16 septembre 2024
Voici la preuve objective que j’ai animé la table ronde sur la conscience à Sages & Scientifiques. Le demi-visage à gauche est celui de Deepak Chopra. Voir mon nom et mon visage sur un grand écran me fait peur.
HOBOKEN, 16 SEPTEMBRE 2024. Vendredi dernier, j’ai pris le train pour Cambridge, MA, afin d’assister à Sages et Scientifiques, un événement de trois jours intitulé « Collaboration consciente pour une transformation globale », organisé par l’entrepreneur en santé et spiritualité Deepak Chopra. Samedi, de 8 h à 8 h 45, j’ai animé une table ronde intitulée « L’éveil à la vérité : la conscience comme réalité fondamentale », au cours de laquelle Chopra et quatre autres intervenants ont expliqué que l’univers n’est pas constitué de matière, mais de conscience. Vous trouverez ci-dessous mon compte rendu subjectif, impressionniste et unilatéral de la session. Si vos souvenirs ou un enregistrement de l’événement me contredisent, faites-le-moi savoir. — John Horgan
Réveil, l’horloge indique 8 h 20. Quoi ? Oh merde ! J’ai raté le panel sur l’Éveil ! Je saute du lit, j’enfile mon pantalon en me disant qu’ils ont peut-être commencé en retard, qu’ils m’attendent encore, peut-être…
Réveil, l’horloge indique 5 h 50. Ouf ! Ce n’était qu’un rêve, un faux réveil. J’ai largement le temps d’assister à la session de l’Éveil de 8 heures, surtout qu’elle se tient juste ici, à l’hôtel Hyatt.
Je n’avais pas eu de cauchemars de ce type depuis longtemps. Pourquoi maintenant ? Une anxiété cachée à l’idée de cette mission ? Je me calme, reste allongé et réfléchis aux questions pour le panel.
Douche, habillage, à 7 h 30, je prends l’ascenseur vitré jusqu’au rez-de-chaussée. Je croise Deepak, qui me dit que Donald Hoffman ne pourra pas être présent en personne, mais qu’il a enregistré une vidéo de cinq minutes et que nous commencerons la séance par celle-ci. Parfait, lui dis-je.
La salle de bal d’Amesbury est déjà pleine à craquer, des centaines de personnes font du brouhaha. Je me dirige jusqu’au premier rang et retrouve les autres intervenants : Stuart Hameroff, anesthésiste qui, depuis des décennies, défend la théorie quantique de la conscience co-inventée avec le physicien Roger Penrose ; Menas Kafatos, physicien avec sa propre théorie quantique ; Neil Theise, pathologiste qui fait le lien entre la conscience et la théorie de la complexité.
Je leur rappelle ce que j’ai dit par zoom début août : chacun aura cinq minutes pour présenter sa grande idée, puis je poserai des questions complémentaires, que je ne leur donnerai pas à l’avance, parce que je veux les surprendre. Hameroff se plaint du manque de temps, mais lui et les autres acceptent le plan.
Poonacha Machaiah, PDG de la Fondation Chopra et maître de cérémonie pour le week-end, monte sur scène, nous entraîne dans une prière hindoue (?) et me présente en tant que modérateur de la première discussion, « le journaliste scientifique John Horgan ». Je ressens un frisson de déréalisation en entendant mon nom prononcé en public et en le voyant affiché sur un écran géant.
Je traverse la scène sous des applaudissements dispersés et m’assois dans l’un des cinq fauteuils. La salle se fait silencieuse, je suis seul, sous les projecteurs. Une horloge numérique au bord de la scène compte le temps, il reste 40 minutes. Je parle dans un micro portatif : Bonjour à tous. Entendre ma voix amplifiée me donne un sentiment de puissance, de confiance. Je continue :
Ce matin, nous allons résoudre l’un des mystères les plus profonds et les plus anciens. De quoi la réalité est-elle faite ? Lorsque j’ai commencé à écrire sur la science il y a 40 ans, la réponse était évidente : la réalité est faite de matière. À un moment donné, la matière a donné naissance à la vie ici sur terre. Puis une forme de vie, celle présente dans cette salle, est devenue consciente. L’idée que la matière est à la base de tout s’appelle le matérialisme, et c’est la position par défaut de la science. Mais récemment, certains scientifiques ont remis en question ce matérialisme. Nous allons entendre cinq de ces scientifiques ce matin. Le premier est le spécialiste des sciences cognitives Donald Hoffman, qui n’a pas pu être présent, mais a enregistré un message vidéo de cinq minutes.
Hoffman apparaît sur des écrans géants et dit calmement que la « conscience » bla-bla, « réalité » bla-bla, « matière » bla-bla, « illusion » bla-bla. Une fois qu’il a terminé, tout le monde applaudit poliment et je dis : « Bon, le suivant est Stuart Hameroff. Stu, cinq minutes ». Stu dit la fonction d’onde bla-bla effondrement bla-bla microtubules bla-bla espace-temps bla-bla. Stu dépasse les cinq minutes et je m’apprête à l’interrompre quand il s’arrête de lui-même.
Le suivant est Menas Kafatos. Avec un sourire charmant et chaleureux, Menas décrit une théorie qui n’est pas la même que celle de Hameroff/Penrose, mais qui repose toujours sur des effets quantiques mystérieux. Il s’arrête à quelques secondes de la fin. Un homme bien.
Neil Theise parle avec une grande sincérité de la façon dont la pratique contemplative l’a transformé, passant d’un partisan de la primauté de la matière à un défenseur de la primauté de la conscience et qui voit la conscience comme une propriété intrinsèque d’un univers complexe. Et je pense que ce sont tous de bons gars, des chercheurs comme moi, je ne devrais pas leur donner du fil à retordre et maintenant c’est au tour de Deepak, assis juste à côté de moi.
« Deepak, cinq minutes », je dis. Il répondit : « le temps est une illusion » et je lui réponds : « Pas pour moi, je le garde à l’œil ». Le public rit, et Deepak sourit et, de sa voix hypnotique et sonore, nous explique que sous nos pensées, nos sentiments et nos perceptions individuelles, se cache une conscience qui transcende le temps et l’espace. J’ai déjà entendu cela, mais j’attends poliment qu’il finisse. Et il termine juste à temps parce que c’est un pro, et je dis :
« J’ai pris de l’acide autrefois, donc moi aussi, j’ai des doutes sur le matérialisme, mais je me sens obligé de contredire un peu à ce qui a été dit ici. Permettez-moi de souligner que la conscience ne peut être objectivement quantifiée ou mesurée. Le neuroscientifique Christof Koch a parlé d’un appareil qui mesurerait la conscience comme un thermomètre mesure la température, mais un compteur de conscience n’existe pas encore et je soupçonne qu’il n’existera jamais. Si nous ne pouvons pas mesurer la conscience, cela signifie-t-il que toutes les spéculations que nous venons d’entendre ne seront jamais scientifiques et resteront toujours du domaine de la philosophie, voire de la spiritualité ? »
Avant même que je ne termine, les panélistes lèvent la main. Stu fait remarquer que la conscience est difficile à mesurer, mais que l’anesthésie permet de distinguer les états conscients et inconscients. Deepak répond que la mesure est un produit de la dualité sujet/objet et que la conscience transcende cette dualité, donc évidemment, elle ne peut pas être mesurée.
Je me tourne vers l’audience et dis :
« Je voudrais juste signaler, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, que j’ai demandé si les théories de la conscience étaient scientifiques au sens où elles pouvaient être testées et potentiellement vérifiées, et la réponse des panélistes est NON ».
Les mains des panélistes se lèvent à nouveau, mais je dis :
« Désolé, nous n’avons pas le temps d’approfondir ce point, je dois soulever un autre point avant que nous ne terminions. Nous, les humains, sommes tous narcissiques, nous pensons être au centre de tout. La religion reflète notre narcissisme, toutes les religions disent que l’univers n’est qu’une scène pour notre épanouissement spirituel. La science contrecarre notre narcissisme, elle nous remet à notre place, et je crains que vos théories ne nous ramènent à cette vieille perspective narcissique en faisant de la conscience, un attribut humain, la propriété la plus fondamentale de la réalité ».
Deepak, qui me regarde sévèrement dans les yeux à travers ses lunettes ornées de bijoux, me dit que je l’ai totalement mal compris. Son point de vue est à l’opposé du narcissisme, car la conscience dont tout découle transcende l’ego, le moi individuel, elle est sans forme, infinie et éternelle.
Alors que Deepak me transperce du regard et de sa voix, ma sensation de déréalisation revient en force, je crains que la pression de son regard et de celui du public ne brise mon petit ego fragile et que je ne retourne à la conscience primordiale d’où je suis venu, me fondant dans la scène de la salle de bal d’Amesbury.
Ce qui me sauve, c’est que tout me semble tellement drôle, tellement bizarre et étrange, que je ne peux m’empêcher de sourire. Pendant que Deepak fait une pause, je jette un œil à l’horloge numérique située au bord de la scène. L’horloge rouge compte à rebours : 20 secondes, 19, 18.
« Nous n’avons plus le temps ! » je dis. Je remercie les panélistes pour la discussion stimulante sous les applaudissements du public. À mesure que ma sensation de déréalisation s’estompe, je me retrouve à nouveau dans ma petite onirique confortable, en sécurité, non éveillé. Ouf !
Pour en savoir plus :
Pour avoir une idée de ce qu’ont dit les panélistes, consultez les interviews de l’émission Closer to Truth avec Donald Hoffman, Stuart Hameroff, Menas Kafatos et Neil Theise.
Si vous aimez ce genre de discours, jetez un coup d’œil à mon livre Pay Attention et ces chroniques : Le salon de la conscience, The Consciousness Salon, My Daily Routine et Why I Quit a Class on Zen.
Pour en savoir plus sur ma vision de la conscience, consultez mes livres Mind-Body Problems et My Quantum Experiment, ainsi que mes articles The Rise of Neo-Geocentrism, Can a Mood Be True, The Brouhaha Over Consciousness and « Pseudoscience », The Dark Matter Inside Our Heads et The Solipsism Problem.
Texte original : https://johnhorgan.org/cross-check/the-consciousness-panel
À lire aussi sur ce blog : Donald Hoffman, Neil Theise.