Jean Klein
Qui connaît la personna­lité ?

Le moins ne peut discerner le plus, la personne est dans l’impossibilité de comprendre étant elle-même une perception. Je me demanderais à votre place : Qui connaît la personna­lité ? Elle est en grande partie composée d’éléments qui assu­rent la survie en tant qu’individu, de choses apprises, d’édu­cation, d’expériences. C’est un produit de la société avec lequel vous vous identifiez. Je poserais plutôt la question d’une autre manière : Quelle est la lumière qui l’éclaire, qui est derrière toute représentation ? Vous ne trouverez jamais la réponse, mais vous serez saisi par un silence, présence ultime qui se suffit à elle-même.

(Revue Être. No 1. 15e année. 1987)

Le titre est de 3e Millénaire

Avez-vous approfondi le motif qui vous a poussés à venir ici aujourd’hui ?

Vous nous demandez pourquoi nous sommes ici ? Mais vous y êtes bien vous aussi !

Si je vous ai fait cette réflexion, c’est pour vous engager à détecter le mobile de vos actions. Bien sûr, c’est par amitié que nous nous retrouvons. Seulement, avez-vous remarqué que très souvent vos occupations sont en réalité des compen­sations ? Compensations de quoi ? La plupart du temps, vous ne le savez même pas ; c’est une sensation de vide, une carence que vous essayez de combler. Interrogez ces manques : vous allez au cinéma, vous téléphonez, vous faites votre valise pour partir en voyage, etc., sans remarquer qu’en général, vous vous masquez à vous-même la véritable raison de ce besoin d’agir.

Je ne veux pas dire : n’allez pas au cinéma, ne voyagez pas, n’allez pas au concert, évidemment non, mais au moment où vous sentez une incomplétude vous tourmenter, contemplez ce malaise, interrogez-le. Venir ici peut également être une sécurisation, ce n’est pas forcément le cas, mais ce n’est pas impossible. Voyez-le. Si cela est exact – même partiellement – dépassez ce stade, cherchez pourquoi vous êtes habité par ce vide morne, anxieux. En fait, c’est l’homme qui a toujours besoin de se rassurer. Seulement, la réponse est derrière le chercheur, celui-ci ne peut jamais accéder à l’ultime suffisance. Une intuition, un appel puissant de l’être vous aidera à vous intérioriser et fera disparaître votre angoisse. Cette plénitude ne peut se présenter sur un plan verbal, repré­sentatif, c’est le profond saisissement d’un soi-même ; un moment où disparaissent le désir d’être ceci ou cela, la division sujet/objet observateur/chose observée, moi et le monde, Dieu et moi, etc. Voilà pourquoi je vous suggérais qu’il aurait peut-être été préférable de rester chez vous à examiner les motifs qui vous font agir. Bien entendu, ceci n’empêche pas l’agré­ment et aussi l’ouverture plus lucide que peuvent susciter nos rencontres, tout au moins, je l’espère.

Certains jours sont mieux appropriés que d’autres pour vous interroger ainsi. Vous pouvez être dans de meilleures dispositions et porté à faire face à votre inquiétude au lieu de fuir vos carences. Le noyau qui les sécrète est l’idée de vous prendre pour une entité personnelle. Celle-ci est toujours isolée, elle se sent seule, malheureuse et veut y remédier, vous le savez. Soyez donc à l’écoute pour saisir l’instant opportun afin d’affronter cette sonnette d’alarme qui vous permet de vous situer d’une manière plus juste, plus exacte. Vous devez le comprendre. Je ne vous parle pas de la compréhension obtenue grâce aux éléments que vous connaissez déjà, mais plutôt de vivre avec ces arguments, d’« être compréhension », et vous vous sentirez envahi par une évidence. Si vous vivez avec cette interrogation sans vouloir l’étrangler, sans essayer de savoir (c’est la personne qui veut à tout prix une solution) elle se transformera chaque jour, chaque semaine, elle perdra son côté concret et votre totalité apportera la réponse vivante, non intellectuelle.

Une véritable question surgit d’un besoin intuitif de connaître, de savoir. En fraternisant silencieusement avec elle, vous lui donnez la possibilité de se dévoiler. Cela ne peut se faire au moyen de la mémoire. D’autres choses montent à la surface et consument cette inquiétude, révélant en quelque sorte, la réponse. Dans la vie, nous ne devons jamais déter­miner, affirmer, conclure. Bien sûr, nous y sommes contraints de temps à autre, mais cette conclusion a sa signification dans l’instant même, pour un cas particulier.

Sommes-nous la conscience ? Est-ce notre état ultime ?

Notre conscience est la suprême réalité, elle ne se laisse pas représenter, pas objectiver. La personne ne peut la situer, elle est au-delà de ses perceptions, au-delà des possibilités du mental et se reconnaît donc seulement elle-même. Lorsque vous êtes attentif – geste naturel inhérent à notre intelligence – sans ingérence de jugement ou d’évaluation et que vous laissez tout ce qui est perçu se livrer entièrement à vous, cette attention prend une sorte d’expansion, elle croît et devient conscience/ présence.

Justement, au-delà de ce que vous nous dites, il passe quelque chose. Est-ce dû uniquement à votre présence, ou bien, est-ce une projection, une création de notre imagination ?

Pour que quelque chose passe, restez à l’écoute, ne vous référez pas à votre mémoire, à ce que vous savez par ailleurs. L’explication sollicitée surgit de cet « au-delà », elle ne se rapporte à rien d’objectif, mais à ce que vous êtes profondé­ment, à votre totalité. Pour que le message soit ressenti, votre comportement, votre réceptivité jouent un rôle très important. Vous voulez souvent rester au niveau intellectuel que vous avez choisi ; il est essentiel d’examiner le point de départ de votre interrogation, si elle n’est pas superficielle, si elle est véritablement vécue, vous l’exprimez, puis il y a attente. C’est une ouverture totale, exempte de tout désir de comprendre au plan verbal, un lâcher prise de toute extériorisation. Alors, vous êtes saisi par l’inexprimable, la réponse est vivante, comme nous le disions à l’instant.

Si nous discutons de problèmes d’objets, vous pouvez obtenir certains renseignements, il peut être fait allusion à des références, à des analogies. Vous avez une représentation, par exemple du goût de l’orange ou de la mandarine par des comparaisons approximatives. Nous parlons actuellement d’un vécu qui ne peut être objectivé, on ne peut le chercher dans le domaine des concepts, des percepts.

Si le corps n’est pas un concept, qu’est-il ?

C’est un objet fait des cinq sens, il n’a pas de réalité, à la façon ordinaire d’utiliser ce mot, c’est-à-dire : « quelque chose qui a une existence en soi ». Il n’a pas d’existence indé­pendante, il a besoin de la conscience pour être connu. Dans ce sens-là, il n’a pas de réalité.

La compréhension grâce à l’approche corporelle émane-t-elle de la conscience ?

Nous sommes attentifs, conscients au moment où nous donnons un ordre à notre corps, mais si vous avez vraiment saisi ce qui vous est enseigné, vous verrez qu’en lui accordant momentanément une importance, c’est notre manière de l’approcher qui est visée, une écoute de notre comportement à tout point de vue, libre de volition. C’est cette attente qui nous intéresse, le reste n’est que prétexte. Elle doit être iden­tique dans vos activités journalières, dans vos contacts avec les autres et vis-à-vis de vos sensations. Familiarisez-vous avec une observation vierge, innocente, ouverte, où l’objet se rapporte uniquement à la totalité et se dévoile sans restric­tion, sinon il resterait conditionné, habillé ; un centre qui interprète ne peut prétendre connaître les perceptions, il voit par le biais de ses résistances, de ses réactions. Au fond, nous devons être dignes de ce déshabillage, l’objet daigne nous confier son secret si nous l’accueillons dans cette lumineuse ouverture.

Dans le travail corporel, quand votre intérêt n’est plus dirigé vers l’individu, vous n’êtes plus noyé dans cet objet, un espace s’ouvre entre l’observation et la chose observée. Une écoute attentive vous fait sentir ce recul, vous n’êtes plus concerné, impliqué et ce détachement entraîne le pressenti­ment de la présence, le pressentiment de votre autonomie.

Votre lucidité a d’abord été retenue par quelque chose : conscience fonctionnelle, puis, lorsque cette perception s’efface, la pure conscience se révèle à vous. Pour en revenir à notre problème, le corps est un objet perçu comme les autres.

La personnalité humaine doit se rendre compte qu’elle dépend de l’ultime témoin et faire de cela sa raison de vivre. Comment résoudre cette contradiction, puisqu’elle n’a plus de but ?

Le moins ne peut discerner le plus, la personne est dans l’impossibilité de comprendre étant elle-même une perception. Je me demanderais à votre place : Qui connaît la personna­lité ? Elle est en grande partie composée d’éléments qui assu­rent la survie en tant qu’individu, de choses apprises, d’édu­cation, d’expériences. C’est un produit de la société avec lequel vous vous identifiez. Je poserais plutôt la question d’une autre manière : Quelle est la lumière qui l’éclaire, qui est derrière toute représentation ? Vous ne trouverez jamais la réponse, mais vous serez saisi par un silence, présence ultime qui se suffit à elle-même.

En parlant de manifestation, vous choisissez le film comme point de comparaison. Je croyais qu’il était fixé une fois pour toutes. Par ailleurs, vous nous indiquez que les événements se créent d’instant en instant. Par moment, j’ai pourtant l’impression qu’on peut intervenir dans le déroulement de la bobine.

Cette intervention est également inscrite sur la pellicule. Vous n’êtes qu’une maille dans une immense toile d’araignée multi-dimensionnelle. Imaginez cela : vous êtes une simple maille minuscule !

L’autre jour, en me promenant avec vous, nous remar­quions la beauté de la nature. Nous avons rencontré une petite fille adorable et la maille que je suis s’est dit : Que faire pour préserver tout cela, car il y a aussi une maille qui s’appelle Khadafi ou autre. Elle peut nous faire très peur. À un plan plus personnel, je pense également ceci : Comment orienter ma vie ? Je préférerais avoir un métier enrichissant à tout point de vue, plutôt que de terminer comme un clochard !

La réflexion : Qu’est-ce que la vie ? Quelle est la mienne ? est sur le film, la décision que vous prendrez également. Tout ce qui se passe y est déjà inscrit.

À quel moment se prépare le scénario ?

À chaque instant. N’oubliez pas que nous sommes condi­tionnés par le triple temps : passé, présent, futur. C’est notre pensée qui fonctionne de la sorte, nous ne pouvons saisir la simultanéité des choses, mais une seule à la fois. Nous connais­sons, bon gré, mal gré, les événements en succession. En réalité, le temps n’existe pas, il est inventé par la mémoire, tout est instantanéité, que nous l’acceptions ou non ; du reste cela aussi est sur la pellicule.

Je peux oublier cette constante interrogation en regardant la mer, mais en tant que maillon ne dois-je pas chercher ? Quel est mon rôle, que fais-je là-dedans ?

C’est vrai, mais comprenez que tout est déjà inscrit, sauf vous en tant que conscience. C’est cette présence qui éclaire le film, sans elle, il ne pourrait défiler. Elle est la vie, ce qui se déroule en est une expression, un jeu, ne l’interprétez pas dans le sens d’une évolution. Cela se passe, c’est tout.

Vous donnez pourtant des conseils ?

C’est inscrit également.

Je m’entraîne sans résultat depuis des années à me convain­cre de cette idée ! « Je suis le Soi », je n’arrive pas à le croire vraiment.

Ne cherchez pas ce que vous êtes, vous vous éloigneriez, pensez plutôt à ce que vous n’êtes pas.

Ici, par exemple, je contemple la mer et toute angoisse existentielle disparaît. Cependant, je n’ai pas eu de révélation qui me permette d’être Un avec ce qui m’entoure.

Vous vous révélez en vous-même. Là, se trouve la joie, raison d’être du film, si l’on s’y réfère. Ce que vous appelez « les éléments qui le composent » sont des manifestations de la vie qu’elle laisse filtrer en les illuminant, car tout ce qui est en vous est beaucoup plus extraordinaire, plus grand, plus merveilleux qu’il n’est possible de l’imaginer.

Le souvenir de ma petite enfance m’a été parfois doulou­reux. Maintenant, je regarde ces réminiscences avec béatitude.

Cette image fait aussi partie de ce qui a filtré, mais le fait d’en parler vous montre que vous en étiez l’éclairage. Vous l’êtes toujours, soyez-le sciemment, c’est tout.

Si je ne venais pas ici depuis longtemps, je vous dirais : Comment le vivre sciemment ? Mon regard n’est pas aussi pur devant vous que devant la mer : j’attends encore quelque chose.

Vous me regardez du point de vue de la personne. Vous pensez, voilà un corps, il fonctionne comme les autres. Le jour où vous vous considérez seulement comme éclairage, vous voyez uniquement l’éclairage en face de vous. Pour le mental, tout a un nom, une caractéristique, etc., du point de vue du Soi, tout est conscience.

Il me semble important d’examiner ce que vous appelez votre vie, qui n’est évidemment qu’une expression du Soi. L’existence de la maille que vous représentez dans cette immense toile d’araignée est inscrite depuis l’éternité : passé, présent, futur. La lumière de la totalité, de l’ultime réalité fait apparaître l’ensemble, comme pour chacun d’entre nous. Ne montez pas sur la scène, ne vous identifiez pas avec les acteurs, vous jouerez obligatoirement votre rôle, restez tranquillement assis sur un fauteuil d’orchestre, vous serez heureux, en paix, croyez-moi.

Le créateur du film ne se manifeste donc jamais durant le scénario ?

Tout ce qui est objectivité y apparaît, nous le percevons en succession. Votre position affecte non seulement votre entou­rage, mais Madras, Shanghai, Rome, Singapour. Vous êtes étroitement lié à l’univers, en tant qu’acteur. Vous connaissez par ailleurs des moments merveilleux où vous êtes en dehors de ce jeu qui continue pourtant. Cultivez-les, sans monter sur la scène car si vous le faites, vous boiterez. Dans l’absence du je, d’une représentation sous une forme ou une autre, concep­tuelle ou perceptuelle, vous n’êtes pas enfermé dans la struc­ture d’un mental qui évalue, compare et juge ; vous occupez la globalité. L’absence du positif entraîne celle du négatif, ils sont tous deux éliminés. Cette présence n’est pas individuelle, elle habite tout être vivant : Appelez-la Amour, c’est, je crois, la meilleure formulation. L’individualité n’a pas de place lorsque nous vivons cet amour, nous l’utilisons à l’occasion, bien entendu, mais nous ne nous confondons plus avec les carac­téristiques de notre personnalité. L’artisan a besoin de cer­taines connaissances pour extérioriser son imagination, nous les employons normalement, c’est la mission de notre intellect, en quelque sorte.

Dans la totalité, si la personne est absente, la relation entre les êtres est une non-relation, sinon, c’est un contact d’affaires, toujours intéressé, le véritable don se fait dans une absence à soi-même. Voyez-le sur le vif et vous ne vous laisserez plus charmer par l’idée d’être tel ou tel.

Oui, mais quel recours avons-nous le jour où cette per­sonnalité déborde la conscience ? Vous nous avez dit qu’on ne soignait pas le mental par le mental. Nous connaissons ces moments privilégiés évoqués à l’instant, nous connaissons également ceux où nous sommes envahis, noyés dans notre ego. Que faire en ce cas ?

Votre moi vit dans votre présence dont il découle. Ne vous défendez pas de ses débordements, laissez-les s’exprimer, sans chercher à les diriger, à les atténuer. Votre lucidité va s’éveiller et vous vous situerez à l’extérieur, en quelque sorte. En réalité, ces débordements sont en vous, vous n’êtes pas en eux. Constatez-le, il se fera automatiquement un lâcher prise devant ce déploiement effréné d’énergies dans l’espace/temps.

Mais, nous n’en sommes pas souvent maîtres !

Vous vous sentez envahis avec toute l’affectivité que cela comporte ; allongez-vous, laissez passer ces vagues. Nous som­mes parfois stimulés par d’anciens schémas du passé, par des actions de notre entourage qui nous suffoquent, nous sommes hors de nous. Alors, asseyez-vous sur une banquette, lâchez prise, ne soyez pas complice de cet échauffement, de ces débordements.

Nous sommes de temps à autre confrontés à des situations auxquelles nous ne pouvons rien changer, mais que nous n’acceptons pas, le mental se fait alors tout un cinéma. Quelle est la meilleure attitude pour en sortir ?

Rendons-nous compte que de toute manière, nous faisons toujours du cinéma à longueur de journée. Nous vivons dans un temps psychologique, nous retournons vers notre passé, projetons le futur et restons peu dans le présent. Observez-le. Il est bien difficile d’arriver à une vision saine du jour au len­demain. En principe si, mais nous sommes tellement condi­tionnés que nous retombons généralement dans nos errements passés. Nos actions sont-elles chaque fois nécessaires ? Proba­blement non, mais nous restons dans la conceptualisation et le moi veut survivre. Comprenez bien : la véritable présence se manifeste seulement dans l’absence de projection d’un personnage, le manque est uniquement expérimenté par lui. Vivez cette conviction et vous constaterez la légèreté, la liberté, la joie, l’amour qui vous empliront alors. La vie de tous les jours nous commande, bien sûr, diverses actions, par contre, ce n’est pas l’intellect discriminatif mais la situation qui dirigera nos pas.

Il est hors de doute que la vie est toujours au présent, maintenant. Nous étions différents le mois dernier et nous ne serons pas semblables dans un an, tout cela est facile à saisir sur le plan du mental, mais l’incarner, le vivre vraiment ? Où est la présence ?

Vous pouvez uniquement la découvrir dans la vie de chaque jour, dans les moments où tout semble être accompli, sans récapitulation ni jugement. Votre esprit est au repos, sans que le passé intervienne pour échafauder le futur. Soyez en identité avec cet instant privilégié, sans représentation : telle nationalité, telle qualité, tel compte en banque, telle connaissance. Notre carte d’identité nous isole, nous cherchons la sécurité, nous cherchons à être, mais n’allons pas dans la bonne direction. Ce que nous sommes ne peut être objectivé. Lorsque nous disons : je connais le monde, une situation, nous les avons vus sous un certain angle, nous en avons saisi une fraction, l’action qui en résulte n’est pas harmonieuse, elle laisse des résidus, vous risquez un échec.

Si vous regardez un problème globalement, sans person­nage interposé, vous ne remarquez pas seulement les éléments qu’il aurait choisis, mais l’ensemble de la situation. Les choses les plus simples, les plus directes nous semblent souvent plus difficiles, vous le savez par expérience. Quand nous voulons acquérir quelque chose, nous nous documentons, nous accu­mulons afin d’avoir un instrument apte en différentes cir­constances. Nous voulons acquérir la réponse au : « Qui suis-je ? », d’une façon identique ; comme si nous voulions jouer aux échecs ou nous servir d’un instrument ! Vous ne pouvez conquérir ce que vous êtes foncièrement de toute éternité ; c’est hors de l’agir, et du non-agir, de la pensée et du silence voulu, hors de toute formulation, du passé/futur. Vous êtes là, c’est tout et lorsque vous l’êtes vraiment, consciemment, un saisissement vous submerge, vous êtes présence, globalité, dans le silence et dans vos activités.

Peut-on encore parler de libre arbitre dans la non-dualité ?

Cette question ne se pose plus dans l’absence d’un vous-même. En ce cas, parler encore de libre arbitre serait une prétention. Le film est prêt, il se compose et se déroule à chaque instant, mais est programmé, il est écrit aussi : je le crois ou ne le crois pas.

Quel peut être l’apport de la philosophie indienne pour nous ?

Qu’entend-on par philosophie indienne ? C’est la convic­tion vécue d’une vérité qu’on appelle Atman, c’est-à-dire, Dieu seul est. Toute manifestation dans un espace/temps est une expansion de Dieu, c’est lui qui se prolonge, qui s’objective, se manifeste. La dualité n’existe pas. Si la personne est absente, vos actes, vos pensées émanent en quelque sorte de Dieu. Sur cela se sont greffées différentes psychologies, différentes formes, différentes religions, mais, même très élaborées, elles se réfèrent toutes à l’Atman, au Divin, à l’Un.