Henri Bortoft
L'imagination devient un organe de perception

Traduction libre Londres, Angleterre 14 juillet 1999. Conversation avec Claus Otto Scharmer Henri Bortoft (1938-2012) est l’auteur de The Wholeness of Nature (1996, voir aussi : La démarche scientifique de Goethe, éditions Triades 2001), la monographie définitive sur la méthode scientifique de Goethe. Bortoft a effectué ses recherches de troisième cycle sur le problème de la […]

Traduction libre

Londres, Angleterre 14 juillet 1999. Conversation avec Claus Otto Scharmer

Henri Bortoft (1938-2012) est l’auteur de The Wholeness of Nature (1996, voir aussi : La démarche scientifique de Goethe, éditions Triades 2001), la monographie définitive sur la méthode scientifique de Goethe. Bortoft a effectué ses recherches de troisième cycle sur le problème de la globalité en physique quantique avec le physicien David Bohm. Lorsque je l’ai rencontré à Londres, nous avons commencé notre conversation en parlant de son point de vue sur la physique quantique. Bortoft est aussi l’auteur de Prenons l’apparence au sérieux: Goethe et l’unité dynamique de la nature (éditions Triades 2014)

L’entretien avec Henri Bortoft s’est déroulé dans le cadre d’un projet mondial d’entretiens avec 25 éminents penseurs sur la connaissance et le leadership. Le projet a été parrainé par McKinsey & Company et la Society for Organizational Learning (anciennement le MIT Center for Leadership). Les entretiens et le document de synthèse peuvent être téléchargés gratuitement à l’adresse suivante www.dialogonleadership.org

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I. Deux interprétations de la physique quantique

Henri Bortoft : Il y a un problème avec l’interprétation de la physique quantique. J’appellerais ce problème la théorie des deux niveaux.

C.O. Scharmer : De quoi s’agit-il ?

Henri Bortoft : La théorie à deux niveaux signifie qu’il y a deux niveaux : un niveau microcosmique et un niveau macrocosmique. Le niveau macrocosmique signifie que l’on regarde la mesure. Tout se résume à une mesure.

Je pense que la théorie des deux niveaux est trompeuse. Goethe a établi une distinction entre le type de pensée qui commence par le produit fini, l’objet, et la pensée dynamique, qui s’intéresse plutôt à la venue-au-monde de cet objet. L‘intérêt de la physique quantique n’est pas d’établir une distinction entre deux niveaux, mais d’examiner la venue-au-monde des entités.

Les gens disent que la physique quantique et le micro-niveau sont basés sur des structures de probabilité, mais les mathématiques vous disent que ce n’est pas le cas. La fonction d’onde est un nombre complexe. Mais la probabilité ne peut être qu’un nombre réel. La physique quantique n’est pas un niveau de probabilité. Ce n’est que lorsque vous descendez jusqu’à la mesure que vous pouvez rencontrer le phénomène de la probabilité. La question est de savoir ce qu’il y a avant la mesure. Avant la mesure, il y a la naissance (venue-au-monde) des entités. C’est une condition purement dynamique.

COS : Dites-en plus.

Henri Bortoft : Par exemple, lorsque vous regardez le lait, vous ne l’appelez pas fromage, bien que le fromage puisse être l’étape finale. Vous l’appelez lait. La partie probabilité vient à la fin. Il n’y a pas de probabilité au stade quantique. Le problème de la physique quantique est que nous avons affaire à l’hypothèse qu’« il y a un monde derrière ». Ce que Niels Bohr a fait était nouveau. Niels Bohr a dit que dans la physique quantique. Il n’y a rien « derrière ».

J’ai découvert qu’il y a une relation avec Goethe. Goethe dit qu’il faut étudier la lumière en tant que telle. C’est exactement ce que fait la physique quantique. Les gens peuvent décrire la physique quantique différemment. David Bohm m’a conseillé d’étudier très attentivement Niels Bohr, car les interprétations de Bohr diffèrent souvent de manière significative de ce qu’il a réellement dit. La notion de totalité (wholeness) en physique quantique a été introduite pour la première fois par Bohr. Bohr considérait cette notion comme une limite à notre pensée. Il était influencé par Kierkegaard et avait son pessimisme. Il a dit que vous ne pouvez pas inclure directement l’intégralité invisible.

Mais Bohm pensait différemment. Il pensait que vous pouvez comprendre l’intégralité. Il a utilisé l’hologramme comme modèle. J’ai trouvé cela très éclairant. Il montre que le tout est présent dans ses parties.

II. À la recherche d’une perception vivante de la plénitude

En 1972, j’ai découvert l’œuvre de Goethe par hasard. Un ami m’a recommandé de lire un livre d’Ernst Lehrs lorsque nous l’avons vu dans la vitrine d’une librairie – en fait, T.S. Eliot en avait parlé en bien. Il s’intitulait Man on Matter. Un chapitre traitait de la façon dont Goethe voyait les plantes. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est sa notion de la perception vivante de la totalité. C’est lié à la célèbre dispute entre Goethe et Schiller. L’idée de Goethe était de développer un autre type de vision, une vision qui s’efforce de passer du tout aux parties. C’était très proche de l’hologramme de Bohm.

Bohm a différencié deux manières d’ordre implicite. Un, l’extrinsèque, et deux, l’intrinsèque. Goethe montre qu’il existe un ordre intrinsèque de la plante vivante et que cet ordre intrinsèque est accessible à la perception.

COS : Mais Goethe ne commence-t-il pas par voir l’objet particulier ?

Henri Bortoft : On commence avec un objet, avec la plante qui est le produit fini. Mais ensuite vient la culture de la perception.

COS : « S’efforcer de passer du tout à la partie. »

Henri Bortoft : C’est exactement ce qu’il faut atteindre.

COS : Que faut-il pour opérer à ce niveau ?

III. L’imagination sensorielle exacte

Henri Bortoft : Nous n’apprenons plus à fabriquer des images mentales intentionnellement. Mais Goethe a vraiment amélioré sa capacité à voir de cette manière. Nous n’avons plus l’idée de le faire.

Lorsque je donne une conférence, je me rends compte que les personnes âgées ne comprennent souvent pas cette dimension de la perception. Mais même les jeunes sont souvent incapables de le faire, au début cela prend du temps. Vous devez ralentir. Vous voyez et vous suivez chaque détail en imagination. C’est une imagination sensorielle exacte. Vous créez l’image de ce que vous voyez dans votre esprit et vous le faites aussi précisément que possible. Par exemple, vous regardez une feuille et vous créez la forme de la feuille aussi précisément que possible dans votre esprit. Vous vous déplacez autour de la forme de la feuille dans votre esprit et vous suivez chaque détail. Vous produisez cette forme. La totalité du phénomène fonctionne dans l’esprit. Le phénomène devient une image dans votre esprit. Il est évident que vous ne pouvez pas faire cela en cinq minutes. Vous ne pouvez pas le faire avec un ordinateur. Vous devez être actif avec votre esprit.

Il y a une énorme résistance en nous contre cela. Nous sommes trop occupés. Si vous voulez accomplir ça, vous devez ralentir le processus.

COS : Vous ne faites plus qu’un avec la feuille.

Henri Bortoft : D’une certaine manière, vous faites cela avec une feuille, avec une autre feuille et ainsi de suite. Soudain, il y a un mouvement, un mouvement dynamique, car vous commencez à voir non pas la feuille individuelle mais le mouvement dynamique. La plante est le mouvement dynamique. C’est la réalité...

COS : Vous le faites dans le contexte d’un ensemble qui se déplie.

Henri Bortoft : Oui, c’est juste voir. C’est l’imagination sensorielle exacte.

IV. L’imagination devient un organe de perception

Ensuite, cette imagination devient un organe de perception. Vous pouvez le développer. J’ai l’impression que lorsque vous le faites, vous vous déplacez dans un autre espace, un royaume imaginal. C’est un mouvement. Et il semble plus réel que le monde extérieur. Je pense que c’est plus réel parce que vous le réalisez. Vous êtes actif. Goethe avait une énorme capacité à cet égard. C’est la même chose pour Picasso. La façon dont il peignait. Quand vous regardez ses tableaux, vous en voyez les métamorphoses.

Le fait que vous soyez actif est important pour comprendre pourquoi c’est si réel. Vous devez faire un certain effort. Je pense que c’est plus difficile pour les gens aujourd’hui à cause de la télévision. Regarder la télévision est quelque chose de passif. Écouter la radio était plus actif. Il fallait de l’imagination.

COS : Où est le locus de cet espace ? Où êtes-vous lorsque vous créez, co-créez cette imagination ? Cet espace est-il à l’intérieur de nous-mêmes ou non ? Probablement on ne pourrait pas appliquer la distinction entre intérieur et extérieur.

Henri Bortoft : Vous avez raison : vous ne faites pas cette distinction. Il n’y a ni sujet ni objet. Pas dans ce cadre. Cette vision est antérieure à la séparation sujet-objet. Il s’agit de travailler sur l’imagination. La distinction entre sujet et objet appartient à un niveau plus extérieur, elle appartient au monde des corps. Le sujet et l’objet dans sa propre forme est une distinction extérieure.

V. Inversion du contenant et du contenu

COS : Dans votre livre, vous parlez de l’inversion du contenant et du contenu. La science conventionnelle considère la théorie comme le contenant et les faits comme le contenu du phénomène. Pour Goethe, au contraire, les faits sensoriels sont le contenant qui donne lieu à la rencontre avec le phénomène réel (« théorie »). Vous écrivez : « Cette transformation d’un mode de conscience analytique à un mode de conscience holistique entraîne un renversement entre le contenant et le contenu. Dans le cas du positivisme, la théorie est considérée comme n’étant que le contenant des faits. Or, si la théorie, au sens de Goethe, est le contenu réel du phénomène, on peut dire qu’au moment de l’insight intuitif, nous voyons à l’intérieur du phénomène. »

Henri Bortoft : Oui, le déploiement de la nature en elle-même est un renversement épistémologique. La source de l’idée est le phénomène lui-même. Cela renvoie à l’idée de perception d’Aristote, qui a été reprise de façon étonnante à notre époque par Gadamer.

COS : Lorsque vous pratiquez la voie goethéenne de la cognition, passez-vous par une séquence où vous expérimentez ce renversement ?

Henri Bortoft : Vous voyez la métamorphose. La plante est un mouvement dynamique. Vous voyez ses feuilles comme des traces qui incarnent et manifestent certains instantanés de ce mouvement. Cela devient très fort quand on le voit. C’est la vision intuitive de l’intérieur du phénomène. Le mouvement dynamique est la réalité.

COS : Ce que vous voyez sont les traces qui sont laissées derrière. La réalité, c’est le mouvement.

Henri Bortoft : Je l’appellerais dynamique.

VI. Archétypes et autodifférence

COS : Quels sont les archétypes, qu’est-ce que l’Urphänomen ?

Henri Bortoft : Les archétypes sont difficiles à décrire. Les archétypes sont différents modes d’unité, d’une unité dynamique. Il y a une multiplicité dans l’unité. On ne fragmente pas l’unité. L’idée d’autodifférence est quelque chose de très important. L’autodifférence signifie que quelque chose devient différent de lui-même. Au lieu de se demander ce que des choses différentes ont en commun, ce qui est identique en elles, l’autodifférence signifie que l’on regarde quelles différences émergent de l’unité. Pour moi, cette idée a été la motivation fondamentale. L’idée d’autodifférence est si importante. Goethe a été une onde porteuse pour cela. C’est la nouvelle façon de connaître.

Le dieu grec Protée est apparu sous différentes formes. C’est comme l’hologramme. C’est une unité, et pourtant c’est différent. On retrouve cette idée dans de nombreuses mythologies, par exemple dans les cultures amérindiennes ou africaines.

VII. Tout est automanifestation (Self-Manifestation)

Regardez l’herméneutique : Vous lisez un texte, regardez une pièce de théâtre, écoutez de la musique ou regardez un tableau. Cela apparaît toujours différemment, et pourtant ça ne l’est pas. C’est le même et c’est différent. Gadamer appelle le « même et différent » une automanifestation. C’est ce qui est réellement réel, et non une représentation dans le nom subjectif.

COS : Gadamer a-t-il inventé le terme d’automanifestation ?

Henri Bortoft : Oui, il l’a fait. J’ai rencontré Gadamer en 1987. Il était très impressionnant. Il avait alors 87 ans et assistait à une conférence à Oxford. Il a écouté chacune des présentations et, d’après ses questions, on pouvait voir qu’il ne critiquait pas les présentateurs, mais qu’il écoutait leur intention. Il essayait de les aider dans leur manière de s’automanifester. Gadamer parle de cela dans ses livres. J’utilise de plus en plus ce terme aujourd’hui. Lorsque vous lisez son magnum opus « Vérité et méthode », vous vous demandez pourquoi devons-nous passer en revue toute l’histoire de l’art allemand et ainsi de suite. Mais ensuite, on se rend compte que ce qu’il fait, c’est écouter l’automanifestation d’une intention qui évolue.

Le premier et dernier insight de Gadamer est que tout être est une automanifestation et que la compréhension est un événement. C’est un événement d’automanifestation. C’est exactement ce dont parle Goethe.

Dans la plupart des cas, nous confondons unité et uniformité. Prenez Newton, par exemple. Vous avez la pomme qui tombe sur le sol, la lune qui tourne autour de la terre. Cette façon de percevoir les choses fait que tout semble identique. En faisant cela, nous perdons la flexibilité. C’est ce qui se passe aujourd’hui dans nos sociétés. La technologie informatique y joue un rôle important. Je pense que la perte de la flexibilité est une situation terrifiante.

Mais je parle d’un autre type d’unité. Une unité organique ou vivante. Il existe une unité dynamique de l’autodifférence. J’appelle cela l’inverse des lumières (counter-enlightenment) . Ce type d’unité supprime une restriction dans notre pensée culturelle. La diversité organique inclut l’unité et l’unité organique inclut la diversité.

COS : Pourriez-vous appliquer cela au monde social ?

Henri Bortoft : Le livre de Stephen Toulmin, Cosmopolis, explique comment l’universalisme est né de l’approche mathématique de la science. Au 17e siècle, on assiste à une réaction à la Renaissance. La science moderne en est le résultat.

COS : N’avez-vous jamais vu un archétype ?

VIII. Les archétypes sont des formes dynamiques.

Henri Bortoft : Je n’en ai jamais vu. Les archétypes sont des formes dynamiques. C’est ce qu’est un archétype. Un archétype est un mouvement qui est là et qui devient différent – en même temps. Il est le même en lui-même et il est différent en lui-même. Vous devez passer par les côtés opposés pour voir que les choses sont les mêmes. Il faut réunir les côtés opposés, puis on voit les différences.

COS : Quel est le rôle d’une science participative dans un monde d’automanifestation en évolution ?

Henri Bortoft : J’aimerais que nous ayons plus de temps pour réfléchir à cette question. Qu’en pensez-vous ?

COS : L’un des thèmes sur lesquels nous nous débattons actuellement est la manière de repenser notre notion fondamentale de la cognition. À partir de nombreuses expériences dans notre travail dans les organisations et les communautés, nous en sommes venus à croire qu’il existe une autre façon et une autre source de savoir qui peut être accessible. Cette autre façon de savoir est liée à l’intelligence du cœur plutôt qu’à celle de la tête.

Henri Bortoft : Oui, c’est tout à fait exact. Je crois que ce sont les présages de quelque chose qui va venir.

IX. Réflexion : Deux types de totalité

Bortoft distingue deux types de totalité : la contrefaçon et la totalité authentique. Ces deux notions de totalité sont fondées sur des facultés cognitives différentes. La totalité contrefaite est fondée sur l’esprit intellectuel qui fait des abstractions à partir de la perception sensuelle concrète. Autrement dit, l’esprit s’éloigne de la partie concrète pour obtenir une vue d’ensemble. Le résultat conduit à une notion abstraite et non dynamique de la totalité. En revanche, la totalité authentique est basée sur une capacité cognitive différente, l’esprit intuitif, qui repose sur l’ouverture de certains organes supérieurs de perception. L’esprit intuitif se déplace directement dans les parties concrètes afin de rencontrer la totalité. Cette rencontre conduit à percevoir la multiplicité dynamique et vivante de la totalité.

Les distinctions entre les deux types d’ensembles (le faux et l’authentique) correspondent à deux capacités cognitives (l’esprit intellectuel et l’esprit intuitif) et à deux notions de généralisation (le général abstrayant versus l’universel concrétisant) qui sont au cœur du travail de Bortoft.

Selon Bortoft (1998, 285) : « Nous ne pouvons pas connaître la totalité de la manière dont nous connaissons les choses parce que nous ne pouvons pas reconnaître la totalité comme une chose… La totalité serait en dehors de ses parties de la même manière que chaque partie est en dehors de toutes les autres parties. Mais la totalité est présente à l’intérieur de ses parties, et nous ne pouvons pas rencontrer la totalité de la même manière que nous rencontrons les parties. Nous ne devons pas penser à la totalité comme s’il s’agissait d’une chose. »

Bortoft affirme que nous ne pouvons pas connaître la totalité de la même manière que nous connaissons une chose, car la totalité n’est pas une chose. Ainsi, le défi consiste à rencontrer le tout tel qu’il devient présent dans les parties. Bortoft dit (1998, 284) : « Si la totalité est présente dans ses parties, alors une partie est un lieu pour la présence (presencing) de la totalité. … une partie est spéciale et non accidentelle, puisqu’elle doit être telle qu’elle permette à la totalité d’entrer en présence. Cette spécialité de la partie est particulièrement importante, car elle nous montre le chemin vers la totalité. Elle indique clairement que le chemin vers la totalité se fait dans et à travers les parties. On ne la rencontre pas en prenant du recul pour avoir une vue d’ensemble, car elle n’est pas en plus des parties, comme s’il s’agissait d’une entité supérieure englobante. La totalité doit être rencontrée en entrant directement dans les parties. C’est ainsi que nous entrons dans l’imbrication de la totalité, et que nous nous déplaçons vers elle en passant par les parties ».

Ce processus d’être présent (presencing) de la totalité authentique conduit à une inversion du contenant et du contenu. Pour Bortoft et Goethe, les faits sensoriels sont le contenant qui donne lieu à la rencontre avec le phénomène réel (« théorie »). Bortoft (1996) : «  Cette transformation d’un mode de conscience analytique en un mode de conscience holistique entraîne un renversement entre le contenant et le contenu. Dans le cas du positivisme, la théorie est considérée comme étant uniquement le contenant des faits. Or, si la théorie, au sens de Goethe, est le contenu réel du phénomène, alors on peut dire qu’au moment de l’insight intuitif, nous voyons à l’intérieur du phénomène. »

Bortoft explique : « Ces exemples peuvent chacun démontrer le renversement qui s’opère en passant de la conscience d’un objet à la rencontre avec la totalité. Ce retournement, qui consiste à passer de la saisie à la réceptivité, de la conscience d’un objet à laisser une absence être active, est un renversement qui est la conséquence pratique du choix de la voie qui consent à la totalité comme non-chose (no-thing), et non comme simple rien (nothing). »

À la base de ce renversement se trouve une profonde expérience de dépassement de soi. L’expérience consiste à rencontrer l’unité dynamique du soi et du monde. Goethe a exprimé ce principe profond comme suit : « L’homme ne se connaît que dans la mesure où il connaît le monde ; il ne prend conscience de lui-même qu’au sein du monde, et conscience du monde qu’en lui-même. Tout objet, bien contemplé, ouvre en nous un nouvel organe. »

X. Bio

Henri Bortoft est un chercheur indépendant en philosophie des sciences. Il a fait des recherches postuniversitaires sur le problème de a totalité en physique quantique avec David Bohm et Basil Hiley au Birkbeck College. Il a ensuite travaillé avec J.G. Bennett à l’Institut pour l’étude comparative de l’histoire, de la philosophie et des sciences, sur le problème du langage et de la perception de la totalité. Sa monographie de l’Institute for Cultural Research, « Goethe’s Scientific Consciousness » (1986, deuxième édition 1998), a été publiée en traduction allemande (1995) et française (2001). Auteur d’un livre complet sur la philosophie de la science de Goethe, « The Wholeness of Nature » (1996), il a donné de nombreux séminaires, ateliers et cours sur la manière dont Goethe conçoit la science et l’évolution de la conscience scientifique, tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis. Il a contribué également au MSc en science holistique du Schumacher College.