Betty
Invitation à contacter le Vivant

Entretiens chez Louise, Fév 2018. Le langage parlé a été très peu retouché. (Q – François, Q2 – Christine, Q3 – Louise) Question – Betty, qu’est ce qui s’est passé depuis ce que tu as appelé le « basculement » ? Betty – La grande opération, pancréatite, crise cardiaque !….(Rires.) Q – Ça, ça va peut-être calmer les « chercheurs […]

Entretiens chez Louise, Fév 2018. Le langage parlé a été très peu retouché.

(Q – François, Q2 – Christine, Q3 – Louise)

Question – Betty, qu’est ce qui s’est passé depuis ce que tu as appelé le « basculement » ?

Betty – La grande opération, pancréatite, crise cardiaque !….(Rires.)

Q – Ça, ça va peut-être calmer les « chercheurs spirituels » (rires…) !!…. Mais qu’est-ce qui a changé ?…

B – Qu’est-ce qui a changé au niveau de la perception ?… Je suis incapable de répondre à ça parce que pour moi, il n’y a pas de chronologie : quand quelqu’un me demande : « est-ce que ton « éveil » parce que les gens emploient ce mot!est ce que ton « éveil » est progressif ? Est-ce que c’est encore en évolution ? » c’est comme poser la question : « peux-tu nous expliquer pourquoi ce fil est rouge ? » ça n’apporte aucune réponse, pour moi ce n’est pas une question. Ça ne se peut pas !

Q – Est-ce qu’il y a des choses qui ont changé dans ta relation avec les autres, dans ta relation avec la nature, avec la souffrance ou autre ?

B – Avec le basculement, il y a eu l’absence du temps ! Alors, toi, tu me poses une question où tu veux savoir au niveau du temps comment cela a évolué! Il y a eu le basculement et il y a eu le changement de perception qui a été là : c’est vraiment qu’il n’y a plus une personne à qui ça arrive. C’est à peu près juste ce que je pourrais te répondre, parce qu’au niveau de l’évolution, souvent, on va me dire : « tu ne parles pas de la même façon que tu parlais au début ! » Louise me disait l’autre fois : « tu parles maintenant comme tu parlais au début ! » chez moi, ça n’allume rien! rien, mais totalement rien ! Quand on me dit : « tu dis tout le temps la même chose », ça n’allume rien. Quand on me dit : « ça évolue ! Ton discours est comme plus structuré ! » ça n’allume rien ! Donc, ça peut même apparaître inintelligible, ce que je suis en train de dire, mais c’est vraiment ça ! Donc, je ne pourrai pas te parler de ça.

Q – Est-ce que ta relation à la nature a changé depuis le basculement ?

B – Elle a changé avec le basculement : elle est redevenue plus comme dans la petite enfance où j’avais l’impression d’avoir un contact vivant avec la Nature comme je l’expliquais avec la pivoine: j’avais l’impression que la Nature faisait Un avec moi, et c’était mon grand réconfort parce que je me disais : « elle ne ment pas ! C’est certain, je peux me fier sur la Nature ». Est-ce qu’il y a eu un changement ? Non, et c’est aussi intense que ça a été lors du basculement. Comment pourrais-je te dire ça ?…

Q – Est-ce que c’est au niveau de la perception ?

B – C’est vraiment plus au niveau de la communion, je te dirais, davantage que de la perception. De dire : « ah ! C’est beau les arbres, ça m’apporte telle chose ! » ça ne m’apporte absolument rien ! Mais rien, rien ! Dans le sens que ça ne vient pas vers moi pour donner quelque chose. Mais il y a un contact, une connaissance immédiate de la Nature qui se fait à l’instant.

Q – Et tu disais que c’était proche de ce que tu ressentais enfant et que tu allais dans la forêt comme un refuge, et te promener toute seule ?

B – Oui. Et je peux trouver maintenant que dans le monde du rêve, les gens vont accaparer la nature comme étant une chose dans leur monde.

Q2– Mais pour en avoir des bienfaits aussi ?

B – Pour en avoir des bienfaits « parce que c’est apaisant, parce que c’est ceci… un arbre peut m’apporter ça… un oiseau peut me réjouir ou m’apaiser, m’apporter la beauté, etc. » et ça, ça a été complètement différent.

Q2 – Moi, j’ai une question : malgré tout, si tu es en plein centre-ville de Montréal, et si tu es chez toi à Morin-Heights [1], il y a quand même une différence, non ?

B – À Morin-Heights – où c’est entouré d’arbres et d’animaux – c’est vivant ! Une auto, ce n’est pas vivant! Une chose comme l’ordinateur n’est pas vivante ! Mais la neige, c’est vivant ! L’arbre, c’est vivant ! Ça, c’est une chose qui peut être une grande différence : la reconnaissance de ce qui est vivant et de ce qui ne l’est pas ! C’est instantané.

Q2 – OK et ça, qu’est-ce que ça fait dans le sens que tu peux quand même habiter à Montréal, malgré tout si c’était ça qui était là, ça serait correct quand même?

B – Bah, j’imagine que oui. Mais maintenant, je ne suis pas là… mais quand j’habitais avec Jean au début à Saint-Jean-sur-Richelieu, ce n’était pas la grande ville, mais ça (Betty désigne la neige qui tombe dehors) c’est vivant, et le Vivant est attiré par le Vivant. Tandis qu’à Montréal, les arbres sont en béton et il y a de l’agitation aussi : la forêt n’est pas agitée et quand elle est agitée, c’est parce qu’elle est très vivante ! S’il y a de la poudrerie (Tempête de neige), qu’est-ce que ça me réjouit !! C’est incroyable! La pluie, les odeurs…

Q3 – C’est comme s’il y avait plus d’émerveillement en contact avec le Vivant que dans la ville ?

B – Oui. C’est parce que l’organisme est vivant ! On le voit dans le film « Hochelaga »: comment les Amérindiens étaient en contact avec le Vivant, et comment ils parlaient aux pierres, ils parlaient à l’eau et c’est beau !

Q2 – Est-ce que dans cette perspective-là — ce serait quelque chose que tu puisses recommander à quelqu’un, disons, qui habite dans la ville, qui n’a pas de nature, d’aller contacter le Vivant pour s’apaiser ou pour quelque chose comme ça?

B – Je connais quelqu’un à qui j’ai dit ça. Quand je l’avais rencontré, il n’était pas bien du tout, il était hyper fatigué tout le temps. Il habitait à Montréal et quand il venait ici, il se sentait apaisé et pouvait dormir, et je lui avais dit que ce qu’il voyait à l’extérieur, c’était apaisant ! Et ça l’a d’ailleurs guéri ! Je ne peux pas dire autre chose que ça. Il peut rester tranquille à regarder les arbres. De temps en temps il m’envoie une photo en me disant : « tu n’as pas idée le bien que ça me fait de rester en contact avec la nature! » on en a eu des conversations là-dessus ! Tandis que quelqu’un qui est là, sous pression! Même ma fille a reconnu que vivre ici lui a été très profitable! Quand je suis dehors, tout est tranquille, tu ne t’obstines pas avec la nature! Les animaux, tu ne tobstines pas avec ça ! Et ça, ça a été…au début du basculement, écoute: je n’en revenais pas : le Vivant qui était partout ! Comme mes sens étaient vraiment, vraiment hyper développés – ils l’étaient déjà, mais là c’était encore multiplié !

À un moment donné, je m’en vais en auto et j’étais dans un champ, mais un champ super loin, et je me mets à voir des ratons-laveurs, mais loin… mais tellement loin ! Là, j’arrête sur le bord du chemin : je sentais leur odeur, je savais quels gestes ils faisaient, j’avais pris le petit rang, je n’étais pas loin de Saint-Jean, et je me suis rapprochée et il y en avait ! Ils étaient là, il y en avait toute une bande et il y avait des bébés et je les avais vus à une distance inimaginable, et je m’étais aperçue que je captais le Vivant ! Souvent, on va être en auto et je vais dire à Jean : « hey regarde : il y a huit chevreuils là en arrière » des fois il arrête parce qu’il trouve ça impossible, il n’a pas pu les voir, il recule et ils sont là ! Ça, c’est comme si ce n’est pas mon œil à moi : ce qui est vu, c’est perçu.

C’est rare que je parle de ça, quand même ! Pour ne pas glisser dans l’ésotérique ou les visions.

Q – Les grands phénomènes naturels aussi te parlent beaucoup ?

B – Ah ben oui, c’est comme si ça rappelle à l’ordre, ça rappelle à … comme si c’était de la folie ! Regarde : ils n’annonçaient pas de neige, hier ! (dehors, la neige tombe à gros flocons!) regarde comme ça tombe encore ! C’est trop réjouissant, tu sais, de voir ça !

Q – Comme les gros orages, les manifestations fortes de la nature ? Parce qu’en fait, ce basculement a amené à un état « naturel » …

B – Qui est l’état naturel de tous les êtres humains !

Q – Donc proche de la Nature ?

B – Oui ! Regarde Krishnamurti qui toutes les années, prenait trois mois, s’en allait dans un endroit où il était seul avec les arbres et avec la Nature.

Q – Oui ! Tout le monde dit ça : la nature est une aide fantastique !

B – Oui ! Dans le sens que c’est une reconnaissance de ce que tu es vraiment. C’est drôle à dire, hein ! Mais tu es comme en terrain connu : l’être humain, il est bien dans la nature ! Ça, je peux le dire : l’être humain, il est bien dans la nature, il est en harmonie avec la nature. Dans le monde du rêve, tu cherches à t’en servir. Ça doit te servir à quelque chose !

Q3 – Est-ce que ce ne serait pas chercher à retrouver ça, ce qui est naturel ?

B – Ben peut-être! Parce que ce qui est naturel, c’est ce qui est là. Ce n’est pas un homme qui a bâti un arbre! Ce n’est même pas vrai là !

Q2 – Mais quand tu dis que l’être humain se sert de la nature, dans le fond, c’est juste qu’il lui donne une sorte de valeur sacrée qui est juste sa nature à lui qu’il voit projetée?

B – Oui, je donnais souvent l’exemple de l’arbre avant : quand je vois un arbre, c’est un arbre! Je sais comment il vit, je le sais, et je le sais même par imagerie mentale on peut dire : je connais les couches de l’arbre, l’odeur, la résine, le taux d’humidité, mais ce n’est pas défini comme ce que je suis en train de te dire, c’est global ! Donc, je connais l’arbre. Je ne suis pas en train de dire : « ahhhh, cet arbre-là dégage une énergie de druide, ou je suis sûre qu’un Amérindien est passé par là, ou c’est sacré, ou bien nous, on devrait le prendre et le mettre là, ou le mettre ici, ou on devrait carrément l’enlever… », rien de tout ça : tout est à sa place et à sa juste place. Chez nous on n’arrache pas des fleurs pour mettre d’autres trucs ! Et tout est là, et c’est une vraie joie de voir ce désordre dans les forêts québécoises, j’adore ça ! Tu as l’arbre, l’arbre mort à côté, tu as la rivière, tout d’un coup, bang ! Tu as une source lumineuse, des herbes partout, mais il n’y a rien d’ordonné, il n’y a pas de petits sentiers avec des petites dalles de pierres tu sais ! Il n’y a pas de fleurs japonaises !

Q2 – Hey ! Moi, j’aime ça les petites dalles de pierres! (rires…), mais, dans tout ce que tu dis, il n’y a pas de jugement sur la ville ?

B – Non, pas du tout! On est en 2017, là ! Non ! En 2018 ! (rires…) et c’est ce qui est là ! C’est ça qui est là, maintenant, et est-ce qu’on ne peut pas faire avec ce qui est là maintenant  ? On a mis un cerveau dans une boîte carrée comme ça (Betty désigne l’ordinateur) et c’est ça qu’on est en train de vivre, alors, on n’a pas à dire : « non ! on ne veut pas de ça ! » parce qu’alors là, tu n’es plus dans l’instant ! Happé complètement par le passé cimetière !

Q3 – Ce n’est pas d’essayer de retrouver ce qu’on voit dans « Hochelaga » en 1200 !

B – Non ! C’est de constater qu’on est la totalité de ça ! Ce n’est pas évident pour tout le monde de constater que les Amérindiens sont en dedans de moi, les Français aussi… je suis la totalité de ce qui est là.

Q – C’est ce que tu appelles la perception directe ?

B – Ah oui! Fraîche.

Q – En même temps aussi, avec ce qu’on vient d’évoquer, il y a 6 ou 7 milliards d’habitants sur terre, la nature se rétrécit, s’abîme !

B – Il faut être bien arrogant pour penser que c’est l’être humain qui pourrait changer le destin de la terre ! Il faut être bien arrogant ! Quelqu’un me disait un jour : « oui, mais là, les tigres de Sibérie sont en train de crever ! » et bien, s’ils ne sont plus capables de s’adapter, qu’ils crèvent ! Si la terre n’est pas capable de s’adapter, qu’elle crève ! C’est tout! Ça ne nous regarde pas ! On est là en tant que témoin qui constate ce qui est là. Le jour où tout le monde va comprendre ça, je te jure que c’est révolutionnaire ! C’est ça le truc à comprendre.

Q – C’est donc de passer d’une vision égocentrique à une vision large ?

B – Oui. L’autre fois, j’employais un terme avec une madame… qu’est ce que je lui ai dit ?… C’est comme un revirement : la vision n’est pas la même ! Ah oui, je disais « entonnoir » ! ma vision avant était dans un entonnoir, non, pas dans un entonnoir, mais dans un tube ! Et je voyais juste, juste, juste, ma propre perception. Donc, quand on parle d’une vision à 360 degrés, c’est plus que ça ! Comme quand je te disais, tout à l’heure, l’arbre, je vais savoir instantanément comment il est fait, sans définition intellectuelle, sans me dire : « OK il y a l’écorce en premier et tatata, tatata ! » non, c’est au-delà de ça! Et ça, ça vaut la peine de se regarder pour vivre cette vision ! Pour les oiseaux, c’est la même chose, pour tout, c’est la même chose ! Quelque chose qui a changé, c’est l’accueil total de ce qui est ; et ce n’est même pas l’accueil, c’est d’être l’instant, tout le temps, tout le temps, tout le temps ! De ne jamais forcer pour être l’instant : je n’ai pas le choix, c’est comme ça. (rire…) je ne force pas, rien ! Il n’y a jamais dans ma tête : « oui, mais là… » jamais ! C’est ça la Paix !

Q2 – Oui, c’est tout moi, ça !

Q – Et oui, avec cette neige, il va encore falloir pelleter !

B – Oui ! Jean se lève le matin : « va falloir que j’aille pelleter : il neige ! » et moi, j’étais là, je regardais la neige… lui, il pensait juste : « je vais déblayer l’auto, le chasse-neige va arriver bientôt

Q3 – C’est comme une programmation dans le temps !

B – Oui, c’est ça : programmation dans le temps.

Q – Ça, c’est important : pour toi, il n’y a pas de programmation dans le temps, du tout ?

B – Ben, s’il faut qu’il y en ait une comme là : la fille de Nice m’a envoyé un message comme quoi dans trois semaines, on a un rendez-vous ! OK : là je l’ai marqué dans mon agenda. En même temps, cinq minutes plus tard, je ne m’en souviens plus ! Louise peut en témoigner !! (rires….) et quand c’est le temps de le faire, je vais l’avoir en face : ce n’est pas compliqué ! Donc, il n’y a pas l’inquiétude à me dire : « il faut que je fasse telle chose ! » non, parce que ça se fait tout le temps. Si ça doit se faire, ça se fait ; si ça ne se fait pas, ben c’est que ça n’avait pas à se faire, c’est tout !

Mon petit-fils Emilio, dans ma vie, ce n’était pas prévu ! Que je me retrouve avec un enfant comme ça ! La crise de cœur non plus. Mais Emilio, un enfant dont tu t’occupes, ce n’était pas prévu : Marrick restait à Montréal, elle était mariée… ben, il n’y a jamais eumalgré que beaucoup de gens disaient « ça n’a pas d’allure ce que tu fais ! »c’était ça qui était là. Et Emilio, le voir vivre et avoir vécu avec lui, a beaucoup aidé à ce que je parle des émotions, comme j’en parle maintenant.

Q – Parce que lui, il vivait ses émotions ?

B – Ben, je te dirais au tout début, quand Emilio avait peut-être un an, il était très colérique, on le voyait, c’était un bébé très colérique : je n’avais jamais vu ça ! Donc, il faisait des crises, il se lançait par terre, mordait le plancher et nous lançait sa tétine au visage, et à un moment donné, Marrick avait dit : « c’est assez, là ! Ça n’a pas d’allure de faire ça dans le monde ! » et moi je lui avais dit : « non, non, laisse-le faire parce que sinon plus grand, il va être obligé de se retrouver devant une personne comme moi ! Parce que son émotion va avoir été bloquée ! Ça ne dérange personne qu’il grignote le plancher, donc, laisse-le faire !» il a arrêté, c’est clair ! Il s’est mis à faire le tigre après : quand il est fâché, il te regarde et il fait le tigre ! Tellement fâché qu’il le fait trois fois de suite ! Ça dérange qui, ça ? Quand il est fâché, le corps exprime son émotion dans la totalité en faisant le dragon. Est-ce que c’est socialement inacceptable qu’il fasse le dragon devant tout le monde ? On s’en tape !!

Q – Alors, la question c’est : à 3 ans, oui, mais à vingt ans ?

B – Ben, s’il le fait à trois ans, peut-être qu’il ne le fera plus à vingt ans ! En même temps, plutôt que de te retrouver en Institut Psychiatrique, ben fais-les, tes crises de dragon, ce n’est pas trop grave ! C’est juste une expression physique de trop d’adrénaline, de l’adrénaline bloquée, c’est ça faire le dragon : ce n’est pas trop grave.

Q2 – Parce qu’en plus, il y a des textes – avant qu’Emilio arrive – où tu parlais à peine des émotions ! Et là, c’est comme si tout ça – parce qu’elles étaient là dans ton processus de basculement, l’année qui a précédé, c’était vraiment là !

B – Oui, c’est très bizarre, c’est comme si on n’avait pas mis le doigt dessus ! Avec Emilio, ça s’est fait que là, je parlais davantage des émotions, des émotions qui étaient innées, de comment laisser les émotions passer… oui, je me suis mise à parler de ça !

Q2 – Oui, les premières rencontres en France, ce n’était pas là-dessus, c’est comme une évolution, le discours change et c’est intéressant de voir ça.

B – Oui, parce qu’au début, quand j’allais en France avec toi, j’ai appris le mot « dualité » : je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire ! Je demandais : «  qu’est-ce que tu veux dire par là ? » (rire…) je ne savais pas c’était quoi, c’était totalement inconnu. Et ça aussi, c’est une chose qui a changé dans le basculement, c’est le poids des mots ! Si quelqu’un me dit : « qu’est-ce que tu es intelligente ! » ça me rentre par une oreille, ça ressort par l’autre ! Si la personne me dit : « t’es nulle à chier ! » ça me rentre par là, ça ressort par là ! Ça n’atteint rien à l’intérieur de moi ! Et ça, c’est un truc !

Q – Est-ce que tu parles des jugements ? Ou est-ce que tu parles de ce que cachent les mots ?

B – Je parle du jugement, probablement.

Q- Le jugement n’a plus aucune espèce d’importance ?

B – Non.

Q – Il n’en a jamais eu pour toi ?

B – Tu es malade ?!! J’aurais bien vu ça, quelqu’un qui m’aurait dit « t’es nulle à chier ! » je l’aurai découpé en morceaux !! ouh lala … ! tandis que là ce genre de truc – et c’est pour ça que souvent Édith me disait : « c’est quoi ton affaire ?! On dirait que tu ne réagis pas aux compliments ?! » ben, c’était vrai ! (rire..) C’était vrai !

Q – Pas plus aux compliments qu’aux insultes ?

B – Non. S’il y a un danger, cet organisme va réagir : il va y avoir une claque qui va partir ou il va y avoir quelque chose qui va se dire ! Je n’ai pas besoin de garder des mots en réserve. Ça, je peux te le dire !

Q2 – Tu es polie, quand même !!

B – Oui, on peut le dire : je suis polie !

****

Q – Betty, comment sais-tu que tu es « éveillée » ?

B – Ah, je ne le sais pas ! Je ne m’interroge pas là-dessus.

Q – Comment peut-on le savoir ?

B – Ben : le jour où tu ne le sauras pas. Le jour où tu n’auras pas d’interrogation ! J’ai eu une enseignante spirituelle en rencontre individuelle – quelques-unes, car elle était en train de péter un plomb ! Et elle m’a dit : « je suis certaine que c’est fait pour moi, mais on dirait que des fois… » je lui ai dit : « Attends ! Attends un peu, là. Assieds-toi comme il faut, qu’est-ce que tu es en train de dire là ? ».  Elle s’interroge : « est-ce qu’il ne m’en manquerait pas un peu  pour être assez éveillé? Je suis assez éveillée pour faire des rencontres. » Elle me dit ça ! Elle était honnête, elle était très contente et ça lui a donné un grand coup !!

Mais c’est quoi ce truc ? Quand tu as encore des interrogations, et que tu te demandes : est-ce que je ne devrais pas lire un petit peu plus de ceci, ou méditer, ou que la recherche est encore là, que l’interrogation est encore là. À chaque instant, je ne suis pas capable de te répondre qui je suis : ça ne marche pas chez moi, c’est totalement rien !

Q3 – Ou l’envie d’aider les autres, de leur ouvrir les yeux, de leur enseigner comment être dans l’absolu…

B – Ah non, pas du tout ! La seule chose que je peux faire, c’est de répondre aux questions !

Q – Je posais la question, car je viens de lire U.G. Et c’était sa question fondamentale : il allait voir Krishnamurti pour poser sans cesse sa question : «  comment je sais que je suis dans cet état ? »

B – Et qu’est-ce qu’il dit, lui ?

Q – Il dit que le moment venu sa question avait fondu comme neige au soleil.

B – Et voilà ! et pas juste cette question : toutes les questions ! Ce qui n’est pas les questions d’ordre pratique, mais les grandes questions existentielles !

****

Q2 – Betty, quel est ton message ?

B – (Rire…) Est-ce qu’on ne pourrait pas dire : l’invitation à contacter le Vivant ? Simplement, par la fraîcheur de l’Instant. J’ai fait une phrase qui disait : « de toute façon à la fin du corps, il y aura la fin du rêve d’individualité », mais il y a moyen de mourir avant et d’être conscient d’instant en instant de cette fraîcheur dont je parle. Donc, je pense que c’est ça, mon invitation : le Vivant !

Q – Ce qui vient après, pour moi, c’est : est-ce qu’il y a une méthode ?

B – Je dirais qu’il y a une invitation. Ce que j’ai pu voir à travers toutes les rencontres avec les gens, c’est que l’éducation émotionnelle est nulle. J’étais toujours très très surprise de voir comment les gens – à la question : « qu’est-ce que tu as ressenti par rapport à l’événement ? » – étaient comme ça (interrogatifs): ils cherchaient, mais c’était incroyable ! Ils sont en train de me parler d’une émotion extrêmement dérangeante et ils cherchent : c’est quoi ? C’est où ? Donc pas d’éducation émotionnelle, personne ne sait quoi faire avec les émotions, et le cœur du problème, c’est de garder ce mécanisme émotionnel, ou mental réactif, ou petite voix dans la tête, vivant : c’est ça le rêve d’individualité. Donc, les émotions, c’est quand même majeur.

Q – Pour toi, c’est un pilier !

B – Oui : une personne qui va arriver et qui va avoir médité 25 ans et qui a encore ses émotions de petit garçon de six ans n’est pas plus avancée que la petite madame qui arrive et qui honnêtement va regarder son émotion et dire : « ah ben oui : c’est ça ! J’ai ce truc-là » qui va rester avec et c’est là où, si on parle de méthode, c’est une invitation que je fais aux gens à l’expérimenter eux-mêmes. Expérimente-le ! Ce n’est pas une promesse de bonheur ! L’invitation que je fais, c’est loin d’être ça! Ce n’est pas une promesse de bonheur.

Q – Tu parles souvent de « se laisser souffrir consciemment ».

B – Ben, c’est ça. Parce que la vieille émotion te fait souffrir, et le passage obligatoire pour qu’elle termine sa route, c’est que tu te ressens dans le même état que tu t’étais ressenti quand tu l’as bloquée. Que tu l’aies bloquée pour une raison de survie, que tu l’aies bloquée parce que tu avais peur, ou que tu l’aies bloquée parce que tu ne voulais carrément pas la vivre, ne change absolument rien : elle est restée bloquée à la moitié de sa route et tu vas te taper la moitié de la route qui reste ! Est-ce si dramatique que ça ?!

Tu as toujours les premières grandes émotions qui vont passer, c’est-à-dire celles qui épaississent ta route et quand elles vont passer, elles vont donner de l’espace : tout le monde peut témoigner de ça ! Tout le monde qui a essayé de le faire peut témoigner que c’est vrai : une émotion termine sa route et te donne plus d’espace. L’avantage d’avoir plus d’espace est que tu peux regarder la suite de tes émotions avec beaucoup moins de souffrance. Donc si moi je l’ai fait, si plusieurs personnes l’ont fait, alors pour moi, tout le monde est capable de le faire; il n’y a pas un mystère ésotérique ou spirituel, ou il n’y a pas Dieu qui va venir se mêler de ça ! Parce qu’il a assez créé de problèmes comme ça ! Donc, l’invitation, elle est personnelle, elle est personnelle à l’être humain.

Q – C’est ça : tu parles du rêve d’individualité !

B – Quand je te fais cette invitation-là, je ne la fais pas à toi, avec ton rêve d’individualité : je la fais à l’être humain, à tout l’être humain qui est indivisible. En même temps, ne le prends pas pour quelque chose qui t’amènera un résultat, prends-le comme quelque chose que tu peux balancer derrière ton épaule, c’est tout. Expérimente-le ! Si ça ne fait pas ton affaire : arrête ! On s’en moque (rires…)

Q – Tu disais quelque chose d’intéressant…

B – Les compliments, ça ne m’atteint pas : alors, ne te force pas ! (Rires…)

Q – L’éducation à l’émotion ! Il est frappant de voir qu’on ne connaît pas ses émotions : on est submergé par quelque chose et on ne sait pas ce que c’est ! Mais quelques fois, on a simplement envie de rester dans cet espèce de désespoir, parce que c’est quelque chose d’habituel, que l’on connaît.

B – On se complaît aussi, parce que ça nous donne l’impression d’exister en tant que victime, on se roule dedans ! Moi, je m’étais aperçue de ça, tu sais! Je faisais des crises de larmes, j’avais cinquante ans et quand je passais devant un miroir, je me regardais pleurer et à un moment donné, je me suis prise sur le vif à ressentir comme de la complaisance ! Justement, une espèce de confort malsain où au moins, je me sentais chez moi…aaaark, la nausée !

Q3 – Il y a aussi des croyances de société qui disent qu’avoir des émotions, c’est être vivant : si tu n’as pas d’émotion, tu n’es pas vivant !

B – Ben moi, je te dirais que l’être humain a des sentiments dans l’instant, mais un sentiment qui commence sa route et qui la termine, comme le sentiment que j’ai ressenti à la mort de mon ami Bernard : la flèche qui rentre dans le corps et qui ressort ! Peut-être que ta mort ne me fera pas le même effet ?! (rires…), mais à ce moment-là, ça a été ça. Et effectivement, un être humain vivant a plein de sentiments : est-ce que j’ai l’air d’une statue ? Ben non, je suis pétante de vie !

Q – On ne sait pas faire cette différence-là dans le rêve d’individualité, entre les émotions et le sentiment dans l’instant !

B – Sais-tu pourquoi? Parce que tant que la vieille émotion est là et que tu as un… j’ai un mot pour ça… modèle émotionnel enfantin, tant que tu regardes à travers ton modèle émotionnel enfantin, tu ne le sauras pas parce que ton modèle émotionnel enfantin va sauter en première ligne, aussitôt qu’il y a captation, tout le temps ! Alors, ceux qui disent : « ah des fois, je vois correctement, mais d’autres fois… » réglez ça tout de suite : tu vois tout le temps avec ça tant que tu as cette impression-là. Ne t’inquiète pas : quand ce sera prêt, tu vas le sentir dans tes tripes.!

Q – Donc, tu veux dire que tout ce qu’on voit : la personne avec qui l’on est, la nature, les événements, tout ça, c’est à travers ce filtre-là ?

B – Oui. Je te dirais à 98% ! Dans ma vie, il m’est arrivé à peu près trois fois où j’ai vu en l’absence du moi. Et ça a duré une fraction de seconde et ça m’a extrêmement fait peur ! (rires…) parce que c’était comme de sauter dans le vide ! Et ça, c’était un claquement de doigts.

Un jour, je me suis réveillée – mes filles devaient avoir 5 et 7 ans – j’étais seule avec elles et je me réveille la nuit, je me lève, et je n’ai aucune idée où je suis, je n’ai aucune idée de ce que je vois ! Et c’était mes mains ! Je marche dans la maison : je ne reconnais rien ! Je regarde dehors : je ne suis plus capable de faire la différence entre l’intérieur, l’extérieur, la hauteur… absolument rien ! Tout à coup j’entends : « maman ! j’ai froid ! » bang ! La mère est arrivée, c’est descendu : l’identification s’est faite à une telle vitesse !! C’est tout le temps comme ça chaque matin. Tu ouvres tes yeux et tout d’un coup, tu es François ! Et ça ne prend pas de temps. Tu te souviens de toi et tu adhères. Donc, tu es François, avec ses caractéristiques. Tu adhères.

Q2 – Tu adhères, mais ce n’est pas vraiment volontaire?

B – Ah ben non, c’est inconscient, c’est vraiment inconscient ! C’est pourquoi il est difficile de voir les conditionnements : parce que c’est inconscient. Parce que sinon, ça ne serait pas supportable ! (rire…)

Q – Et donc, le « travail » serait de rendre l’inconscient conscient, et cela grâce aux émotions ?

B – C’est une façon « psy » de le dire, mais c’est ce que ça veut dire, et grâce aux émotions, parce que les émotions refoulées sont dans l’inconscient.

Q2 – Ce sont les émotions vécues qui vont faire de la place à ce que l’inconscient devienne conscient ? C’est ça qui fait de l’espace ? Quand les émotions terminent leur route ?

B – Ben oui, c’est ça qui fait de l’espace, sinon, tu es vraiment – le monde du rêve, c’est infernal dans ce sens-là – tu es vraiment prise dans une petite bulle et tu ne le sais pas! Tu es dans un aquarium et tu tournes en rond, tu es prise et tu vois ton reflet dans les parois.

Q2 – Faut pas que tu y penses, sinon c’est insupportable ?!

B – Ah, c’est une névrose totale ! Tu n’es pas là, tu n’es pas là pour vrai : c’est un rêve. En même temps, l’organisme, il est là pour vrai. Et quand je vois des gens, il y en a qui me disent : « bon, là comment tu trouves que je vais ? » si je te disais comment je trouve que tu vas : tu n’en reviendrais juste pas ! Donc, quand la personne me demande : «  comment je vais ? », je ne peux pas répondre : «  ben là, je vois que tes angoisses et tttt et tttt.. ! » c’est du gros gningningnin là ! Moi, je vais être en contact avec ce qui est vivant, cet organisme-là et je pourrais définir comment est cet organisme-là, parce que j’en ai la connaissance ! Comme j’ai la connaissance de l’arbre. Heureusement, l’arbre ne va pas me demander : « comment tu me trouves ? » ! (rire…)

Q – C’est-à-dire que tu ne vois pas toutes les histoires que nous autres on se raconte dans le rêve?

B – Ben oui, parce qu’en rencontre individuelle, quand les gens me parlent, leur histoire transparaît ! Parce qu’ils viennent pour ça, ce n’est pas long que ce soit ciblé et qu’on va y arriver vraiment – et ça me fait rire, parce que les gens ont un petit carnet ou des feuilles : elles restent sur la table et la rencontre se termine sans qu’elles ouvrent le petit carnet : ce qui doit arriver arrive ! En même temps, c’est toujours le personnage qui pose des questions. Ça ne peut qu’être le personnage : sans le personnage, il n’y en a pas de « putain » de question!

Q3 – Qu’est-ce qui fait que l’être humain est pris par ce rêve d’individualité ?

B – Ben, c’est le refoulement des vieilles émotions, ce n’est que ça. Et quand tes émotions sont à jour, il y a un constat que tu es dans le monde de la dualité. Et il y a un constat qui arrive que tu n’as pas de pouvoir sur rien, que tu es là en tant que spectateur, et là, tu essaies de rester frais dans tes émotions. Un coup que tu t’es débarrassé de la majorité de tes émotions, tu as retrouvé assez d’espace et de distance pour accueillir une émotion fraîche qui va arriver et la faire passer complètement : tu ne vas pas mettre un obstacle, tu ne vas pas résister : c’est ça l’accueil de situations qui sont parfois difficiles, mais où tu te dis : « c’est incroyable, mais c’est ça qui est là, c’est ça qui est là ! Ça ne fait pas mon affaire, mais c’est ça qui est là ! ». C’est ce que tu as expérimenté, Louise : « oui, mais c’est ça qui est là : ça fait mal, ça fait chier, ça fait peur, mais c’est ça qui est là ! » Donc, tu ne changes pas la réalité. C’est intéressant de constater comment on n’arrête pas, c’est incroyable ! Ça, c’est un bon truc : c’est un indice à donner à quelqu’un ! Vérifie si tu es toujours à vouloir changer la réalité, c’est incroyable ! Et tu consomme énormément d’énergie : toute l’énergie qui est disponible pour capter le Vivant, tu la prends et tu l’utilise pour le médiaplanning !  Et aussi « Ben oui, mais là, je n’arrive pas…! Oui, mais là, mon amoureux n’est pas gentil » et là, tu n’es pas là ! Tu n’es pas là pour capter ce que l’organisme vivant capte en fait. Tu n’es juste pas là. On s’en fout : l’organisme le capte pareil, mais tu n’en sais rien ! Donc, c’est ça qui est intéressant : de se taper de voir comment est fait le personnage pour être en captation directe, sinon, ne t’inquiète pas : ça va se faire à ta mort !

****

Q – Tu racontais que tu t’es réveillée un matin, et tu ne savais pas où tu étais ?

B – Non.

Q – Tu ne sais pas qui tu es ?

B – Non.

Q – Donc, désidentifiée on peut dire ?

B – Oui.

Q – Parce que la nuit, dans le rêve profond, la conscience n’existe pas : elle arrive par le corps ?

B – La conscience vient par le corps. Quand tu es rempli de vieilles émotions, tu rêves, tu rêves beaucoup.

Q – Mais dans le sommeil profond, sans rêves…

B – C’est le repos. Le repos ! Le corps dort : tu ne peux pas capter à travers le corps : le corps dort ! Tu n’es pas conscient d’être : le corps dort !

Q – Ce qui est amusant dans ce que tu racontes, c’est que tu te réveilles « absente », et c’est une émotion qui te ramène: l’enfant appelle sa mère !

B – Là, c’est l’instinct maternel.

Q – L’instinct qui revient pour remettre en place : ce sont les émotions qui nous ramènent ?

B – Oui. Ce sont les émotions : tu t’es bâti sur les vieilles émotions !

Q – Et ce refus permanent de ce qui est, ce n’est jamais que des émotions qui reviennent ?

B – Oui, tout le temps, c’est la peur de te taper des émotions d’enfant pleurnicheur, c’est incroyable ! Tu ne veux pas te taper l’émotion, donc, tu pars dans ta tête, tu inventes des trucs, tu t’associes à la petite voix dans la tête, alors quand tu parlais tout à l’heure de méthode, ça peut donner l’apparence d’une méthode et je m’en moque  !!! de ce que tu peux dire (rire…). Alors que tu as l’impression d’une méthode ou pas, ne va rien changer ! Dis-toi donc : « bon ! J’ai l’impression que c’est une méthode !… Ou j’ai l’impression qu’une méthode, ça ne devrait pas exister !» ce n’est que concept sur concept ! Fraîcheur de l’Instant : prends ce qui est là dans l’instant. Si ce qui est là t’apparaît comme une méthode, on s’en…

Q – Parce que beaucoup de celles et ceux qui viennent te voir, les « chercheurs spirituels » cherchent une méthode pour arriver quelque part !

B – Ils ne sont plus capables de s’endurer : le monde du rêve est insupportable ! C’est pour ça que tu es prêt à venir me voir, à aller voir Christine Morency, Isabelle Padovani, à aller voir quelqu’un qui fait du yoga, qui hallucine, parce que tu n’es plus capable de t’endurer.

Donc, fais ton travail, fais-le. Regarde comment tu fonctionnes! C’est sûr que la méthode va devenir très très individualisée, parce que le rêve est individuel, mais il y a des trucs généraux comme accueillir l’émotion, comme l’attention qui s’en va dans la tête, au lieu de rester avec le ressenti, c’est de l’éducation émotionnelle.

Q – Et voilà ! L’éducation émotionnelle, ça a l’air très important : de pouvoir reconnaître que déjà, on est sous une émotion, qu’on essaie de la refouler, on ne sait pas laquelle, ni à quoi elle correspond, etc.

B – Et tu sais quand on dit : « je ne me sens pas bien, j’ai un mal-être, je ne vais pas bien ! » : ce n’est pas une émotion, ça, c’est un état que tu ressens : c’est quoi l’émotion ? C’est ça la question quand je dis aux gens : « oui, mais c’est quoi, l’émotion ? » ils disent : « je ne me sens pas bien » : ce n’est pas une émotion! c’est un état interne. J’ai eu cette discussion avec une amie :

« C’est quoi ton émotion ? » –

« Je ne me sens pas bien ! » – 

« Non, non ! C’est quoi ton émotion ? » ben finalement, son émotion, c’est l’impuissance ! Souvent c’est l’impuissance, parce que dans l’enfance, on y goûte ! Tu le sais, tu es frappée ou tu es coincée, ou tu es seule, ou tu as peur en tant qu’enfant, tu es comme laissée à toi-même : tu es impuissante : c’est avec ça que tu restes en contact, juste le fait de le savoir ; de rester en contact, ça ne veut pas dire 3 heures à pleurer – mais ça peut être ça aussi ! Donc, reste en contact avec ça, c’est juste un petit truc comme une piqûre de mouche, c’est juste d’en être conscient un petit peu, c’est l’impuissance que tu as ressentie là; c’est de la nature d’une vieille émotion. L’abandon, le rejet…

Q – L’impuissance est reliée à la vulnérabilité ?

B – Totalement! Parce que si tu restes dans l’impuissance, tu vas couler vers la vulnérabilité. C’est ça. Et on en a peur de l’impuissance!

Q – Mais ce n’est pas tellement l’impuissance que le refus de l’impuissance qui nous pose problème ?

B – Oui, c’est le refus, la résistance, le fait de dire : « non, non, non ! » Christian Lamontagne qui venait d’écrire un livre sur la vulnérabilité où il disait : « la vulnérabilité ? Jamais ! » 3 semaines plus tard : cancer du cerveau, 12 tumeurs dans la tête !!…allô !! c’est qui le boss ?? Zut ! Tu ne veux pas parce que tu as peur de quoi ? Pourquoi ne pas rester impuissant ? Réponds ! C’est une question !! Qu’est-ce qui t’empêche de rester avec l’impuissance? Te dire qu’il n’y a absolument rien que tu peux faire ? Qu’il n’y a aucune situation pour améliorer ton sort ?

Q – euhhhh,…pffff… ben, je vais refuser ça, parce que je vais tout faire pour m’en sortir !Et je vais faire tout ce qui est possible, et ce n’est pas vrai que je suis impuissant, il y a toujours quelque chose à faire !! Il y a toujours une solution qui va arriver et je vais m’en sortir ! Et je vais finir par confondre le fait que ça passe, avec l’impression que c’est moi qui me suis sorti de là !

B – Et voilà, ça, c’est super ! C’est exactement ça ! Donc, tu ne restes pas impuissant, tu ne prends pas le risque de vivre sans filet et en le faisant, tu maintiens ton rêve d’individualité.

Q – Absolument, et je me souviens fort bien avoir fait ça une fois, il y a longtemps: d’avoir rencontré un espèce de gourou en alchimie et le gars m’est rentré dedans en disant : «  mais quoi ? Je ne te sens pas, là ! Tu n’as aucune émotion ! » et je lui ai dit « écoute, les émotions, là, j’en ai eu ma dose, je sais que je suis fragile là-dedans et il est hors de question que ça recommence ! Tu ne m’auras pas là-dessus !»

B – Ah oui ! Beaucoup de chercheurs spirituels vont dire ça aussi et j’imagine que tu te l’es retapé, que tu l’as eu en pleine face pareil ?

Q – Ben oui ! Et plus d’une fois !

Q3 – Est-ce que l’impuissance, ça ne pourrait pas être l’arbre qui cache la forêt ?

B – La porte de la vulnérabilité : le refus de l’impuissance ne te donne pas accès à la vulnérabilité. La vulnérabilité, ce n’est pas un état émotionnel, ce n’est pas être brisé, ce n’est pas laisser venir un danger et persister à rester stupidement là, non, ce n’est pas ça, la vulnérabilité. Quand tu passes de l’impuissance à la vulnérabilité, c’est déjà trop tard : le vent de la fraîcheur va te soulever pas mal.

Q3 – Selon les gens, l’impuissance peut cacher de la tristesse, de la colère ou de la peur, c’est-à-dire de vieilles émotions. Les émotions de base de l’enfant qui n’ont pas pu terminer leur route en fait.

B – Ben, tout le temps! Mais en fait, il n’y a que de la peur !

Q3 – Oui, qui se décline de plusieurs manières, mais c’est toujours la peur !

B – Oui, oui, tristesse, colère, abandon, rejet, trahison, toute cette gamme.

Q – La colère, c’est plutôt pour masquer quelque chose?

B – La colère, c’est une expression : c’est quoi la colère ?

Q – C’est de la résistance, c’est tout !

B – Totalement! Et c’est quoi, l’abandon ? Est-ce que ce n’est pas de la résistance à l’événement qui est arrivé ?

Q – L’abandon, c’est déjà une interprétation, non ?

B – Ta mère meurt !

Q – Ce n’est pas un abandon !

B – Tu peux le ressentir comme un abandon !

Q – Voilà !

B – Mais il faut que tu en reviennes parce qu’elle est morte pour vrai, là !

Q – Mais quitter n’est pas abandonner.

B – Non. Tout est question d’interprétation de l’événement!

Q – Oui : ma mère m’a abandonné, mon père m’a abandonné, ils m’ont tous abandonné : non !

B – Ils sont morts !

Q – Ils sont morts ! Mais qu’ils soient morts faits que je me retrouve tout seul en pension en train de chialer dans mon coin.

Q3 – Et tu te sens abandonné !

Q – Et j’interprète ça comme un abandon !

B – Et en fait, tu n’en es même pas mort !

Q – Non, et mieux que ça : en ce moment, j’ai une de mes sœurs qui retrace la vie de la famille grâce à de vieux papiers qu’on a retrouvé d’avant, pendant ou après la guerre et qui décrit les aventures et les caractères des parents… et je suis en train de me dire qu’heureusement je n’ai pas connu mes parents !! C’était des gens avec qui je n’aurais jamais pu m’entendre! (rires…), mais jamais !

B – Quand j’étais enfant, j’ai imaginé ma mère, et je l’ai imaginée comme ma meilleure, ma meilleure amie, et elle, elle me comprenait et elle était comme moi, en plus grande, et qu’est-ce qu’elle m’a manquée et tu sais l’histoire qu’on peut se raconter… et je parle avec ma sœur à un moment donné, qui s’est mise à me parler de ma mère – parce qu’elle, elle s’en souvenait – elle dit : « tu sais, notre mère était très très différente de ce qu’on est toi et moi, je ne me serai pas entendue avec elle : elle était plus comme notre sœur aînée au niveau du caractère et toi non plus, tu ne te serais vraiment pas entendue avec ! » (rire…). Si on m’avait dit ça il y a 15 ans, ça m’aurait détruite et, ou je l’aurai tuée ou j’aurai trouvé autre chose, mais ça m’aurait apparu d’une cruauté sans nom ! Et finalement, c’est ça la réalité : c’est qu’on se monte des histoires  ! On se monte des histoires sur n’importe quoi !

On fait ça pour ne pas dire la vérité : la mort, c’est terminé ! A la garderie, la grand-mère de David est morte. Et là, Emilio est revenu avec ça, il dit « la grand-mère de David, sa mamie est morte : elle est devenue une étoile ! » je lui ai dit « sa grand-mère, elle est juste morte, elle n’est pas devenue une étoile. ». Et on a commencé : il m’écoutait ! Je lui ai dit : « tu vois, les fleurs, elles meurent, les animaux aussi » tu sais, il avait vu un chevreuil qui s’est fait frapper (par une auto) l’autre fois et j’ai dit «  bon, ça, c’est la fin de ce chevreuil parce qu’il s’est fait frapper, donc il n’est plus là, il n’est plus en vie : c’est la même chose pour les êtres humains ! ». Pourquoi ne devrait-il pas le savoir à trois ans ? La grand-mère n’est pas devenue une putain d’étoile, ce n’est pas vrai !! Tout ça pour qu’il se monte des fantasmes dans sa tête !? Ben voyons ! Il est capable de gober ça ! Et c’est naturel, ce n’est pas un drame, ce n’est pas un choc existentiel de mourir! Et ça devrait être comme ça pour tout le monde : qu’est-ce qu’on se prend la tête avec ça !

Q – J’ai vu des photos sur internet de gens morts qu’on emmène chez le photographe et on leur fait prendre des poses ! C’est incroyable ! Tu crois qu’ils sont vivants! c’est monstrueux !

B – Ah ! C’est grotesque !

Q – Et il y en a une qui m’a frappée, celle d’un enfant de trois ou quatre ans, debout, tenu par les parents : l’enfant a l’air plus vivant que les parents ! Eux, ils sont effondrés, mais ils veulent se souvenir de cet enfant-là !

B – Pffff !…mais pourquoi on maquille un mort ? Pour qu’il ait l’air vivant ? C’est débile ! C’est débile : ce n’est même pas vrai que c’est si effrayant que quelqu’un meure !

Q2 – C’est pour le rendre supportable ! J’ai beaucoup fait ça (en tant qu’infirmière).

B – Là, il faudrait que ce truc s’arrête. Quelqu’un meure et là, il est devenu comme une bonne personne et là, on va le mettre dans un cercueil avec du satin, et on va le maquiller…

Q2 – Oui, pour qu’il ait l’air vivant et surtout l’air de ne pas avoir souffert !

B – Mais c’est facile de comprendre ça !

Q2 – C’est complètement paradoxal – bon, j’ai maquillé beaucoup de morts! – et la famille demande à ce qu’on maquille pour que la personne n’ait pas l’air d’avoir souffert alors que la religion catholique nous dit de vivre le purgatoire pour souffrir comme le Christ, c’est complètement paradoxal et fou !

Q – Mais, c’est pour fuir l’émotion ! L’émotion de la mort de la personne !

B – Quand Bernard est mort, il était à Paris, à la morgue et là MN est arrivée, LN est allé la chercher, et là, ils sont allés à la morgue ensemble pour voir Bernard, qui était fraîchement mort. Alors, ils sont arrivés et se sont assis aux côtés de Bernard, et là MN a dit : « j’ai senti qu’il n’était pas complètement parti, qu’il restait comme une petite partie de lui » et LN a pris la main de Bernard et a dit : «  Bernard, où que tu sois… » et en le disant, il a vu ma face : il a éclaté de rire et s’est dit, « quelle connerie ! Mais qu’est-ce qu’on est en train de faire ?!! Non, il ne reste pas une petite partie de Bernard qui est là, il est mort !! Ce n’est pas vrai, c’est toi qui n’es pas capable d’accueillir la mort, qui s’imagine qu’il y a une petite partie de Bernard qui va peut-être te protéger ?!» tt tt tt ça va aller ! Pourquoi l’être humain ne se tape-t-il pas la vérité en face ? Voyons, ce n’est pas dramatique.

Q2 – Il y a déjà des cas d’enfants qui ont été élevés avec des animaux, des loups : est-ce qu’on peut imaginer qu’un enfant élevé sans passer par l’éducation des humains puisse être juste avec ses émotions, un peu comme…

B – Nous sommes la totalité de l’humanité ! Qu’est-ce que tu es en train de me demander ? Nous sommes la totalité de l’humanité. Du début à la fin. Tu es en train de me demander si quelqu’un ne pourrait pas, lui, se sauver de quelque chose qui le rendrait unique et le garderait individuel.

On voyait dans le film « Hochelaga » que les Amérindiens avaient l’air d’être vraiment plus en contact avec l’Instant que les autres. Quand tu vois où ça en est rendu ! Mais ça, ce n’est qu’une partie de l’être humain.

Q – Et ce qui est vrai, c’est que ce que l’on a là sous les yeux, c’est la civilisation que nous avons…

B – Que nous sommes !

Q – Que nous sommes ?

B – Entièrement et totalement, Trump, la Corée du Nord, toi, on est la totalité de ça ! !

Q – Ça, c’est difficile, par contre ! Pour moi, c’est un gros dossier !

B – Oui. C’est un gros dossier, mais c’est vraiment… s’il y a une chose qui change avec le basculement, c’est cette conscience-là.

Q – Est-ce que notre esprit peut comprendre ça ?

B – Peut-être pas individuellement, peut-être que c’est au-delà de toi qu’il y ait une compréhension instantanée de ça. Mais pas individuellement : tu la places où ?

Q – Je n’en sais rien ! J’ai essayé de trouver des trucs en me disant que les atomes dont nous sommes formés sont quasi éternels et qu’ils se recombinent dans une nouvelle forme de vie, et que nous respirons l’air qu’a respiré Jacques Cartier..

B – Tu n’auras pas la conscience d’être individuel. Donc, à quoi bon partir dans une théorie puisque ta conscience d’être individuel – et c’est ça qui t’intéresse dans la vie – ne sera plus là ? Alors, qu’il arrive n’importe quoi avec tes foutus atomes, pffff, ça ne va pas te ramener.

Q2 – C’est encore un moyen de se rassurer !

B – C’est sûr, sûr, sûr.

Q2 – Essayer de comprendre qu’on est fait d’atomes et machin, mais il y a toujours cette identification à « on est fait de »…

B – À l’espoir qu’il restera une petite partie…

Q3 – Si tu veux qu’on discute des atomes, on peut le faire, mais je pense que ce n’est pas pertinent. Moi, j’aime parler de ça, tu le sais, j’aime la chimie, la physique, mais comme tu dis, c’est plus pour se rassurer.

Q – En même temps, UG dit que sa « calamité » était de nature hormonale !

Q3 – Sa « calamité » ?

Q – Il n’appelle pas ça le « basculement », il appelle ça la « calamité » qui est de nature hormonale et cellulaire.

Q3 – C’est ce qui l’a fait « basculer » ?

Q – En fait, il dit que lors du « basculement », il y a eu…

B – …une transformation

Q – Oui, une transformation quasiment physique et cellulaire.

Q3 – OK, mais pour moi, c’est complètement inutile : ça ne va rien faire si je n’accueille pas les émotions ! Si je ne suis pas là en train de dire « oui », quand bien même je saurais tout ça : qu’est-ce que ça va faire ?

Q2 – Une connaissance de plus !

Q3 – Mais oui, c’est intéressant : comme elle (Betty) avec ses Chakras, c’est intéressant! mais ce n’est pas ça qui va me..

B – Tu ne pourras pas individuellement transformer ta vie. Tu ne pourras pas décider de changer tes hormones ! Et ça, Krishnamurti avait vécu ça aussi, et avait pris la décision de ne pas en parler parce que les gens partaient avec le « truc magique » ! c’est comme les visions que j’ai, je n’en parle quasiment jamais, parce que tout le monde part là-dessus, comme si c’était un don !

Q – Et ça pose la question : qu’est-ce que c’est que l’« éveil » ? Est-ce que c’est un état ? Tout le monde se fait une idée !

B – Ça, c’est assez facile à répondre, parce que tout ce que tu crois de l’éveil est associé à ta vision personnelle ! Donc, ça ne vaut même pas la peine de mettre de l’énergie à le demander ! Et le vrai travail est de regarder les émotions, c’est de regarder le déplacement d’attention : de voir que l’attention s’en va s’associer avec la petite voix dans la tête, et que là, tu perpétues le rêve d’individualité. C’est tellement simple, qu’on dirait qu’il n’y a pas de matière intéressante à discuter ! (rire…) parce que ça te ramène toujours à un truc que tu peux faire toi-même, tout de suite. Et non pas emballer ton rêve. C’est pour ça que les « chercheurs » trouvent ça difficile.

Q – De la même manière en ce moment, il y a un gros mouvement autour des émotions positives et des émotions négatives qu’il faut pouvoir gommer pour être bien et heureux, « pensons positif !», etc.

B – C’est de la foutaise aiguë ! Si ça marchait, tout le monde le ferait ! Les émotions positives et négatives se balancent elles-mêmes : tu n’as rien à faire, tu n’as pas à t’en mêler non plus. Vraiment, c’est pour avoir le contrôle sur la vie, d’essayer de changer ça !

Q2 – Et c’est totalement individuel : ce que tu vas trouver positif, je vais peut-être le trouver négatif et ça tourne en rond.

B – Alors, la première chose à voir, c’est comment tu ne lâches pas prise sur le contrôle que tu crois avoir. Un coup que le lâcher-prise se fait – parce qu’à un moment donné, tu ne peux que constater que tu n’en as pas pour vrai, du contrôle. À partir de là…

Q – Il y a comme un espace qui se fait ?

B – Ah ben oui, tu es capable, parce que là tu te retrouves comme assis à l’intérieur de toi à regarder, que tu n’as rien d’autre à faire. Tu n’es plus là à faire le petit boss et à vouloir contrôler la vie. Et la seule place qui te reste, c’est de regarder ! Et c’est là que commence le vrai travail !

Q – Ce n’est pas toujours confortable !!

B – Surtout au début ! Parce qu’il y a de grosses émotions qui sont brûlantes et tu as l’impression de te retrouver en indigestion aiguë, et avec beaucoup de points de tension et beaucoup de mémoires émotionnelles, et d’impressions corporelles, et ça paraît difficile. Plus les émotions passent, plus c’est tranquille, plus tu es capable de te retrouver dans un espace plus calme, moins agité, tu vois plus : le processus s’installe sans toi. Il s’installe à ton rythme, il s’installe à ta façon. Alors, au début, si tu as eu l’impression d’une méthode, on s’en balance totalement. Quand le lâcher-prise est suffisamment fait, le processus s’installe de lui-même, et c’est lui qui prend le contrôle sur toi! Ce n’est pas toi !

Q – tu veux dire qu’il y a un propre processus qui se met en place, de regarder, de rester.. ?

B – Ça se fait tout seul. Oui, quand il a mis assez de bâtons dans les roues de la petite voix qui parle, on dirait que ce processus-là est installé ; plus il est installé, plus il est fort, plus il fonctionne, moins tu es là : tu ne sais plus trop si tu es là ou pas ! Tu ne sais plus trop si ça s’adresse à toi, ou si ça ne s’adresse pas à toi. Moi, j’en étais venue à ne même pas savoir : « c’est moi qui regarde? ou si c’est quelque chose d’autre qui regarde à travers moi ? Qui est la personne qui prétend regarder ? On dit que c’est une femme ? »  Je n’arrivais même plus à prendre contact avec celui qui regarde (rire…) Donc, quand le processus est installé, il te pousse en bas de la falaise : pas besoin de courir pour aller te lancer en avant… ce n’est pas ton rythme.. alors, ça ne peut pas être trop et ça ne peut pas être pas assez, le processus, ça ne te regarde plus quand il est installé.

Q – Juste rester et regarder.

B – Oui, et tu vas voir le personnage qui va vouloir te ramasser chaque fois, mais tu es pris et le processus va te réaligner et te réaligner et te remettre là.

Q – Et donc le lancement de ce processus, c’est de regarder l’émotion ?

B – On dirait que le processus ne peut pas se faire tant que tu es pris, tant que tu es emmuré. Tu sais, tu es comme ça (Betty met ses deux mains contre son visage, puis les éloigne progressivement) et tu ne sais pas ce qui t’arrive. Tant que tu ne donnes pas un peu cette distance-là. Et c’est ça que les gens ont de la difficulté à faire : c’est d’accueillir les émotions et de laisser une émotion …la première fois que tu laisses une émotion te traverser au complet, tu le sais après, que ça se peut ! Donc, c’est quoi? Tout le monde manque suffisamment d’audace pour faire ce truc ? Mais non ! Tout le monde est capable de faire ça ! Ce n’est pas vrai qu’il faut se faire accroire que c’est difficile. Non, non ! Ça se fait !

Q3 – Oui, mais c’est un peu comme « tu veux ou tu ne veux pas le faire ce processus? », tu sais, il y en a qui disent: « la seule volonté – admettons qu’il y a une volonté ! – c’est de vouloir le faire ! » tu veux te le taper, ou tu ne veux pas te le taper ? Tu te le tapes de côté, ou tu te le tapes de face? Jusqu’à quel point tu es prêt à te faire rentrer dedans? C’est un peu ça qui décide !

B – Oui, tu es toujours en train de te magasiner une façon d’être un petit peu mieux, ou si c’est l’exploration de soi.

Q3 – Oui, la vraie de vraie, là !

B – Oui, se lâcher sans filet pour aller se voir soi-même. Dans le fond, on essaie beaucoup de se cacher ou de se regarder en oblique, ou de côté… on a des conditions, c’est ça le mot : on a des conditions ! Oui, je veux me regarder, mais, je veux décider ce que je regarde et à quelle vitesse et quand et avec qui, et je ne veux pas perdre d’argent, et je veux que les gens continuent à m’aimer, et mes enfants, il faut que ça aille bien.

Q – Est-ce qu’il y a un prix à payer ?

B – Oui, est-ce que tu as des conditions ?… et on peut s’apercevoir qu’on en a, et on en a beaucoup : dix ans avant le basculement, déjà c’était là chez moi : « viens la vie, viens ! » et il y avait tout le temps : « ne touche pas aux enfants ; tu peux toucher à ma santé : j’en ai en masse ; tu peux toucher à telle chose, mais pas à celle-là ; mon mari ? Non : là ça fait la job ». C’était incroyable ! À un moment donné, je me suis vue en train de marchander avec la vie : « ça tu peux, ça tu ne peux pas ! » aïe …la nausée !

Q – Est-ce que ce n’est pas justement les conditions que l’on met qui sont nos propres problèmes ?

B – Notre insécurité ! Alors : qu’est-ce qui te sépare ? Quelles sont tes conditions ?

Q3 – As-tu des conditions ? Tu veux voir la vérité ou tu veux marchander avec la vie ?

Q – Quelles sont les conditions que tu ne veux pas lâcher.

B – Et quelles sont tes conditions parce qu’elles sont un peu le reflet de tes vieilles émotions. C’est toujours de l’insécurité, c’est toujours la peur de ne pas exister individuellement ! La peur, c’est ça.

Q3- La peur de ne pas être aimée…

B – La peur de ne pas être aimée, c’est la peur de ne pas exister individuellement.

Q3 – Oui, mais quand tu dis ça aux gens : « la peur de ne pas exister », c’est vague…

B – Est-ce que tu es prêt à ce qu’il ne reste rien de toi ?

Q – La peur que tes enfants te rejettent ? La peur de te retrouver en hôpital psychiatrique ? De perdre ton boulot ?

B – Moi, ma peur, c’était de me retrouver seule ! C’est pour ça que pour mon mari : non. Parce que je ne voulais pas être seule : j’ai trop eu peur ! Ma santé ? Je m’en foutais : prends-en un peu ! L’argent ? Tant qu’il en reste assez… j’en avais des conditions ! Mais pas être seule !! Et il est arrivé ce moment où ça a été : « hey ! Je donne toujours des options à la vie ! » ça c’était ma grande question, je disais à la vie : « ok ça, tu peux le prendre, mais ça, je ne te le donne pas ! »; je disais : « ok, ou je deviens folle, ou je meurs ! ». J’avais oublié l’intelligence de la vie qui allait s’exprimer à sa façon et non pas la mienne. Ce n’était qu’égocentrique, ce truc. Ce que moi je décidais… et le reste n’existait pas! J’étais complètement obnubilée par le rêve d’individualité. J’étais incapable de sortir de ça ! Aquarium ! Aquarium ! Et je tournais en rond, il n’y avait que ça.

Q2 – Il y a une question que je n’ai pas souvent entendu évoquée, c’est le miroir, il me semble que tu le faisais au début et maintenant un peu moins.

B – J’en parlais beaucoup au début et effectivement moins actuellement. Parce que pour moi, « on ne rêve que de soi », c’est la clé ! Se voir, c’est « on ne rêve que de soi ». Je pense que je n’ai jamais été capable de bien l’exprimer. Toi, tu t’en es beaucoup servi ?

Q3 – Oui, et je m’en sers encore, mais c’est dans ma tête, là, et je ne m’accapare pas ça comme un moyen de vivre mes émotions. Mais quand tu identifies une émotion, ce n’est pas comme une décision : ça vient tout seul ! Quand je fais « on ne rêve que de soi » c’est que ce n’est pas une décision.

B – Ça arrive spontanément, tu le sais ! Mais il faut faire attention de ne pas devenir fou avec ça « on ne rêve que de soi » ! Il y en a qui ont interprété ça et qui sont devenus très psychosés avec !

Q3 – Exactement ! moi, ce que je retiens comme priorité, présentement, c’est de dire : « oui ! » puis de se laisser traverser, cogner par les émotions.

B – Ah oui ! Ça, c’est majeur !

« On ne rêve que de soi », c’est quand une personne est devant toi, et que la personne fait monter une émotion : ne doute pas que tu es en face de quelque chose qui t’appartient. Ça peut être résumé juste comme ça. Ça peut arriver que l’émotion puisse se présenter d’une autre façon et que tu la vives autrement.

Q3 – « On ne rêve que de soi » m’a permis de me laisser traverser par les émotions parce que je ne me bataille plus avec ce qui est à l’extérieur, parce que j’étais convaincue que c’était toute moi, de toute façon. Donc, c’est comme…

B – Il n’y a jamais personne qui va t’agresser, c’est tout le temps un truc de miroir. Mais ça a été tellement récupéré de différentes façons que j’en suis venue à ne plus en parler.

Q3 – On peut en parler, mais ce n’est plus le message principal comme avant.

B – Mais ça demeure encore un truc qui chez moi, le mois avant le basculement, ce n’était que ça : tout ce que j’entendais, tout ce que je voyais, les visions que j’avais, les rêves que je faisais, tout était un miroir ! Mais c’est souvent dans le monde des relations le « on ne rêve que de soi »… ça n’avait pas été compris ce truc. Ça n’avait pas été bien compris parce que je n’arrivais pas à l’exprimer, non plus : c’est quand il y a une émotion que là tu regardes ! Ce n’est pas comme « ah le verre c’est moi ! » non, pfff !

Q3 – Mais c’est ce qui m’a permis de rester avec Jocelyn, aussi, parce ce que ce tu as devant toi, est précis, c’est exactement le reflet ! Et c’est pour ça que je suis restée là, ça t’appartient !

B – Ça t’appartient! Même si tu n’es pas capable de mettre le doigt dessus. Ça t’appartient quand même. C’est à toi : aie au moins l’humilité de le reconnaître ! Ça, ce qui m’apporte la violence, c’est la violence qui m’habite à l’intérieur. Mais pour moi, c’était devenu… – je traduisais tout le temps, tout le temps, tout le temps, et je tombais tout le temps pile-poil dessus. Facile !

Q3 – Mais quand on parle de dire oui, c’est la même chose, c’est ça dire qu’« on ne rêve que de soi », c’est dire que tout ce qui est là, l’événement parfait, c’est moi.

B – C’est ça! La résistance aux événements, c’est nier le « on ne rêve que de soi ». Exactement. Résister aux événements ou à la relation entre deux personnes qui nous affecte, c’est dire : « non ! Ce n’est pas moi, là ! »

Q – Et en même temps, c’est dire : « je veux autre chose que ça » ?

B – Là tu dis « non » et c’est toute la théorie de Daniel Morin où il dit : « la problématique, c’est qu’on ne veut pas ce qui est là ».

Q – Oui : il appelle ça :« demande d’impossibilité » et pourquoi on ne le veut pas ?

B – C’est à devenir fou ! Parce que le nombre de choses que tu ne veux pas dans une journée ! Si tu te mets à surveiller ça, tu vas devenir fou : « je ne veux pas me sentir comme ça, je ne veux pas être comme ça, je ne veux pas… je ne veux pas… » crois-moi que tu ne t’arrêteras pas !

Q3 – Ça revient à ce qu’on a disait tout à l’heure : la peur, la peur, la peur de ne pas exister. C’est ça, si tu creuses, tu ne t’en sors pas !

B – Oui, parce que le personnage dit « non ! » C’est ça, il dit : « non, non ! »

Q – J’aime bien ce qu’il dit ensuite de « laisser le futur libre ».

B – ttt ttt, ttt ! « le futur libre » ? Le futur, ce n’est pas de tes affaires !

Q – Ben voilà, c’est ce qu’il dit. Laisse-le libre et ne l’organise pas comme ça t’arrange !

B – Mais même là, ça sous-entend que tu aurais un choix de le laisser libre ! Ce n’est pas de tes affaires ! C’est au-delà de toi, ce qui va arriver dans trois secondes : tu peux mourir dans deux secondes !

****

Q – Betty, est-ce qu’il est possible…

B – Non !(rires…)

Q – OK, deuxième question : qui ..

B – Personne ! (rires…)

Q – Troisième question : est-il possible de se défaire de ses conditionnements ?

B – Il est possible de les voir, par le fait même, ça les affaiblit à chaque fois que tu les vois et ils finissent par ne plus être actifs.

Q – Mais, est-ce qu’il est possible de les voir ?

B – Ah ben oui !

Q – Mais s’ils sont inconscients ?

B – Non, non, c’est possible de les voir peut-être pas instantanément, mais c’est possible de voir que l’être humain est conditionné ! Ah ben oui ! À chaque émotion, il y a des conditionnements qui sont attachés : quand une émotion passe, elle draine avec elle de nombreux conditionnements et tu peux en être conscient. Conditionné à penser de telle façon à cause d’un événement. Le plus grand conditionnement de l’être humain, c’est qu’il s’imagine que mentalement, il est capable de résoudre le monde ! Ça, c’est un grand conditionnement !

Q – Oui, et avant de le voir, celui-là !!… La plupart des conditionnements sont inconscients, non ?

B – Oui, mais tu peux les amener à la conscience ! L’indice, c’est quand l’émotion arrive. L’émotion est toujours reliée à de vieux conditionnements, ça, c’est sûr, sûr, sûr ! Des conditionnements ! Des habitudes ! Des croyances ! Regarde comment ta croyance religieuse bouge : tu es en colère noire. Pourquoi ? Ben, parce qu’il y a une émotion qui s’est dégagée et qui te parfume actuellement, et qui est associée avec ça. Ne t’inquiète pas que tu sois en train de le voir ton conditionnement !

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Q – Qui traduit les perceptions du corps ?

B – Ben, c’est le personnage ! Sinon, quand le corps a des perceptions – comme dans cet état – il n’y a personne pour les traduire ! Alors, c’est tout le temps du cru, du brut de décoffrage.

Q – Alors, c’est vraiment ça la différence qu’on peut faire avec la fin du rêve d’individualité, c’est que la perception est directe et il n’y a plus d’interprétation ?!

B – Ah oui, oui, l’exemple que je vais te donner : je me lève le matin, je m’assois, je regarde la neige pendant deux heures; Jean arrive et il dit : « il neige, hein ! » ça ne m’était pas venu avant ! Et pourtant, ça faisait deux heures que j’étais devant ! « ah il neige, hein! il a ben dû tomber quinze centimètres ! Et la neige a l’air poudreuse !» Jean passe son temps à décrire ce qu’il voit ! Tout le temps! Une fois, je lui ai demandé : «  pourquoi décris-tu toujours ce que tu vois? »: « oh, il y a une belle maison, là ! », « Veux-tu être sûr que tu la vois pour vrai ? » après ça, je me suis aperçue que tout le monde faisait ça ! Il décrit, tandis que moi, je regarde, mais ne décris pas ! (rire…) excepté quand je fais un poème ou un truc comme ça.

Q2 – C’est intéressant, c’est quelque chose qui est là : on vient toujours commenter, on décrit et on commente et on porte une référence.

B – Oui, c’est ça ! « ah ben ce verre-là, j’en avais un quand j’étais petite chez ma grand-mère, il y en avait en 1981 et là, mon frère est arrivé… etc.»  oh aïe aïe !

Q – Où est la frontière entre : je vois cette forme-là et c’est un arbre !

B – Je n’ai pas besoin de savoir qu’il neige! Il n’y a pas une énergie qui est en train de dire : « oui, mais, c’est quoi, là? Comment est le temps ? Il va neiger ? » Je pourrais te dire qu’il y a une contemplation simple, sans interprétation. Qui interprète ? C’est le personnage.

****

Q3 – Est-ce que la personne qui se trouve dans l’état naturel éprouve de la compassion ?

B – Alors, madame, pourriez-vous me donner la définition du mot compassion ?

Q – Étymologiquement, c’est « souffrir avec »

B – Ah c’est « souffrir avec » ? Alors je peux te dire que le contact avec le Vivant m’apporte quelque chose d’au-delà de « souffrir avec » : être avec.

Q3 – Alors que penses-tu de la compassion, de « souffrir avec » ?

B – C’est émotionnel et ça apporte quelque chose ou ça donne quelque chose ! La compassion, c’est émotionnel et ça sent les p’tites culottes du Dalaï-Lama !! (Rires…Ahhhhh)

Q2 – Si tu n’as pas de compassion, ça veut dire que tu n’as pas d’amour : c’est vraiment le cliché !

Q3 – Mais c’est émotionnel ! Quand tu dis ça, c’est matière à développement : une personne hors du rêve ressent une émotion et fait le mouvement naturel ; quand tu dis « émotionnel », c’est flou : c’est le mental réactif ?

B – Ce sont les vieilles émotions ! Émotionnel comme de la guimauve qui colle au fond d’une casserole. tu sais :(ton pleurnichard) « oh, je t’aime, je ressens de l’amour pour toi »… ce style !

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1 C’était le domicile de Betty dans les Laurentides, au milieu des bois.