David Edwards
Résister au mal ? — Partie 2

Une grande partie de notre souffrance réside dans notre résistance — c’est le fait même de dire « non » à un sentiment qui nous blesse. Nous ne voulons pas ressentir la douleur ! En plaçant volontairement mon attention sur la douleur, je l’acceptais. Le « non » disparaissait. Je ne résistais plus au « mal ». Et à mesure que cela se produisait, la boule de douleur commençait à s’adoucir, à se transformer — un « pilier de conscience » commençait à apparaître et à absorber le chaos. Finalement, j’ai commencé à ressentir l’« espace » de Tolle — les sensations dans mon cœur sont devenues douces, agréables. Au bout d’une heure environ, peut-être 75 minutes, l’agonie s’est transformée en sentiments d’amour et de félicité.

La première partie est disponible ici.

Quelle est donc l’alternative à la résistance au « Mal » ? Et quelle pourrait bien être notre motivation pour faire autre chose ? Trois maîtres modernes de la méditation nous lancent la même balle inattendue de nulle part. Le mystique indien Osho a dit :

Quelqu’un vous insulte. Restez simplement immobile, silencieux. Le mécanisme se déclenche, il ramène le schéma du passé. La colère monte, la fumée surgit et vous vous sentez sur le point de devenir fou. Mais tenez bon. Ne coopérez pas et observez simplement ce que fait le mécanisme. Vous sentirez des engrenages à l’intérieur de vous, mais ils sont impuissants parce que vous ne coopérez pas.

C’est l’un des plus grands secrets que je vous livre. Essayez-le : lorsque la colère survient, vous n’avez rien à faire ; restez assis en silence et observez-la. Ne soyez ni contre elle ni pour elle. Ne coopérez pas, ne la refoulez pas. Observez-la simplement, soyez patient, voyez ce qui se passe… laissez-la monter. (Osho, « The Path of Yoga », Rebel Publishing, 1998, p.120)

Ordinairement, lorsque nous sommes en colère, comme le suggère le commentaire « Je suis furax », nous nous identifions totalement à la colère — nous pensons que nous sommes la colère. La pratique décrite ci-dessus transforme cette observation en « Il y a une colère furieuse et je l’observe ». C’est une transformation radicale — cela suggère que nous pouvons nous désidentifier de la colère, ce qui signifie que nous pouvons nous désidentifier du conditionnement politique et culturel des colonels Heffner et de leurs réflexes de rage et de représailles « œil pour œil ». Nous ne réagissons pas à la personne qui nous gifle ni aux « engrenages intérieurs » de la colère qui commencent à grincer en nous — nous observons simplement. Alors, quels pourraient en être les bénéfices ? Encore une fois, Osho :

Lorsque vous sentez que la haine est là, fermez les yeux, oubliez la situation extérieure et prenez conscience de ce qui se passe en vous. Toute l’énergie est devenue haine. Si vous l’observez, une partie de l’énergie commencera soudainement à se transformer en conscience. Un pilier de conscience émergera du chaos… Et plus le pilier émergera, plus le chaos intérieur diminuera et disparaîtra. Alors, quand vous sentirez que vous êtes, vous remarquerez que la haine n’est plus là : vous devenez un soi, un centre ; l’autre ne peut plus être le centre qui attire ou qui repousse ».

Si nous oublions la situation extérieure et nos pensées à son sujet et que nous nous concentrons sur la tristesse, la peur, la jalousie, le désir, la colère, l’énergie douloureuse se transformera en un « pilier de conscience » qui absorbera le chaos. L’esprit se trouve à la périphérie de l’être. Lorsque nous concentrons notre attention sur les sentiments au cœur, au centre de l’être, le chaos à la périphérie s’apaise.

Le mystique allemand Eckhart Tolle offre le même conseil :

Par exemple, quand quelqu’un vous critique, vous fait des reproches ou vous traite de tous les noms, au lieu de rétorquer immédiatement ou de vous défendre, ne faites rien. Laissez l’image de votre moi être diminuée et observez avec diligence la façon dont vous vous sentez au plus profond de vous. Pendant quelques secondes, vous vous sentirez peut-être mal à l’aise, comme si vous aviez rétréci. Puis, vous ressentirez une vastitude intérieure intensément vivante. Mais, vous n’avez pas diminué du tout. Au contraire, vous avez pris de l’expansion. Il se pourrait ensuite que vous fassiez une découverte époustouflante : quand vous êtes apparemment diminué et que vous ne réagissez absolument pas, c’est-à-dire pas seulement extérieurement, mais également intérieurement, vous réalisez que rien de réel n’a été diminué, qu’en devenant moins vous êtes devenu plus. Quand vous ne renforcez ni ne défendez plus la forme de votre moi, vous vous dissociez de l’identification à la forme, de l’image mentale de votre moi. En devenant moins (selon la perception de l’ego), vous connaissez en fait une expansion et vous faites de la place pour que l’Être puisse se manifester. Le véritable pouvoir, c’est-à-dire ce que vous êtes au-delà de la forme, peut enfin briller à travers la forme apparemment affaiblie. C’est ce dont Jésus parle quand il dit : « Fais abnégation de toi » ou « Tends l’autre joue ». (Tolle, « Une nouvelle terre »)

La prise de conscience qu’en devenant « moins », on devient plus, élimine un motif clé de la rage contre les personnes qui nous ont insultés — la douloureuse superstition selon laquelle nous aurions été blessés.

Le mystique américain Robert Adams était du même avis :

Chaque fois que vous pensez que quelque chose ne va pas, que quelqu’un vous a fait du mal, que quelqu’un vous a contrarié, que les choses ne vont pas bien dans votre travail ou à la maison, ne soyez pas comme une personne ordinaire et ne réagissez pas. Et ne croyez pas que, si vous ne réagissez pas, les choses vont empirer.

Je ne vous dirai jamais assez que chaque situation qui vous arrive est nécessaire à votre croissance…

Ne vous impliquez pas en vous disputant, en vous battant, en essayant de changer les choses.

Observez simplement » (Adams, « Silence of the Heart », Acropolis Books, 1999, pp. 283-284).

Adams ajoutait :

C’est ainsi que l’on conquiert son esprit. En en étant conscient et en n’y répondant plus. Ne plus réagir à l’esprit. Quelque chose qui vous mettait habituellement en colère, auparavant vous réagissiez, vous vouliez gagner l’argument, mais maintenant votre réaction est de ne pas réagir. Vous souriez simplement et vous observez.

Lorsque votre esprit voit qu’il n’y a pas de réponse, il devient de plus en plus faible, jusqu’à ce qu’il disparaisse. C’est comme se disputer avec une personne. Que se passe-t-il si vous arrêtez de vous disputer ? La personne part. Elle ne sait plus quoi penser. Elle, n’aura plus rien à faire avec vous. Elle s’en va simplement. Ainsi, lorsque vous cessez de répondre à vos pensées, votre esprit s’en ira et deviendra de plus en plus faible, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’esprit » (Adams, p.228).

Comme nous le verrons plus loin, lorsque l’esprit disparaît temporairement, ne serait-ce que pour une microseconde, il se produit quelque chose d’étonnant, de libérateur et, en fait, de révolutionnaire. C’est la raison pour laquelle il est suggéré de « ne pas résister au mal ».

Tendre l’autre bras

Il y a de nombreuses années, provoquée par mon erreur de communication et par ses montagnes russes hormonales (son explication, pas la mienne !), ma petite amie de l’époque était entrée dans une rage noire et me frappa violemment trois fois au bras gauche.

En réponse, je ne cherchai à obtenir ni « œil pour œil » ni bras pour bras. N’étant pas Jésus, je n’ai pas non plus tendu l’autre bras ou l’autre joue — ce qui m’aurait valu quelques coups de poing supplémentaires ! Mais mon manque de conscience christique allait bien au-delà. Même si j’avais « tendu l’autre joue », la réalité était que je me sentais en colère, confus et attristé par un traitement aussi méprisant. Comme le dit Tolle, je me sentais profondément « diminué », ce qui indique que je n’ai pas supporté l’insulte avec une certaine sérénité spirituelle. Et si le conseil de Jésus avait un sens, c’était celui d’une réaction authentiquement sereine, pas celui de serrer les dents et de faire semblant.

Plus tard dans la journée, ma tête a été le théâtre de pensées colériques, confuses et craintives sur ce qui s’était passé, sur ce qui aurait dû se passer, sur l’évolution de notre relation. Ce qui était frappant, c’est qu’il n’y avait pas de réponses simples dans ma tête. C’était évidemment une bonne chose que je n’aie pas riposté, mais aurais-je dû me défendre avec plus plus fermement verbalement ? M’étais-je laissé abuser et marcher sur les pieds ? Avait-elle perdu non seulement tout amour, mais aussi tout respect pour moi, ou n’était-ce qu’une simple dispute ? Avais-je en quelque sorte provoqué ou mérité cela ? Son syndrome prémenstruel expliquait-il, voire excusait-il, sa rage inhabituelle ? Et de toute façon, sommes-nous jamais responsables des conditions génétiques et environnementales qui influencent notre comportement ? Et ainsi de suite… Tout cela semblait si subjectif, si discutable, dépendant du point de vue que je choisissais d’adopter.

C’était donc la tempête de tête — le tourbillon mental qui n’apporte aucune réponse claire, aucune conclusion solide. Nous sommes assis là, en tant que juge et jury, dans un litige dans lequel nous sommes profondément, personnellement impliqués. Pouvons-nous vraiment nous faire confiance pour être justes et impartiaux dans notre jugement sur notre propre responsabilité dans de telles affaires ? Comme l’a si bien dit le physicien Richard Feynman :

Le premier principe est que vous ne devez pas vous tromper vous-même — et vous êtes la personne la plus facile à tromper. (Feynman, « Surely you’re joking Mr. Feynman », W.W. Norton, 1985, p.343).

Parce que nous voulons être trompés — nous voulons croire ce qui sert le mieux notre intérêt personnel.

Mais il y avait aussi une deuxième tempête émotionnelle symbiotique dans ma poitrine, alimentée par la tempête de pensées et l’alimentant en retour. Le fait de me plonger dans cette tempête mentale ne me faisait aucun bien ; au contraire, je me sentais encore plus mal. Et ce « pire » venait des émotions dans ma poitrine. Je me suis souvenu de tous les conseils que j’avais lus à propos de l’observation de la douleur émotionnelle, comme ceux cités plus haut, et j’ai déci :

D’accord, aussi longtemps qu’il le faudra, je vais mener une expérience d’observation de cette douleur émotionnelle. Je vais l’observer pendant dix minutes, une heure, deux heures et voir ce qui se passe, même si cela doit me tuer. Je vais simplement m’asseoir ici, l’observer et la fixer droit dans les yeux.

Et c’est ce que j’ai fait. J’ai maintenu la douleur émotionnelle dans mon attention, je m’y suis installé. Je l’ai laissée me brûler, encore et encore. Je continuais à observer la douleur, à la ressentir, encore et encore… Fais ton pire ! Ce sont mes émotions ! Elles font partie de moi. Ne puis-je pas supporter mes propres émotions ? Pourquoi pas ?

Une grande partie de notre souffrance réside dans notre résistance — c’est le fait même de dire « non » à un sentiment qui nous blesse. Nous ne voulons pas ressentir la douleur ! En plaçant volontairement mon attention sur la douleur, je l’acceptais. Le « non » disparaissait. Je ne résistais plus au « mal ». Et à mesure que cela se produisait, la boule de douleur commençait à s’adoucir, à se transformer — un « pilier de conscience » commençait à apparaître et à absorber le chaos. Finalement, j’ai commencé à ressentir l’« espace » de Tolle — les sensations dans mon cœur sont devenues douces, agréables. Au bout d’une heure environ, peut-être 75 minutes, l’agonie s’est transformée en sentiments d’amour et de félicité.

Ce n’était pas de l’imagination, je n’inventais rien. Comment le sais-je ? Parce qu’en temps normal, j’aurais été totalement incapable de m’empêcher de porter un fardeau de ressentiment boudeur pendant des heures ou des jours. La prochaine fois que j’aurai rencontré ma petite amie, cela aurait certainement été une présence pesante et nuisible à la conversation. Il n’était tout simplement pas dans ma nature de laisser passer une telle chose aussi facilement. Tout mon conditionnement consistait à ne pas laisser quelqu’un s’en tirer à bon compte avec ce genre de traitement — je devais riposter pour me défendre, ne serait-ce que psychologiquement après l’événement.

Mais cette fois-ci, grâce à une heure d’auto-observation, le ressentiment n’avait pas été simplement contrôlé par la force de la volonté, et il n’avait pas simplement disparu. Il avait été alchimisé en une énergie d’amour et de félicité. Ce n’était pas que j’avais pris la décision mentale de pardonner à qui que ce soit ; l’énergie de la colère avait été transformée. Il était étonnant d’avoir émergé d’une manière ou d’une autre d’un gouffre de désespoir.

En conséquence, notamment parce que je connaissais suffisamment mon partenaire et que je lui faisais confiance, j’ai pu considérer toute cette histoire comme un malentendu, une sorte d’accident dans lequel j’avais également joué un rôle. Sans le bagage émotionnel sombre, j’ai pu voir l’événement pour ce qu’il était vraiment : laid, absurde, mais pas vraiment important.

À cette occasion, l’extase a été de courte durée, mais elle a donné un aperçu du phénomène extrêmement important qu’est la félicité amoureuse méditative. Osho en décrivait trois dimensions :

La première dimension est la paix, la paix absolue, comme si le lac de la conscience était sans aucune vague, sans aucune ondulation même.

Cela n’existe pas dans la vie ordinaire. Lorsque l’attention est portée sur la surface de notre être, sur notre mental, il y a toujours des vagues, des perturbations. Même dans le sommeil, l’esprit ne se tait pas — il continue à nous déranger subtilement.

La deuxième dimension est la joie : une joie sans raison, une joie qui ne provient d’aucune cause extérieure, une joie qui surgit simplement de vous, mystérieusement, sans raison, sans cause — une joie non causée.

C’est vraiment étrange, presque impossible, l’extase qui naît du fait d’être assis sans rien faire.

Et le troisième est l’amour, l’amour non pas en tant que relation, mais en tant qu’état d’être. Non pas que vous aimiez quelqu’un en particulier, mais que vous êtes amour ».

Un amour intense, assis sur un canapé, à ne rien faire, là où, une heure plus tôt, il y avait une masse de colère, de ressentiment amer et de peur. Comment l’amour peut-il simplement surgir sans être une réponse à quelqu’un en particulier ? Parce que c’est l’autre facette de la félicité qui surgit également sans cause — c’est la nature de la conscience libérée de la pensée lorsque l’attention est détournée de cette pensée.

Comme le disait Osho, le fait que la paix, l’amour et la félicité illimités soient présents en nous, bien que cachés, est vraiment très important :

C’est grâce à ce phénomène… que l’homme peut espérer, sinon c’est l’obscurité absolue. Il n’y a qu’une petite lumière, une étoile lointaine, très lointaine…

Cette étoile lointaine, très lointaine — notre seul espoir sérieux dans cette vie difficile — est enfouie sous la pensée. Et bien sûr, elle est plus cachée, plus inaccessible lorsque nous sommes furieusement engagés à commettre le « Mal » ou à y résister. C’est une affaire importante, car, en dehors de ce phénomène, il n’y a pas d’espoir dans un esprit qui est intrinsèquement négatif, critique, en colère, insatisfait, indifférent à l’instant présent, à ce qui est.

Conclusion — Les multiples noms de l’amour

Ne pas résister au mal ? Bien sûr, nous pouvons résister aux efforts déployés pour nous tuer et nous exploiter, nous et les autres. Il ne s’agit pas de vivre comme des puritains inactifs dans un monde qui ne demande qu’à exploiter un tel idéalisme.

Ce conseil est d’ordre spirituel et psychologique plutôt que politique — nous choisirons parfois de résister au « Mal ». Mais si nous recherchons cette « petite étoile… lointaine » d’espérance qu’est le phénomène de la félicité amoureuse, nous ne la trouverons pas dans les tempêtes mentales qui accompagnent inévitablement notre résistance.

Nous n’avons pas à abandonner nos efforts pour aider les autres, mais nous devons nous rendre compte que notre focalisation obsessionnelle à vouloir changer le monde sur le plan politique a produit beaucoup de discours… et peu de résultats — le monde ne déborde pas du tout de paix, d’amour et de félicité. Nous devons expérimenter les pratiques méditatives simples qui nous amènent à réévaluer l’importance vitale de dévoiler l’amour et la félicité enfouis dans nos propres cœurs.

Le journaliste et activiste Umair Haque a commenté le pouvoir des « multiples noms de l’amour » : « beauté, vérité, illumination », « miséricorde, douceur, bienveillance ». Haque s’est demandé comment les sociétés pouvaient réellement changer :

Elles ne changent pas simplement en se disputant avec les méchants. Ou même en faisant la guerre avec eux, en fait. Elles changent lorsque l’esprit, l’âme et le cœur des gens sont élargis, élevés, transformés par tous ces noms d’amour. Lorsque tant d’amour, sous toutes ces formes, les entoure, que son opposé — la haine — n’a aucune chance.

Et cet amour ne naît pas de l’esprit pensant, activiste et protestataire. Il surgit du cœur lorsque cet esprit pensant — pour une fois dans sa vie ! — se tait.

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David Edwards est coéditeur de medialens.org et auteur de l’ouvrage à paraître, « A Short Book About Ego… and the Remedy of Meditation », Mantra Books, 24 juin 2025, disponible ici. Le livre électronique sera disponible sous peu. Le livre est actuellement classé 34e dans la catégorie « Hot New Releases In New Age Meditation » (Nouvelles parutions dans le domaine de la méditation du nouvel âge). Courriel : davidmedialens@gmail.com

Texte original publié le 6 mai 2025 : https://www.medialens.org/2025/resist-not-evil-part-2/