai dit précédemment, il existe quatre états de conscience possibles pour l’homme : le sommeil, la conscience lucide, la conscience de soi et la conscience objective ; mais l’homme ne vit que dans deux de ces […]

Poursuivant notre étude de l’homme, nous abordons à présent plus en détail les différents états de conscience.

Comme je l’ai dit précédemment, il existe quatre états de conscience possibles pour l’homme : le sommeil, la conscience lucide, la conscience de soi et la conscience objective ; mais l’homme ne vit que dans deux de ces états : en partie dans le sommeil et en partie dans ce que l’on nomme parfois conscience de veille. C’est comme s’il possédait un immeuble de quatre étages mais n’habitait que les deux étages inférieurs.

Le premier, ou le plus bas des états de conscience est le sommeil. C’est un état purement subjectif et passif. L’homme y est environné de rêves. Toutes ses fonctions psychiques travaillent sans direction. Il n’y existe ni logique, ni continuité, ni causes, ni résultats. Des images purement subjectives – échos d’expériences passées ou reflets de vagues perceptions du moment, tels que des sons atteignant le dormeur, des sensations en provenance du corps, comme des légères douleurs, des sensations de tensions musculaires – traversent notre esprit, ne laissant qu’une trace infime dans la mémoire ou, le plus souvent, pas de traces du tout.

Le second niveau de conscience survient lorsque l’homme s’éveille. Ce second état, celui où nous nous trouvons en ce moment, c’est-à-dire celui dans lequel nous travaillons, parlons, imaginons que nous sommes des êtres conscients, nous l’appelons conscience de veille ou conscience lucide, mais il devrait plus justement être nommé « sommeil éveillé » ou « conscience relative ». Ce dernier terme sera expliqué plus tard.

Il est nécessaire ici de comprendre que le premier état de conscience – le sommeil – ne se dissipe pas quand apparaît le second, c’est-à-dire lorsque l’homme s’éveille. Le sommeil demeure présent avec tous ses rêves et ses impressions, s’y ajoute simplement une attitude plus critique envers ses propres impressions, des pensées mieux coordonnées et des actions plus disciplinées. À cause de la vivacité des impressions sensorielles, des désirs et des sentiments – en particulier le sentiment de contradiction ou d’impossibilité, entièrement absents au cours du sommeil – les rêves deviennent alors invisibles, de la même manière que sous l’éclat du soleil, les étoiles et la lune pâlissent.

Mais les rêves sont toujours présents et exercent souvent, sur l’ensemble de nos pensées, de nos sentiments et de nos actes, une influence dont la force dépasse même parfois les impressions réelles du moment. À ce sujet, je dois préciser que je ne parle pas ici de ce que la psychologie moderne qualifie de « subconscient » ou de « pensée subconsciente ». Ces expressions sont simplement erronées – des mots qui ne signifient rien et ne se réfèrent à aucun fait réel. Il n’existe en nous rien de subconscient en permanence, pour la raison qu’il n’existe rien de conscient en permanence et il n’existe aucune « pensée subconsciente » pour la raison très simple qu’il n’existe pas de « pensée consciente ». Plus tard, vous comprendrez comment cette erreur a pris corps et comment cette terminologie erronée a pu s’imposer pour être aujourd’hui largement admise.

Mais revenons à notre classification des états réels de conscience. Le premier est le sommeil. Le second est le « sommeil éveillé » ou « conscience relative ».

Le premier, ai-je dit, est un état purement subjectif. Le second l’est moins ; déjà l’homme y distingue le « moi » et le « non-moi », c’est-à-dire son corps et les objets distincts de son corps et il peut, dans une certaine mesure, s’orienter parmi eux et connaître leurs positions et qualités. Mais, dans cet état, on ne peut pas vraiment dire que l’homme soit éveillé, parce qu’il reste fortement influencé par les rêves et qu’en fait il vit davantage dans les rêves que dans la réalité. Toutes les absurdités et contradictions des hommes et de la vie humaine en général s’expliquent lorsque nous réalisons que les gens vivent dans le sommeil, agissent en tout dans le sommeil et pourtant ignorent qu’ils sont endormis.

Il est utile de se rappeler que tel est bien le sens intérieur de nombreux enseignements anciens. Celui qui nous est le plus proche est le christianisme ou l’enseignement des évangiles, selon lequel la compréhension de la vie humaine se base sur l’idée que les hommes vivent dans le sommeil et doivent avant tout s’éveiller. Cette idée est très rarement comprise comme elle le devrait, en l’occurrence : au pied de la lettre.

Mais la question demeure : comment s’éveiller ? L’enseignement des évangiles dit qu’il faut veiller, mais il ne précise pas comment.

L’étude psychologique de la conscience montre que lorsqu’un homme réalise qu’il est endormi, il est déjà sur le chemin de l’éveil. Jamais il ne pourra s’éveiller sans d’abord se rendre compte qu’il est endormi.

Ces deux états, le sommeil et le sommeil éveillé, sont les deux seuls états de conscience dans lesquels l’homme vive. En dehors d’eux, il existe deux autres états de conscience possibles pour l’homme, mais ils ne lui sont accessibles qu’après une lutte dure et prolongée.

Ces deux états supérieurs de conscience se nomment « conscience de soi » et « conscience objective ».

Nous estimons généralement que nous possédons la conscience de soi, c’est-à-dire que nous sommes conscients de nous-mêmes ou, en tout cas, que nous sommes capables d’être conscients de nous-même au moment où nous le désirons. Mais, en vérité, la « conscience de soi » est un état que nous nous attribuons sans droit. Et la « conscience objective » est un état dont nous ne connaissons rien.

Dans l’état de conscience de soi, l’homme devient objectif envers lui-même, et dans l’état de conscience objective, il entre en contact avec le monde réel ou objectif — monde dont il est pour l’heure séparé par les sens, les rêves et les états subjectifs de conscience.

Une autre définition des quatre états de conscience peut être établie à partir de la possibilité qu’ils offrent de connaître la vérité.

Dans le premier état de conscience, le sommeil, nous ne pouvons rien savoir de la vérité. Même si certaines perceptions ou sentiments réels nous parviennent, ils se mêlent aux rêves et nous sommes dans l’incapacité de distinguer les rêves de la réalité.

Dans le second état de conscience — le sommeil éveillé — nous n’avons accès qu’à une vérité relative, d’où l’expression « conscience relative ».

Dans le troisième état de conscience — l’état de conscience de soi — nous pouvons connaître toute la vérité sur ce qui nous concerne.

Dans le quatrième état de conscience, l’état de conscience objective, nous sommes capables de connaître la vérité sur tout. Nous pouvons alors étudier les « choses en elles-mêmes » et « le monde tel qu’il est ».

Ceci est tellement éloigné de nous que nous ne pouvons pas même y penser de manière juste et nous devons nous efforcer de comprendre que même des éclairs de conscience objective ne peuvent survenir que dans un état pleinement réalisé de conscience de soi.

Dans l’état de sommeil, nous pouvons avoir des lueurs de conscience relative. Dans l’état de conscience relative, nous pouvons avoir des lueurs de conscience de soi. Mais si nous voulons faire l’expérience de périodes de conscience de soi plus longues, plutôt que se contenter de brèves lueurs, nous devons comprendre qu’elles ne peuvent pas venir d’elles-mêmes. Elles nécessitent un acte de volonté. Ceci signifie que la fréquence et la durée des moments de conscience de soi dépendent du contrôle que l’on a sur soi-même.

Et donc, que la conscience et la volonté sont presque une seule et même chose ou, en tous cas, qu’elles représentent deux aspects d’une même réalité.

À ce point, il doit être compris que le premier obstacle rencontré sur le chemin du développement de la conscience de soi est la conviction, chez l’homme, qu’il la possède déjà ou en tous cas qu’il peut en disposer au moment où il le désire.

Il est très difficile de persuader un homme qu’il n’est pas conscient et qu’il ne peut le devenir à son gré. C’est particulièrement difficile parce que la nature, à ce point, lui joue un mauvais tour.

Demandez à un homme s’il est conscient, ou dites-lui qu’il ne l’est pas, il répliquera aussitôt qu’il est pleinement conscient et qu’il est absurde de lui dire qu’il ne l’est pas puisqu’il vous entend et vous comprend. Et il aura parfaitement raison, bien qu’en même temps il soit dans l’erreur. Voilà où est le piège tendu par la nature. Il aura raison parce que pour un instant votre question ou votre remarque l’ont rendu vaguement conscient. L’instant d’après, cette conscience aura disparu. Mais il se souviendra de ce que vous avez dit et de sa réponse, et il persistera à se croire conscient.

En réalité, l’acquisition de la conscience de soi nécessite un travail dur et prolongé. Comment un homme accepterait-il de se plier à ce travail s’il estime posséder déjà cette chose même qu’on lui promet comme résultat d’un travail long et difficile ? Naturellement, cet homme n’entreprendra pas ce travail, ni même n’en éprouvera-t-il la nécessité, avant d’être convaincu qu’il ne possède ni la conscience de soi ni tout ce qui s’y rapporte, à savoir l’unité intérieure ou individualité, un Moi permanent et la volonté.

Ce qui nous amène à la question des écoles. En effet, les méthodes de développement de la conscience de soi, de l’unité, du moi permanent et de la volonté, ne peuvent être apportées que par des écoles spéciales. Ceci doit être bien compris. Les hommes qui se situent au niveau de la conscience relative ne peuvent pas découvrir ces méthodes par eux-mêmes et ces méthodes ne peuvent pas être décrites dans des livres ou enseignées dans des écoles ordinaires pour la très simple raison qu’elles sont différentes pour chacun et qu’il n’existe aucune méthode universelle applicable à tous.

En d’autres termes, cela signifie que les hommes qui désirent changer leur état de conscience ont besoin d’une école. Mais ils doivent d’abord commencer par prendre conscience qu’ils en ont besoin. Aussi longtemps qu’ils pensent pouvoir faire quelque chose par eux-mêmes, ils ne seront capables en rien de profiter d’une école, même au cas où ils en trouveraient une. Les écoles n’existent que pour ceux qui en ont besoin et qui savent qu’ils en ont besoin.

La notion d’école — l’étude des différentes écoles qui peuvent exister, l’étude des principes et des méthodes d’école — tient une place très importante dans l’étude de cette psychologie fondée sur l’idée d’évolution car, sans école, pas d’évolution possible. On ne peut même pas commencer, car on ne sait comment faire ; encore moins peut-on poursuivre et atteindre quoi que ce soit.

Ce qui veut dire qu’après s’être débarrassé de la première illusion — celle de déjà posséder ce que l’on peut espérer acquérir — on doit se défaire de la seconde illusion — celle de pouvoir obtenir quoi que ce soit par soi-même ; parce que tout seul on ne peut parvenir à rien.

Ces conférences ne constituent pas une école — pas même le commencement d’une école. Une école exige une bien plus grande pression de travail. Mais, dans ces conférences, je peux proposer à ceux qui veulent entendre quelques idées sur la façon dont les écoles travaillent et comment on peut les découvrir.

J’ai déjà proposé deux définitions de la psychologie : j’ai d’abord dit que la psychologie est l’étude de l’évolution possible de l’homme ; ensuite que la psychologie est l’étude de soi.

Je veux dire par là que seule la psychologie dont l’objet est l’évolution de l’homme mérite d’être étudiée et que celle qui s’occupe d’une seule phase de cette évolution, sans rien connaître des phases suivantes, est d’évidence incomplète et ne peut présenter aucune valeur, même sous un aspect purement scientifique, c’est-à-dire celui de l’expérimentation et de l’observation. En effet, la phase actuelle, telle que l’étudie la psychologie ordinaire, ne peut pas être considérée séparément : elle comporte de nombreuses subdivisions qui relient les phases inférieures aux plus hautes.

De plus, les mêmes observations et expériences montrent que l’on ne peut étudier la psychologie comme on étudie toute autre science qui n’est pas directement liée à soi-même.

Pour l’étude de la psychologie, il est nécessaire de partir de soi. Lorsque nous confrontons, d’une part, ce que nous pouvons savoir sur la phase suivante de l’évolution de l’homme — à savoir l’acquisition de la conscience, de l’unité intérieure, d’un Moi permanent et de la volonté — et, d’autre part, certaines données que nous pouvons acquérir par l’observation de soi — à savoir la prise de conscience que nous ne possédons pas les pouvoirs et facultés que nous nous attribuons — nous nous heurtons à une nouvelle difficulté dans la compréhension du sens de la psychologie et ressentons la nécessité d’une nouvelle définition.

Les deux définitions proposées dans la précédente conférence ne sont pas suffisantes parce que, livré à lui-même, l’homme ne sait pas quelle évolution lui est possible, ne voit pas où il en est actuellement et s’attribue des caractéristiques qui appartiennent à des stades supérieurs de l’évolution. En fait, il ne peut pas s’étudier lui-même dans la mesure où il est incapable de distinguer en lui la part du réel et celle de l’imaginaire.

Qu’est-ce que mentir ? Tel qu’on le comprend dans le langage ordinaire, mentir signifie déformer ou, dans certains cas, dissimuler la vérité ou ce que les gens estiment être la vérité. Ce genre de mensonge joue un rôle très important dans la vie, mais il existe des formes bien pires de mensonge, lorsque les gens ne savent pas qu’ils mentent. J’ai dit dans la dernière conférence que, dans notre présent état, nous ne pouvions connaître la vérité, qu’il ne nous sera donné de la connaître que dans l’état de conscience objective. Comment donc pourrions-nous mentir ? Il semble qu’il y ait là une contradiction, mais en réalité il n’y en a aucune. Nous ne pouvons pas connaître la vérité mais nous pouvons prétendre la connaître. Et c’est là où est le mensonge. Le mensonge emplit notre vie entière. Les gens prétendent connaître toutes sortes de choses concernant Dieu, la vie future, concernant l’univers, l’origine de l’homme, l’évolution et tout le reste ; mais en réalité ils ne savent rien, même en ce qui les concerne. Et chaque fois qu’ils parlent d’un sujet qu’ils ignorent comme s’ils le connaissaient, ils mentent. Par conséquent, l’étude du mensonge est de première importance en psychologie, et ceci pourrait même conduire à cette troisième définition : la psychologie est l’étude du mensonge.

La psychologie s’intéresse tout particulièrement aux mensonges que l’homme émet et pense à propos de lui-même. Ces mensonges rendent très difficile l’étude de l’homme.

L’homme, tel qu’il est, n’est pas un produit authentique. Il est l’imitation de quelque chose, et plutôt une très mauvaise imitation.

Imaginez un savant d’une planète éloignée recevant de la terre des spécimens de fleurs artificielles, sans avoir la moindre idée de ce que sont les vraies fleurs. Il lui sera extrêmement difficile de les définir – d’expliquer leurs formes, leurs couleurs, les matériaux dont elles sont faites : fil de fer, coton, papier coloré – et de les classer d’une manière quelconque.

Par rapport à l’homme, la psychologie se situe dans une position comparable. Elle étudie un homme artificiel sans rien connaître de l’homme réel.

De toute évidence, il n’est pas facile d’étudier un être tel que l’homme qui ne sait pas lui-même ce qui, en lui, relève du réel ou de l’imaginaire. Aussi la psychologie doit commencer par distinguer, en l’homme, le réel de l’imaginaire.

Il est impossible d’étudier l’homme comme un tout, car l’homme est divisé en deux parties : l’une d’elles, en certains cas, peut être presque entièrement réelle et l’autre, en certains cas, entièrement imaginaire. Chez la plupart des hommes ordinaires, ces deux parties sont mélangées et difficiles à distinguer bien qu’elles soient toutes deux présentes et qu’elles aient toutes deux leur signification et leurs effets particuliers.

Dans l’enseignement que nous étudions, ces deux parties se nomment essence et personnalité.

L’essence est ce qui est inné en l’homme. La personnalité est ce qui est acquis.

L’essence est son bien propre. La personnalité est ce qui ne lui appartient pas.

L’essence ne peut être perdue, ne peut être modifiée ni dégradée aussi facilement que la personnalité. La personnalité peut être presque entièrement modifiée par un changement de circonstances ; elle peut être perdue ou facilement blessée.

Si j’essaye de décrire ce qu’est l’essence, je dois dire tout d’abord qu’elle constitue la base de la structure physique et psychique de l’homme. Par exemple, un homme a naturellement ce que l’on appelle le pied marin, un autre pas ; l’un a l’oreille musicale, l’autre en est dépourvu ; l’un a le don des langues, pas l’autre. C’est cela l’essence.

La personnalité est tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, c’est-à-dire en langage ordinaire « consciemment » ou « inconsciemment », a pu être appris. Dans la plupart des cas, « inconsciemment » signifie par imitation, ce qui de fait joue un rôle très important dans la construction de la personnalité. Même dans les fonctions instinctives, qui devraient normalement être exemptes de personnalité, il existe habituellement de nombreux soi-disant « goûts acquis », ce qui veut dire toutes sortes d’attirances et de répulsions artificielles qui sont toutes acquises par l’imitation et l’imagination. Ces attirances et répulsions artificielles jouent un rôle important et désastreux dans la vie de l’homme. Par nature, il devrait aimer ce qui lui est favorable et repousser ce qui lui est nuisible. Mais ceci n’arrive que lorsque l’essence domine la personnalité, comme cela devrait être le cas – en d’autres termes, lorsque l’homme est sain et normal. Quand la personnalité se met à dominer l’essence, c’est-à-dire lorsque l’homme devient moins sain, il commence à aimer ce qui lui est nuisible et à rejeter ce qui est bon pour lui.

Nous touchons là la conséquence principale d’un dysfonctionnement dans les relations entre l’essence et la personnalité.

Dans les conditions normales, l’essence domine la personnalité et la personnalité peut alors se révéler très utile. Mais si la personnalité domine l’essence, cela produit toutes sortes de résultats nuisibles.

Il faut comprendre que la personnalité est aussi nécessaire à l’homme ; on ne peut vivre sans personnalité, avec notre seule essence. Mais l’essence et la personnalité doivent croître parallèlement et l’une ne doit pas l’emporter sur l’autre.

Chez certaines personnes n’ayant pas reçu d’éducation, l’essence domine la personnalité. Ces gens qualifiés de simples peuvent être très bons, même très malins, mais ils sont incapables de se développer autant que ceux qui sont pourvus de personnalités plus affirmées.

Chez d’autres plus cultivés, la personnalité dépasse l’essence et, dans ce cas, l’essence demeure à un stade à demi-réalisé ou à demi-développé. Ceci signifie qu’à la suite d’un développement trop rapide et prématuré de la personnalité, la croissance de l’essence peut être pratiquement bloquée à un âge très tendre. Ainsi, nous pouvons rencontrer des hommes et des femmes d’âge adulte dont l’essence stagne depuis l’âge de dix ou douze ans.

Bien des conditions de la vie moderne favorisent ce sous-développement de l’essence. Par exemple, l’engouement pour le sport, en particulier la compétition sportive, peut irrémédiablement arrêter le développement de l’essence et parfois à un âge si tendre que l’essence, par la suite, ne pourra plus jamais croître.

Ceci montre que l’essence ne peut être considérée comme relevant uniquement de la seule constitution physique dans la plus simple acception de cette notion. Afin d’expliquer plus clairement ce que signifie l’essence je dois à nouveau revenir à l’étude des fonctions.

J’ai dit dans la dernière conférence que l’étude de l’homme commence par l’étude de quatre fonctions : l’intellectuelle, l’émotionnelle, la motrice et l’instinctive. Nous savons, par la psychologie et la pensée ordinaire que les fonctions intellectuelles, les pensées et ainsi de suite, sont dirigées ou produites par un certain centre, que nous appelons : « mental », « intellect » ou « cerveau ».

Et ceci est tout à fait exact. Mais, pour être tout à fait précis, nous devons comprendre que les autres fonctions sont également contrôlées par un cerveau, ou centre, propre à chacune d’elles. Ainsi, du point de vue de cet enseignement, il existe quatre cerveaux ou centres qui dirigent nos actions ordinaires : le cerveau intellectuel, le cerveau émotionnel, le cerveau moteur et le cerveau instinctif. Lorsque nous les évoquerons par la suite, nous emploierons le mot centres. Chaque centre, tout à fait indépendant des autres, possède sa propre sphère d’activité, ses propres forces et son propre programme de développement.

Les centres, c’est-à-dire leur structure, leurs fonctions, leurs côtés forts et leurs lacunes appartiennent à l’essence. Leurs contenus, c’est-à-dire tout ce qu’un centre acquiert, relèvent de la personnalité – les contenus des centres seront expliqués par la suite.

Comme je l’ai déjà dit, la personnalité est aussi nécessaire que l’essence au développement de l’homme ; elle doit simplement se tenir à sa juste place. Ceci est difficilement possible car la personnalité entretient sur elle-même quantité d’idées fausses. Elle ne souhaite pas rester à sa place qui est secondaire et subordonnée, et elle ne souhaite pas connaître la vérité sur elle-même car cela signifierait l’abandon d’une position faussement dominante et, par conséquent, l’occupation d’une position inférieure de celle qui est la sienne en réalité.

La position fausse qu’occupent l’essence et la personnalité l’une par rapport à l’autre est à l’origine du manque d’harmonie de l’homme dans son état présent. Et le seul moyen de sortir de cet état de dysharmonie est la connaissance de soi.

Se connaître soi-même était le premier principe et la première exigence des anciennes écoles de psychologie. Nous nous souvenons encore de ces paroles, mais nous en avons oublié le sens. Nous pensons que nous connaître nous-même signifie connaître nos particularités, nos désirs, nos goûts, nos capacités et nos intentions alors qu’en fait cela signifie nous connaître en tant que machines, c’est-à-dire connaître la structure de notre machine, ses rouages, les fonctions de ses différentes parties, les conditions qui régissent leur travail et ainsi de suite. Nous comprenons qu’il est impossible de connaître une quelconque machine sans l’étudier au préalable. Nous devons donc appliquer à nous-même ce principe et étudier notre propre machine en tant que machine. Le moyen de cette étude est l’observation de soi. Il n’existe aucune autre méthode et personne ne peut effectuer ce travail à notre place. Nous devons le mener à bien nous-mêmes. Mais auparavant, nous devons apprendre comment observer, je veux dire que nous devons saisir l’aspect technique de l’observation. Nous devons savoir qu’il est nécessaire d’observer les différentes fonctions et les distinguer entre elles tout en se souvenant des différents états de conscience, de notre sommeil et des nombreux « moi » qui nous habitent.

De telles observations donneront très vite des résultats. Tout d’abord l’homme remarquera qu’il ne peut observer impartialement ce qu’il trouve en lui-même. Certains traits lui plairont, d’autres l’agaceront, l’irriteront ou même lui feront horreur. Et il ne peut en être autrement. L’homme ne peut s’étudier lui-même comme il le ferait d’une étoile lointaine ou d’un fossile intéressant. Bien naturellement, il aimera en lui ce qui favorise son développement et détestera ce qui rend ce développement difficile, sinon impossible. Ce qui signifie que, dès le début de l’observation de soi, il commencera à distinguer en lui-même les traits utiles des traits nuisibles, c’est-à-dire utiles ou nuisibles du point de vue d’une connaissance possible de lui-même, de son éveil possible, de son développement possible. Il discernera en lui ce qui peut devenir conscient, ce qui ne le peut pas et qui doit être éliminé. S’observant lui-même, il doit toujours garder en mémoire que l’étude de soi est le premier pas sur la voie de son évolution possible.

Examinons à présent quels sont ces traits nuisibles que l’homme observera en lui-même.

D’une façon générale, ce sont toutes les manifestations mécaniques. La première, comme il a déjà été souligné, est le mensonge. Mentir est inévitable dans la vie mécanique. Personne ne peut y échapper et plus on croit se libérer du mensonge, plus il nous tient. La vie telle qu’elle est aujourd’hui ne pourrait se poursuivre sans le mensonge. Mais, du point de vue psychologique, le mensonge a un sens différent. Il signifie parler de ce qu’on ne connaît pas – et que l’on ne peut même pas connaître – comme si l’on savait et que l’on pouvait savoir.

Vous devez comprendre que je ne me place pas ici d’un point de vue moral. Nous n’en sommes pas encore arrivés à la question de ce qui est bien ou mal en soi. Je ne parle ici que du seul point de vue pratique – je parle de ce qui est utile ou nuisible pour l’étude de soi et le développement de soi.

En commençant ainsi l’homme apprend très vite à reconnaître des signes qui lui indiquent des manifestations nuisibles en lui-même. Il découvre que plus il peut maîtriser une de ses manifestations, moins elle est nuisible, et que moins il la contrôle – c’est-à-dire plus elle est mécanique – plus elle peut devenir nuisible.

Lorsque l’homme comprend cela, il a peur de mentir – et de nouveau, non pas pour des raisons morales, mais parce qu’il ne peut maîtriser son mensonge et que le mensonge le domine, c’est-à-dire dirige ses autres fonctions.

Le second trait dangereux qu’il découvre en lui-même est l’imagination. Très vite, après ses premières observations, il arrive à la conclusion que l’obstacle principal à l’observation est l’imagination. Il souhaite observer quelque chose mais, au lieu de cela, l’imagination s’en empare et il oublie d’observer. Très rapidement, il se rend compte que les gens attribuent au mot « imagination » un sens artificiel et non fondé, celui de faculté créative ou sélective. Il se rend compte que l’imagination est une faculté destructrice, qu’il ne peut jamais juguler et qui le détourne toujours de ses décisions les plus conscientes pour une direction vers laquelle il n’avait pas l’intention d’aller.

L’imagination est presque aussi pernicieuse que le mensonge ; imaginer c’est, en fait, se mentir à soi-même. L’homme commence à imaginer quelque chose pour se faire plaisir, et très vite il commence à croire en ce qu’il imagine, du moins en partie.

De plus, parfois même avant cela, il découvre les nombreuses conséquences désastreuses de l’expression des émotions négatives. Les termes « émotions négatives » désignent les émotions exprimant la violence ou la dépression : apitoiement sur soi-même, colère, suspicion, peur, irritation, ennui, méfiance, jalousie et ainsi de suite.

D’ordinaire, on accepte comme tout à fait naturelle, ou même utile, cette expression des émotions négatives. Très souvent, les gens la qualifient de « sincérité ». Bien évidemment cela n’a rien à voir avec la sincérité, c’est simplement un signe de faiblesse, un signe de mauvais caractère ou d’incapacité à garder par devers soi ses propres griefs. C’est en s’opposant à ces tendances que l’homme les comprend. Et ainsi, c’est pour lui une leçon de plus. Il voit qu’il n’est pas suffisant d’observer les manifestations mécaniques, il faut leur résister car, sans cette résistance, il est impossible de les observer. Leur apparition est si rapide, si familière, si imperceptible, qu’il n’est pas possible de les remarquer si l’on ne fait pas des efforts suffisants pour leur créer des obstacles.

Après l’expression des émotions négatives chacun peut remarquer en lui-même et chez les autres une autre caractéristique particulière. C’est le fait de parler. En soi, il n’y a aucun mal à parler. Mais chez certaines personnes, particulièrement chez celles qui le remarquent le moins, cela devient vraiment un vice. Elles parlent sans arrêt, en quelque endroit qu’elles se trouvent, au travail, en voyage, même pendant leur sommeil. Elles ne cessent de parler à quelqu’un, s’il y a quelqu’un de disponible et, s’il n’y a personne, elles se parlent à elles-mêmes.

De nouveau, il ne suffit pas simplement d’observer ; il faut, dans la mesure du possible, s’y opposer. Si on se laisse aller à parler sans cesse, sans y résister, il est impossible d’observer le phénomène et tous les résultats de l’observation se transforment immédiatement en bavardages.

Les difficultés que l’homme affronte en observant ces quatre manifestations – le mensonge, l’imagination, l’expression des émotions négatives et le bavardage inutile – lui révéleront sa complète mécanicité et l’impossibilité même où il se trouve de lutter sans aide contre cette mécanicité, c’est-à-dire sans un nouveau savoir et sans une assistance concrète. Car, même si l’homme a reçu certaines données, il oublie de s’en servir, il oublie de s’observer ; en d’autres termes, il retombe dans le sommeil et doit perpétuellement être réveillé.

Cette perpétuelle chute dans le sommeil possède certains traits spécifiques, inconnus de la psychologie ordinaire ou, pour le moins, qui ne sont ni recensés ni désignés. Ces traits nécessitent une étude particulière.

Il en existe deux. Le premier s’appelle Identification.

« S’identifier » ou « l’identification » est un état étrange dans lequel l’homme passe plus de la moitié de sa vie. Il « s’identifie » à tout : à ce qu’il dit, à ce qu’il éprouve, à ce qu’il croit, à ce qu’il ne croit pas, à ce qu’il désire, à ce qu’il ne désire pas, à ce qui l’attire, à ce qui le repousse. Tout l’absorbe et il ne peut se séparer de l’idée, de l’émotion ou de l’objet qui l’absorbe. Ceci signifie que, en état d’identification, l’homme est dans l’incapacité d’observer impartialement l’objet de son identification. Il est difficile de trouver la plus petite chose avec laquelle l’homme ne puisse « s’identifier ». En même temps, en état d’identification, l’homme dispose d’un contrôle minimum sur ses réactions mécaniques. Des manifestations telles que le mensonge, l’imagination, l’expression des émotions négatives, le bavardage incessant exigent l’identification.

Elles ne peuvent exister sans identification. Si l’homme pouvait se libérer de l’identification, il pourrait se défaire de nombre de manifestations inutiles et stupides.

L’identification, son sens, ses causes et ses résultats sont remarquablement décris dans la Philocalie, que nous avons citée lors de la première conférence. Mais l’on ne saurait en trouver, dans la psychologie moderne, la moindre trace de compréhension.

Cela reste une « découverte psychologique » tout à fait oubliée.

Le second facteur producteur de sommeil, proche parent de l’identification, est la considération. En fait, la considération est l’identification aux personnes. C’est un état dans lequel l’homme se soucie sans cesse de ce que les autres pensent de lui : le traitent-ils selon ses mérites, l’admirent-ils suffisamment et ainsi de suite à l’infini. La « considération » joue un rôle prédominant dans la vie de chacun d’entre nous, mais pour certains, elle tourne à l’obsession. Toute leur vie est tissée de considération – c’est-à-dire de soucis, de doute et de suspicion – si bien qu’il ne reste de place pour rien d’autre.

Le mythe du « complexe d’infériorité », ainsi que d’autres « complexes » est né de ces phénomènes vaguement perçus, mais mal compris, que sont « l’identification » et la « considération ».

L’« identification » et la « considération » doivent être examinées avec soin. Seule la pleine connaissance que l’on peut en avoir permettra de les résorber. Si l’on ne parvient pas à les observer en soi-même, on peut facilement les observer chez les autres. Mais on doit se rappeler qu’on ne diffère en rien des autres. À cet égard, tous les hommes sont égaux.

Pour revenir à ce qui a été dit précédemment, nous devons nous efforcer de comprendre plus clairement de quelle manière doit commencer le développement de l’homme et comment l’étude de soi peut y aider.

Dès le départ, nous nous heurtons à une difficulté de langage. Nous souhaitons, par exemple, parler de l’homme du point de vue de l’évolution. Mais, dans le langage ordinaire, le mot « homme » est compris sans variation ni graduation. L’homme qui n’est jamais conscient et qui ne le soupçonne pas, l’homme qui lutte pour devenir conscient et l’homme pleinement conscient ne sont pas différenciés dans notre langage habituel.

Dans tous les cas il s’agit de l’« homme ». Afin d’éviter cette difficulté et d’aider l’étudiant à classer ses idées nouvelles, cet enseignement divise l’homme en sept catégories.

Les trois premières catégories se situent pratiquement au même niveau.

L’homme n°1 est un homme chez lequel les centres moteur et instinctif l’emportent sur les centres émotionnel et intellectuel. C’est l’homme physique.

L’homme n°2 est un homme chez lequel le centre émotionnel domine les centres intellectuel, moteur et instinctif. C’est l’homme émotionnel.

L’homme n°3 est un homme chez lequel le centre intellectuel prévaut sur les centres émotionnel, moteur et instinctif. C’est l’homme intellectuel.

Dans la vie ordinaire, nous ne rencontrons que ces trois catégories d’hommes. Chacun d’entre nous, et tous ceux que nous connaissons, est soit n°1, soit n°2, soit n°3. Il existe des catégories supérieures d’hommes, mais, à la naissance, les hommes n’appartiennent pas à ces catégories supérieures. Les hommes naissent tous n°1, n°2, ou n°3 et ne peuvent atteindre les catégories supérieures qu’en passant par des écoles.

L’homme n°4 n’est pas né tel. Il est le produit d’une culture d’école. Il se différencie des hommes n°1, n°2 et n°3 par la connaissance qu’il a de lui-même, par la compréhension qu’il a de sa propre situation et, pour employer un terme précis, par l’acquisition d’un centre de gravité permanent. Cette dernière expression signifie que pour lui, l’idée d’acquérir l’unité, la conscience, un Moi permanent et la volonté — c’est-à-dire l’idée de son développement — est déjà devenue pour lui plus importante que ses autres intérêts.

On doit ajouter aux particularités de l’homme n°4 que ses fonctions et ses centres sont mieux équilibrés, et ce à un niveau qu’il n’aurait pu atteindre sans un travail sur lui-même mené en fonction de principes et de méthodes d’école.

L’homme n°5 est un homme qui a acquis l’unité et la conscience de soi. Il diffère des autres hommes parce qu’en lui un des centres supérieurs est déjà en fonction et il possède de nombreuses fonctions et pouvoirs que l’homme ordinaire, c’est-à-dire l’homme n°1, 2 ou 3, ne possède pas.

L’homme n°6 est un homme qui a acquis la conscience objective. Un second centre supérieur fonctionne en lui. Il possède un bien plus grand nombre de facultés et de pouvoirs nouveaux, au-delà de la compréhension d’un homme ordinaire.

L’homme n°7 est un homme qui a atteint tout ce qu’il est possible à un homme d’atteindre. Il possède un Moi permanent et une volonté libre. Il peut contrôler en lui-même tous les états de conscience et il ne peut désormais plus perdre ce qu’il a acquis.

Selon une autre formulation, il est immortel dans les limites du système solaire.

Il est très important de comprendre cette division de l’homme en sept catégories, car elle trouve des applications dans toutes les formes possibles d’étude de l’activité humaine. Elle procure un instrument, ou un outil, puissant et aigu dans les mains de ceux qui la comprennent, et permet de définir des manifestations qui, sans elle, sont impossibles à définir.

Prenez, par exemple, les concepts généraux de religion, d’art, de science et de philosophie. Pour commencer avec la religion, nous pouvons constater qu’il doit exister une religion de l’homme n°1, qui rassemble toutes les formes de fétichisme, quel que soit le nom qu’on leur donne ; une religion de l’homme n°2, c’est-à-dire une religion émotionnelle, sentimentale qui peut parfois tourner au fanatisme, aux formes les plus arbitraires de l’intolérance, à la persécution des hérétiques, etc. ; une religion de l’homme n°3, théorique et scolastique – religion riche en arguties sur les mots, les formes, les rituels qui prennent la prédominance sur tout le reste ; une religion de l’homme n°4, c’est-à-dire la religion de l’homme qui travaille au développement de soi ; la religion de l’homme n°5, c’est-à-dire celle de l’homme qui est parvenu à l’unité et qui peut voir et connaître maintes choses hors de portée des hommes n°1, 2 et 3 ; enfin une religion de l’homme n°6 et une religion de l’homme n°7 dont nous ne pouvons rien savoir.

Les mêmes divisions s’appliquent à l’art, à la science et à la philosophie. Il doit exister un art de l’homme n°1, un art de l’homme n°2, un art de l’homme n°3 ; une science de l’homme n°1, une science de l’homme n°2, une science de l’homme n°3, une science de l’homme n°4 et ainsi de suite. Tâchez d’en trouver des exemples par vous-mêmes.

Cette extension des concepts augmente de beaucoup notre possibilité de trouver la bonne solution à nombre de nos problèmes.

Et ceci signifie que cet enseignement nous fournit la possibilité d’étudier un nouveau langage – c’est-à-dire nouveau pour nous – établissant un pont entre les idées de différentes catégories qui sont de fait unies, et opérant un clivage entre des idées apparemment de mêmes catégories, mais qui sont de fait différentes. La division du mot « homme » en sept catégories distinctes – homme n°1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, avec tout ce qui en découle, est un exemple de ce nouveau langage.

Ceci nous amène a une quatrième définition de la psychologie : c’est l’étude d’un nouveau langage. Et ce nouveau langage est la langue universelle que les hommes tentent parfois de découvrir ou d’inventer. L’expression « langage universel » ou « langage philosophique » ne doit pas être prise dans un sens métaphorique ; cette langue est universelle dans le même sens que les symboles mathématiques sont universels. De plus, elle contient en elle-même toutes les interprétations que les hommes sont capables de formuler. Les quelques mots de ce langage qui viennent d’être expliqués vous donnent déjà la possibilité de penser et de parler avec une plus grande précision que ne vous le permet le langage ordinaire, même si vous employez l’une quelconque des terminologies ou nomenclatures scientifiques ou philosophiques en usage.