René Alleau : Inventaire des mystères et des principales sociétés secrètes depuis l'antiquité jusqu'aux temps modernes

Le culte des astres et des constel­lations en Mésopotamie correspon­dait à des mystères magico-religieux que l’on doit distinguer de ceux de la dévotion publique et de la religion officielle. « Ils appartenaient, dit É. Dhorme, à la religion des initiés, des astrologues, des devins, qui suivaient sur la sphère céleste les évolutions des êtres mystérieux dont ils faisaient dépendre la vie du monde. Tout devenait dieu dans ce domaine où brillaient les étoiles qu’on avait précisément adoptées, dans l’écriture, pour représenter la divinité. » Cette adoration des astres a été répandue dans tout le monde antique ; on la désigne parfois sous le nom de « sabéisme ». Maïmonide assure que le caractère dominant de ces croyances et de ces pratiques était de favoriser et de protéger par des prières et par des rites les travaux de l’agriculture. Mentionné dans le Coran, le sa­béisme y désigne la religion des chrétiens de saint Jean ou « men­daïtes »

Les sociétés secrètes modernes : 4 Les méthodes initiatiques et l'évolution des sciences

En réalité, le sacré ne repose ni sur l’intelligible, ni sur le sensible, ni sur la science, ni sur la métaphysique. Le monde du sacré est fondé éternellement sur l’incarnation du mystère, c’est-à-dire sur l’ordre de l’inconnu et de l’inconnaissable, sur l’ordre du non-humain et non pas sur la seule raison humaine. Et s’il n’y avait pas de transcendance à la base même des mystères, alors il n’y aurait pas non plus de mystères et toutes les sociétés secrètes traditionnelles ne seraient que des écoles de philosophie et des systèmes de morale qui passeraient comme tous les systèmes et comme toutes les écoles. Mais si elles sont fondées sur la transcen­dance, alors les mystères initiatiques sont réels et non seule­ment réels mais éternels comme leur principe universel. D’autre part, la voie traditionnelle vers le divin se propose de changer l’homme tout entier et non pas de développer des pouvoirs humains particuliers. Le processus de cette lente métamorphose, c’est l’initiation, et ses méthodes ne pré­sentent aucun rapport avec celles de l’enseignement et de la pratique des sciences…

René Alleau : Les sociétés secrètes modernes : 3 La géométrie symbolique

Qu’entendons-nous par l’expression : « géométrie symbo­lique » ? Nous avons naguère essayé de distinguer aussi pré­cisément que possible les « synthèmes » et les symboles à partir de la différence qui sépare des signes de liens mutuels, de nature sociale et profane, des signes d’une ou de plusieurs liaisons, de nature religieuse et sacrée, attestée soit par des initiations, soit par les rites. Les « synthèmes » suggèrent des rapports rationnels descrip­tibles ; les symboles évoquent, dans leur essence, des rela­tions spirituelles qui ne sont ni mesurables ni exprimables de façon totalement adéquate. De plus, nous avons indiqué qu’entre les synthèmes sociaux et les symboles sacrés se situaient les emblèmes, bases du langage de l’art. Ainsi peut-on concevoir qu’une géométrie puisse être synthématique, emblématique ou symbolique, selon sa structure propre et sa finalité.

René Alleau : Les sociétés secrètes modernes : 2 Les origines de la franc-maçonnerie

Au lieu d’essayer de découvrir les origines de la maçonnerie dans les faits historiques, dans les dates, dans les documents et dans les chartes qui peuvent trop souvent être falsifiés, nous recher­cherons ces sources dans le symbolisme initiatique lui-même, c’est-à-dire dans les formes précises que revêt l’influence mystérieuse transmise par l’initiation. Or ce symbolisme est de nature géométrique. Les principaux instruments sacrés d’une loge sont ceux de l’« art du trait », l’équerre et le compas, sans lesquels aucune figure régulière ne peut être obtenue dans la pratique de la construction architecturale…

René Alleau : Les sociétés secrètes modernes : 1 Les sociétés secrètes chinoises

Au cours de sa longue histoire, la Chine a connu toutes les formes possibles de sociétés secrètes, dont elle a tou­jours été la terre d’élection. Cet immense pays a compté d’innombrables variétés de groupements clandestins qui liaient entre eux les représentants des activités économiques et sociales les plus diverses, les agriculteurs, les commer­çants, les hommes politiques, les militaires, les religieux et même les mendiants et les voleurs…

Les sociétés secrètes du Moyen Age et de la Renaissance: 3 Les académies et les sociétés secrètes de la Renaissance

Or on peut remarquer à ce propos que Pleber devait être laïque bien que le texte cité ne l’indique pas expressément ; en effet, si cet architecte avait appartenu à une confrérie religieuse, la condition de l’évêque, le genre même du monu­ment que celui-ci voulait édifier auraient suffi pour engager le jeune constructeur à livrer spontanément l’« arcanum magisterium », le « secret de maîtrise ». Il est ainsi probable, pour ne pas dire certain, qu’existaient, à côté des religieux qui avaient le monopole de l’art de bâtir, des architectes laïques, en petit nombre peut-être, mais qui n’en gardaient pas moins jalousement des secrets importants. En effet, il n’est pas possible de réduire ces arcanes à de simples procédés techniques puisque nous venons de citer les textes de Vitruve selon lesquels un savoir encyclopédique était nécessaire à l’exercice même de l’art de l’architecture…

René Alleau : Les sociétés secrètes du Moyen Age et de la Renaissance: 2 Les gardiens de la Terre sainte

Après le concile de Troyes, en 1128, la règle du Temple, d’inspiration bénédictine, est fixée. L’éloquence de saint Bernard oppose l’humilité de la nouvelle chevalerie, sa pau­vreté volontaire, son esprit de pénitence au « courroux déraisonnable, à la soif de la gloire et à la convoitise des biens temporels » de la noblesse du siècle. Saint Bernard salue avec espoir ce signe de la présence d’un nouvel idéal chrétien « dans la Terre de l’Incarnation ». Avec la deuxième croisade, l’ordre reçoit sa tenue, fixée par le pape : un man­teau blanc et une croix rouge sur le cœur, ainsi que des pri­vilèges importants : droit de percevoir des impôts locaux, indépendance à l’égard du clergé séculier de l’endroit, pos­sibilité d’établir des églises avec des chapelains relevant directement de Rome…

René Alleau : Les sociétés secrètes du Moyen Age et de la Renaissance: 1 La tradition ésotérique judéo-chrétienne

En effet, selon ces conceptions, les hommes pieux peuvent s’élever jusqu’à Dieu, même dans les limites de la vie présente, s’ils savent l’art occulte de s’affranchir des liens qui unissent l’âme et le corps. Cette notion d’une délivrance et d’une union mystique avec l’essence divine jouait aussi un rôle fondamental dans le gnosticisme. Cela explique la fonction centrale de mystérieuses cérémonies et d’incantations associées à une hiérarchie d’anges et d’esprits qui servaient, en quelque sorte, de guides et de supports au mystique durant son ascension vers le divin. Les paroles et les formules sacrées permettaient à l’initié de triompher des mauvais génies, qui s’efforçaient de l’attirer vers l’abîme. Les Esséniens, fort instruits dans l’angélologie et dans la démonologie, ont emprunté ces connaissances à des sources mésopotamiennes et égyptiennes. Toutefois ces éléments initiaux étrangers furent, en quelque sorte, « judaïsés » et prirent la forme de l’adoration du nom de Dieu « qui crée et qui détruit les mondes », selon la philosophie du « Sepher Yetzirah » et du « Zohar » : « le livre de la Splendeur »…

René Alleau : Les sociétés secrètes antiques: Éleusis et Mithra

Les mystères ont existé partout dans le monde antique en Égypte, en Syrie, en Perse, en Cappadoce, chez les Romains et dans l’Hellade. Origène compte aussi les Indiens au nombre des peuples anciens qui ont connu les initiations. Parmi les cultes mystérieux qui étaient célébrés en de nombreuses cités grecques, ceux d’Éleusis, propres aux Athéniens, l’emportaient sur tous les autres. Leur fonction religieuse était à ce point importante que l’empereur Claude, selon Suétone, eut l’intention de transférer à Rome le siège de ce célèbre sanctuaire. Auguste, initié à Athènes, était l’un des hauts dignitaires de la hiérarchie éleusinienne. Sous son règne, et en sa présence, un Indien, Zamoras, fut initié à Éleusis. Ces mystères conservèrent leur réputation universelle jusqu’au temps de Justinien. Le sanctuaire, détruit une première fois par un incendie, au IIe siècle après J.-C., fut dévasté par les Goths d’Alaric en 396. L’enseignement d’Éleusis gardait pourtant encore quelque prestige au Ve siècle de notre ère puisque le philosophe Synésius se rendit alors à Athènes afin de se faire initier

René Alleau : Les sociétés secrètes antiques: Sources

Il est actuellement établi par les découvertes archéologiques contemporaines que la Mésopotamie et l’Égypte ont été à l’origine du mouvement de haute civilisation qui se répandit à travers la Palestine, la Syrie, l’Asie Mineure et qui atteignit la Crète, en partie par le continent asiatique, en partie par la voie maritime. Cette expansion semble avoir pris naissance vers la fin du quatrième millénaire avant l’ère chrétienne, durant la période protolittéraire sumérienne. La civilisation égyptienne ne se forma pas avant 3000 à 2800 avant J.-C., lors de l’avènement de la première dynastie. Vers l’Est, les hautes cultures apparaissent pour la première fois dans l’Inde, vers le milieu du troisième millénaire, avec la civilisation d’Harappâ ; en Chine, vers le milieu du deuxième ; à l’Ouest, aucune trace certaine d’une haute culture antérieure au milieu du premier millénaire n’a été retrouvée…