R. P. Kaushik
Les couches de l'esprit

Traduction Libre Dans le passé, la plupart des hatha yogis commençaient ce voyage de conscience, ou kundalini, au premier centre et allaient jusqu’au septième centre. Cela devait prendre douze ans de travail intensif, deux ans sur chaque centre. Et comme il y a tant de matière inconsciente dans ces centres inférieurs, tant d’énergies obscures différentes, […]

Traduction Libre

Dans le passé, la plupart des hatha yogis commençaient ce voyage de conscience, ou kundalini, au premier centre et allaient jusqu’au septième centre. Cela devait prendre douze ans de travail intensif, deux ans sur chaque centre. Et comme il y a tant de matière inconsciente dans ces centres inférieurs, tant d’énergies obscures différentes, tout ce processus était un peu dangereux, effrayant et long. Pour s’y engager, il fallait aussi un enseignant très compétent, qui connaissait les tenants et aboutissants de ces centres. C’est ce qu’on appelait la voie de la fourmi, la voie lente, et certaines personnes en voyaient la difficulté. Ils ont prescrit une autre voie, la voie de l’oiseau. Ils commencèrent leur contemplation au sixième centre, ou l’ajna chakra – le centre du front. Comment est-il possible de court-circuiter tout ce processus ? Eh bien, si vous examinez vraiment ce centre, vous verrez que presque toutes les énergies des différents centres y sont représentées une par une, couche par couche.

Maintenant, examinez votre propre esprit. Êtes-vous conscient de la première couche, la couche superficielle de votre esprit ? Cette couche de l’esprit est mécanique. L’avez-vous déjà remarqué ? Si je dis noir, vous dites blanc. Si je dis grand, vous dites petit. Si je dis mince, vous dites gros. Le contraire vous arrive sans réfléchir. À ce niveau, la pensée est si mécanique qu’elle ne nécessite aucune concentration, aucune réflexion. Certaines personnes sont très drôles et sont considérées comme intelligentes et futées, mais pour elles, même cet humour est mécanique. Quelqu’un dit quelque chose et l’humour sort – une blague sort sans réfléchir. Un autre exemple, si quelqu’un vous demande votre nom, votre adresse ou votre lieu de résidence, vous n’avez pas à réfléchir ; vous pouvez répondre immédiatement. C’est donc la couche mécanique de l’esprit humain, la couche matérielle, la couche la plus superficielle et la plus incrustée.

Maintenant, si quelqu’un vous pose une question simple pour résoudre un problème mathématique, ou pour vous rappeler le jour de la semaine du 15 décembre, cela demande une réflexion. Vous ne pouvez pas répondre mécaniquement. Le temps pris pour réfléchir, chercher la réponse et voir, vous amène à la profondeur de la question. C’est la couche intellectuelle, ou la couche mentale. Maintenant, dans cette couche intellectuelle, vous découvrirez que si vous méditez ou si vous vous détendez, les pensées se mettent à couler – vous aimeriez aller quelque part, faire quelque chose, quelque chose pourrait arriver. Mais ces pensées ne perturbent pas l’esprit ; elles semblent juste flotter doucement.

Si vous vous souvenez, lorsque nous avons commencé à contempler ces centres, nous avons découvert que le premier est le centre de la matérialité – un centre lourd et solide. Et cette matérialité se reflète dans la couche la plus superficielle de l’esprit. Et le second centre, le centre du sexe, était mou – il y avait une certaine souplesse, une certaine fluidité. Et cette fluidité est représentée dans la couche mentale ou intellectuelle – la deuxième couche. Maintenant, par certains moyens, vous pouvez arrêter le mouvement de cette deuxième couche – en méditant sur un koan zen ou quelque chose qui fatigue la fonction intellectuelle, le processus de la pensée. Ensuite, vous entrez dans un état de vide, de vacuité. La plupart des gens qui suivent ces techniques ou méthodes finissent dans cet état. Les pulsions et les pressions de l’esprit conscient ne sont plus là ; vous restez dans un état de vide, un vide intellectuel dans lequel il n’y a pas de pulsions provenant des centres inférieurs ou supérieurs. La plupart des gens qui parlent de liberté, ou de vivre d’instant en instant dans le présent, restent peut-être dans cet état, à ce niveau de conscience. Cela n’a rien à voir avec l’illumination ou la liberté, parce qu’au fond, il y a de nombreuses couches de conscience qui sont toujours persistantes, et on peut facilement devenir une victime des pulsions mécaniques de ces centres inférieurs.

Or, si vous allez plus loin que cette couche intellectuelle, vous en arrivez à des questions dont vous ne connaissez pas les réponses. Les questions intellectuelles ont une réponse ; vous pouvez exercer votre intellect et trouver une réponse. Si quelqu’un vous demande de multiplier soixante-dix-sept par trente-sept, vous pouvez trouver la réponse après un certain temps. Mais si je vous demande si un télégramme d’une certaine personne arrive aujourd’hui ou non, pouvez-vous savoir quand vous n’avez aucune information préalable ? Vous devrez aller au niveau intuitif, sous les couches intellectuelles et matérielles de la conscience. Pour arriver à ce niveau de conscience intuitif, le premier centre et le deuxième centre doivent devenir silencieux, et il doit également y avoir la paix et le calme dans votre troisième centre ou centre du nombril. Si je vous demande d’entrer dans un état de contemplation et de découvrir si quelqu’un vient aujourd’hui ou non, alors vous devez entrer dans un état de silence, un état de relaxation. Normalement, en raison de la nature de l’esprit, votre processus mental ne peut rester immobile pendant une minute. Mais s’il y a urgence de découvrir, vous pouvez entrer dans un état de relaxation et concentrer votre attention sur cette personne, et recevoir les vibrations appropriées. Cette énergie pour se concentrer provient du centre du nombril. Si votre esprit n’est pas concentré, les pensées rebelles vont perturber votre concentration. Cette troisième couche est la couche de la conscience intuitive. Lorsque vous avez ouvert cette couche de conscience intuitive, alors prétendument le centre du front, le troisième œil est ouvert. L’ouverture du troisième œil dépend du bon fonctionnement du centre du nombril.

Maintenant, si vous pouvez aller encore un peu plus loin que cela, alors vous n’êtes plus préoccupé par la découverte de quoi que ce soit de l’extérieur, vous n’êtes intéressé par rien. Alors toutes les couches superficielles, les trois couches de la conscience deviennent silencieuses. Dans cet état de calme, de silence ou de vacuité, nous sommes immédiatement connectés au centre du cœur en bas, et au septième centre, le centre de la couronne en haut. Lorsque vous ne voulez rien, dans un état de contemplation ou de relaxation, vous êtes dans un état de béatitude ou d’extase qui provient de la diminution de votre ego, de la subtilité de votre ego, et du silence des différents centres psychiques de votre corps. Ici, le conflit entre le conscient et l’inconscient est terminé, et vous êtes en contact direct avec l’énergie de l’inconscient. Vous vous connectez à la fois au centre du cœur et au centre de la couronne. La conscience s’élève automatiquement jusqu’au centre de la couronne ; c’est la floraison de votre individualité. Avec cette paix et ce calme, votre corps est nourri, et il y a un sentiment de béatitude ou de contentement de soi. Vous êtes satisfait, sans rien vouloir, sans rien obtenir de nulle part.

Lorsque vous êtes arrivé à la troisième couche de la perception intuitive, vous pouvez voir que, dans un état de concentration, votre pensée a acquis une force, et vous pouvez utiliser cette énergie mentale à certaines fins si vous le souhaitez. Divers pouvoirs psychiques ou pouvoirs de faire des miracles commencent à se déployer, et vous arrivez à ce vide qui s’étend du centre du cœur jusqu’à la couronne. Jusqu’au centre de la couronne, votre ego n’a pas pris fin, votre esprit n’a pas pris fin. Votre centre de la couronne ne devient que la manifestation de l’énergie la plus élevée de l’inconscient. Vous pouvez donc voir que ce que vous appelez le superconscient est un autre aspect de l’inconscient, du premier centre ; le premier centre et le septième centre sont reliés.

Comme je le disais, le premier éveil de cette conscience de la kundalini est une force négative. Le triangle de Shiva pointe vers le haut, en remontant le centre de la couronne, puis il descend du centre de la couronne. En descendant, on peut le sentir comme les sons subtils intérieurs, ou les vibrations énergétiques qui descendent de la couronne de la tête vers le centre du cœur. Les tantriques décrivent plusieurs niveaux de vibrations ou de sons intérieurs, le premier stade étant le mantra ou le son brut qui est prononcé. Ces sons subtils intérieurs constituent le deuxième niveau, décrit comme madhyama ou anahat shabda – des vibrations intérieures, des sons qui ne sont pas produits par la friction. Mais ces sons ne sont pas vraiment spirituels. Certains livres les ont décrits comme très spirituels et très élevés. Certains systèmes poursuivent ces sons, et une fois qu’ils apparaissent, les gens pensent que c’est une chose merveilleuse. Mais ces sons sont toujours produits par la friction des énergies de la pensée ou des processus mentaux en cours.

Lorsque l’énergie descend jusqu’au centre du nombril, la perception intuitive s’ouvre et il y a de la lumière, une lumière constante bien que les yeux soient fermés. Dans cette lumière, vous pouvez voir presque tout dans l’univers, ce que vous voulez voir et où ; vous avez le pouvoir de la clairvoyance. Vous pouvez voir tout ce que vous voulez voir dans le passé, le futur ou le présent. Le temps, dans cette mesure, disparaît. Et c’est aussi l’état dans lequel vous commencez à voir vos propres projections, votre propre gourou, votre propre dieu ou déité ou quoi que ce soit d’autre. Vous pouvez avoir différentes visions dans cette lumière. C’est ce qu’on appelle pashyanti, la troisième étape du son. Pashyanti signifie le niveau perceptif du son, car ici le son devient lumière.

Une fois que cette énergie a atteint le centre du nombril, la descente vers le premier centre se fait automatiquement. C’est ce qu’on appelle para, ou le quatrième stade du son, l’aspect suprême. Le cercle est maintenant terminé, et tous les centres fonctionnent en harmonie. C’est la plus haute réalisation en ce qui concerne la conscience cosmique, ou le monde des dieux et déesses et des symboles. Une fois que vous avez atteint ce point, il y a une paix et une harmonie parfaites en ce qui concerne l’individu. Il n’y a plus de problèmes, le conflit est terminé. Le conscient et l’inconscient travaillent en harmonie. Toute cette énergie cosmique que vous ressentez maintenant dans le microcosme est la même que dans le macrocosme. Tous ces centres qui sont à l’intérieur sont aussi à l’extérieur. Toutes les énergies du cosmos sont centrées dans le microcosme. Mais alors qu’est-ce qui est au-delà du macrocosme ou du cosmos ? Cela, vous ne le savez pas. Quelle est cette vérité absolue, quelle est cette vérité qui existe indépendamment de moi, indépendamment de la pensée ? Cela vous ne le connaissez pas. Lorsque vous arrivez au centre de la couronne, il peut y avoir des miracles, des pouvoirs, des siddhis et toutes sortes de choses, mais si vous avez toujours cette soif de découvrir ce qu’est la vérité, alors aucune de ces choses ne vous satisfera, parce que vous ne savez toujours pas ce qu’est la vérité – ce qui se trouve au-delà. Votre mécontentement ou insatisfaction par rapport à ce monde phénoménal signifie la fin de ce monde cosmique, de la totalité de ce monde de phénomènes et de projections.

Jusqu’à ce niveau, il n’y a que la pensée qui opère. Vous pouvez aller jusqu’au septième centre par des méthodes, des techniques, des motivations, des mantras ou des systèmes. L’énergie du gourou peut tirer la kundalini vers le haut, et peut vous amener à ce niveau par simple abandon dévotionnel ou identification. Mais au-delà de cela, il n’y a aucune aide ; personne ne peut vous emmener au-delà à moins que vous ne soyez suffisamment sérieux et mécontent pour vraiment explorer ce qui s’y trouve. Personne ne peut vous aider à dépasser ce point, sauf de façon négative. Celui qui sait vous laisse derrière lui pour explorer plus loin ; il ne vous piège pas, ne vous conditionne pas. Un gourou peut vous aider négativement, en ne vous conditionnant pas, mais aucune aide ne peut être donnée positivement. Ici, vous avez besoin de votre propre intensité, de votre propre sérieux, de votre propre mécontentement, de votre urgence d’investiger – un sens de l’investigation qui ne se satisfait de rien d’autre que de trouver la vérité, la vérité absolue. Pour cela tout ce monde phénoménal, tout cet attachement doit s’en aller. En d’autres termes, l’ego doit disparaître complètement. Ainsi, dans le Tantra, toutes ces étapes sont décrites dans l’espoir que vous puissiez voir cela comme un jeu de l’ego subtil. Ils n’ont pas dit que c’est l’illumination. Le yogi arrive maintenant à un point final où il doit abandonner complètement son ego. L’abandon complet et total de l’ego le conduit à un vide que nous pouvons appeler le huitième centre. Ce n’est pas un centre, c’est juste un état, un espace ou un vide, car les centres ont cessé d’exister après le septième.

On peut créer ces six ou sept divisions dans la psyché, mais en fait il n’y a pas de division, la psyché est une. Nous ne créons ces divisions que pour l’expliquer, pour la comprendre. Il n’y a pas de division entre le conscient et l’inconscient, il n’y a pas de démarcation, pas de frontière. Ce n’est que pour la communication et la compréhension que nous la divisons en conscient, subconscient, inconscient, super-conscient – ce sont des divisions arbitraires pour nous donner un aperçu de ce qui se passe. Lorsque vous entrerez à l’intérieur, vous constaterez qu’une étape se chevauche avec l’autre, vous ne pourrez pas les identifier exactement. Et la conscience peut aussi voyager du premier centre au septième, sixième ou cinquième ou quatrième, sans nécessairement aller d’étape en étape. Ou bien la transformation peut être si rapide que vous ne remarquerez jamais les étapes intermédiaires, vous ne remarquerez que la troisième ou la quatrième étape. Il n’y a pas une manière de procéder étape après étape. Les gens qui parlent de procéder étape par étape inventent un voyage qui n’existe pas, parce que vous n’avez aucun contrôle sur ce mouvement et sur la façon dont il se déroule. Il se déroule tout simplement. Si vous le faites étape par étape, que vous en faites une chose systématique, vous ne faites que vous conditionner et ensuite vous commencez à faire l’expérience de votre conditionnement. Le gourou conditionne le disciple, le disciple accepte le conditionnement du gourou, et ensuite ils procèdent étape par étape.

Lorsque vous vous désintéressez totalement de tous ces phénomènes, il y a un abandon total du moi, de l’ego et de tout ce à quoi il était attaché : tout le monde phénoménal, tous les siddhis et les pouvoirs, tous les plaisirs du monde, y compris votre attachement à votre gourou. Ainsi, après le septième vient une étape où votre attachement à votre gourou doit s’arrêter, doit se terminer, si vous voulez aller au-delà. Cette dépendance doit disparaître. Sinon, après ce point, vous pouvez devenir une copie conforme de votre gourou ou de votre image, ou quoi que ce soit d’autre ; il y a une satisfaction mais il n’y a pas de liberté totale. Il peut y avoir une liberté dans le sens où il n’y a plus de conflit, mais il n’y a pas de liberté de l’ignorance – vous ne savez pas ce qui se trouve au-delà.

W : Quand vous arrivez à des étapes comme la huitième et la neuvième, est-ce que le monde phénoménal lui-même disparaît totalement ou est-ce que le monde phénoménal est toujours là mais que vous en êtes totalement détaché ?

Dr : Vous voyez, le monde tel qu’il est. Rien ne disparaît, c’est votre Je qui disparaît. Tout reste comme ça l’est. Ce Je était le monde phénoménal, Je était le monde matériel. Donc quand Je disparaît, en ce qui vous concerne, le monde matériel et phénoménal disparaissent. Ça existe, mais ça n’a plus d’importance, ce n’est plus intéressant. Quand vous arrivez dans le vide au-delà de la conscience cosmique ou individuelle, quand il y a une fin complète du moi, l’esprit se retire de tous les attachements parce qu’il en voit la nature illusoire. Et il est très important de voir que vous ne vous détachez pas du monde phénoménal afin d’acquérir la vérité ou la connaissance. Il est important de comprendre cela. Ici, l’abandon est inconditionnel. Si vous dites : « Très bien, parce que je suis intéressé par la découverte de la vérité absolue, donc je ne suis pas intéressé par le monde phénoménal », cela ne fonctionnera pas. Vous êtes détaché de ce monde, vous êtes insatisfait du monde parce que ce monde de dualité, de grande satisfaction et de plaisir, est encore empreint de douleur, la douleur de l’ignorance. Il y a encore de la souffrance. Même dans ce septième centre, vous vivez toujours dans un monde individuel fermé. La conscience de votre réussite, de votre taille, de votre statut n’a pas disparu. Ce sentiment que vous êtes le plus grand yogi, ou le plus grand mystique, ou une grande personnalité, ne disparaît pas. Il y a une division entre vous et tous les autres, et ce mur de séparation est le chagrin. Cette absence de compréhension totale ou de lumière ou quoi que ce soit d’autre, c’est de la tristesse. Donc, du moment où vous dites que vous voulez y renoncer parce que vous voulez découvrir la vérité, vous rentrez dans un état de marchandage ou de troc. Vous ne pouvez pas troquer un état contre un autre. Vous ne pouvez pas vous attacher à la vérité parce que vous ne savez pas ce qu’elle est. Comment pouvez-vous être attaché à quelque chose qui est inconnu ? Vous ne ferez que vous retrouver dans une projection, qui n’est pas encore la vérité ; elle se trouve quelque part dans le septième, de retour dans le cercle. Ici, cette fin du moi, ce détachement du monde phénoménal, a lieu parce qu’il est considéré comme limité, comme faisant partie de la tristesse et de l’ignorance, et non parce qu’il y a quelque chose de mieux. Et peut-être que vous n’obtiendrez rien de mieux ; le voyage à partir d’ici est assez sombre et solitaire, et il n’y a rien d’encourageant. Personne ne peut vous garantir que si vous renoncez à cela, Dieu viendra à vous ou que la vérité viendra à vous. Il n’y a pas de telle condition. Cette renonciation doit avoir lieu à la suite d’un mécontentement ou d’une insatisfaction, et non pas comme un troc ou une condition. Avec cette prise de conscience de la limitation du monde phénoménal, l’attachement s’en va, et le Jeest rejeté sur lui-même. Tout ce qui existe en dehors de lui-même est une illusion. Non pas qu’objectivement ça n’existe pas, mais que cette identification est une illusion. Ainsi, une fois que tous ces attachements disparaissent, le moi prend fin ou se dissout. Le Je était soutenu par ce monde phénoménal, le Je était soutenu par ces attachements. C’est un voyage douloureux – de voir tous vos espoirs anéantis, toutes vos images brisées, toutes vos utopies disparues, vos concepts envolés.

Or, lorsque vous traversez ce passage sombre du phénoménal à l’inconnu, vous n’avez conscience que de l’obscurité, de votre vide et de votre néant. Ce grand vide ne peut être comblé par rien. Vous ne pouvez être conscient de votre esprit, de votre ego, que jusqu’à ce niveau, où il se termine, où il va dans le vide, dans la dissolution. Une fois dans cet état, l’esprit devient spontanément, complètement silencieux parce que toutes les autres couches sont devenues silencieuses. Il n’y a plus rien à réaliser, plus rien à vouloir. Vous ne poursuivez rien, vous ne voulez rien, et il n’y a plus de méthode ni de discipline. C’est une fin spontanée du moi ; c’est un silence spontané de l’esprit qui se produit par simple compréhension de la futilité de tous ses attachements. Il y a énormément d’absence de passion. Si vous pouvez vous déplacer dans ce passage sombre, si vous pouvez rester dans cet état où vous ne pouvez dépendre d’aucun espoir de quiconque (et cela peut durer un court ou un long moment), c’est en fait une expérience de mort : la mort du moi. Si vous pouvez rester dans ce vide pendant un certain temps, et si vous avez de la chance, alors ce silence, ce vide ou vacuum est transformé, et une énergie de grande magnitude, une grande lumière, un grand amour – qu’importe l’appellation – vient vous toucher, et remplit ce vide. Ce n’est plus un vide, c’est plein, c’est vivant. Et pourtant, vous ne gagnez rien, vous n’avez rien. Et il n’y a pas de centre, car il n’y a ni vous ni moi. Vous ne pouvez pas dire : « C’est moi, je suis heureux » ou « Je l’ai eu », là il n’y a rien de tel. Vous pouvez l’appeler Dieu, vous pouvez l’appeler vérité, vous pouvez l’appeler comme vous le souhaitez : l’inconnu, l’indiscible. Appelez ça comme vous voulez, mais c’est quelque chose d’inconnu dont il n’est conscient que de lui-même. À quel moment cette transition se produit du huitième centre de ce vide à cette énergie, personne ne le sait. De cette immense tristesse, de ce vide incommensurable, il y a soudain une explosion d’énergie ; elle devient positivement vivante, pleine de grande beauté et de joie. Mais comment cela se produit, ce qui l’amène, personne ne le sait.

J’ai dit que si vous avez de la chance, une transformation peut avoir lieu et cette grande énergie peut se manifester. Pourquoi ai-je dit cela ?

Q : Peut-être que vous ne sortez jamais de l’obscurité.

Dr : Vous ne sortirez peut-être jamais de l’obscurité ; et toute attente pose une condition à cette énergie. Je pourrais dire : « Si vous restez dans ce silence pendant un an ou deux, il faut qu’elle vienne », mais il n’existe pas une telle condition. C’est une énergie totalement inconditionnée ; vous ne pouvez lui imposer aucune condition. Il y a un grand besoin de circonspection et de soin dans l’utilisation des mots. C’est pourquoi je dis, peut-être, ou si vous êtes chanceux.

Q : Si vous êtes totalement désespéré, si vous vous abandonnez totalement, acceptez-vous totalement que vous êtes dans le désespoir et que vous risquez de ne jamais en sortir ?

Dr : Non, ce n’est pas une question d’acceptation. Si vous l’acceptez, vous vous attachez à nouveau à votre vide et à votre néant ; c’est un autre jeu de l’ego. Vous ne savez tout simplement pas, c’est tout. C’est un état d’humilité totale, d’abandon total, dans lequel vous ne savez même pas si cela va rester ou partir. C’est pourquoi il est nécessaire, à ce stade, dans cette ruelle sombre, dans cet espace sombre, d’être dans un état d’interrogation. Ne perdez pas cette énergie. S’attacher à cet espace sombre est une perte d’énergie. L’accepter est aussi une perte d’énergie.

W : Mais y a-t-il une sensation d’énergie quand vous êtes totalement dans cet espace sombre ?

Dr : Il n’y a pas de sensation d’énergie.

W : C’est vraiment un néant, mais vous êtes toujours conscient ?

Dr : Oui. Mais si vous commencez à l’accepter, alors vous en tirez de l’énergie positive.

W : S’il y a un quelconque sentiment d’énergie dans ce néant, est-ce que cela signifie en fait que vous avez encore à retourner et voir de nouvelles zones de la psyché avant de pouvoir être totalement dans ce néant ?

Dr : Il ne peut y avoir aucune énergie, parce que tout est abandonné. Ce Je est en train de mourir. La seule énergie qui peut venir maintenant est la tentative de s’identifier avec ce vide quand vous dites : « Très bien, laissez-moi être dans ce vide » ou « Je serai ce vide ».

W : Dites-vous alors que vous ne pouvez pas être dans ce vide tant que vous n’avez pas passé par tous les aspects de l’esprit inférieur ?

Dr : Non, pas nécessairement. Ce que je suggère, c’est qu’une fois que vous êtes arrivé à ce point de vide total, alors vous ne pouvez même pas être attaché à ce vide, vous ne pouvez pas l’accepter, et vous ne pouvez pas le rejeter. Vous ne savez rien, vous ne savez pas quoi faire à ce sujet.

Autre chose, à ce stade, il n’y a guère d’envie d’agir. Vous pouvez vous sentir comme un gros morceau d’argile. Il est alors important de continuer à faire de l’exercice. Il est important de continuer à prendre soin de votre alimentation, de votre corps, peut-être même de façon mécanique. Il se peut que vous n’ayez même pas envie de survivre, de vivre. Mais il est important de continuer à faire de l’activité, au moins sur le plan physique. Un état de néant, de léthargie, n’est pas vraiment un état d’éveil. C’est un autre piège dans lequel vous pouvez vous faire prendre. Ici, la seule chose qui peut vous sauver est d’être avec tout ce qui se passe, et de maintenir votre activité physique en vie. Prenez soin de vos besoins physiques. Même si vous n’avez pas envie de faire une promenade, faites-le. Même si vous n’avez pas envie de faire de l’exercice, faites de l’exercice. Cette activité maintiendra votre organisme en bonne santé et en vie, et votre alimentation et d’autres choses continueront à fonctionner correctement. Cette période peut être courte ou longue. Mais allez-y avec une attention totale et ne vous en éloignez pas, car vous ne savez pas ce qui vous attend et vous ne pouvez pas revenir en arrière. Même si vous voulez revenir en arrière, il n’y a rien qui puisse vous intéresser. Et vous voyez alors que même votre attachement ou votre identification à ce vide n’a aucun sens, parce que vous ne savez pas. Réaliser que vous ne savez pas signifie que vous êtes dans un état de totale humilité et d’abandon total. Vous ne savez même pas si ce vide sera toujours là ou non. L’humilité signifie un état d’ignorance totale. Sans cette humilité, vous ne pouvez pas traverser le vide. Vous serez à nouveau bloqué ici. Donc, plus vous êtes un grand yogi, plus vos pouvoirs sont grands, moins vous avez de chances d’entrer dans le vide et d’en sortir. Humilité et abandon sont les mots clés, le secret qui peut vous faire sortir de ce vide et le dépasser. Si vous pouvez rester assez longtemps, il n’y a plus de dissipation de cette énergie ; vous ne pouvez pas en manquer et vous ne pouvez pas l’accepter. Quand l’esprit est arrivé au point de se faire face, quand ce vide se fait face et qu’il n’y a pas d’échappatoire pour cette énergie, alors cette énergie se rassemble et se concentre, et un point vient où elle explose. Il s’agit donc de concentrer cette énergie en y prêtant attention et en évitant les échappatoires. Et pouvez-vous regarder ce qui se passe pendant que je vous parle ? Allez-vous dans différents états ?

W : Nous les avons tous passés en revue.

Dr : Alors cette explosion a lieu ; vous êtes dedans, ou elle est là. Maintenant, jusqu’à ce neuvième, jusqu’à ce niveau d’amour universel qui est à la fois individuel et collectif, peut-être que ces états sont possibles pour un grand nombre de personnes. Il y a encore un état qui n’est pas destiné à beaucoup de gens – seulement à ceux qui ne sont même pas intéressés à atteindre cet état. On peut être pris dans n’importe quelle expérience, et à moins que l’on ne soit pas intéressé même par ce grand amour, cette expansion ou cette grande énergie, on ne peut pas aller plus loin. Seule une enquête approfondie, une profonde curiosité vous amènera au-delà de cet état de grande expansion. C’est une curiosité qui n’a pas pour but de devenir quoi que ce soit, de devenir un grand saint ou un être éveillé, mais seulement de faire des découvertes, des découvertes non motivées. Alors, même ce soi-disant amour ou cette énergie positive disparaît. Vous arrivez à un point où il n’y a plus de plaisir, plus de douleur, plus de chagrin, plus de joie. Même le sentiment de douleur physique peut disparaître. Si vous arrivez à ce point, cela signifie un renoncement total au monde, un détachement total, parce que vous ne pouvez pas vous mettre en rapport avec le reste de l’humanité à ce niveau. Il n’y a plus de douleur, il n’y a plus de plaisir, il n’y a plus rien. Pourtant, ce vide n’a rien de statique. Il y a un mouvement sans fin de différentes énergies dans ce vide au-delà de l’esprit, du silence vers une explosion d’énergie et de cette énergie à nouveau vers le silence.

Lorsque nous discutions du sixième centre, j’ai dit que lorsque vous entrez dans un vide intellectuel, alors le plaisir et la douleur disparaissent. Le plaisir et la douleur psychologiques disparaissent là, et peut-être que si vous y allez plus profondément, la douleur physique peut aussi disparaître. Mais ici, c’est très différent ; ce n’est pas un état d’insensibilité. Ces états peuvent sembler très similaires, mais la différence entre cet état et celui-là est qu’ici vous avez vu ce qui se trouve entre cet amour immense, cette énergie immense, cette force créatrice. Pour l’homme qui est coincé dans le sixième centre, ces régions supérieures sont inexplorées ; il ne les connaît pas, il ne vit que dans son propre vide intellectuel.

Maintenant, de la même manière que ces deux états négatifs semblent similaires, les états positifs du neuvième et du septième semblent similaires. Dans l’état d’identification totale du septième plan où vous ne faites qu’un avec cette soi-disant énergie ou image divine, il n’y a plus de conflit, juste une énorme quantité de joie et de liberté. C’est le plus grand plaisir, mais l’ignorance n’est pas terminée, car vous ne savez pas ce qui se trouve au-delà, ce qu’est l’ultime. Ainsi, la joie du septième est le plaisir le plus élevé, alors que la joie du neuvième n’est pas du plaisir. Le plaisir peut être créé ; la joie ne le peut.

Ainsi, le vide qui a lieu au sixième est très similaire au vide qui a lieu au-delà au septième, le maha shunya ou le Grand Vide que nous appelons le dixième. La seule différence réside dans le fait que dans le dixième, on a la capacité de descendre et de voir toute la puissance et la beauté de tout l’univers, de toute la création, mais dans le sixième, on est retenu dans son propre concept limité. Pourtant, en fin de compte, les deux états se ressemblent beaucoup. Alors quel est le trait distinctif ? S’il n’y a pas de différence dans l’état final, alors pourquoi ne pas suivre le chemin le plus court, une méthode ou une technique pour entrer dans ce soi-disant vide ?

Notre enquête n’avait pas pour but d’acquérir un quelconque état. Un état est très facile à atteindre, mais notre enquête a été la recherche de la vérité. C’est l’approche de votre enquête, la manière dont elle est menée qui est aussi importante, voire plus importante, que l’état que vous atteignez, le résultat que vous obtenez. Le fait est que vous vous souciez d’une compréhension totale de cette vie, et non de l’atteinte d’un état quelconque. Dès le début, vous n’avez pas cherché à vous faire une image de Bouddhéité, de nirvana ou d’illumination ; vous avez juste commencé une enquête parce que vous aviez un problème ou parce que vous souffriez. Maintenant, vous arrivez à un point où la souffrance a pris fin, et il n’y a plus d’enquête ; vous ne voulez rien pour vous-même. Même la conscience s’en va, car il n’est pas nécessaire d’être conscient que vous avez tout vu. Vous voyez qu’en fait, à l’exception de votre subsistance physique, vous n’avez besoin de rien. Lorsque vous ne vous préoccupez pas de votre survie, le peu dont vous avez besoin pour survivre arrive, c’est comme ça.

On en arrive ici à un désintérêt pour la vie, un désintérêt pour les phénomènes, parce qu’on a tout vu. Et pourtant, vous ne dites pas : « J’ai atteint le sommet », parce que si vous dites cela, vous redescendez. Il n’y a plus de plus haut. Le point le plus élevé est à nouveau le point de la pierre ; le plus haut et le plus bas n’existent plus. Il n’y a plus de centre. Peu de gens peuvent arriver à ce niveau pour la simple raison que c’est une chose très effrayante même à imaginer, et encore plus pour y vivre. Essayez d’imaginer ce que c’est quand la douleur disparaît, le plaisir disparaît quand il n’y a plus de différence si vous mangez telle nourriture ou une autre, si vous portez tels vêtements ou d’autres, si vous vivez dans une grande maison ou une petite maison. Quand vous arrivez à ce point où la douleur n’a pas d’importance, le plaisir n’a pas d’importance, c’est une chose effrayante ; alors que reste-t-il dans la vie ? Il est effrayant d’imaginer que vous puissiez devenir un légume humain ou une pierre. La plupart des gens ne s’y intéresseraient pas, mais ceux qui ont le sens de l’enquête peuvent aller au fond des choses et le découvrir. Vous arrivez à un point où le plus bas et le plus haut disparaissent. Vous ne voyez aucune différence entre vous et la pierre, entre vous et un arbre. C’est un processus de maturation de cette compréhension. Alors la conscience s’en va, l’apprentissage s’en va, tout disparaît. Les Yoga Sutras ont appelé l’état le plus élevé nirvikalpa samadhi. Mais cela va même au-delà du nirvikalpa samadhi. Cet état a été décrit comme le dharma-mega samadhi, lorsque vous êtes simplement enveloppé dans votre propre nature innée. C’est tout. Toute votre nature est votre propre loi, et vous vivez en fonction de cela, quelle qu’elle soit. Ce n’est pas la découverte d’un état particulier, mais la découverte de votre être – ce qui est. Après avoir vu tout cela, vous avez la liberté de revenir au centre du cœur et de vous relier au reste du monde en tant qu’être humain ordinaire. Vous descendez de cet état vers le centre du cœur par compassion et amour pour tous les autres êtres. Mais ce n’est pas la même chose que le concept bouddhiste du boddhisattva qui reporte son émancipation ou son nirvana pour le bien des autres – il n’y a pas d’autres. C’est juste pareil partout, tout le monde. Il y a donc un défi à relever. Vous n’avez rien remis à plus tard, parce que vous pouvez y revenir à tout moment. Toutes les différentes couches sont ouvertes, et il n’y a aucune attache nulle part, rien qui ne vous retienne.

24 décembre 1973