N’ayant aucun titre pour vous écrire, n’étant l’apôtre de personne, ni le propagateur d’aucune religion; n’ayant pas de notoriété, n’ayant pas joué de rôle historique ni même contribué à l’actualité de la presse; n’appartenant ni à la Synagogue, ni à l’Eglise, ni à la Mosquée : c’est ce rien même qui me pousse à vous écrire publiquement. Parvenu à l’âge de la vieillesse, je vois que ceux des générations nées au siècle dernier sont morts. Les plus heureux sont morts de mort naturelle. Nombreux sont ceux qui furent tués jeunes par des guerres, des révolutions, la misère, la faim. D’autres protègent leurs existences par l’exercice du pouvoir politique, religieux, industriel, commercial. Et je vois que les meilleurs d’entre-eux sont morts à eux-mêmes par lassitude et parce que ayant été des acteurs héroïques à certaines époques ils ne peuvent pas se consoler d’être redevenus des gens quelconques, dans un monde qui n’a pas besoin d’eux.