Natalia Vorontsova, & Vyacheslav I. Moiseev
Transidéalisme : la matière comme transcendance de l’esprit

Traduction libre 2023-10-15 En rapprochant le monisme multimodal de Spinoza et l’« absolu » idéaliste de Hegel, puis en les incorporant en un amalgame post-moderne, le professeur Moiseev discute du « trans-idéalisme » et de sa relation avec la « trans-science ». Cet essai invite le lecteur à contempler ses idées dans ses propres termes, de son propre point de vue, […]

Traduction libre

2023-10-15

En rapprochant le monisme multimodal de Spinoza et l’« absolu » idéaliste de Hegel, puis en les incorporant en un amalgame post-moderne, le professeur Moiseev discute du « trans-idéalisme » et de sa relation avec la « trans-science ». Cet essai invite le lecteur à contempler ses idées dans ses propres termes, de son propre point de vue, par opposition au point de vue d’un observateur extérieur. Il pourrait être considéré comme difficile à lire en raison de son point de vue et de sa terminologie inhabituels, mais c’est précisément là que réside sa valeur innovante. Au lieu de le lire, il faut l’explorer, l’étudier, le pénétrer, apprécier avec patience et curiosité les tours et détours de sa perspective, et peut-être même y revenir pendant plusieurs jours. L’attitude du lecteur doit s’apparenter à celle d’un dîneur qui savoure un bon repas d’idées en souhaitant qu’il ne se termine jamais, plutôt que de se précipiter pour rassembler ces idées dans un résumé simple et net. Le texte peut sembler abstrait et distant au début, mais si le lecteur persévère, les abstractions s’ouvrent sur un nouvel horizon de compréhension. Cet entretien est la suite d’un précédent, mais il peut être lu seul. Les lecteurs plus intéressés peuvent, bien sûr, commencer par l’interview originale.

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Quelle est la nature de la conscience et peut-elle évoluer ?

Selon moi, la conscience est un prédicat, un attribut inhérent à celui qui possède cet attribut. Je parle ici d’un être au sens aristotélicien, où une unité de matière et de forme produit une sorte de soi, présupposant de l’intérieur tout le reste sur son propre fond. C’est à ce moment-là que la conscience naît.

Cela est similaire à ce que Leibniz appelait une monade. Mais dans ce cas, la monade génère des images et visualise ces images. Et quoi qu’elle fasse à l’intérieur, elle ne peut jamais se localiser, car elle doit toujours assumer tout ce qui est dans son arrière-plan, qui est à nouveau elle-même. Car elle seule est donnée de l’intérieur ; le maximum d’être de l’intérieur est soi même. En conséquence, la conscience, dans ce sens, gravite toujours vers l’absolutisation d’elle-même. Lorsqu’elle commence à générer l’ego et la conscience de soi, le monde entier est perçu comme « moi », comme ma conscience. Mais il s’agit là des premiers stades, centrés sur la conscience ou égocentriques, du développement de la conscience. À un stade ultérieur, lorsqu’elle développe la capacité de réfléchir et de se « dédoubler » — c’est-à-dire la capacité de construire à l’intérieur d’elle-même le modèle du soi et du monde environnant, et de projeter ce modèle sur ce qui est extérieur à elle —, elle peut s’ouvrir pour la première fois au monde extérieur. Mais là encore, cela ne peut se faire qu’à travers ses propres représentations, sa propre nature picturale. Et à cet égard aussi, la conscience passe par des étapes d’évolution. Elle commence par s’absolutiser, puis, progressivement, elle se soumet à elle-même et à son égocentrisme. C’est ainsi qu’elle comprend que je suis un grain de sable au milieu d’une vaste existence, une réalité relative parmi d’autres réalités relatives. Puis elle revient à sa propre importance : Je ne suis pas qu’un grain de sable ; je suis un petit monde ! Il y a une sorte de pulsation de l’ultime diminution de soi à l’ultime sublimité. Il peut donc y avoir différents stades de développement, en fonction du modèle de soi que la conscience construit en elle-même. Ce modèle peut être construit comme égocentrique (moi en tant qu’absolu), mais aussi comme ego diminué (moi comme une certaine localité parmi d’autres localités). Progressivement, ce processus atteint un certain état d’équilibre.

Mais la conscience, ou plutôt le porteur de conscience, peut évoluer et il n’y a pas de limite à cette croissance : de l’intérieur, elle est absolue, mais générant en elle-même sa diminution, elle comprend qu’elle peut évoluer à l’infini. Elle peut atteindre une telle puissance ontologique — d’où le statut de conscience cosmique — qu’elle peut créer des mondes et agir en tant que conscience universelle pour ces mondes.

Et si nous considérions la conscience comme une « chose en soi » ?

Il s’agit d’une perspective sur la conscience du seul point de vue du corps environnemental, alors que la vie comporte au moins deux corps : le corps environnemental — c’est-à-dire le corps constitué par ce qui compose notre environnement — et le « corps » de la conscience, si l’on peut s’exprimer ainsi. La conscience elle-même a sa corporalité, avec son substrat et son organisation. De plus, elle continue à maintenir le regard extérieur même après la destruction du corps environnemental.

Peut-on dire alors que la conscience est indestructible et éternelle ?

Cela dépend à nouveau du stade d’évolution auquel se trouve le sujet. S’il s’agit de sujets comme vous et moi, il est tout à fait possible de détruire même le substrat de la conscience. C’est, par exemple, ce qu’on appelle la seconde mort dans les religions ; la première est la mort du corps physique, mais la seconde est la mort de l’âme. C’est la pire chose qui puisse arriver à un être vivant. Toutefois, si cette conscience est cosmique ou démiurgique, il est en principe possible de la détruire, mais la force appliquée ne doit pas être plus faible que celle du Démiurge. Et nous parlons ici de l’énorme puissance d’immenses univers. Pour nous, il s’agit donc d’un être pratiquement indestructible.

En fin de compte, tout dépend si nous regardons cette conscience, ou plutôt son support, d’en bas ou d’en haut. D’en haut, elle est finie, relative et anéantissable. D’en bas, elle est infinie et éternelle. Et de notre point de vue, c’est un être absolu.

Votre point de vue philosophique exclut donc la notion d’éternité de la conscience ?

La conscience, ou plutôt l’être qui est le porteur de la conscience, a un potentiel d’immortalité. Mais comme dans le Légendaire de Tolkien, bien que les Elfes soient immortels, ils peuvent être tués au combat. Oui, ils peuvent vivre éternellement, mais il peut arriver qu’ils soient détruits de l’extérieur. Donc, si tout va bien et que vous avez réussi à éviter de telles circonstances, alors vous pouvez potentiellement exister à l’infini dans votre matière de conscience ou votre substrat.

D’où vient ce substrat de conscience ?

J’appelle ce substrat matière inverse : cette matière dans laquelle l’un est primaire et le multiple secondaire [NDLR : c’est l’état de prédominance de l’unité, dans lequel tout imprègne tout et représente différents aspects de cette unité. Le passage de l’un au multiple se fait par différenciation, c’est-à-dire la séparation des parties au sein de l’unité originelle]. Et elle diffère de la matière conventionnelle, dans laquelle, au contraire, le multiple est premier et l’un est secondaire [NDLR : L’état de prédominance du multiple sur l’un. Elle passe de l’entropie à la plénitude en intégrant les parties dans le tout, comme dans le processus d’évolution ascendante de base : des particules aux atomes, puis aux molécules, etc.] Nous connaissons très bien la matière conventionnelle, car c’est la matière même de notre environnement, la matière dite environnementale, dans laquelle prévaut la deuxième loi de la thermodynamique.

La matière inverse et la matière conventionnelle sont les deux faces du mécanisme unique de la nature. La nature, se développant selon certaines lois, génère des systèmes mondiaux dans lesquels, au début, le système de la matière conventionnelle est réalisé. Lorsqu’il atteint la limite d’une certaine échelle, la matière inverse commence à naître et se développe progressivement en sens inverse, en quelque sorte. Ainsi, nous voyons d’abord dans le monde l’expansion de la matière environnementale ; elle crée une plate-forme pour l’émergence de la matière inverse. Ensuite, le développement de la matière inverse commence sous la forme de l’émergence et de l’évolution de divers êtres vivants. Elle augmente de façon exponentielle, dépassant les limites de certains systèmes cosmiques, planètes, systèmes solaires, galaxies, etc. Cette évolution de la vie cosmique peut en principe être infinie, mais toute vie cosmique est née quelque part pour la première fois et s’élève progressivement sur l’échelle de l’évolution.

Le mécanisme d’évolution peut être comparé à une pièce de théâtre : au début, il y a une phase de préparation. Il faut d’abord construire une scène, des décors, des décorations sous forme de planètes, de systèmes, de galaxies, etc. Ensuite, les acteurs — les êtres vivants — peuvent apparaître. Et si la matière conventionnelle permet essentiellement l’apparition de la vie, elle crée en même temps des barrières que la vie doit franchir par des sauts qualitatifs, amenant à chaque fois les êtres vivants à des niveaux d’évolution de plus en plus élevés.

Telle est la dialectique : d’une part, la matière environnementale, c’est-à-dire la matière conventionnelle, crée en quelque sorte des obstacles. D’autre part, ce sont des défis qui alimentent l’évolution. Du point de vue de la philosophie de l’histoire d’Alfred Toynbee, ce sont les défis que la matière de la vie relève, et en les surmontant, elle se renforce. Ainsi, la matière conventionnelle et la matière inverse sont deux hypostases d’un seul mécanisme transmatériel naturel, les deux faces d’une seule matière : la transmatière.

Comment pouvez-vous décrire au mieux votre perspective philosophique ?

C’est une perspective qui représente une philosophie intégrale qui considère le matériel et l’idéal comme deux aspects d’un principe unifié ou, plus précisément, multiunifié. Vladimir Solovyov [NDLR : Philosophe classique russe du XIXe siècle] appelle cela l’unitotalité [NDLR : « un et tous » du grec hen kai pan, similaire à la philosophie panthéiste de Parménide dans la Grèce antique et de Spinoza dans la nouvelle philosophie européenne. Son ontologie est marquée par le désir de dépasser le dualisme de l’esprit et de la matière, de voir l’interpénétration des substances, leur complète unité. Cependant, contrairement à ces deux systèmes philosophiques, dans la philosophie de Solovyov, cette unité est conçue d’une manière qui ne nie pas le multiple, mais qui l’unit dans un état plus grand : l’unitotalité]. Il s’agit d’un principe intégral qui n’est ni matériel ni idéal, mais qui se situe pour ainsi dire au-delà de cette division, et dont les hypostases sont à la fois le matériel et l’idéal.

Ceci est similaire à la philosophie de Spinoza, où la substance combine les deux attributs les plus élevés connus de l’homme : le matériel et l’idéal, alors qu’en elle-même elle est une. Mais pour rendre ce concept plus opérationnel, j’appelle ce principe intégral « trans-matière » — une matière qui inclut toutes ses transcendances dans les domaines de l’immatériel, du logos, des lois, des universaux, de la conscience, du monde intérieur et de l’absolu. Je les considère tous comme des états limites de la transmatière. À cet égard, la transmatière est comme un synonyme du même être intégral supérieur absolu, avec une certaine emphase sur le principe matériel.

De même, je peux appeler ce principe intégral transidéalisme, en mettant l’accent sur le pôle idéal, mais aussi en incluant différents types de transcendances qui vont au-delà de la compréhension naïve de l’idéal. Nous pouvons également considérer la matière comme une sorte de transcendance du principe idéal. On peut donc parler à la fois de transidéalisme et de transmatérialisme, mais l’essence est la même : c’est un principe intégral dont les différents aspects sont le matériel et l’idéal.

Que pensez-vous de l’approche scientifique dominante ?

Aujourd’hui, la méthode scientifique est comprise de manière étroite, à savoir que seule la matière environnementale est considérée comme scientifique. Pour ma part, outre la matière environnementale, je suppose une combinaison d’un nombre infini d’autres formes de matière, telles que la matière de la vie, des sens, de l’esprit et de l’âme. Ce nombre infini de formes de matière qui nous sont inconnues sont toutes des formes diverses de la transmatière. La méthode scientifique doit donc être élargie pour englober tout cela.

Qu’en est-il alors ? Seulement la partie neutre. La connaissance scientifique est basée sur la cognition du multiple, c’est-à-dire sur l’apport sensoriel généralisé qui nous donne la factologie — une multitude de données initialement déconnectées ; le multiple sans l’un. L’esprit génère ensuite divers types d’unité : des hypothèses sur différents types d’unité qui pourraient englober la multitude. La compréhension scientifique est la coordination de l’un et du multiple au sein de l’unité multiple. C’est alors que nous essayons de coordonner ces notions de l’un et du multiple de telle sorte que chaque élément du multiple puisse être présenté comme une facette ou un aspect de cette unité.

Et certaines méthodes concrètes telles que la logique, les mathématiques ou les structures mathématiques peuvent ou non nous permettre de construire des types spécifiques d’unité, car elles ont toutes leurs limites. Mais nous ne pouvons pas modeler n’importe quelle unité et puis l’appliquer à n’importe quelle sélection de la multitude, car la rationalité s’applique toujours, y compris la rationalité non classique, ou post-non classique, bien qu’avec une logique moins rigide et moins formelle. Il y a aussi la rationalité dialectique, et ainsi de suite. L’essentiel est qu’il y ait ces deux pôles : le multiple et l’un, ainsi que la coordination entre eux selon certaines lois.

D’ailleurs, le multiple peut être dérivé de n’importe quelle expérience sensorielle, et pas nécessairement seulement des cinq sens que nous possédons dans ce monde de matière environnementale. Il peut s’agir de n’importe quel autre organe sensoriel de n’importe quel autre monde et de n’importe quel autre corps. Tout dépend du type de monde et de la corporalité correspondante que les êtres vivants y possèdent. Cet algorithme s’appliquerait toujours de la même manière partout : habituellement, nous commençons par connaître le multiple avec des éléments apparemment sans rapport les uns avec les autres ; ensuite, l’esprit tente de l’imprégner d’unité en émettant des hypothèses sur différents types d’unité ; il tente de coordonner l’un et le multiple selon un certain modèle de multiunité et de vérifier cette multiunité pour le multiple qui existe déjà et qui peut être généré dans le futur. Ainsi, lorsque tout cela est bien harmonisé, l’état de multiunité augmente de façon exponentielle, et la multitude est plus largement englobée par l’unité toujours plus profonde ; c’est alors que l’esprit se développe. C’est la méthode scientifique universelle.

Nous devons construire une nouvelle science intégrale ou « trans-science », comme je l’appelle parfois. C’est une science qui dépasse les limites de cette matière sensorielle étroite et qui peut créer une nouvelle image de la réalité associée à une autre matérialité et aux types d’unité qui peuvent l’englober. Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour créer une nouvelle méthode scientifique, car, avec le courant dominant actuel de l’unité ou de la multiunité, nous ne pouvons pas comprendre ce que sont la vie, la conscience, le mental ou l’esprit.

Tout d’abord, il est nécessaire de créer de nouveaux centres d’intégration des données sensorielles provenant de « nouveaux » domaines de la réalité. C’est déjà le cas, par exemple, en psychologie transpersonnelle, où de nombreux développements intéressants ont eu lieu.

Deuxièmement, puisque la présence du monde intérieur signifie la possession de la matière inverse, si nous créons des instruments capables d’enregistrer la matière inverse, détecter sa présence équivaudrait à détecter la présence du monde intérieur de l’objet. Il ne s’agirait pas encore de la détection de la conscience, car il s’agit d’une construction un peu plus complexe ; en effet, la conscience est un monde intérieur différencié dans lequel certaines déterminations se sont déjà produites et certains états existant simultanément ont eu lieu. Il y a ensuite un écoulement du temps : certains états ont commencé à remplacer d’autres états. Ainsi, dans un sens fondamental, les critères de la conscience sont très clairs. Il ne reste plus qu’à créer une nouvelle science et une nouvelle technologie capables de détecter la présence de cette matière inverse et de développer une nouvelle théorie de la conscience.

Qu’entendez-vous par vie ? Où se situe la frontière entre la vie et l’absence de vie ?

Pour ce qui est de nos formes de vie, je pense que les virus sont à la limite, car selon les conditions, ils peuvent se manifester à la fois comme des êtres vivants et non vivants. Néanmoins, ils constituent la forme de vie la plus simple. Une petite étincelle du monde intérieur y jaillit précisément en raison de la présence de molécules d’ARN, qui sont créées d’une part à partir de la matière de l’environnement et d’autre part à partir de la matière de la vie — la matière inverse. Cette matière inverse a la propriété ontologique unique d’être capable de créer des mondes intérieurs, car, par sa nature, elle est semblable à un monde ; elle génère un régime ontologique spécial de prédominance de l’un sur le multiple, et ainsi la lumière du monde intérieur peut jaillir, permettant ainsi l’apparition de l’expérience intérieure. Le virus apparaît donc avec une sorte d’étincelle de vie, ou de monde intérieur, qui est associée à des causes intentionnelles, ou à la présupposition de buts. En d’autres termes, il s’agit d’un système téléologique orienté vers un but, qui fixe des objectifs et les atteint.

En outre, le monde intérieur a une causalité inversée ; il est caractérisé par un état d’être inversé ou à l’envers. Alors que la matière environnementale est caractérisée par des causes actives qui agissent du passé au présent — où la cause précède l’effet dans le temps — dans les organismes vivants, les causes intentionnelles prévalent, c’est-à-dire que le futur détermine le présent. En d’autres termes, l’image de l’avenir, qui constitue un but, est construite soit dans la conscience d’un être vivant, soit réalisée inconsciemment à travers les lois correspondantes de la vie. Cela inclut des lois intentionnelles, qui commencent à se réaliser sous la forme de causes finales intentionnelles et de comportements opportuns lorsqu’un système vivant s’efforce inconsciemment d’atteindre un certain objectif. Le fait qu’un système vivant poursuive un but ne signifie pas qu’il soit conscient de ce but. Mais l’essentiel est qu’il existe un but, que ce système aspire à atteindre, et qu’il s’accomplit par le biais de certaines lois objectives, qui sont inconsciemment réalisées dans cet être vivant. En effet, les êtres vivants sont les « charges » à travers lesquelles le champ de la vie se réalise, à l’instar d’un champ électromagnétique qui ne peut se réaliser qu’à travers des charges électriques. Il faut donc qu’il y ait au moins un être vivant — une sorte de charge — sur lequel ce champ de vie commence à agir. Dès qu’il apparaît, ces lois de la vie commencent immédiatement à se réaliser à travers lui. Il n’est donc pas du tout nécessaire qu’un être vivant se fixe consciemment un but et y réfléchisse ; il s’agit là d’un stade déjà avancé du développement de la conscience. Si un être vivant possède le monde intérieur le plus simple, il peut déjà commencer à poursuivre des objectifs, devenant ainsi un agent à travers lequel les lois objectives intentionnelles sont réalisées. Ainsi, lorsqu’un virus apparaît avec ce type de monde intérieur infiniment petit, les lois de la vie, qui sont caractéristiques de cette forme de vie particulière, commencent à être mises en œuvre à travers lui et il commence à manifester un comportement opportun. Il cherche une cellule, y pénètre, y intègre son génome et produit son espèce. C’est là que se situe la frontière entre le vivant et le non-vivant dans notre monde.

Si nous parlons en termes généraux, il s’agit de la première matière environnementale qui franchit la barrière entre les couches de matière environnementale et la matière de la vie, et qui peut donc former le deuxième corps — le corps de la vie. La manière dont cette première matière environnementale, la plus simple, est réalisée dans d’autres mondes, dépend de la physique de ce monde spécifique et des lois qui y opèrent.

En ce qui concerne le corps de vie, ils peuvent être développés progressivement, en commençant par le corps de vie le plus simple, qui concerne la réalisation de ce qu’Aristote a appelé l’âme végétative. Il s’agit de la fonction d’alimentation, de croissance et de reproduction, que possèdent tous les organismes vivants. Il peut y avoir un corps de vie plus développé, qui est lié à la réalisation de la sensibilité déjà présente chez les animaux. C’est ce qu’Aristote appelait l’âme animale. Il peut aussi y avoir un corps de vie lié à la réalisation de l’esprit : l’âme rationnelle ou intellectuelle. En résumé, les corps de vie peuvent donc être différents ; ils peuvent être plus ou moins développés. En outre, en fonction du nombre de ces corps de vie et de leur niveau de développement, les types de vie avancés correspondants apparaissent.

La formation de types de corps de vie de plus en plus avancés, et des formes de vie correspondantes, se produit au fur et à mesure que la matière inverse se crée en surmontant les obstacles accumulés par la matière environnementale. À cet égard, chaque monde a son plafond, en ce qui concerne les obstacles, car un monde ne peut pas donner plus que ce qui y a été construit à l’origine. Et lorsqu’un être vivant atteint ce plafond, ce monde cesse de l’entraver, ce qui le libère. Comme les écoliers : lorsqu’une forme de vie passe les derniers « examens » et atteint la limite du développement dans ce système d’apprentissage, elle va plus loin. Elle se débarrasse d’un corps environnemental qui la liait à ce système d’expérience, tout en conservant les corps développés de la vie et l’expérience accumulée de la croissance, et trouve d’autres systèmes où les barrières sont plus fortes et plus élaborées, où il y a de la place pour se développer davantage. La dialectique des obstacles et des conditions préalables au développement suppose que les obstacles au développement sont en même temps des occasions de se renforcer. Les mondes fournissent ces obstacles, mais aussi les ressources nécessaires pour les surmonter et évoluer dans le processus.

Ce que je décris s’applique à de nombreuses traditions métaphysiques, exprimées peut-être davantage sous la forme de révélations, de dogmes ou d’opinions d’une certaine autorité. Cependant, je crois que nous avons besoin de la science dans ce domaine. Nous devons oublier ce qui a été fait auparavant et, dans une certaine mesure, tout reprendre à zéro, en suivant uniquement la méthode scientifique, comme s’il n’y avait pas eu de Platon, d’Aristote ou de Leibnitz. Et si, par hasard, nous convergeons dans ce processus, nous ne pourrons que nous réjouir de rappeler que Platon a aussi parlé de ceci, et Aristote de cela. Cependant, tout cela sera construit sur une base rationnelle, sur de nouvelles méthodes théoriques et empiriques de cognition, sur la méthode scientifique élargie qui devra aller bien au-delà de l’étude de notre seule matière environnementale.

Texte original : https://www.essentiafoundation.org/7624-2/reading/