(Revue Panharmonie. No 201. Janvier 1985)
ENSEIGNEMENT DONNE A L’ECOLE NORMALE DE YOGA Roscoff – Juillet 1983
La dernière fois nous avons parlé des trois corps, le corps physique, qui est le corps le plus grossier, le plus dense, Sthula Sharira, fait de l’Annamaya Kosha, la gaine de la nourriture. Et maintenant nous parlerons du corps subtil, Shushma Sharira, et du troisième corps, du corps causal, Karana Sharira.
Commençons par l’étude du Sushma Sharira, du corps subtil. Il est constitué de plusieurs enveloppes : la première, la gaine vitale, Samamaya Kosha, la deuxième enveloppe ou gaine, Manomaya Kosha et la troisième enveloppe, Vignamaya Kosha. En fait toutes ces enveloppes représentent des états de conscience, la plus dense étant Annamaya Kosha dont nous avons parlé la dernière fois, la gaine de la nourriture. Puis en ordre décroissant de densité nous avons en allant à plus de subtilité, Samamaya Kosha, Manomaya Kosha et Vignamaya Kosha.
Durant le processus de la Création ils naissent des forces subtiles appelées les éléments subtils qui se nomment en sanscrit Tanmatras. Le premier de ces éléments subtils qui apparaît dans le processus de la Création, c’est l’Akasha Tanmatra, l’élément subtil de l’espace et de l’éther. A partir d’Akasha il y a le Tanmatra de l’Air, ensuite celui du Feu, puis celui de l’Eau et celui de la Terre.
Je vous rappelle que tout dans cet Univers est rempli des trois éléments, ces trois forces de la nature qui sont : Tamas, Rajas et Sattva. Donc tous ces éléments subtils contiennent également ces trois forces nommées les trois Gunas.
Ce que nous appelons Tanmatras ne deviennent pas des éléments concrets, matériels, ils demeurent à l’état de forces qui sont à l’origine de la Création. En effet, le mot « élément » peut prêter à confusion, en sanscrit on ne parle pas d’éléments, on dit simplement Tanmatras.
Les trois Koshas sont issus des Tanmatras. Par contre, la première enveloppe, celle de la nourriture qui est le corps physique, provient de la combinaison de ces éléments, selon le processus de quintuple mixtion. C’est-à-dire que chaque élément contient une moitié de sa propre essence et cette moitié se combine avec un huitième des autres éléments. Par exemple, si l’on prend l’élément de l’éther, cet élément garde pour moitié l’éther, puis prend un huitième de l’élément Air, un huitième de l’élément Feu, un huitième de l’élément Eau et un huitième de l’élément Terre. Et ce sont ces combinaisons des Tanmatras qui donnent les éléments les plus denses. Donc le corps physique est fait de cette combinaison de Tanmatras, c’est-à-dire d’éléments grossiers. Tout le corps physique et tout ce que vous voyez de matériel dans l’Univers, tout ce qui peut être perçu par les sens, tout cela est composé de ces éléments grossiers.
De la même façon les quatorze plans de conscience, il y en a quatorze, sept qui sont plus grossiers que la Terre et il y en a six qui sont plus subtils. On les appelle Locas et tous ces Locas sont également constitués par les éléments grossiers.
Si tout ceci n’est pas clair pour vous dites le moi.
Question : Comment des plans de conscience peuvent-ils être plus grossiers que la Terre ?
Mataji : Ce sont des plans sur lesquels il y a des créatures, des élémentaux et d’autres éléments encore qui vivent dans des plans de conscience encore plus grossiers que le nôtre. Ils ont tous des noms différents, mais en français on les nomme des « élémentaux ». Les plans subtils sont appelés les « Cieux », le « Paradis », etc… avec des différents degrés de subtilité.
Avez-vous compris ce que sont les éléments subtils et les éléments grossiers ? Parce que, en réalité, c’est cela qui fait la différence entre Sukshma Sharira, le corps subtil et Sthula Sharira, le corps physique. L’un est constitué d’éléments grossiers et l’autre de Tanmatras.
Question : Quand, dans la méditation on change de plans de conscience, entre-t-on dans d’autres Locas ?
Mataji : Oui, la conscience alors a atteint ce niveau là. Le corps physique reste tranquille et la conscience s’élève. Lorsqu’on atteint un plan de conscience plus élevé, on peut voir ce qui se passe à ce niveau là.
Ce que je voudrais vous faire comprendre bien clairement, c’est que ce qu’on appelle éléments subtils, ceux qui constituent les Tanmatras, restent des forces et non pas des éléments physiques. On dit que les éléments grossiers qui constituent le corps physique sont des formes. C’est pourquoi le corps physique a une forme et tout ce qui a une forme, tout ce qui peut être vu, senti, touché, goûté, qui peut être perçu par les sens, est composé de ces éléments grossiers. Car même l’odeur est quelque chose de concret puisque ce sont des particules infimes qui pénètrent dans le nez.
Le Pranayama Kosha contient les cinq Pranas. Il y a 72.000 Pranas, mais on n’en considère que cinq, les plus importants : Prana, Apâna, Uddiyana, Vyana et Samana. Et bien qu’on l’appelle Pranamaya Kosha, c’est dans cette enveloppe que se trouve les Karmaindriyas.
Je vous ai parlé des éléments subtils et des éléments grossiers pour vous faire comprendre la différence entre les Indriyas et les sens grossiers. Lorsqu’on parle de Karmaindriyas, on parle des organes subtils d’action, la voix, la parole, les pieds (locomotion), les mains (préhension), les organes de reproduction et les organes d’excrétion. Ces organes subtils correspondent aux organes physiques que l’on peut voir, mais ce sont les organes subtils. C’est pourquoi en rêve, alors que le corps physique est complètement inerte, nous pouvons faire toutes sortes de choses, courir, prendre des objets dans nos mains, parler, crier, attraper les gens, etc… Ce sont les organes subtils d’action qui fonctionnent dans le rêve. Tandis que les organes physiques ne fonctionnent pas du tout, tels un corps mort. Dans un rêve nous pouvons courir très vite, nous pouvons donner un coup de pied, pousser quelqu’un, faire n’importe quoi.
Ainsi le Pranamaya Kosha, la gaine vitale, est constituée par les cinq Pranas principaux et par les cinq organes subtils d’action.
Manomaya Kosha, la gaine mentale, est constituée par les cinq organes subtils de connaissance et non plus d’action. C’est-à-dire les yeux, les oreilles, l’odorat, le toucher, le goût. Ces organes subtils de connaissance, Jnana Indriyas, sont nos cinq organes habituels des sens, mais subtils.
Et, en plus de ces cinq organes de connaissance, Manomaya Kosha contient Manas et Chitta, dont nous avons parlé la dernière fois. Manas, c’est-à-dire l’aspect du mental qui reçoit les informations, et Chitta, dont nous avons dit que c’était en général le subconscient et l’inconscient, mais qu’en fait, c’était tout le tissu mental. C’est cela le Manomaya Kosha.
Nous arrivons maintenant au Vignamaya Kosha qui contient aussi les cinq Indriyas de connaissance, les sens subtils de connaissance, plus Buddhi, c’est-à-dire l’intellect et Ahamkara, c’est-à-dire l’ego. Buddhi et Ahamkara, l’intellect et l’ego, groupés ensemble comme le sont de la même façon Manas et Chitta qui vont aussi de pair.
C’est pourquoi nous avons dix-sept catégories qui sont dans le corps subtil : 5 Pranas, 5 organes d’action subtils, 5 organes de connaissance subtils et la paire Manas-Chitta et Ahamkara-Buddhi qui fonctionnent ensemble.
C’est donc tout cela qui agit pendant la période du rêve. Vous comprenez pourquoi, pendant les rêves, nous sommes capables de comprendre des choses, de discuter, de respirer, de commettre toutes les actions possibles, bien que le corps physique ne fonctionne pas, c’est-à-dire nos organes des sens physiques.
La fonction du corps subtil est donc celle du rêve. Avant de passer au Karana Sharira, au corps causal qui est constitué d’une seule gaine, l’Anandamaya Kosha, avez-vous des questions à poser ?
Question : Pourquoi est-il nécessaire de rêver ?
Mataji : Au point de vue physiologique si vous êtes parfaitement conscient de tout, il n’y a pas d’impressions subconscientes qui se forment. Si vous n’avez pas tout le temps conscience de vos pensées, tout s’imprègne dans le subconscient. Si vous ignorez complètement la méditation ces impressions s’accumulent et il faut bien que certaines d’entre-elles s’épuisent. Et elles s’épuisent en se dynamisant dans le rêve.
En effet, pendant la journée c’est la partie consciente qui est active tout le temps et vous ne donnez alors aucune occasion aux impressions subconscientes de s’exprimer. Dans l’état de rêve la fonction consciente du mental ne fonctionne pas, c’est le subconscient qui est stimulé et qui produit les rêves. On n’a pas de contrôle conscient sur les pensées qui viennent en rêvant.
Imaginez que vous avez vu un homme avec un col blanc, une cravate et un veston qui veut vous attaquer. Cela a produit une impression sur votre mental et, en même temps, vous avez vu un éléphant qui a aussi produit une forte impression sur vous. Peut-être, dans votre rêve, verrez-vous un éléphant avec une tête d’homme, un col blanc, une cravate et un veston, parce qu’il n’y a aucun contrôle, c’est une action automatique. Il peut donc y avoir tout un tas de combinaisons. C’est pourquoi quelque fois on a des rêves complètement absurdes.
Question : Qu’est-ce que cela signifie lorsque vous vous réveillez et que vous êtes conscient de votre rêve ?
Mataji : Oui, on peut s’en souvenir. On se remémore les sensations. Les rêves sont dus aux impressions subconscientes et notre but est d’effacer ces impressions, afin de prendre conscience de l’Absolu. Et c’est dans le rêve que s’effacent ces impressions subconscientes. Si vous essayez de les remémorer, si vous voulez les noter tous les matins, si vous faites un effort pour vous en souvenir — je sais qu’il y a une école de pensée qui cherche à se souvenir de ses rêves et de les interpréter. Mais je pense qu’il y a là un danger. Cela peut être utile au point de vue psychologique, mais pas du point de vue spirituel. De même il est très mauvais de refouler un sentiment, car s’il y a refoulement, cela peut donner des complexes. Or dans la vie courante nous ne pouvons pas donner libre cours à toutes nos émotions, la société, bien sûr, s’y opposerait. Il y a des lois dans différents pays et on peut craindre des critiques. Dans la société actuelle nous sommes obligés de refouler un grand nombre d’émotions ou d’impulsions, il faut donc qu’il y ait un exutoire et cela, c’est évident, se produit dans le rêve. C’est grâce aux rêves que les effets néfastes du refoulement sont éliminés.
Cela est naturellement valable pour les gens qui ne peuvent pas méditer, qui ne vivent pas une vie spirituelle, qui ne prennent pas régulièrement conscience de leurs impressions subconscientes. C’est alors dans le rêve qu’ils les éliminent.
Au début de la méditation il y a beaucoup de pensées qui surgissent. Si on les laisse se manifester sans prendre partie, sans juger, de nombreuses impressions subconscientes s’épuisent. Dans la psychologie occidentale on ne tient pas compte de la méditation et c’est pourquoi on demande de se souvenir des rêves et de les analyser.
Question : Qu’est-ce que cela veut dire quand on a des rêves qui se répètent ?
Mataji : Cela veut dire que les impressions sont très très fortes. Et si vous vous souvenez chaque fois de vos rêves vous les placez dans votre subconscient.
Je viens de vous donner le point de vue psychologique, à présent, je vais vous donner le point de vue spirituel. Pourquoi faut-il qu’il y ait des rêves ?
Question : Que pensez-vous de Sigmund Freud ?
Mataji : D’un certain point de vue c’est très bien pour certaines personnes. Mais il ne va pas aux véritables racines.
Question : Que doit faire quelqu’un qui veut vivre une vie spirituelle mais qui a certaines émotions, certains désirs, doit-il les refouler ou non ?
Mataji : Il faut alors réfléchir profondément. La première question à se poser est : pourquoi surgit cette émotion et pour qui ? La réponse est : pour moi. Or qui êtes-vous ? Pensez à l’état de sommeil profond. Quoique vous ayez éprouvé ces émotions pendant la journée, pendant votre sommeil profond il n’en reste rien. Néanmoins elles ont existé. Donc il y a quelque chose qui existe sans cesse et qui ne connaît pas ces émotions, c’est quelque chose qui vient, qui disparaît, qui revient et éprouve ces émotions. Cela c’est le mental. Vous pouvez éprouver une émotion aujourd’hui et dans quelques mois ne plus y penser du tout et même la désavouer totalement. C’est donc le mental qui suscite ces émotions, le véritable vous ne les a pas et le mental non plus n’en a pas. Ce sont des phases éphémères, temporaires, qui peuvent vous faire beaucoup de mal. Car pendant les périodes où ces émotions sont vives elles peuvent vous faire commettre des erreurs, parce que le pouvoir de discrimination à ces moments là, est à son minimum.
En y réfléchissant de plus en plus souvent on peut diminuer les effets de l’émotion. Néanmoins, dans une certaine mesure on est bien obligé de céder à ces émotions car, en effet, le refoulement n’est pas bon. C’est par cette compréhension que un jour vos émotions vous abandonneront.
Le rêve est la seule chose qui puisse expliquer le point de vue du Védanta, car on ne peut pas accepter quoique ce soit qui ne satisfasse pas en une certaine mesure votre intelligence et votre raison. Selon le Védanta il n’y a ni création, ni dissolution, tout cela n’est qu’illusion. Illusion veut dire que les aspects extérieurs que l’on croit être la Création, ne sont qu’illusion. Ce n’est pas comme la corne d’une vache, une vache n’a pas de corne. Donc si l’on parle de la corne d’une vache c’est sans fondement. C’est dans les Écritures, dans le récit de la femme stérile. Tout ce que nous considérons comme irréel contient du réel, un peu de réel en soi. C’est pourquoi on dit que Maya ne peut pas être considérée comme réelle ou irréelle, parce qu’il y a de la réalité dans l’irréel. En effet, rien dans l’Univers ne peut exister par lui-même s’il n’a pas le Réel comme substratum. Car ce qu’on appelle Réel, c’est ce qui ne change jamais, ce qui ne cesse jamais d’exister, qui n’a ni commencement, ni fin. C’est cela que l’on considère comme réel et tout ce qui a un commencement et une fin et qui est soumis au changement, qui donc périra un jour ou l’autre, est considéré comme étant irréel. Tout dans l’univers est une combinaison de Réel et d’irréel, ce qui n’est pas soumis au changement, mais aussi, en même temps, ce qui est soumis au changement, c’est-à-dire qui périra un jour. Tant que vous n’aurez pas pris conscience de l’Absolu, ne serait-ce qu’un court moment, vous considérerez forcément les aspects de la manifestation irréelle comme étant réels.
Je vais vous dire pourquoi je dis cela : Un homme avait lu la doctrine du Védanta. Un jour il va au restaurant, le caissier n’étant pas là il s’empare de toute la caisse. Lorsqu’il est arrêté il dit : « Nous sommes tous un, le mental, les aspects extérieurs sont irréels, ils n’existent donc pas. Ainsi tout appartient à tous et l’argent que je prends m’appartient à moi aussi ». Il a expliqué la même chose à la police qui l’a attaché à un poteau et qui l’a battu. Alors il s’est mis à crier et à hurler. Mais les policiers lui ont dit : « La Réalité, ce n’est pas la douleur que vous éprouvez, alors pourquoi criez-vous ? ».
Il ne faut pas évidemment qu’il y ait ce genre de malentendu ! Cela veut dire qu’il ne faut pas faire des choses irraisonnables sous prétexte que la Création est une illusion.
Selon le Védanta, toute la Création est une surimposition sur l’Absolu. Que veut dire « surimposition » ? Vous allez vous promener au crépuscule et vous voyez quelque chose sur votre chemin, replié en boucle et vous pensez que c’est un serpent. Pris de peur vous sautez en arrière, craignant d’avancer. A ce moment arrive un autre homme portant une torche il éclaire l’objet et dit : « Ce n’est pas un serpent, c’est une corde ». Lorsque le premier promeneur était convaincu que c’était un serpent, la corde pour autant n’est jamais devenue un serpent, elle est restée corde, la corde est restée corde tout le temps. C’est le manque de lumière qui a fait croire au premier homme que c’était un serpent. Ainsi, bien que tout l’Univers soit une surimpression sur l’Absolu, tant que la lumière de l’illumination ne s’est pas manifestée, dans notre ignorance nous prenons tout cela comme étant réel et nous en éprouvons toutes les émotions.
Comment est-il possible d’expliquer tout cela ? Par le rêve :
Vous allez vous coucher seul dans une chambre et vous créez vous-même dans vos rêves un grand nombre de gens. Et toujours dans votre rêve, vous et vos amis allez dans une agence de voyages acheter un billet. Vous vous rendez à l’aéroport, vous montez dans l’avion, vous arrivez à Delhi, vous prenez un taxi pour aller dans les Himalayas et vous faites un pique-nique dans la montagne. Tout cela est possible, bien sûr. Pendant que vous profitez de votre bon temps, que vous mangez, chantez, etc…, un tigre saute au milieu de votre pique-nique. Tout le monde a peur et tous s’enfuient dans des directions différentes et c’est tout tremblant que vous vous réveillez soudain. Il vous faut quelques secondes pour vous rendre compte si vous êtes encore dans les Himalayas ou si vous êtes dans votre chambre !
Qu’est-ce qui s’est passé pendant le rêve ? Vous êtes seul et vous n’avez que ce qu’on appelle « le mental individuel ». C’est ce mental individuel qui a été capable d’élaborer tout ce que vous avez vécu en rêve. Ce n’est donc pas très difficile, en partant de là, de vous imaginer le « Mental Cosmique » créant tout ce que nous voyons dans cette Création, dans l’Univers. En effet, nous ne sommes même pas comme la moindre particule de poussière comparée à cette force, ce Pouvoir Cosmique. L’objection qui peut être faite, c’est que dans le rêve on est seul et que si on dormait dans un dortoir tous ceux à côté de vous n’auraient pas eu le même rêve, n’auraient pas vu la même chose. Mais lorsque vous êtes plongé dans le rêve, vous n’êtes pas seul à avoir vu le tigre, tous ceux qui étaient autour de vous dans votre rêve l’ont vu aussi, ont eu peur, ont crié, tous ceux qui figuraient dans votre rêve ont vu la même chose. Et ce n’est que quand vous vous réveillez que vous vous dites « j’étais tout seul ! » Mais tant que vous êtes dans l’état de rêve, tout est réel.
Selon le Védanta tout ce qui vous apparaît dans la Création, l’Univers manifesté, est un rêve, une surimposition sur la Conscience Absolue. Et on se réveille de ce rêve lorsqu’on a atteint l’état supra-conscient. Dans la méditation on peut se réveiller de ce rêve lorsqu’on atteint samadhi, c’est-à-dire l’état supraconscient. Lorsque vous avez atteint ce niveau, vous pourrez apprécier la véritable valeur de ce que vous voyez. Ce n’est donc que l’expérience du rêve qui peut nous donner une vague idée de ce qui peut être la réalité de la Réalité et que la Création n’est qu’une illusion.
Question : Lorsque plusieurs personnes ont le même rêve pendant la même nuit, ce rêve provient-il d’un plan de conscience supérieur ?
Mataji : C’est très rare que le même rêve se produise dans la même nuit pour plusieurs personnes. Si c’est exactement le même il est possible que cela provienne d’un plan de conscience supérieur. Cela peut être un rêve prémonitoire qui a été inspiré à plusieurs personnes.
Question : Quelle est la véritable durée d’un rêve ?
Mataji : Cela varie, cela dépend de l’état mental, du fait d’être agité ou calme. Il y a des gens qui peuvent avoir davantage de sommeil profond et moins de rêves et d’autres plus de rêves et moins de sommeil profond.
Question : Quelqu’un m’a dit que si on rêve qu’on descend les Champs Élysées, par exemple, le rêve a la même durée que le temps passé à faire ce trajet ?
Mataji : Jamais de la vie ! En cinq minutes vous pouvez en rêve faire le tour du monde et en revenir. Le temps varie selon les différents états de conscience et vous pouvez dormir cinq heures et, en vous réveillant, croire que vous avez dormi cinq minutes. Et si on ne dort pas, cinq minutes peuvent sembler être cinq heures, cela dépend de l’état de votre mental.
Une autre objection que l’on fait est que si on se nourrit pendant un rêve, la faim n’est pas rassasiée. Si dans votre rêve vous avez faim et que vous mangiez, vous seriez rassasié dans votre rêve, mais lorsque vous vous réveillez vous pouvez avoir faim. Cela peut paraître curieux, mais quand on y réfléchit, on s’aperçoit que ce n’est pas si étrange.
Tout cela ne peut être appréhendé par notre intellect et si je vous en parle c’est pour vous donner une motivation, pour vous pousser un peu à faire votre sadhana, vos pratiques spirituelles. On ne peut vraiment comprendre ces choses que lorsqu’on connaît le samadhi.
Et maintenant nous en arrivons au troisième corps, le corps causal, Karana Sharira, qui est composé d’une seule gaine, Anandamaya Kosha, c’est-à-dire la gaine, l’enveloppe de la félicité qui représente un autre état de conscience, très proche de l’Absolu. Mais l’Absolu est caché, parce que les trois énergies (Gunas) commencent à opérer à ce niveau là. C’est-à-dire que les vibrations de ces trois énergies vous empêchent d’être conscient de l’Absolu. Dès que ces vibrations commencent elles occultent la Réalité, l’Absolu et ces énergies se combinent en des formes diverses qui se projettent dans l’Univers. C’est la forme originelle de Maya. Le nom de Maya est donné à la forme originelle et cosmique mais quand on en arrive au niveau intellectuel, dont nous sommes en train de parler, puisque nous parlons du corps causal, on ne l’appelle plus Maya, mais Avidya, c’est-à-dire la nescience, l’ignorance. Si bien que si on parle d’ignorance, il ne s’agit pas de l’ignorance telle que nous la concevons dans notre vie habituelle quand on dit : « j’ai fait cela par ignorance », mais ici Avidya veut dire ignorance de la Réalité. Et ce que vous appelez « le péché originel », c’est cela, cette Avidya. Car tout le reste découle d’elle. Dès l’instant où vous n’avez plus conscience de l’Absolu, vous avez l’impression d’être séparé de tout le reste de l’Univers. Et c’est ce sentiment d’être séparé qui est la cause de l’ego, de l’égoïsme et toutes les erreurs sont dues à cela, à ce malentendu.
Pourquoi cette gaine l’appelons-nous tout de même Anandamaya Kosha, la gaine de la félicité, bien qu’elle soit celle de l’ignorance ? Parce que c’est l’état de conscience le plus proche de l’Absolu et par conséquent la félicité de l’Absolu se reflète dans notre conscience. Dans l’état de sommeil profond nous sommes à ce niveau de conscience, c’est-à-dire que nous sommes dans notre enveloppe de félicité. C’est la raison pour laquelle nous sommes si paisibles, si sereins dans l’état de sommeil profond. Et, dans ce processus que l’on appelle « la mort », le corps causal et le corps subtil ensemble se séparent du corps grossier, physique. Si vous revoyez tout ce qui est inclus dans le corps subtil et dans le corps causal, vous vous apercevrez qu’en fait c’est tout l’être et que ce n’est que la gaine du corps physique qui est abandonnée, donc on ne meurt pas, mais c’est simplement le corps physique qui est rejeté comme un vêtement usé, et tout le reste demeure, les cinq Pranas, les cinq sens d’action, les cinq sens de connaissance, Manas et Chitta, Ahamkara et Buddhi, tout l’ensemble demeure après la mort physique. Nous ne pouvons plus rien faire puisqu’il n’y a plus de corps physique, ni les cinq organes des sens grossiers, mais nous pouvons tout faire mentalement. C’est pourquoi c’est une aberration de se suicider, car on ne fait que rejeter son vêtement, son corps physique, on emporte avec soi tout ce qui infligeait la douleur et on continue à souffrir, davantage peut-être encore.
Question : Si vous souffrez physiquement, cela disparaîtra-t-il avec le corps physique ?
Mataji : Par quoi fait-on l’expérience de la douleur physique ? La cause qui a créé la douleur est toujours là, c’est la Prarabdha Karma qui se manifestait comme douleur physique à travers le corps et cette douleur était expérimenté par le mental. Tant que le Prarabdha Karma est là vous souffrirez mentalement, bien qu’il n’y ait pas de douleurs, ni de corps physique.
Question : Pierre Brossolette, pendant la guerre était dans la résistance. Ayant été arrêté par les Allemands et pour ne pas divulguer les choses secrètes de la résistance sous la torture, il se jeta par la fenêtre. Quelles seront les conséquences de cet acte ?
Réponse : Là évidemment la motivation est tout-à-fait différente. Il a de ce fait rendu grand service à son pays. Mais pour lui-même ce n’était pas bon. Ce n’est pas de cela que je parle. Prarabdha Karma c’est le Karma qui est responsable de la naissance du corps physique pour une vie donnée. Cela continuera. Mais le bien qu’il a fait aura des réactions bénéfiques dans sa vie suivante, ce sera du bon Karma dans sa prochaine vie. Donc se jeter par la fenêtre pour se suicider demeure une action mauvaise en dépit de tout, tandis que le bon Karma recueilli par le fait qu’il s’est sacrifié, atténuera le mauvais Karma dû au suicide. Cela créera un « Karma mixte ».
Question : Jésus-Christ, malgré son bon Karma a dû souffrir jusqu’au bout, sans essayer de l’atténuer.
Mataji : Si vous considérez le Christ comme une incarnation du Divin, il n’a pas de Karma.
Question : Que pense Mataji des bonzes qui se suicident en se faisant brûler vif ?
Mataji : La tradition védantique n’est pas d’accord avec cela. Par rapport à la philosophie indienne on n’a pas le droit de détruire la vie quelle qu’en soit la motivation. Dans la philosophie indienne, les gens qui sont très avancés spirituellement, lorsque par exemple ils sont très âgés et qu’ils ont une incapacité physique, peut-être même mentale, de progresser encore dans leur sadhana, on accepte qu’ils jeûnent jusqu’à ce que mort s’en suive.
Question : Que pense Mataji des grèves de la faim ?
Mataji : Nous ne l’acceptons que si c’est pour une motivation spirituelle. Gandhi a jeûné sans motivation égoïste du tout. Il aurait pu se suicider, mais cela n’est pas autorisé dans la tradition indienne.
Question : Les disciples de Gandhi, lorsqu’ils sont allés au-devant des barrages de la police, ont délibérément risqué la mort.
Mataji : Leur motivation était très élevée, ils ne se sont pas battus ils ont fait ce qu’ils pensaient être juste et ce faisant, ils pouvaient être tués par leurs adversaires armés, tandis qu’eux ne l’étaient pas.
Question : Que penser de ceux qui se battent sans motivation égoïste pour leur pays, pour leur foi, pour leur race ?
Mataji : La frontière est très subtile. Il peut y avoir une nuance de satisfaction personnelle du fait qu’on est alors loué et admiré. Il faut bien discerner la vraie motivation.
Toutes ces consciences de sommeil profond mises ensemble, constituent ce qu’on appelle la « Forme Divine », avant qu’elle ne prenne forme. C’est comme une épure d’architecte par laquelle on sait ce que sera le bâtiment, la construction, etc…, mais il n’y a pas encore de bâtiment. C’est ce qu’on appelle Ishwara. Et toutes les consciences de rêves mises ensemble, constituent ce qu’on appelle Hiranyagarbha, et toutes les consciences physiques, celles de l’état de veille en quelque sorte, sont appelées Virat. De même lorsque vous voyez un arbre, vous l’appelez arbre, si vous avez beaucoup d’arbres réunis, vous appelez cela une forêt, si vous voyez un bouquet d’arbres, vous direz : « c’est un petit bois ».
C’est pourquoi toutes les consciences ensemble forment Ishwara, Hiranyagarbha et Virat.
Selon la philosophie indienne, chaque organe est contrôlé, régi par une Forme Divine qui lui correspond. Les yeux, par exemple, sont régis par le Soleil. Donc lorsque les yeux sont malades, on invoque le pouvoir du Soleil. Et si on a des maladies mentales, cela dépend de la Lune, de même si des gens sont un peu anormaux, mentalement parlant, les Pleines Lunes et les Nouvelles Lunes ont un effet sur eux. Chaque organe est régi par une Déité précise.
Merci à tous ! Cela a été très agréable de travailler avec vous. Je vous souhaite à tous longue vie, paix et prospérité. Que Dieu vous bénisse !