Traduction libre
Après avoir lu tant de textes spirituels, qui dédramatisent tous la peur de la mort, je n’ai toujours pas réussi à me défaire de cette peur et à me réconcilier avec ma mortalité. Que peut-on faire pour y remédier ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on préfère faire certaines choses ? Il me semble qu’un facteur important est l’habitude. À l’origine, on peut avoir choisi une certaine activité parce que notre constitution mentale et physique s’y prêtait parfaitement, comme par exemple un talent naturel pour les échecs. Par la suite, on s’améliore, une dynamique se développe et on a toutes les raisons de se plonger dans cette activité. À ce stade, on le fait sans réfléchir, et entre ce « moi » et l’activité, il existe un continuum, comme une machine qui fonctionne bien. On est « accroché », pour ainsi dire ! Permettez-moi maintenant d’extrapoler à la vie en général. Quand j’étais bébé, tout était semblable pour moi, du moins psychologiquement, car mon esprit était pratiquement vierge. Cependant, peu à peu, la discrimination, les goûts et les aversions se sont développés et un schéma psychologique, une « personnalité », s’est formé. À partir d’une simple expérience, j’ai commencé à aimer certaines expériences et à en détester d’autres. Mais en général, j’aimais mes activités et j’ai développé un attachement à vivre dans le corps, « j’aimais la vie » comme le dit le proverbe, et par conséquent, je détestais la mort. À nouveau, par le développement de l’habitude, un changement des plus fondamentaux s’est produit en moi : mais cette fois, je suis devenu « accro » à la vie. Ainsi, notre peur de la mort est en réalité, et à l’origine, le résultat de l’habitude de vivre. C’est certainement notre habitude la plus puissante, sur laquelle toutes les autres habitudes sont basées. Sans elle, la peur de la mort n’existerait pas ! La seule chose qui pourrait contrer cette habitude est l’expérience du sommeil profond ! Et ce n’est pas vraiment une « expérience », mais plutôt un état de « non expérience ». La félicité de cet état, nous l’avons ignorée parce que sa mémoire est écrasée par les impressions beaucoup plus nombreuses et fortes de l’état de veille. En somme, la soif de vivre, ou l’avidité d’expériences est égale à la peur de la mort.
Ainsi, l’habitude de penser de cette manière particulière est littéralement « mortelle », car c’est elle seule qui crée les catégories disparates et intrinsèquement séparées de « vie » et de « mort » — la dichotomie ultime. Et le seul moyen efficace d’inverser le processus, de « se réveiller », est de vivre constamment avec la pleine conscience de nos habitudes, qu’elles soient « bonnes » ou « mauvaises », et de se souvenir de la béatitude du sommeil, qui n’est pas une habitude, mais s’apparente à notre état originel — l’état au-delà de la vie et de la mort — et demeurer en Cela.