Joan Tollifson
Devrais-je méditer ? Tout ceci n’est-il qu’un rêve ?

Traduction libre 15 nov. 2023 Nous imaginons que nous sommes quelque chose de séparé du tout, que nous avons le libre arbitre et le choix, que nous devons décider quoi faire, que nous pourrions nous tromper et ruiner notre vie ou endommager l’univers. Devrions-nous méditer ou cela ne fera-t-il que renforcer l’illusion du « moi » essayant de […]

Traduction libre

15 nov. 2023

Nous imaginons que nous sommes quelque chose de séparé du tout, que nous avons le libre arbitre et le choix, que nous devons décider quoi faire, que nous pourrions nous tromper et ruiner notre vie ou endommager l’univers. Devrions-nous méditer ou cela ne fera-t-il que renforcer l’illusion du « moi » essayant de faire quelque chose ? Il semble que nous devions comprendre cela et décider.

Mais la vérité est que nous verrons si nous méditons ou non. Le décideur qui est censé contrôler tout cela est une sorte de mirage, comme la méditation peut le révéler. Et, bien sûr, la méditation peut signifier beaucoup de choses différentes — elle vient dans des saveurs diverses aussi différentes que la nuit l’est du jour.

La méditation peut être formelle ou informelle, délibérée ou spontanée. La méditation est en fait l’activité naturelle de la conscience — en ce sens, elle est continue. Mais il y a une différence entre être complètement perdu dans ses pensées, hypnotisé par le monde des rêves, et être éveillé à tout cela. C’est la différence entre le samsara et le nirvana, la souffrance et la libération. Il y a donc quelque chose à dire sur la méditation délibérée.

Je médite de manière formelle — en m’asseyant intentionnellement sans bouger et en silence sur un coussin, en étant simplement présente à ce qui est — tous les matins et parfois à d’autres moments. Il y a eu des périodes dans ma vie où je n’ai pas du tout médité de manière formelle, et d’autres où j’ai participé à de longues retraites de méditation silencieuse chaque année. Je médite également de manière informelle ou spontanée, tout au long d’une journée ordinaire, en étant simplement présente, sans rien faire d’autre.

En m’asseyant en silence, je redécouvre la joie enfantine d’écouter le bruit de la pluie et de ressentir la respiration. La méditation me montre comment fonctionne mon esprit — comment je crée ma souffrance. Elle me permet de réaliser directement, par expérience, à quel point tout ce qui apparaît est fluide, non substantiel, non résoluble et insaisissable. Elle révèle le facteur commun à toutes les expériences — ici-maintenant/présence consciente : l’immédiateté, la présence, l’ainsité (suchness) de juste cela. Dans la méditation, il y a une ouverture expérientielle vers un sentiment d’être sans limites, sans centre, spacieux et non encapsulé. La méditation contribue également à équilibrer mon système nerveux et à calmer mon esprit obsessionnel. Au fil de nombreuses années de méditation, formelle et informelle, je suis devenue moins facilement rattrapée par les intrigues, les drames, les idées et les croyances — et plus consciente d’être prise lorsque cela se produit.

Plus nous méditons, plus la frontière entre la méditation et « le reste de notre vie » s’estompe. Ce qui ne se produit initialement que dans la méditation commence à se répercuter dans tous les aspects de notre vie. Nous nous sentons plus présents et plus éveillés dans notre vie quotidienne et dans nos relations.

Je recommande donc la méditation, c’est-à-dire le fait de s’asseoir dans une position ouverte, détendue et droite et de ne rien faire d’autre que d’être simplement présent et conscient — sentir la respiration, entendre les sons, voir les pensées qui vont et viennent, ressentir les sensations dans le corps — juste cela. Rien de plus, rien de moins.

Sans juger quoi que ce soit, sans essayer de se débarrasser de quoi que ce soit, sans essayer d’atteindre un état particulier — simplement être ce qui est — en remarquant à la fois la nature toujours changeante de l’expérience et la façon dont elle ne s’éloigne jamais de l’immédiateté toujours présente de l’ici-maintenant.

Bien entendu, il n’est pas nécessaire de s’asseoir les jambes croisées sur un coussin de méditation — il est possible de s’asseoir sur une chaise, mais il faut adopter une posture ouverte, bras et jambes non croisés, sans s’avachir ou s’affaisser — et si vous ne pouvez pas faire tout cela en raison de limitations physiques, faites ce qui vous convient le mieux.

Je ne considère pas la méditation formelle comme indispensable, et pour certaines personnes, ce n’est tout simplement pas la voie à suivre. Nous sommes tous différents. Mais si vous êtes attiré par la méditation, je vous dirais de vous y mettre.

N’abandonnez pas si vous semblez échouer ou si vous avez l’impression que cela vous fait penser plus que jamais. Il y a de fortes chances que vous ne fassiez que constater les pensées qui ont toujours eu lieu, mais qui n’étaient pas visibles auparavant.

Et il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méditation. On ne peut pas échouer. Parfois, l’esprit est hyperactif, parfois il se calme. Parfois, nous vivons des expériences expansives, parfois l’activité mentale est sans fin. Certaines personnes ont l’esprit plus agité et les émotions plus turbulentes que d’autres, tout comme certaines villes ont un temps plus orageux que d’autres. Il ne s’agit pas de se comparer à quelqu’un d’autre ou à un idéal imaginaire, mais simplement d’être présent à ce qui est, quel que soit la situation. La méditation n’est pas axée sur les résultats. Elle est, en un sens profond, dépourvue de but.

La méditation peut être informelle et spontanée — prendre simplement du temps, chaque fois qu’elle vous invite, tout au long de la journée pour s’arrêter, regarder et écouter. Être immobile. Être silencieux. Ne rien faire. S’asseoir simplement dans un fauteuil et regarder par la fenêtre ou autour de la pièce. Cela peut se produire à votre bureau, dans le bus ou le train, en avion ou en métro, dans une salle d’attente, sur un banc public, dans un lit d’hôpital ou une cellule de prison — où que vous soyez. Vous pouvez simplement poser votre téléphone ou votre livre, cesser de parler et vous contenter d’être. Cela peut durer une minute, dix minutes ou une heure.

Être simplement éveillé à l’immédiateté de ce qui est — les sons, les sensations corporelles, la respiration, les sensations visuelles — juste cela. Sans le qualifier, sans l’expliquer, sans essayer d’en tirer quelque chose, sans essayer de provoquer quelque chose ou de l’arrêter, sans juger ni évaluer — simplement ce qui est, tel que c’est. Simple, simple, simple.

Vous pourriez découvrir à quel point c’est agréable et rafraîchissant. Et vous pouvez explorer directement la nature de la réalité, la nature de ce qui est, non pas en lisant ou en pensant à ce sujet, ou en découvrant ce que les autres en disent, mais en regardant, en écoutant, en ressentant, en prenant conscience directement — en voyant par vous-même, en voyant ce que vous voyez.

On finit par s’apercevoir que même la pensée, l’imagination et toutes les choses que nous appelons des distractions ne sont en fait rien d’autre que cette vivacité, cette présence, cette unité d’être. Nous ne pouvons pas perdre cela. Nous ne sommes pas séparés ou différents de cela. C’est tout ce qu’il y a.

Plus nous prêtons attention à juste cela, plus il devient évident qu’il n’y a pas de centre dans l’expérience, que la présence est illimitée, que la conscience est partout, que CELA est informe et sans forme, même si le monde des formes apparentes se manifeste.

Et tout est inclus. Nous n’avons pas besoin de nous fermer au monde avec toute sa confusion et sa souffrance apparentes. En fait, tout cela peut constituer une merveilleuse façon d’explorer, de découvrir et de s’éveiller. Il est beaucoup plus facile d’être éveillé lors d’une retraite de méditation silencieuse à la campagne, et beaucoup plus difficile dans un bureau occupé ou lorsque nous allumons le journal télévisé du soir.

Dans les semaines qui ont précédé les attaques du 7 octobre contre Israël, j’avais vécu un approfondissement de la connaissance expérientielle de la façon dont tout est semblable à un rêve imaginaire. Et puis, juste au moment où cette prise de conscience approfondie se déployait, le 7 octobre et ses conséquences se sont produits. Très vite, j’ai eu à nouveau le sentiment que ce qui se passait était très réel et très important. Cela m’a confronté à mon ancien koan sur la relation entre le relatif et l’absolu et sur ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Traverser les turbulences qui ont suivi n’a pas été une énorme erreur, à mon avis — cela a permis un approfondissement supplémentaire. C’est dans cet esprit que je vous propose ce qui suit.

Qu’est-ce qui est réel ? Tout ceci n’est-il qu’un rêve ?

D’autres réflexions sur ce qui se passe dans le monde et dans nos esprits :

Le conflit en cours depuis des décennies en Israël-Palestine peut être considéré comme un macrocosme de nos esprits : nos peurs (parfois fondées) de « l’autre », notre instinct de survie, nos revendications territoriales (de toutes sortes), notre sentiment d’être repoussés, attaqués, lésés, invisibles ou incompris (à la fois réel et imaginaire), nos identités et nos défenses de ces identités. Israël-Palestine est un sujet sur lequel beaucoup de gens ont des sentiments très forts, et il est clair qu’il s’agit d’une poudrière mondiale susceptible de déclencher une guerre mondiale. C’est un terrain fertile d’exploration.

C’est probablement une bonne chose pour les citoyens d’une démocratie d’être éduqués et informés sur les événements mondiaux qui nous affectent. Et pour les personnes qui suivent un chemin spirituel, il peut y avoir une capacité de réponse plus profonde, la possibilité de répondre à partir de la plénitude — en examinant profondément la façon dont notre propre esprit fonctionne, en se réveillant à la présence illimitée, à l’amour inconditionnel qui contient tout, et en réalisant le caractère irrésolu et onirique de tout ce que nous pensons être en train de se produire. Transcender la réalité consensuelle, pour ainsi dire. Réaliser (concrétiser, incarner, être) « la paix qui dépasse l’entendement ».

Plus profondément nous nous ouvrons à cela, plus le drame mondial (et tous nos drames personnels) semble insubstantiel et illusoire. À chaque instant où nous sommes simplement ici, présents et conscients, il est tout à fait clair que, comme le disait Nisargadatta, « ce qui se passe n’a pas beaucoup d’importance, car en fin de compte, le retour à l’équilibre et à l’harmonie est inévitable. Le cœur des choses est en paix ».

Mais en même temps, dans le film, en tant qu’êtres humains avec des corps vulnérables, cela a de l’importance, la douleur et les circonstances douloureuses sont très réelles, et la souffrance qui en découle peut sembler aussi tout à fait réelle, et dans ce cas, une déclaration comme celle de Nisargadatta peut nous contrarier ou nous mettre en colère. Si cela arrive, il peut être très révélateur d’examiner ce qui, exactement, se sent menacé par cette déclaration. Qu’est-ce qui se sent menacé lorsque la solidité ou la substantialité de l’histoire de notre vie, de nos problèmes, de notre souffrance, de la souffrance de ceux auxquels nous nous identifions, ou de divers événements actuels est remise en question, ou lorsque le monde est comparé à un rêve ou à un film ?

Comme je l’ai suggéré dans un précédent Substack (14 octobre, « Le film de la vie éveillée »), ce sont des questions à vivre et à explorer, non pas en y pensant, mais en les explorant directement avec une attention ouverte, avec conscience, dans notre propre expérience immédiate du moment présent.

Et peut-être qu’au lieu d’appliquer ces questions à des situations vraiment horribles comme les attentats du 7 octobre ou le bombardement de Gaza, il est peut-être plus facile, plus utile ou moins menaçant — du moins dans un premier temps — de les appliquer à n’importe quel moment ordinaire, comme prendre son petit-déjeuner, faire la vaisselle ou lire cet article de Substack. Quelle est la substantialité de cette expérience présente en ce moment ? Où est ce qui se passait il y a une heure ou une minute, sans parler d’il y a un an ou une décennie ? À quel point tout cela était-il réel ? Que puis-je savoir sans l’ombre d’un doute sur ce qui apparaît ici et maintenant ?

En fin de compte, tel que je le vois, nous ne pouvons pas nier ou supprimer l’un ou l’autre aspect de la réalité, le transcendant ou l’humain. Nous vivons les deux. Ne voir que le transcendant peut être un déni sans cœur, et ne voir que l’humain peut être une souffrance inutile qui s’ajoute à la douleur inévitable et aux circonstances douloureuses que présente ce monde de rêve. Ces deux dimensions peuvent s’informer l’une l’autre dans une danse de découverte qui se déroule sans fin.

Depuis le 7 octobre, j’ai écouté et lu de nombreux récits différents et contradictoires sur Israël-Palestine. J’ai écouté Sam Harris, Bari Weiss et The Free Press à une extrémité du spectre, et Chris Hedges, Marc Lamont Hill, Scheerpost et Democracy Now à l’autre. J’ai écouté des Palestiniens et des Israéliens. J’ai écouté des Israéliens ayant des points de vue différents. J’ai même écouté l’entretien de Lex Fridman avec Netanyahou. Ma compréhension s’est élargie, étendue, approfondie et modifiée de nombreuses façons, et il ne fait aucun doute qu’elle continuera à le faire.

Au cours des dernières décennies, j’ai surtout considéré la situation du point de vue de la gauche propalestinienne, mais j’ai maintenant une appréciation beaucoup plus profonde du point de vue israélien, de la situation très difficile dans laquelle ils se trouvent (avec le Hamas qui promet de mener d’autres attaques comme celle du 7 octobre), ainsi que de la situation délicate dans laquelle se trouve M. Biden. Cela m’a donné de la compassion et de l’estime pour Biden, alors que j’en avais très peu auparavant.

En écoutant Sam Harris, Bari Weiss et Ayaan Hirsi Ali, j’ai pris conscience d’une dimension de ce conflit que beaucoup de gens de gauche, moi y compris, ont ignorée à nos risques et périls, à savoir l’importance de comprendre à la fois l’idéologie islamique, les intentions du Hamas et d’autres organisations et gouvernements islamiques, et la profondeur de l’antisémitisme ancré dans cette idéologie et qui sévit toujours dans le monde. Je ne suis peut-être pas tout à fait d’accord avec Sam, Bari ou Ayaan sur chaque point, mais je pense qu’il s’agit d’éléments cruciaux à comprendre et à ne pas sous-estimer.

La société et les médias sont devenus tellement polarisés et tribaux ces dernières années qu’il est facile de se retrouver dans une bulle d’information où tout ce que l’on entend est ce que l’on croit déjà. Nous sommes tous sujets au biais de confirmation, où nous évitons délibérément d’écouter ou de lire tout ce qui pourrait remettre en question nos opinions. Il est rarement facile pour nous d’écouter ouvertement des opinions dont nous sommes convaincus qu’elles sont erronées, ou des opinions dont nous craignons qu’elles ne remettent en cause le faux sentiment de sécurité que nous tirons de la certitude de nos opinions actuelles. Nous avons également du mal à admettre que nous nous sommes trompés, car cela menace notre image de soi et peut-être notre sentiment de contrôle et de stabilité. Donc, à chaque fois que tout cela commence à se décomposer en nous, je pense que c’est positif.

Et puis, si nous changeons d’avis sur une chose, il est étonnant de voir avec quelle rapidité nous nous solidifions et nous nous identifions à nos nouvelles certitudes. J’ai remarqué cela chez moi. C’est un grand art que d’écouter ouvertement, de rester ouvert, de ne pas se fixer ou s’agripper, d’être capable de voir la vérité dans différentes perspectives et de remettre continuellement en question nos propres certitudes.

Je continue d’être frappée par la multitude de récits contradictoires sur l’histoire de cette région et par les différentes manières dont la situation actuelle est perçue, ainsi que par les émotions fortes que tout cela peut susciter. Je peux voir tout ce conflit sous de nombreux angles différents, et je continue à ressentir de l’empathie pour les deux peuples israélien et palestinien. Je n’ai plus d’opinion sur ce que l’un ou l’autre camp « devrait » faire.

Les Israéliens ne se sentent pas en sécurité (pour de bonnes raisons), l’antisémitisme est en hausse dans le monde entier et le Hamas a juré de répéter ce qu’il a fait le 7 octobre, alors que doit faire Israël ? Ce qu’ils font aux civils à Gaza est certainement plus qu’horrible, et je crains que cela ne fasse qu’attiser la haine et la violence, mais je soutiens le droit d’Israël à se défendre, et je ne sais pas ce qu’ils pourraient ou devraient faire d’autre que ce qu’ils font. Et que devraient faire les Palestiniens ? Je n’en sais rien. Rien de ce qu’ils ont essayé jusqu’à présent ne semble leur avoir été très utile.

Je sais que toutes les personnes impliquées, de quelque côté qu’elles soient, font le seul possible à chaque instant, et je sais que, dans une perspective plus large, tout cela n’est qu’un mouvement indivis d’énergie qui fait ce qu’il fait, comme des taches de Rorschach kaléidoscopiques en constante évolution que l’esprit en quête de modèles réifie et interprète en permanence.

Les corps, les besoins, les intérêts, les préoccupations, les pulsions et les actions — situations familiales, événements nationaux, événements internationaux — tout cela surgit et s’évanouit comme des apparitions passagères dans un événement sans forme… Ces formes n’existent pas réellement ; elles sont comme des ondulations dans l’eau qui coule.

—Darryl Bailey

Nous devons tous trouver l’équilibre entre ignorer ce qui se passe et être tellement immergés dans les nouvelles et les commentaires que cela devient obsessionnel et préjudiciable à notre bien-être mental, physique et émotionnel. Nous avons tous des niveaux différents de sensibilité et de tolérance, et nous sommes tous appelés à réagir de différentes manières. Certains seront plus impliqués au niveau politique, d’autres plus dans la dimension transcendantale, d’autres exclusivement dans l’un ou l’autre, et d’autres encore dans les deux. Chacun doit trouver sa propre voie. Ou plus exactement, nous découvrons notre voie d’un moment à l’autre. Le contrôleur est une illusion.

Puissions-nous tous rester ouverts à l’idée de voir quelque chose de nouveau et de changer d’avis, puissions-nous avoir de la compassion pour les êtres humains de tous bords (ce qui ne signifie pas être d’accord ou soutenir ce qu’ils font), et puissions-nous tous trouver cet endroit sans lieu, ici et maintenant, auquel Nisargadatta faisait référence lorsqu’il disait : « Le cœur des choses est en paix ». C’est « la paix qui dépasse l’entendement », la paix qui est là même au milieu des conflits et des guerres.

Amour à tous.…

Texte original : https://joantollifson.substack.com/p/should-i-meditate