Nilantha Ilangamuwa
Connecter les chaînons manquants du cerveau : entretien avec Iain McGilchrist

Traduction libre Le bouddhisme est une pratique idéale et un outil puissant pour équilibrer les hémisphères gauche et droit du cerveau humain Dans cet entretien avec le Dr Iain McGilchrist, éminent spécialiste des neurosciences, nous explorons les nuances de la société contemporaine, l’éducation et les implications profondes des progrès technologiques, en particulier de l’intelligence artificielle […]

Traduction libre

Le bouddhisme est une pratique idéale et un outil puissant pour équilibrer les hémisphères gauche et droit du cerveau humain

Dans cet entretien avec le Dr Iain McGilchrist, éminent spécialiste des neurosciences, nous explorons les nuances de la société contemporaine, l’éducation et les implications profondes des progrès technologiques, en particulier de l’intelligence artificielle (IA). Le Dr McGilchrist, réputé pour ses recherches approfondies sur la spécialisation hémisphérique du cerveau humain, nous éclaire sur le déséquilibre entre la pensée mécaniste et la compréhension holistique, et préconise une réévaluation critique des paradigmes éducatifs.

L’entretien commence par une explication de la prédominance de l’hémisphère gauche dans la société occidentale moderne, tirée de son ouvrage phare « The Master and His Emissary (Le maître et son émissaire) ». Il dépeint métaphoriquement l’hémisphère droit comme le véritable maître, incarnant la sagesse intuitive et la perception holistique, tandis que l’hémisphère gauche endosse le rôle d’un émissaire arrogant, surestimant ses capacités et ne tenant pas compte d’une compréhension plus large du contexte.

Réputé pour la diversité de son expertise et de ses idées, le Dr McGilchrist est un ancien membre distingué du All Souls College, à Oxford, et un membre associé du Green Templeton College, à Oxford. Avec une expérience couvrant les domaines de la psychiatrie, des neurosciences et de la littérature, ses contributions scientifiques ont laissé une marque indélébile sur notre compréhension de l’esprit humain et de ses relations complexes dans des contextes culturels et sociétaux plus larges. Sa vaste expérience clinique, associée à ses travaux scientifiques, a abouti à des recherches novatrices sur la neuro-imagerie, la schizophrénie et la relation entre le corps et l’esprit.

Le maître et son émissaire a été largement acclamé pour son exploration du cerveau divisé et ses implications pour la civilisation occidentale. Sa dernière publication, « The Matter with Things », est une critique du matérialisme réducteur, invitant les lecteurs à contempler les questions existentielles concernant la nature de l’humanité, de la conscience et du divin. Auteur prolifique, conférencier et consultant, il continue d’inspirer des publics dans le monde entier, suscitant des conversations qui comblent le fossé entre la science, la philosophie et les sciences humaines.

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Question : Certains événements ou influences spécifiques de votre enfance ont-ils éveillé votre intérêt pour la compréhension du cerveau et de ses fonctions, vous incitant à devenir neuroscientifique et écrivain par la suite ?

Réponse : En effet. Ma famille, dont le père et le grand-père étaient médecins, a éveillé très tôt ma curiosité pour la médecine. Mon grand-père maternel, un scientifique, m’a fait découvrir les complexités du cerveau lorsque j’étais jeune, ce qui a éveillé ma fascination. Les interrogations philosophiques de mon adolescence ont également façonné mon intérêt, parallèlement à l’environnement stimulant des paysages naturels et des traditions chrétiennes à l’école. D’abord attiré par la philosophie ou la prêtrise, je me suis tourné vers la médecine pour explorer le problème corps-esprit de manière empirique. Guidé par des éducateurs qui ont reconnu mon potentiel, je me suis orienté vers les neurosciences, finalement plus influencé par les enseignants et la recherche philosophique que par les liens familiaux.

Q : Pourquoi est-il important d’étudier les complexités du cerveau et quelles sont les raisons impérieuses qui poussent les individus à en explorer les mystères ? Quels sont les avantages potentiels que vous attendez de la compréhension de son fonctionnement ?

R : La compréhension du cerveau permet de comprendre comment nous percevons le monde et traitons l’information, et pas seulement de saisir des détails mécaniques. Si les différences entre les hémisphères sont importantes pour comprendre les conflits mentaux, les idées fausses qui circulaient jusqu’à présent à leur sujet ont été démenties. Les deux hémisphères jouent un rôle unique, ce qui remet en question la notion d’un hémisphère rationnel et d’un hémisphère créatif. Au contraire, ils contribuent différemment à nos expériences, un peu comme deux individus réagissant aux mêmes stimuli.

Par exemple, les différences entre les hémisphères éclairent les diverses façons dont nous percevons et interprétons le monde qui nous entoure. Plutôt que de considérer le cerveau comme une simple unité de traitement, la compréhension de ces différences peut mettre en lumière la richesse et la complexité de l’expérience humaine. Les idées fausses sur les fonctions des hémisphères ont été remises en question, révélant que les deux hémisphères jouent un rôle unique et nuancé dans la formation de nos perceptions et de notre comportement.

Contrairement aux idées reçues, l’hémisphère gauche n’est pas uniquement rationnel et fiable, et l’hémisphère droit n’est pas uniquement responsable de la créativité et des émotions. Au contraire, les deux hémisphères sont étroitement impliqués dans tous les aspects de la cognition et du comportement, bien que de manières différentes. Par exemple, si l’hémisphère gauche peut être moins fiable dans certains contextes et sensible à des émotions comme la colère, il n’englobe pas la totalité de la rationalité ou de l’émotivité.

En reconnaissant les contributions distinctes de chaque hémisphère, nous comprenons mieux comment notre cerveau construit les expériences subjectives. Cette compréhension va au-delà des dichotomies simplistes et révèle la nature multiforme de la cognition humaine. En fin de compte, ces connaissances ne font pas seulement progresser la science, elles ont aussi des implications pratiques dans des domaines allant de l’éducation à la santé mentale.

Par essence, l’étude du cerveau permet de percer les mystères de la conscience et du comportement humains, avec des implications considérables pour améliorer notre compréhension de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons.

Q : Est-il exact d’affirmer que le cerveau est l’organe le plus mal compris de la civilisation humaine ?

R : Sans aucun doute, oui. Le cerveau reste remarquablement énigmatique, malgré les progrès constants des neurosciences. Bien que notre compréhension du cerveau ait considérablement progressé, il reste encore beaucoup à découvrir sur ses complexités et ses fonctions.

Q : Pouvez-vous fournir un résumé sur les chaînons manquants dans notre compréhension du cerveau ?

R : Certainement. L’un des principaux domaines de recherche concerne la relation entre le cerveau et la conscience. Bien qu’il soit étroitement impliqué dans notre expérience consciente, le rôle du cerveau en tant qu’initiateur de la conscience reste controversé. Expliquer comment l’expérience subjective émerge du cerveau physique remet en question les notions conventionnelles de matière et de conscience.

En outre, la complexité des connexions neuronales du cerveau, souvent citée comme la base de la conscience, n’explique pas entièrement l’émergence de la conscience. La répartition disproportionnée des neurones entre le télencéphale et le cervelet soulève d’autres questions sur la base neuronale de la conscience, surtout si l’on considère la vaste interconnexion du cervelet.

En outre, notre compréhension de la neurochimie du cerveau n’en est qu’à ses débuts. Si les preuves empiriques démontrent l’impact des neurotransmetteurs sur l’humeur et le comportement, les mécanismes sous-jacents restent insaisissables. Décrire le câblage du cerveau et l’activité neuronale est une chose, mais comprendre les processus qui sous-tendent la conscience et les interactions neurochimiques constitue un formidable défi.

En outre, la remarquable capacité du cerveau à compenser les dommages et à s’adapter à des circonstances changeantes soulève des questions intrigantes sur sa conscience de soi et sa réorganisation fonctionnelle. Comprendre comment le cerveau maintient ses fonctions essentielles face aux lésions, souligne la complexité des réseaux neuronaux et des processus cognitifs.

Par essence, l’élucidation de ces chaînons manquants nécessite une approche pluridisciplinaire qui intègre les neurosciences, la philosophie et l’étude de la conscience. La réponse à ces questions permet non seulement d’approfondir notre compréhension du cerveau, mais aussi d’éclairer la nature de la conscience et de la cognition humaine.

Q : Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour les différences entre les hémisphères gauche et droit du cerveau, dont il est question dans votre livre « The Master and His Emissary » (Le maître et son émissaire) ? Qu’est-ce qui vous a incité à approfondir ce sujet ?

R : Ma fascination pour les différences entre les hémisphères est née d’enquêtes philosophiques sur la nature de l’interprétation et les tendances réductionnistes des études littéraires universitaires. J’ai été frappée par le fait que la dissection des œuvres littéraires dans les séminaires les dépouille souvent de leur pouvoir unique et de leur résonance émotionnelle, les réduisant à de simples paraphrases dépourvues de leur essence originale. Cette prise de conscience m’a incité à explorer la manière dont l’analyse intellectuelle peut négliger le sens implicite et les expériences incarnées, ce qui m’a amené à m’interroger sur le rôle du cerveau dans la formation de notre compréhension du monde.

Mon intérêt pour les différences entre les hémisphères a été aiguisé au cours de ma formation médicale à l’hôpital Maudsley de Londres, où j’ai assisté à la conférence d’un collègue sur l’hémisphère droit. Malgré le peu d’importance accordée à l’hémisphère droit dans l’enseignement médical, ses idées sur les fonctions distinctes de chaque hémisphère, tirées de l’étude de patients souffrant de lésions cérébrales, m’ont captivé. Ses observations sur la tendance de l’hémisphère gauche à catégoriser et à privilégier le sens explicite par rapport au sens implicite ont trouvé un écho dans mes réflexions philosophiques sur les limites de l’analyse intellectuelle. Cette rencontre a suscité une profonde curiosité pour les fondements neuronaux de la conscience et de la cognition, et m’a incité à me lancer dans une recherche interdisciplinaire sur les différences entre les hémisphères.

Malgré le scepticisme de certains collègues séniors et le fait que les différences entre les hémisphères soient considérées comme de la psychologie populaire, j’ai continué à chercher à comprendre les complexités du cerveau. Au fil des ans, je me suis efforcé de remettre en question les idées fausses et d’offrir un aperçu nuancé des fonctions des hémisphères, malgré la résistance de ceux qui n’étaient pas disposés à reconsidérer leurs idées préconçues. Si faire face au scepticisme a engendré de la frustration, l’intérêt croissant pour mon travail a confirmé l’importance de poursuivre l’exploration et le dialogue pour percer les mystères du cerveau humain.

Q : Avez-vous déjà été déçu en expliquant les différences entre les hémisphères et leur fonctionnement dans le cerveau ?

R : Oui, il y a eu des moments de frustration. Certaines personnes rejetaient mes idées sans s’y intéresser, ce qui pouvait être décourageant. Cependant, j’ai appris à accepter que tout le monde ne soit pas ouvert à de nouvelles perspectives. Malgré le scepticisme, je suis restée encouragée par l’intérêt croissant que suscite mon travail, ce qui l’emporte sur toute déception.

Q : Votre travail porte souvent sur les déséquilibres des hémisphères et leur impact sur la société moderne. Comment percevez-vous ce déséquilibre dans les différents aspects de notre culture et de notre vie quotidienne ?

R : Le déséquilibre entre les hémisphères gauche et droit se reflète dans nos normes culturelles et sociétales, l’hémisphère gauche dominant souvent dans les contextes modernes. La tendance de l’hémisphère gauche à fragmenter l’information et à rechercher la certitude conduit à une approche réductionniste, où les questions complexes sont simplifiées à l’extrême dans des perspectives en noir et blanc. Ce désir de réponses définitives ne tient pas compte de la compréhension nuancée offerte par l’hémisphère droit, qui embrasse la complexité et l’incertitude.

Dans la société contemporaine, nous assistons à une prolifération de la procéduralisation et de la bureaucratisation, favorisant la pensée mécaniste au détriment des perspectives holistiques. Cet état d’esprit mécaniste, caractéristique de l’hémisphère gauche, privilégie le contrôle et l’efficacité au détriment de l’intuition, de l’imagination et de la compréhension holistique. En conséquence, nous risquons de perdre le contact avec la riche tapisserie de l’expérience humaine et des valeurs éthiques, en succombant à une focalisation étroite sur la productivité et le gain matériel.

Pour contrer cette tendance, il est essentiel de renouer avec des pratiques qui nourrissent le fonctionnement holistique du cerveau, telles que la contemplation spirituelle, la connexion avec la nature et le silence. En favorisant l’équilibre entre les hémisphères gauche et droit, nous pouvons cultiver une compréhension plus profonde de nous-mêmes et du monde qui nous entoure, en transcendant la pensée mécaniste pour embrasser les complexités profondes de l’existence humaine.

Q : Comment envisagez-vous l’extension de vos recherches au-delà des neurosciences, dans des domaines tels que la philosophie, la psychologie et l’éducation, et quelles contributions espérez-vous qu’elles apportent ?

R : J’espère que mes recherches serviront de catalyseur au dialogue interdisciplinaire et à la réflexion dans divers domaines. Bien que je puisse offrir des perspectives, c’est en fin de compte aux personnes travaillant dans ces domaines qu’il revient de s’engager dans la recherche et de l’appliquer comme ils l’entendent. J’ai été agréablement surpris par l’accueil réservé à mes travaux par des hommes politiques, des économistes, des juristes, des philosophes, des psychologues et des neuroscientifiques, qui y ont trouvé une pertinence et une valeur dans leurs implications pour leurs domaines respectifs. Par le biais d’un dialogue et d’une collaboration continus, je vise à favoriser une compréhension et une application plus approfondies des connaissances tirées des neurosciences dans divers domaines.

Q : Comment conciliez-vous la compréhension scientifique du cerveau avec les expériences personnelles de la conscience, et quelles perspectives votre travail offre-t-il ?

R : Mon dernier livre, « The Matter with Things », s’efforce de passer des neurosciences à la philosophie pour parvenir à une compréhension globale de l’existence. Il est essentiel de reconnaître qu’aucun esprit humain ne peut tout comprendre, mais nous devons discerner ce que nous considérons comme plus vrai que d’autres. Si la complexité du cerveau est intrigante, elle ne doit jamais conduire à réduire l’être humain à son seul cerveau.

Nous sommes bien plus que nos fonctions neurologiques. Les questions fondamentales sur l’existence et la finalité de l’homme restent primordiales, et mon travail vise à faire la lumière sur ces questions, en incitant les individus à envisager les choses au-delà des points de vue mécanistes. En outre, je préconise une approche éducative équilibrée qui valorise à la fois la pensée analytique et la compréhension holistique. Si la rigueur analytique est cruciale, elle doit coexister avec une appréciation des aspects profonds et inexplicables de l’expérience humaine. Encourager la recherche philosophique et enseigner des techniques d’écoute empathique peut favoriser une société plus respectueuse et intellectuellement dynamique, en enrichissant notre compréhension collective de l’existence et de la conscience.

Q : Dans votre exploration du cerveau divisé et de ses implications pour la société, vous avez souligné l’importance de la pleine conscience, qui a des racines profondes dans la tradition bouddhiste. Comment envisagez-vous les enseignements et les pratiques du bouddhisme pour nous aider à comprendre et à cultiver la pleine conscience dans la société d’aujourd’hui ? En outre, comment l’intégration de la sagesse ancienne du bouddhisme et des connaissances des neurosciences modernes pourrait-elle éclairer nos approches de l’éducation, de la santé mentale et du bien-être de la société ?

R : L’un des aspects qui me procure une grande satisfaction est la convergence que j’ai observée entre les connaissances tirées des neurosciences et les traditions de sagesse de l’Orient, telles que le bouddhisme. J’ai constaté que les découvertes de la science moderne, y compris celles de la biologie, de la physique et de la philosophie, s’alignent harmonieusement sur les enseignements anciens. Malgré les différences d’accent, des principes fondamentaux tels que la patience, la compassion et la présence sont partagés par toutes les traditions, ce qui favorise la compréhension et l’unité entre les diverses croyances.

Bien que je ne prétende pas être un spécialiste du bouddhisme, j’ai été encouragé par le fait que ses praticiens ont reconnu les parallèles entre mon travail et leur tradition. Cette intersection entre la sagesse ancienne et la science contemporaine offre des perspectives inestimables sur la conscience humaine et le bien-être. La pleine conscience, profondément enracinée dans la pratique bouddhiste, est un outil puissant pour rééquilibrer la dominance de l’hémisphère gauche dans notre esprit. En favorisant une répartition plus équitable de l’activité cérébrale, les pratiques de pleine conscience sont prometteuses pour améliorer la santé mentale et promouvoir un bien-être holistique dans la société moderne.

Q : Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) et de l’apprentissage automatique suscitent un intérêt croissant pour la manière dont ces technologies interagissent avec la cognition humaine et l’imitent. Compte tenu de notre compréhension des spécialisations des hémisphères du cerveau, comment pensez-vous que l’IA aura un impact sur notre compréhension de l’intelligence et de la conscience humaines ?

R : L’impact de l’IA sur notre compréhension de l’intelligence et de la conscience humaines sera probablement préjudiciable. Si les machines peuvent imiter la pensée de l’hémisphère gauche, en reproduisant des processus séquentiels et linéaires, elles se heurtent aux incertitudes qui caractérisent la cognition de l’hémisphère droit, qui n’est pas computable et qui est ancrée dans l’expérience humaine. La domination croissante de la pensée mécaniste amplifiée par l’IA présente des risques importants, car elle perpétue les préjugés et les limites inhérents à sa programmation, sans la boussole morale et la profondeur de compréhension que l’on trouve dans la conscience humaine.

En outre, la nature autoréférentielle de la pensée de l’hémisphère gauche, associée à la dépendance de l’IA à l’égard du contenu généré par les machines, crée une boucle d’information fermée qui manque de la perspective critique et de la perspicacité dérivées de l’expérience humaine. Cette tendance suscite des inquiétudes quant à l’érosion de la vérité, à la manipulation de l’opinion publique et à la perte de la créativité et de la sagesse humaines authentiques dans un monde de plus en plus façonné par la pensée mécanique. Alors que l’IA continue d’évoluer, il est essentiel de reconnaître ses limites et de se prémunir contre les conséquences potentielles pour le bien-être et l’autonomie des générations futures.

Q : Si cette tendance à la création se poursuit, il pourrait arriver un moment où nous oublierons l’essence de l’humanité, ce qui amènerait les humains à s’interroger sur leur propre identité. Êtes-vous d’accord ?

R : Oui, l’IA sera programmée pour fournir des informations sur la nature humaine, même si elles ne sont pas toutes exactes. Cependant, la véritable compréhension de l’humanité vient de la vie plutôt que de la fixation sur des écrans, ce qui permet d’avoir une perspective plus large du monde. Alors que l’hémisphère gauche facilite l’acquisition de biens matériels, l’hémisphère droit comprend la situation dans son ensemble, y compris la conscience de l’environnement et des relations. Malheureusement, la société contemporaine donne souvent la priorité aux gains matériels et au contrôle, négligeant l’appréciation des nuances qui échappent au contrôle de l’homme. Ce déséquilibre, qui favorise la dominance de l’hémisphère gauche, entraîne un manque d’humilité et de conscience de nos limites, ce qui contribue à l’arrogance et aux malentendus au sein de la société. En outre, l’effet Dunning-Kruger illustre la corrélation entre l’excès de confiance et les connaissances limitées, soulignant l’importance de reconnaître l’étendue de notre compréhension et les dangers de se croire omniscient.

Q : Votre concept d’émissaire souligne la prédominance de l’hémisphère gauche dans la société occidentale contemporaine. Comment suggérez-vous de rétablir un équilibre plus harmonieux entre les deux hémisphères, tant au niveau individuel que collectif ?

R : Dans « Le maître et son émissaire », la représentation métaphorique suggère que l’hémisphère droit incarne la sagesse en tant que véritable maître, tandis que l’hémisphère gauche agit comme un émissaire arrogant, trop dépendant de sa compréhension limitée. Pour rétablir l’équilibre entre ces domaines cognitifs, il faut reconnaître ce déséquilibre, un peu comme si un patient prenait conscience de la nécessité d’une transformation personnelle dans le cadre d’une thérapie. La première étape consiste à faire prendre conscience de cette disparité, car la prise de conscience précède souvent un changement significatif. Les individus doivent reconnaître la prédominance de l’hémisphère gauche dans la société contemporaine et ses effets néfastes sur le bien-être collectif.

En outre, la résolution de ce problème va au-delà de la prise de conscience individuelle et passe par une réforme systémique, en particulier dans le domaine de l’éducation. Le système éducatif actuel, marqué par son approche mécaniste et l’accent mis sur les matières STEM (sciences, technologie, éducation, mathématiques), néglige les sciences humaines, essentielles pour cultiver l’empathie, la pensée critique et une compréhension plus profonde de l’expérience humaine. Pour rétablir l’équilibre, il faut réintégrer les sciences humaines dans le programme d’études, en incitant les élèves à s’intéresser à la littérature, à l’histoire, à la philosophie et aux arts. De telles réformes ne visent pas à diminuer la rigueur, mais à favoriser une approche holistique de l’apprentissage qui nourrit la curiosité et le développement intellectuel.

En outre, pour rétablir l’équilibre, il faut réévaluer les structures professionnelles, notamment dans le domaine médical, où le contrôle bureaucratique sape l’autonomie et l’expertise des praticiens. Les médecins, par exemple, devraient se réapproprier leur rôle de guérisseurs de confiance plutôt que de se laisser dicter par des agendas axés sur le profit. Ce changement sociétal plus large implique de reconnaître la valeur intrinsèque des professions au-delà de la simple utilité économique, en reconnaissant l’importance de la sagesse, de la compassion et de l’intégrité éthique dans l’orientation des efforts humains. En adoptant une perspective plus holistique qui transcende les paradigmes mécanistes, la société peut cultiver une appréciation plus profonde des complexités de l’existence humaine et de la recherche d’un véritable bien-être.

Texte original : https://slguardian.org/connecting-the-brains-missing-links-my-talk-with-iain-mcgilchrist/