Louis Pauwels : Monseigneur, Mesdames, Messieurs...

(Revue Question De. No 2. 1e trimestre 1974) Extrait de « Ce que je crois », de Louis Pauwels (éditions Grasset). « Ce que je crois » a été écrit par Louis Pauwels comme le témoignage d’une vie en quête religieuse et un testament spirituel et moral aux abords de la maturité. Le chapitre ci-après […]

Louis Pauwels : Comment devient-on ce que l'on est ?

Et pourtant, voyez-vous, il y a, à la base de la mentalité chrétienne, quelque chose qui m’est étranger. Radicalement étranger. Comment vous dire ? Je ne sens pas mes racines dans les origines du christianisme. Le fond culturel du christianisme n’est pas le mien. En réalité, je n’ai jamais cessé de m’y trouver sourdement opposé. Je ne m’en rendais pas compte. Mais dans mes idées, mes sentiments, mes intuitions et jusque dans mes manières d’être, c’était une résistance informulée qui se manifestait. L’évidence a fini par m’apparaître sur le tard. Tu n’es pas chrétien, voilà toute ton histoire. Oui, c’est ce que je me dis maintenant. Comment en suis-je venu à comprendre cela ? Et à comprendre qu’à travers moi, c’était l’essentiel du conflit du monde actuel qui se jouait, comme il s’est joué dans l’Occident antique, voici dix-huit siècles ?

Louis Pauwels : La face cachée de la France

Le panthéon gréco-latin n’est qu’une partie du paganisme indo-européen : il reste encore de grandes traces du paganisme celte, germanique, védique (indo-aryen), indo-iranien, hittite, etc., qui descendent d’un fonds commun supérieur aux paganismes « individuels ». Ce paganisme gréco-latin a cédé au christianisme. Mais ce vieux fonds commun fut plus coriace. Les régions germaniques, celtiques, nord-ibériques et gauloises non romaines ont longtemps résisté à l’évangélisation. Les campagnes rebelles ont d’ailleurs donné leur nom à cette résistance : les pagani (paysans) sont restés les incroyants païens, de même que les Heiden (païens) allemands se tenaient dans die Heide (la lande) et priaient hors des villes.

Louis Pauwels : La distance et la sérénité

Vivre en cherchant le suprême bien dans l’égalité d’âme. Egalité d’âme en toutes circonstances dans ce monde. Egalité d’âme dans les combats. Egalité d’âme dans les chagrins et les bonheurs, les misères et les fastes de ce monde. Certainement, il y a la société, il y a la politique. Mais, ou bien je ne suis qu’un homme-dans-l’histoire, et je n’existe que par mes engagements. Ou bien ma part la plus profonde n’est pas dans l’histoire. Et, dans ce cas, je donnerai au monde, à la société, à la politique, à l’histoire ce qu’il faut bien donner. Mais à distance et sans passion. Il m’arrivera de prendre parti. Mais je douterai d’avoir raison. Il m’arrivera d’agir. Mais je douterai des fruits de l’action. Et s’il arrive que j’y mette de la passion (sait-on jamais !), il y aura encore ma part profonde qui ne se passionnera pas pour cette passion.

Louis Pauwels : Etat de conscience et la possession de soi

Toutes les traditions spirituelles disent la même chose : qu’il faudrait avoir la puce à l’oreille et se réveiller. « Éveille-toi, dormeur, éveille-toi ! » Il faut aller contre cette nature lâcheuse qui ne nous a qu’ébauchés. Contre cette nature endormeuse qui nous rend contents de si peu. « Veiller est tout. » Il faut, avec une volonté de démiurge, essayer de changer d’état. Alors se dévoile le sens de la parole sibylline selon laquelle « être, c’est être différent ».