La vie est un combat entretien avec Maître Deshimaru

Le maître Zen Taisen Deshimaru enseigna quinze ans durant en Europe les principes et la pratique du Zen. Dans cet entretien fait à la suite d’une session, à Zinal en Suisse, consacrée aux rapports du Zen et des arts martiaux japonais, il dévoile les techniques et l’esprit de l’acte juste, cet état d’éveil, de concentration […]

La mort une autre naissance ?

C’est un problème qui préoccupe beaucoup de gens. Pour en parler exhaustivement, je devrais faire une conférence de deux heures. Après la mort que se passe-t-il ? C’est un problème religieux auquel il n’est pas nécessaire de trop penser. Ceux qui ne veulent pas mourir sont toujours préoccupés par cela. Dans le bouddhisme, on ne fait pas de commentaire sur l’après-mort. L’essentiel est « ici et maintenant ». Les problèmes métaphysiques ne peuvent pas être résolus. On ne peut ni les affirmer, ni les nier ; on ne peut rien décider.
Après la mort, que devient l’esprit ? Personne n’est revenu pour en parler. Il ne faut donc pas trop s’attacher à la mort. C’est le sens de la célèbre phrase de Dogen : « Le bois ne peut pas regarder les cendres. » Le bois représente la vie et les cendres la mort. « Les cendres ne peuvent pas voir le bois. »
On peut aussi comparer la vie aux images qui se forment sur l’écran de la télévision et la mort à l’interruption des images après avoir tourné le bouton. Si on regarde, notre vision est subjective. Si on tourne le bouton, l’image disparaît.

Mu Ku Do Ku Ka Ku Nen Musho

C’est différent de Ku, c’est la totale vacuité où il n’y a plus rien du tout, au-delà de la sainteté et de la folie. Dans Ka ku nen musho, il n’y a ni sol ni plafond, ni plancher ni toit. Pas de dessous, pas de dessus, ni vent, ni porte du sud, de l’est, de l’ouest, du nord. Pas de tapis, pas d’étage, pas de colonne. Il n’y a ni bien ni mal, ni haine ni amour. Cela fait complètement partie du ciel pur, sans nuage, bleu, immense, infini. Il n’existe aucun point de rencontre, tout est infini. Ainsi est Ka ku nen musho. Cela est l’essence du Zen, au-delà de la sainteté et de la folie.

Le Zen et le miracle Japonais, entretien avec Taisen Deshimaru

Le zen n’est pas une réponse spirituelle à un monde matérialiste. C’est une façon de contrôler les rapports de l’un et de l’autre. C’est une réponse à la fois matérielle et spirituelle. Le rôle du maître zen consistant uniquement à éduquer, en donnant une réponse antithétique à une question thèse, C’est donc une sorte de dialectique orientale, et même si tous les jeunes Japonais ne sont pas soumis à un enseignement zen, ils en sont imprégnés de par la tradition mentale de la société dans laquelle ils évoluent.

Taisen Deshimaru : Au sujet de la conscience transcendantale

Chacun pense qu’il est difficile d’atteindre la conscience transcendantale. Les philosophes, les scientifiques, les intellectuels ont bâti des théories, des concepts au moyen de leur aptitude (agilité), logique particulière et tout est devenu très compliqué. Le Zen veut renverser le cours ordinaire du savoir et faire appel à sa propre méthode spécifique d’entraînement de nos esprits à l’éveil de la sagesse transcendantale. Couramment on pense qu’il est très difficile d’obtenir le Satori à travers le zen parce qu’on croit que le Satori est une illumination particulière. Mais si vous ouvrez un dictionnaire japonais-français ou japonais-anglais au mot Satori les premières traductions que vous trouverez sont : compréhension et éveil.

Taisen Deshimaru : Le grand cercle

L’un des textes sacrés préférés de Maître Deshimaru était le Shodoka ou Chant de l’Immédiat Satori. Composé de 78 poèmes, il a été écrit par Maître Yoka en Chine au VIIe siècle de notre ère. Pur joyau poétique et spirituel, considéré comme l’un des textes fondamentaux suscités par l’expérience de la pure liberté originelle vécue par l’esprit et la pratique du Zen, le Chant de l’Immédiat Satori a été traduit et commenté par Maître Deshimaru. En voici le dernier poème et les réflexions le concernant.

Taisen Deshimaru : Commentaires

On pense, on pense surtout avec la partie gauche du cerveau. Si l’on enseigne à partir du corps et qu’on se concentre sur le comportement, on oublie de penser. Si on se concentre sur le corps, on oublie l’esprit. Tel est le sens du deuxième vers. Est-ce le corps ou l’esprit qui devient Bouddha ? Il faut réaliser à travers le corps et l’esprit, car ils ne sont pas séparés. Chaque cellule a sa propre vitalité mais toutes sont interdépendantes. Où existe le véritable esprit ? L’esprit et le corps existent en interdépendance. Dans certaines religions, on prétend qu’après la mort, le corps disparaît mais que l’esprit reste. Je ne peux y croire. Tout problème relatif au monde invisible ne peut ni être nié, ni être affirmé. Certes, à la mort, l’activité disparaît, mais le corps tout en se transformant retourne au cosmos, si on incinère ou jette dans la mer. Et même, cent ans ou six cents ans plus tard, les éléments constitutifs du corps demeurent.

Maitre Taisen Deshimaru : Le temps selon maître Dogen

Ne pensez pas au temps comme s’envolant simplement au loin, il y aurait séparation entre le temps et vous-mêmes. Si vous pensez que le temps est juste un phéno­mène qui passe, vous ne comprendrez jamais l’Être-­temps. La signification centrale de l’Être-temps est que chaque être dans le monde entier est relié aux autres et ne peut jamais se séparer du temps. L’être est le temps et par conséquent mon propre temps véritable. Cepen­dant, il y a un mouvement du temps dans le sens de se mouvoir d’aujourd’hui à demain, d’aujourd’hui à hier, d’hier à aujourd’hui, d’aujourd’hui à aujourd’hui, de demain à demain. Ce mouvement est caractéristique du temps. Passé et présent ne peuvent se recouper, ils sont indépendants et ne chevauchent pas. La tâche difficile des professeurs est de nouveau l’Être-temps. La plupart des gens pensent que le temps passe et ne réalisent pas, qu’il y a un aspect qui ne passe pas. Réaliser cela est compren­dre l’Être. Ne pas le réaliser est aussi l’Être… Car la réalisation et l’ignorance sont l’une et l’autre contenues dans l’Être-temps. Rappelez-vous cependant que l’Être-­temps est indépendant des idées. Il est l’actualisation de l’Être.