Michael Egnor et Adam Jacobs
Votre esprit est-il immortel ?

Et si votre esprit ne mourait pas avec votre cerveau ? Dans cet entretien fascinant, le Dr Michael Egnor, neurochirurgien et professeur renommé, remet en question la vision matérialiste de la conscience et présente des arguments convaincants en faveur de la survie de l’âme après la mort. S’appuyant sur son nouveau livre The Immortal Mind, le Dr Egnor explore les expériences de mort imminente, les études sur le cerveau scindé et le mystère de la conscience de soi, le tout à travers le prisme de la science, de la philosophie et de la spiritualité.

Les arguments d’un neurochirurgien contre le matérialisme

Et si votre esprit ne mourait pas avec votre cerveau ? Dans cet entretien fascinant, le Dr Michael Egnor, neurochirurgien et professeur renommé, remet en question la vision matérialiste de la conscience et présente des arguments convaincants en faveur de la survie de l’âme après la mort. S’appuyant sur son nouveau livre The Immortal Mind, le Dr Egnor explore les expériences de mort imminente, les études sur le cerveau scindé et le mystère de la conscience de soi, le tout à travers le prisme de la science, de la philosophie et de la spiritualité.

Adam Jacobs : Je viens de terminer votre livre, The Immortal Mind, et je dois dire que ce sujet me passionne. J’ai lu beaucoup d’ouvrages dans ce domaine, mais je dirai que la façon dont vous l’avez structuré et argumenté est particulièrement convaincante. Et même si je jouais un peu le rôle du sceptique dans notre conversation, je suis certainement très ouvert et très ému par la façon dont vous avez présenté ces informations. Donc, merci pour cela, pour commencer.

Michael Egnor : Merci. Merci à vous.

Adam Jacobs : J’ai une série de questions, et j’aimerais aussi passer en revue ce que je décrirais comme des indices que vous présentez pour suggérer que l’être humain est plus que le cerveau, plus que notre activité électrochimique, et que vous utilisez pour défendre l’existence de ce qu’on appelait autrefois l’âme. Les gens ont des noms différents pour cela, et nous verrons où cela nous mène. Vous êtes neurochirurgien et vous avez pratiqué, d’après ce que j’ai compris du livre, plus de 7 000 opérations sur le cerveau.

Michael Egnor : Oui.

Adam Jacobs : Grâce à ce processus, vous êtes arrivé à la conclusion que les êtres humains sont plus que leur cerveau. Ce que je me suis demandé immédiatement, et c’est plus une question générale, nous affinerons ensuite : Pourquoi la plupart des neurochirurgiens ne parviennent-ils pas à cette conclusion ? Y a-t-il quelque chose dans le processus qui révélerait la même information à n’importe qui ?

Michael Egnor : Je pense que oui. Je crois que c’est probablement parce que la plupart des neurochirurgiens, comme la plupart d’entre nous dans la vie de tous les jours, agissent de manière que les psychologues cognitifs appelleraient pré-réflexive, c’est-à-dire qu’ils se contentent de faire leur travail. C’est comme marcher. Vous ne réfléchissez pas à l’acte de marcher quand vous marchez. Vous ne pensez pas nécessairement à l’esprit et au cerveau pendant une opération. Vous vous concentrez plutôt sur la réussite de l’intervention et toutes les étapes nécessaires.

Je pense que si les neurochirurgiens prenaient le temps de réfléchir en profondeur à ce qu’ils observent en neurochirurgie, ils pourraient en arriver à cette même conclusion. Je pense que de nombreux neurochirurgiens sont très religieux et y croient vraiment. Mais l’essentiel, je pense, est de réfléchir à ce qui se passe en neurochirurgie et à ce que nous observons. Dans la vie de tous les jours, la plupart d’entre nous ne réfléchissent pas beaucoup. Nous nous contentons de faire ce que nous faisons.

Adam Jacobs : D’accord. Parmi ces neurochirurgiens croyants, on peut supposer qu’ils sont entrés dans le métier avec cette croyance sous-jacente. Connaissez-vous des personnes qui ont changé d’avis à la suite de leur travail, comme ce fut votre cas ?

Michael Egnor : Je n’en ai pas discuté avec beaucoup d’entre eux. Il y a un neurochirurgien qui a changé d’avis et qui a eu une énorme influence sur moi, c’est Wilder Penfield. Wilder Penfield était un pionnier de la neurochirurgie. Il a travaillé au début et au milieu du 20e siècle et a été le pionnier de nombreux aspects de la neurochirurgie, en particulier celle liée à l’épilepsie. Il était également diplômé en philosophie.

Il était donc assez bien informé sur le plan philosophique et il avait commencé par adopter une vision matérialiste du cerveau, c’est-à-dire l’idée que l’esprit provient entièrement du cerveau. En fait, il avait formulé cette idée en utilisant une phrase qui, à mon avis, est la question la plus importante des neurosciences cognitives. Et elle n’est pas seulement importante dans le sens où nous avons besoin d’une réponse à cette question, mais vous ne pouvez pas obtenir de réponse à quoi que ce soit d’autre dans les neurosciences cognitives tant que, dans une certaine mesure, vous n’avez pas répondu à cette question : Le cerveau explique-t-il complètement l’esprit ?

Il a d’abord répondu par l’affirmative, c’est-à-dire que, si l’on comprend complètement le cerveau, on comprend complètement l’esprit. Il n’y a rien dans l’esprit qui n’ait pas sa base explicative dans le cerveau lui-même. Il s’est donc penché sur cette question tout au long de sa carrière, pendant 40 à 45 ans. Il est arrivé à la conclusion, vers la fin de sa vie, que le cerveau n’expliquait pas complètement l’esprit.

Nous parlons beaucoup de ses idées dans le livre. Ses idées m’ont vraiment ouvert les yeux, car elles m’ont réveillé de mon sommeil matérialiste, comme je l’avais dit à propos de Hume dans un autre contexte. Cela m’a permis de réaliser que Penfield avait raison, que le cerveau n’explique pas complètement l’esprit. Il explique beaucoup de choses sur l’esprit, mais l’esprit ne se résume pas au cerveau.

Adam Jacobs : Et avec Penfield, vous apportez de nombreuses preuves à ce sujet. Je pense que certaines d’entre elles sont faciles à comprendre pour un profane, d’autres sont un peu plus techniques. Mais il y a une expérience sur un patient au cerveau scindé sur laquelle j’aimerais vous interroger. Je vais citer exactement ce que vous avez écrit dans le livre, vous dites : « en 1983, Sergeant », je suppose qu’il s’agit de la chercheuse qui a rendu compte de ses recherches sur un patient au cerveau scindé qui « a reçu des messages contradictoires dans chacun des deux champs visuels isolés. Le patient était capable de répondre à ces informations contradictoires avec une précision parfaite avec l’une ou l’autre main, même si chaque main était contrôlée par un hémisphère cérébral qui ne voyait qu’un seul des messages. Elle en a conclu que le patient pouvait intégrer et résoudre les informations contradictoires, même si aucune des deux parties séparées du cerveau ne les voyait dans leur ensemble ». Et donc, la conclusion « l’esprit du patient était plus que son cerveau ».

Michael Egnor : Oui.

Adam Jacobs : Pouvez-vous m’expliquer en quelques phrases ce qui s’est passé et pourquoi on est arrivé à cette conclusion ?

Michael Egnor : Bien sûr. Justine Sergeant est une neurophysiologiste qui a étudié cette question, comme plusieurs autres chercheurs. Le meilleur exemple qui me vient à l’esprit et la manière la plus sophistiquée dont cela a été réalisé, je pense, est celui d’Alice Cronin au MIT, qui a étudié des patients au cerveau scindé. Elle présentait à un hémisphère, en utilisant des champs visuels, qui peuvent être isolés en plaçant des images dans des zones spécifiques du champ visuel d’un hémisphère. Elle mettait une image, et, dans l’autre hémisphère, elle en mettait trois, et l’une des trois images correspondait conceptuellement à l’image dans l’autre hémisphère. Les deux autres n’étaient pas liées. Un exemple : elle a montrait l’image d’un violon à un hémisphère, et à l’autre, une palette de peintre, une chasse d’eau, et une ampoule électrique.

Elle disait : « Dites-moi quel concept relie l’une des images des trois à l’autre image dans l’autre hémisphère ». Et les patients au cerveau scindé obtenaient toujours la bonne réponse. Par exemple, dans ce cas, ils disaient que l’art est ce qui relie le violon et la palette de peintre, que la chasse d’eau et l’ampoule n’ont rien à voir avec le violon.

Et elle a répété cela des centaines de fois avec toutes sortes de combinaisons d’images. Et les patients ayant subi une chirurgie de séparation des hémisphères étaient pratiquement toujours capables d’identifier facilement le concept et de choisir les images associées, même si aucune partie de leur cerveau ne voyait les deux images ensemble.

Adam Jacobs : Et c’est parce que, juste pour clarifier, pour les gens qui nous regardent, le corps calleux a été sectionné. Il n’y a donc littéralement aucune communication entre les deux hémisphères.

Michael Egnor : Oui. Le corps calleux est un grand faisceau de fibres qui relie les deux hémisphères cérébraux, soit environ 200 millions d’axones dans le corps calleux. Lorsque l’on coupe le corps calleux, on sépare presque complètement les deux hémisphères physiquement. Ils ne sont donc pas en contact physique. Il existe des voies détournées par lesquels les hémisphères pourraient communiquer, du moins en théorie, mais elles sont très limitées. Cette question a fait l’objet d’un énorme débat en neurosciences, car de nombreux neuroscientifiques ont étudié des patients au cerveau scindé. La dernière fois que j’ai regardé, il y avait environ 1500 articles différents dans la littérature médicale à ce sujet.

Les travaux de Cronin et de Sergeant, ainsi que ceux d’un autre neuroscientifique nommé Yair Pinto, ont abouti à la conclusion qu’il existe des voies sous-corticales, c’est-à-dire des solutions de contournement utilisées par les hémisphères cérébraux. Le problème de cette théorie a été résumé par Yair Pinto, l’un des principaux chercheurs dans ce domaine, il y a quelques années, lorsqu’il a souligné que le nombre d’axones dans ces voies de contournement ne dépasse pas 1500 axones au total, contre 200 millions dans le corps calleux. Cela signifie que la séparation est effective à 99,999 %. Des chercheurs ont calculé la quantité d’informations pouvant être transmises par ces axones, et, selon Pento, on estime qu’il s’agit d’environ un bit par seconde, ce qui est très lent, extrêmement lent.

Et pourtant, les réponses conceptuelles des patients sont presque instantanées. Vous leur montrerez ces images et ils répondent aussitôt : « Oh, c’est l’art, c’est le violon ». Je ne pense donc pas que la théorie du contournement fonctionne, et Pinto a posé beaucoup de questions à ce sujet. Il a également résumé la situation en disant que, dans le cas d’un cerveau scindé, la perception des patients est divisée, mais la conscience est unifiée. Et comme aucune partie du cerveau n’est consciente de ces deux régions, cela impliquerait que la réponse à la question de Penfield, à savoir si le cerveau explique complètement l’esprit, est non, qu’il y a une partie de l’esprit qui est consciente des deux, même si aucune partie du cerveau ne l’est.

Adam Jacobs : Donc, rapidement, et je sais que chaque cas dont nous parlerons, contribuera à étayer la thèse que nous défendons, mais ici, dans ce cas particulier, en supposant que ces 1500 axones ne sont pas à l’origine de la communication, il faut donc entrer dans le domaine de ce qu’est une âme, l’esprit, le cerveau, etc.

Michael Egnor : Le concept d’âme qui me semble le plus logique est celui d’Aristote. Et par âme, avec Aristote et Saint Thomas, je ne veux pas dire une sorte de chose fantomatique. Comme dans le film Ghost, où le fantôme de Patrick Swayze lui ressemble, mais est translucide. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. L’âme est simplement tout ce qui fait que nous sommes vivants. En d’autres termes, si vous me prenez une seconde avant ma mort et une seconde après ma mort, tout ce qui était vrai de moi juste avant et qui ne l’est plus après, c’est mon âme. Ainsi, le fait que je vous parle, c’est mon âme, le fait que je vous perçoive, c’est mon âme.

Ma pensée, c’est mon âme, les battements de mon cœur sont mon âme. Tout cela relève de l’âme. Thomas a soutenu que les êtres humains ont ce qu’il a appelé une âme rationnelle, c’est-à-dire que notre âme a le pouvoir de la raison et du libre arbitre, ainsi que le pouvoir du mouvement, de la vision, de la perception, de la mémoire, de l’émotion, toutes ces choses et ce que nous appelons l’esprit ne sont qu’une partie de ces activités. L’âme mystique inclut, par exemple, les battements du cœur, que nous n’appellerions pas normalement une partie de l’esprit, mais qui sont bien quelque chose qui nous rend vivants.

Par esprit, nous entendons donc la capacité de se mouvoir, la capacité de percevoir, la capacité de se souvenir, la capacité d’éprouver des émotions, la capacité de former des images mentales, la capacité de raisonner, la capacité d’utiliser le libre arbitre. Saint Thomas soutenait que toutes les facultés de l’âme sont matérialisées dans notre corps, à l’exception de deux. Il y a deux capacités de l’âme qui ne viennent pas du corps, et ce sont la capacité de raisonner et la capacité de libre arbitre, l’intellect et la volonté. Ainsi, ce que l’on voit ou ce qui forme ces concepts chez ces patients au cerveau scindé, c’est la capacité de raisonnement, d’intellect qui peut créer les concepts qui ne sont pas dans le cerveau.

L’activité normale du cerveau est normalement nécessaire à l’exercice de la raison. En d’autres termes, si je reçois un coup de batte sur la tête ou si je bois trop d’alcool, mon raisonnement ne sera plus aussi précis. Mais il y a une différence entre nécessité et suffisance. Le cerveau n’est pas suffisant pour expliquer la raison et le libre arbitre. Il est nécessaire en temps normal, mais il y a des voies de contournement.

Adam Jacobs : D’accord, c’est important et c’est une pièce intéressante du puzzle. Mais allons un peu plus loin. Vous évoquez d’autres cas remarquables de déficience cérébrale dans votre livre. Il y a des patients au cerveau scindé, des personnes à qui l’on a enlevé de larges parties du cerveau, parfois, des parties que vous avez vous-même enlevées, et vous avez des gens qui n’ont qu’un tronc cérébral, et qui manifestement sont conscients, ce qui est tout à fait extraordinaire. J’ignorais que cela fût même possible. Je suppose donc que vous diriez que tous ces cas ne sont que des exemples du même phénomène, à savoir que le cerveau ne ressemble pas à ce que la plupart des gens imaginent. Je pense qu’aujourd’hui, la population dans son ensemble part du principe que le cerveau produit la conscience, et que, si vous n’avez pas d’activité cérébrale, vous n’avez pas de conscience.

Michael Egnor : C’est vrai.

Adam Jacobs : D’accord. Tous ces cas appartiennent-ils à la même catégorie ? S’agit-il simplement d’exemples qui soulignent davantage le fait que l’esprit se situe au-delà du cerveau ?

Michael Egnor : C’est une excellente question, et d’une certaine manière, on entre dans un véritable terrier de lapin lorsqu’on aborde ces questions, parce que, très simplement, comment définir la conscience ? C’est la chose même dont nous parlons qui est vraiment insaisissable. Il est difficile d’en cerner la nature. Lorsque nous pensons à la conscience, nous avons tendance à penser à plusieurs choses différentes. Nous pensons à l’éveil, au fait que nous ne sommes pas simplement endormis, mais que nous agissons. Nous pensons à la vigilance ou l’attention, au fait que nous nous concentrons sur des choses, mais aucun de ces éléments ne définit vraiment à la conscience. Par exemple, je ne suis pas alerte et je ne suis pas excité lorsque je rêve, mais je suis conscient de mes rêves. En fait, je dors et je ne suis pas éveillé. Lorsque je conduis une voiture et que j’écoute la radio et quelque chose de très intéressant, je ne suis pas vraiment attentif à la conduite.

Nous en avons tous fait l’expérience. Nous roulons sur la route, nous avons une discussion avec quelqu’un sur le siège passager, et nous nous rendons compte un kilomètre plus tard que nous conduisions très bien sans y penser. On peut donc être conscient de choses auxquelles on ne prête pas attention. La question est donc de savoir ce qu’est la conscience. Bien sûr, j’ai vu certaines de vos excellentes émissions où vous avez parlé avec des gens de ce qu’est la conscience, et ce sont d’excellentes questions. Je pense que la réponse à cette question est très importante.

En fait, si l’on y réfléchit, il est assez scandaleux que nous ne puissions pas y répondre. En effet, nous pouvons faire atterrir des vaisseaux spatiaux sur des comètes. Nous savons ce qui se passe à l’intérieur de l’atome. Nous avons une assez bonne idée de ce qui s’est passé à l’origine de l’univers et du Big Bang. Mais la chose même qui nous accompagne à chaque instant de notre vie, le fondement même de notre existence, est un mystère complet. Non seulement nous ne savons pas d’où elle vient, mais nous ne pouvons même pas la définir. Et il y a une raison à cela. Je pense que cela remonte à ce qu’Aristote et Thomas d’Aquin ont dit à propos de la perception. C’était une grande question à l’époque, et ça l’est toujours d’une certaine manière : que percevons-nous lorsque nous voyons un arbre dans notre jardin ? Que percevez-vous ? De nombreux philosophes, Locke, Descartes et Hume, diraient que nous percevons l’image de l’arbre dans notre esprit.

Mais Aristote et Thomas d’Aquin diraient que non, vous percevez l’arbre. Vous ne percevez pas une image. Vous percevez l’arbre lui-même. Thomas définit la perception comme n’étant pas ce que nous percevons. La perception est le moyen par lequel nous percevons. Ce n’est pas un objet. Je pense que cette définition peut être étendue à la conscience. La conscience est le moyen par lequel nous avons une expérience, mais ce n’est pas quelque chose qui peut être expérimenté en soi.

Adam Jacobs : Intéressant.

Michael Egnor : C’est ce qui nous permet de faire l’expérience, un peu comme les yeux. Vous ne voyez jamais vos propres yeux. Vous pouvez voir leur image dans un miroir ou sur une photo, mais vous ne voyez jamais vos yeux eux-mêmes. La raison en est que les yeux sont ce par quoi vous voyez, ils sont le moyen. Vous ne pouvez donc pas voir les moyens. Vous voyez ce que les moyens vous permettent de voir. Selon moi, la conscience est donc le moyen par lequel nous faisons l’expérience, mais elle n’est pas l’expérience elle-même. Nous ne pouvons donc en parler qu’en miroir, de manière indirecte. C’est pourquoi je pense qu’elle est si insaisissable.

Adam Jacobs : Pensez-vous, comme certains, qu’il s’agit d’un champ de conscience, qu’il y a une conscience générale et peut-être une conscience ultime à laquelle nous participons tous, et que c’est donc un champ, un pouvoir parmi d’autres dans le monde avec lequel nous interagissons, quel que soit l’équipement avec lequel nous sommes nés. Est-ce que cela vous parle ?

Michael Egnor : Je comprends très bien cela, et je sais que certaines personnes voient les choses de cette façon. Le problème réside dans notre langage, qui veut qu’un champ soit une carte de l’espace où les choses prennent certaines valeurs à certains endroits de cette carte de l’espace, ce qui n’a absolument rien à voir avec la conscience. C’est donc une analogie, mais nous devons faire attention à ne pas confondre nos métaphores avec de la métaphysique. C’est une sorte de métaphore. C’est une métaphore intéressante, mais il ne faut pas la prendre trop au sérieux, car encore une fois, un champ est une chose très spécifique, et la conscience n’a rien à voir avec cela.

Adam Jacobs : Pour revenir à d’autres exemples, la question de savoir si l’esprit a un emplacement spécifique dans le cerveau, ce à quoi nous avons déjà commencé à répondre, mais je voulais juste vous citer une fois de plus, vous dites : « Quand j’écris une équation mathématique sur une feuille de papier, la zone de mon cerveau qui génère le mouvement de ma main droite peut être localisée à un millimètre près dans le gyrus précentral de mon lobe frontal gauche. Mais ma compréhension de l’équation ne peut pas être localisée du tout ». Un peu plus loin, vous dites : « rien ne prouve que la conscience réside dans une zone spécifique du cerveau ». Parce que la conscience n’est pas quelque chose de localisé, cela n’a pas de sens de parler de localisation.

Je pense donc que, pour beaucoup de gens, cette distinction est une révélation. Comme vous l’avez dit, écrire une équation sur une feuille de papier produit un effet dans le cerveau, hautement mesurable, mais le concept de ce qui est écrit ne l’est pas. C’est révélateur. Pourriez-vous nous expliquer comment cela se passe ?

Michael Egnor : Oui. La conscience, en tant que moyen par lequel nous avons une expérience, ne fait pas partie en soi du monde matériel. Ce n’est donc pas quelque chose qui peut être localisé dans le monde matériel. Par exemple, ma conscience ici n’est pas différente de ma conscience ici. J’ai déplacé ma tête sur l’écran, mais il n’y a pas de différence dans ma conscience entre ces deux positions.

Ce n’est pas que la conscience occupe tout ce champ ; c’est que la conscience n’est pas le genre de chose qui peut avoir un emplacement. On peut parler de la conscience comme d’un lieu métaphorique où elle s’exerce. Ainsi, si je suis assis à mon bureau et que j’ai une pensée, on pourrait dire que ma pensée est là où je suis, mais ce n’est qu’une métaphore. La conscience n’est pas le genre de chose à avoir une localisation, tandis que ce que j’écris sur une feuille en a une, mon cerveau en a une, mais ma conscience n’est pas la même chose.

Adam Jacobs : J’ai eu, heureusement, beaucoup de conversations avec des penseurs de haut niveau ces dernières années. Beaucoup d’entre eux considèrent comme une évidence absolue que, même si on ne comprend pas encore tous les détails, la conscience doit être produite par le cerveau. Que les états cérébraux sont toujours corrélés à des pensées, à des émotions, etc. Et j’avoue que je trouve ce genre d’affirmation risible. Et lorsque vous en parlez, c’est difficile parce que vous pouvez citer des exemples comme celui-ci, et ces gens semblent trouver cela presque comique, comme si le fait même que vous abordiez la question signifiait que vous ne comprenez rien au sujet. Je suppose que vous en avez fait l’expérience vous-même, ou du moins que vous l’avez observé.

Michael Egnor : Oui, bien sûr. Je veux dire que cela continue, mais c’est simplement parce qu’ils ont un parti pris matérialiste. Ce genre de réaction est fréquent. Mais cela vient simplement d’un biais matérialiste. Si vous avez une idéologie à défendre, c’est ainsi que vous verrez les choses. Mais si vous regardez les faits et la logique, je pense que cela forme un tableau assez clair — c’est ce que Denise et moi développons dans notre livre.

Adam Jacobs : D’accord. Et que disent-ils ? Avez-vous des débats avec des sceptiques ?

Michael Egnor : Dans ma vie professionnelle, j’ai tendance à ne pas le faire parce que la plupart de mes interactions ne portent pas vraiment sur ce sujet. J’ai assisté à une conférence donnée par Patricia Churchland, une philosophe qui croit en une perspective philosophique sur l’esprit appelée matérialisme éliminatif, selon laquelle l’esprit n’existe pas vraiment et que nous utilisons simplement des termes qui se réfèrent à des processus cérébraux. Elle a donné une conférence à Stony Brook il y a quelques années, et j’y suis allé avec un ami neuroscientifique. Après la conférence, nous sommes sortis de l’amphithéâtre en riant un peu.

C’est assez drôle de dire que je crois qu’il n’y a pas de croyances. J’ai donc demandé à mon ami : « D’où viennent les croyances ? » Si elles existent vraiment, et toute personne saine d’esprit admet que les croyances existent, qu’est-ce qu’elles sont ? D’où viennent-elles ? Mon ami m’a répondu qu’il s’agissait de processus dans le cortex cérébral. Et je lui ai demandé comment cela fonctionnait. Il m’a répondu : « Ah, c’est une question idiote ». Et il est parti, a marché dans le couloir et m’a salué. Lorsque vous leur demandez comment cela fonctionne, ils deviennent un peu vagues.

Il y a tout un tas de théories. Il existe probablement une dizaine de théories matérialistes sur la façon dont la conscience naît du cerveau. Il y a les théories de l’ordre, les théories de l’information intégrée, les théories de l’espace de travail global, toutes ces théories qui expliquent comment les perceptions entrent dans le cerveau, sont intégrées, et puis deviennent conscientes lorsqu’elles atteignent telle ou telle autre partie du cortex, etc.

Toutes ces théories sont complètement réfutées, de manière concluante, par l’existence d’enfants souffrant d’hydrocéphalie, une malformation congénitale grave dans laquelle les enfants naissent sans hémisphères cérébraux, souvent à cause d’un AVC intra-utérin qui a détruit les artères alimentant leur cerveau. Ils n’ont donc que le tronc cérébral et un peu de ce qu’on appelle le diencéphale, qui est la partie supérieure du tronc cérébral. Bien qu’ils aient de lourds handicaps — une paralysie cérébrale sévère —, ils sont totalement conscients. J’en ai comme patients. Ce sont des enfants très atteints, mais ils rient, pleurent, sont contents de vous voir, détestent qu’on leur fasse une prise de sang…

Bref, ils font tout ce que fait une personne consciente. Or, toutes ces théories — enfin, presque toutes, sauf peut-être une ou deux —, en tout cas toutes les théories dominantes, présupposent un traitement de l’information dans le cortex cérébral. Ces enfants n’ont pas de cortex cérébral et ils sont pleinement conscients. Toutes ces théories vont donc à la poubelle. Et quand j’ai confronté des neuroscientifiques à ce fait — en leur disant : « Si vous croyez à la théorie de l’information intégrée, comment expliquez-vous qu’un être sans cortex cérébral puisse être conscient ? » —, ils changent de sujet ou lèvent les yeux au ciel. Ces théories sont donc, selon moi, complètement absurdes.

Adam Jacobs : Pourquoi ne disent-ils pas simplement que le tronc cérébral suffit à produire la conscience ?

Michael Egnor : Eh bien, certains le font. Mark Solms, un très bon neuroscientifique sud-africain avec qui j’ai discuté, avance cet argument. Mark pense que la conscience vient du tronc cérébral, et il utilise l’hydrocéphalie comme exemple pour expliquer sa position. Je pense que Mark se trompe à nouveau. Car la conscience, en tant que capacité à faire l’expérience, n’est pas quelque chose d’intrinsèquement biologique. C’est une entité différente. En revanche, il est certain que l’activité du tronc cérébral joue un rôle majeur dans les états mentaux. Ce que produit le tronc cérébral, c’est l’éveil, l’attention, la vigilance. En cas de lésion grave du tronc cérébral, le patient est plongé dans un coma profond, ce qui l’empêche d’être vigilant, éveillé et attentif. Mais ce n’est pas la même chose que la conscience. Ce n’est pas la même chose que la capacité d’avoir des expériences.

Adam Jacobs : Vous venez de mentionner les états végétatifs, et vous en parlez dans le livre. Et nous parlons maintenant de cas encore plus extrêmes où le cerveau semble complètement hors ligne. Et pourtant, il y a des patients dans le coma le plus profond qui sont capables — c’est incroyable — de communiquer, en pensant à des actions précises quand on leur pose des questions. Vous citez l’exemple du tennis, je crois, et un autre que j’ai oublié. Cela permet de répondre oui ou non depuis un état végétatif, ce qui est stupéfiant. Mais vous allez encore plus loin, en abordant les expériences de mort imminente. Et je pense que c’est là la question ultime. Et vous présentez le cas, que je ne connaissais pas, de Pam Reynolds, chez qui tout le sang a été drainé de son cerveau, avec zéro activité cérébrale. Elle était cliniquement morte.

Michael Egnor : On ne peut pas être plus mort que ça… et revenir à la vie ensuite.

Adam Jacobs : Néanmoins, nous savons qu’il existe des milliers et des milliers de cas documentés où les gens font état non seulement de conscience, mais aussi d’hyper conscience. Cela me semble donc être les démonstrations les plus incroyables de ce phénomène.

Michael Egnor : Oui.

Adam Jacobs : Mais si vous les mettez toutes ensemble, l’absence de localisation d’une conscience dans un lieu particulier, l’incapacité à localiser la mémoire dans le cerveau de manière précise

Michael Egnor : Eh bien, les souvenirs en tant qu’éléments individuels ne peuvent pas être localisés facilement, bien qu’il y ait débat sur la question. Mais les zones du cerveau qui sont responsables de la formation des souvenirs ont en fait des emplacements très spécifiques…

Adam Jacobs : Pour la formation, mais les souvenirs eux-mêmes ?

Michael Egnor : Les souvenirs eux-mêmes, bien qu’il existe des choses que l’on appelle des neurones conceptuels qui ont été identifiés dans l’hippocampe (une partie du cerveau), ne sont pas bien caractérisés. Certains pensent qu’ils peuvent matérialiser la mémoire, mais je pense que les preuves à ce sujet sont assez faibles.

Adam Jacobs : Donc, le fil conducteur à travers toutes ces conditions, ces difficultés, ces événements qui compromettent la capacité cérébrale ou le cerveau lui-même comme vous le dites à plusieurs reprises dans le livre — la pensée abstraite, le libre arbitre — ne se trouvent pas dans la structure physique du cerveau. Vous parlez de jumeaux conjoints, d’ailleurs j’ai regardé en ligne hier soir ces deux jeunes filles qui partagent littéralement un cerveau, mais qui ont des personnalités et des vies distinctes.

Michael Egnor : Ce sont deux personnes totalement différentes.

Adam Jacobs : Oui, c’est extrême, mais c’est un phénomène incroyablement intéressant.

Michael Egnor : Absolument.

Adam Jacobs : Leur fonction motrice est partiellement partagée. L’un contrôle ce bras, l’autre ce bras, mais leur conscience et la nature abstraite de leur pensée sont distinctes.

Michael Egnor : Précisément.

Adam Jacobs : D’accord. Diriez-vous donc que la caractéristique distinctive de tous ces cas est que le cerveau remplit certaines fonctions ? Oui, il contrôle le corps. Oui, il est responsable de X, Y et Z. Mais, dès que l’on passe à un niveau supérieur d’abstraction, il ne fonctionne plus comme nous le pensons ?

Michael Egnor : C’est vrai. C’est vrai. En rapport avec la question de Pennfield, ce dernier a posé la question suivante : « Le cerveau explique-t-il complètement l’esprit ? » Et la réponse est non. C’est incontestable, si l’on examine objectivement les neurosciences. Il y a également une tonne de raisons logiques pour lesquelles le cerveau ne pourrait pas expliquer complètement l’esprit. Si vous le souhaitez, nous pouvons aborder ce sujet. Vous n’avez même pas besoin de neurosciences pour le savoir. Le cerveau ne peut pas expliquer complètement l’esprit. Mais la question qui en découle, et qui est très intéressante, est la suivante : alors, que fait le cerveau ? S’il n’explique pas l’esprit, que fait-il exactement ? En fait, c’est relativement simple, non pas que le cerveau soit simple, mais la répondre à la question est relativement simple.

Le cerveau est un organe et, en tant que tel, il fait ce que font les organes. L’œil, par exemple, est l’organe de la vision. Le cœur est l’organe qui pompe le sang, les reins produisent l’urine. Le cerveau est l’organe de cinq choses :

    • C’est l’organe de l’homéostasie physiologique qui maintient la pression artérielle, fait battre le cœur, etc.

    • C’est l’organe du mouvement. Le cerveau me permet de bouger. Si j’ai un accident vasculaire cérébral, je serai paralysé. Je ne peux plus bouger. Cela vient de mon cerveau.

    • C’est l’organe de la perception. Il me permet de voir, d’entendre, de sentir des choses comme ça.

    • C’est l’organe de la mémoire. Il ne fait aucun doute que, bien que les souvenirs ne soient pas stockés dans le cerveau pour autant que nous le sachions, le cerveau est nécessaire à la formation ordinaire des souvenirs. Un traumatisme cérébral peut rendre incapable de former de nouveaux souvenirs — ce qui arrive hélas !

    • Enfin, c’est l’organe des émotions. Comme le savent tous ceux qui prennent un verre, vos émotions changent lorsque vous absorbez de l’alcool, mais c’est tout.

Le cerveau n’est pas l’organe de l’intellect. Il n’est pas non plus l’organe de la volonté, car l’intellect et la volonté n’ont pas d’organes. Ce sont des facultés de notre âme, mais notre âme n’est pas synonyme de notre corps. Le cerveau est donc un organe comme l’œil, l’oreille. Il accomplit des choses bien définies, mais rien au-delà de cela.

Adam Jacobs : D’accord. Je pense que nous sommes sur la même longueur d’onde, et cela approfondit beaucoup ma compréhension, mais permettez-moi de vous poser quelques questions philosophiques à partir de tout cela. J’ai parlé avec Philip Goff il y a quelque temps, ainsi qu’avec un grand penseur et musicien britannique nommé James Tartaglia. Ils semblent accepter en grande partie ces données, mais en tirent des conclusions très différentes.

Michael Egnor : Oui.

Adam Jacobs : D’accord. Donc oui, il y a un aspect immatériel à la réalité. Mais ils diraient, à propos du panpsychisme par exemple, que la conscience est en fait une composante fondamentale de l’univers. C’est un peu comme le champ dont nous parlions tout à l’heure. Elle est omniprésente. Il n’est donc pas si surprenant de la trouver chez un être humain, car on la trouve dans une pierre, dans une tasse et partout. Par conséquent, d’accord, oui, cette chose existe, mais je ne vois pas en quoi c’est important. Voilà un premier point. Et deuxièmement, l’autre approche, Tarraglia dirait, oui, je crois même en l’existence d’un univers non matériel, d’un monde non matériel, mais il est tout aussi dénué de sens que celui-ci. Il est tout aussi insignifiant. Il n’a ni morale, ni de but ni direction. Je crois qu’il existe, mais encore une fois, cela ne me prouve rien. Cela ne prouve pas l’existence d’un ordre supérieur, d’un but, d’un dieu, de quoi que ce soit de ce genre. Que répondez-vous à ces sentiments ?

Michael Egnor : Je dirais qu’il s’efforce désespérément d’éviter Dieu. Lorsque vous réalisez qu’il existe un esprit qui imprègne tout ce qui existe, ce qui, selon moi, est tout à fait vrai, et que vous n’arrivez pas à la conclusion qu’il existe un Dieu, vous fuyez simplement cette idée. Je veux dire, bonté divine, que voulez-vous de plus ?

J’ai beaucoup de respect pour les panpsychistes. À mon avis, le matérialisme n’est même pas une position philosophique valable, c’est juste une erreur, juste une façon stupide de voir les choses. Je veux dire que le panpsychisme prend au sérieux la notion qu’il y a un esprit derrière la réalité. Cette question particulière a été posée : la réalité ultime ressemble-t-elle davantage à une chose ou à un esprit, et il est clair qu’elle ressemble davantage à un esprit. En fait, au niveau quantique, ce n’est même plus une question. La matière disparaît à ce niveau-là.

Lorsque vous regardez, par exemple, la masse de l’électron, ce n’est pas une donnée statistique. Si vous demandez quel est le poids d’un être humain, on vous répondra que le poids moyen est de 77 kg, avec un écart type de 10 kg. Et il y a tout un spectre. Mais pour les électrons, il n’y a pas de spectre de masse. Ce ne sont pas de petites boules légèrement différentes. Celle-ci a peut-être une bosse ou quelque chose comme ça. C’est un concept mathématique. Au niveau le plus fondamental, la réalité est donc mentale. Elle n’est pas physique.

Je respecte donc les panpsychistes qui reconnaissent que l’esprit est partout. Mais le panpsychisme lui-même est en fin de compte incohérent. Par exemple, vous avez ce terrible problème de frontière. Si chaque parcelle de matière a un esprit, alors chaque atome de mon corps a un esprit, peut-être un tout petit esprit, mais un esprit quand même. Chaque cellule est donc composée d’un milliard de petits esprits, et mon corps est peut-être un trillion de petits esprits. Mais comment ces petits esprits deviennent-ils un grand esprit ? C’est ingérable.

L’autre question est de savoir comment avoir une expérience sans organes sensoriels. Un atome a peut-être un esprit, mais qu’est-ce qu’il expérimente ? Il n’a ni yeux ni oreilles… Comment fait-il l’expérience de choses telles que l’histoire… comment prouver cela ?

Je pense donc que les panpsychistes ressentent intuitivement que l’aspect le plus fondamental de la réalité est mental — et ils ont raison — mais ils fuient désespérément l’idée de Dieu.

Mon point de vue, qui est celui de saint Augustin et de la plupart des philosophes classiques (du moins les philosophes chrétiens — peut-être même Maïmonide, je ne suis pas certain —, et de nombreux philosophes musulmans), à savoir que la réalité, y compris nous, sont des pensées dans l’esprit de Dieu. Voilà comment la réalité est mentale : tout ce qui existe est une pensée de Dieu. Et cela rejoint une forme de panpsychisme : les choses ont un esprit dans le sens où elles sont des pensées. Elles n’ont pas de pensées, elles sont des pensées. Et moi, je suis une pensée de Dieu. Et cela me semble profondément cohérent et magnifique.

Adam Jacobs : Tout cela a été très instructif et agréable. Je suis presque arrivé à la fin du temps qui m’était imparti, mais j’ai encore du temps pour une question, et j’essaie de décider laquelle, parce qu’à vrai dire, en parcourant le livre, je me disais que chaque page soulevait une bonne question. Mais prenons celle-ci. Vous posez quatre bonnes questions sur le concept de l’absence de libre arbitre. Vous mentionnez que de nombreux penseurs, y compris les neuroscientifiques, considèrent comme acquis que ce concept n’existe pas, que c’est une illusion. La notion de soi est une illusion. Nous n’avons pas la capacité de faire des choix moraux, etc. Cela a évidemment des implications gigantesques, que vous évoquez en partie dans le livre, mais pourriez-vous nous présenter une ou deux de ces questions clés ?

Michael Egnor : Il y a quatre raisons pour lesquelles le libre arbitre est réel. La première, c’est que tout le monde croit au libre arbitre. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais un être humain qui ne croit pas au libre arbitre. Même dans les institutions psychiatriques, on croit au libre arbitre. Tout le monde y croit. Parce que ce n’est pas seulement ce que vous dites, c’est ce que vous faites. Si vous demandez à Bernie Madoff : « Croyez-vous en l’honnêteté ? », il vous répondra peut-être oui, mais, en réalité, il n’y croyait pas parce que ce n’est pas ainsi qu’il vivait.

Chacun vit sa vie en fonction de ses croyances. Ainsi, une personne qui nie le libre arbitre, qui ne se traite pas elle-même ni les autres comme un robot de viande, ne croit pas réellement que le libre arbitre n’existe pas. Un très bon exemple est celui de Jerry Coyne, un matérialiste qui ne croit pas au libre arbitre. J’ai eu des débats sur Internet avec lui. Il a publié une photo de l’aile de sa voiture cabossée par quelqu’un dans un parking, et il se plaignait que c’était désagréable, que c’était mal pour ce type de cabosser sa voiture et de s’en aller. Mais je lui ai fait remarquer que si personne n’a de libre arbitre, alors il n’a pas plus de raison de critiquer ce type que de critiquer la voiture.

Adam Jacobs : Eh bien, tout cela n’a aucun sens.

Michael Egnor : Oui, tout cela n’a pas de sens. Personne ne contrôle rien. En réalité, tout le monde croit au libre arbitre. Les gens qui disent ne pas croire au libre arbitre ne disent pas la vérité. Ils y croient parce qu’ils vivent comme si c’était vrai. Deuxièmement, la négation du libre arbitre est une contradiction en soi, parce qu’utiliser la raison et construire un argument supposent que l’on puisse choisir la vérité. Et si vous n’avez pas le libre arbitre, vous ne pouvez pas choisir la vérité. Vous êtes juste un jeu de réactions chimiques. Personne ne prête attention aux opinions d’un jeu de réactions chimiques.

La troisième raison est que les gens fondent leur refus du libre arbitre sur la croyance au déterminisme en physique. Mais le déterminisme n’est pas vrai en physique. Le prix Nobel de physique a été décerné il y a quelques années à Alain Aspect et à quelques autres physiciens qui ont très clairement démontré que le déterminisme local en physique n’est pas vrai. C’est-à-dire l’état exact d’un système physique, ne détermine pas l’état exact du moment suivant. Il y a donc une place pour le libre arbitre en physique. La quatrième raison est qu’il y a beaucoup dans les neurosciences qui indiquent la réalité du libre arbitre. Les travaux de Benjamin Libet, ceux de Wilder Penfield, il y énormément de données en neurosciences qui indiquent la réalité du libre arbitre. Il est donc absurde de nier l’existence du libre arbitre. C’est un non-sens.

Transcription publiée le 1 août 2025 : https://www.feedyourhead.blog/p/is-your-mind-immortal-interview