Michel Guillaume : Sortir de l’inertie

Nous sommes – et nous ne devrions pas être – cette petite créature quasi impuissante; terne et irrémédiablement bloquée dans un isolement consti­tutionnel, physiologique, devant un cosmos hostile et bien souvent parmi nos semblables indifférents. Nous sommes – et nous ne devrions pas être – ce minable individu qui s’agite à la surface du globe tout seul dans sa peau pour affronter en une lutte égoïste, une nature avec laquelle il ne communique pas et une société humaine constituée d’étrangers. Et par dessus tout nous sommes – et nous ne devrions pas être – ce fantoche transitoire, bloqué dans les courtes années qui séparent notre étroit aujourd’hui du soir de notre mort.

Hazrat Inayat Khan et son œuvre

Une grande partie de l’enseignement Inayatien, quand on le regarde dans son ensemble, vise à cultiver la pensée. Mais non pas la pensée dans le sens habituel du terme. Non pas cette culture que l’on pratique dans les Écoles et les Universités où l’on apprend à approfondir tel ou tel sujet limité, où l’on s’entraîne à une certaine méthode d’investigation. Cela n’est pas inutile, mais ne peut mener, là aussi, qu’à un but limité, duquel l’esprit devient pour ainsi dire captif. Une pensée ainsi prise au piège ne peut remplir le grand dessein de la vie humaine. Cultiver la pensée à la manière Soufie veut dire la libérer des conditionnements qui la tiennent entravée. Ces conditionnements sont de deux sortes : les émotions qui proviennent de notre ego, et les habitudes anciennes de penser que nous avons acquises au cours de notre vie. Cette libération est essentielle, parce que c’est seulement une pensée libérée qui peut nous per­mettre de toucher cette Vérité qui est Dieu, qui est la Spiritualité, qui est le Bonheur et la Paix.

Murshida Sharifa Goodenough : Le message soufi

Le développement unilatéral de l’homme dans le siècle présent l’a conduit aux désastres récents et a amené la civilisation occidentale au bord de la ruine. L’homme n’est concerné que par le monde extérieur et cela a produit le matéria­lisme qui a obscurci son cœur et étouffé son âme. Et comme la vie aujourd’hui nous force à nous enfoncer dans des choses matérielles, il est d’autant plus nécessaire de pénétrer dans la spiritualité.

Michel Guillaume : La qualité de Vie

Alexis Carrel émit l’idée, à propos du temps biologique beaucoup plus lent chez l’enfant que chez l’homme mur, que l’enfant ressent, remarque, enregistre et assimile beaucoup plus de choses que l’adulte et ainsi vit de façon beaucoup plus satisfaisante et intense que lui. La qualité de vie de notre enfance n’est pas comparable à celle de notre matu­rité. N’en sommes-nous pas d’ailleurs conscients ? Ne regrettons-nous, pas tous la capacité d’émerveillement de notre enfance, qui n’est pas autre chose que la clarté et l’intensité de la conscience ? Notre vie un peu terne, un peu désabusée, ne tient pas seulement aux expériences cuisantes, elle tient aussi au fait que nous ne savons plus ressentir ni enregistrer comme autrefois, parce que notre rythme biologique (et j’ajouterai le rythme mental) est devenu trop rapide avec l’âge.

Michel Guillaume : Retrouver l'Esprit

La spiritualité c’est la rencontre avec l’Esprit, et l’Esprit souffle où il veut, pas nécessairement là où l’on s’en réclame. L’Esprit vivifie, c’est-à-dire qu’il apporte toujours un air neuf, inattendu. Au besoin l’Esprit bouscule nos chers petits conformismes, les vérités que nous croyons tenir (« comme une brique », disait Hazrat Inayat) ; en bref, l’Esprit c’est toujours Autre Chose ; un Autre Chose qui nous comble et en même temps nous demande un effort de réajustement, de dépassement, d’adaptation.

Jean Gontier : La vérité sans nom

De cette Vérité je pourrai seulement dire qu’elle est la Réalité profonde de ma nature dont l’aspect physique, psychique et intel­lectuel ne sont que les apparences, comme la glace, l’eau et le gaz sont celles d’une seule réalité atomique. Cette Vérité je me refuserai à en dire quoi que ce soit d’autre, à la qualifier, à la quantifier et même à la nommer car Elle est au-delà de toute distinction et de toute manifestation ; or nommer c’est déjà distinguer, séparer. Elle est également au-delà de toute appartenance. C’est pour cela qu’aucune tradition et aucun système de pensée, lesquels ne sont jamais que des moyens d’approche pour parvenir à son seuil, ne peuvent La reven­diquer comme leur étant propre et exclusive, contrairement à ce qui se passe dans le monde des hommes.

Murshida Sharifa Goodenough : Apprendre et désapprendre

Maintenant, dans la vie spirituelle, les données sont différentes de celles du monde : l’abandon des trésors, de ce que nous avons pris l’habi­tude de considérer comme nos trésors, est une condition essentielle. On peut dire que tout le progrès dans cette voie est cela. Et la première chose est d’abandonner le trésor de son savoir. Toute sa vie, on a appris qu’une chose était telle. Et il s’agit de l’oublier pour un moment, de la voir d’un autre point de vue, de différents points de vue ; par exemple du point de vue de celui dont on s’est approché pour qu’il soit le guide spirituel dans ce sentier.

Michel Guillaume : Les pièges sur la Voie

L’une des premières de ces ivresses est celle de l’intellect. Cette ivresse nous porte à croire que la compréhension des idées spirituelles est ce qui importe le plus, que cela suffit à nous transporter, en quelque sorte, dans les réalités dont elles ne sont en fait qu’une simple indication. Cette méprise est des plus répandues à notre époque où toute l’instruction que l’on nous dispense vise à surchauffer la matière grise aux dépens des facultés méditatives. Mais l’intelligence n’est pas l’expérience. Et l’on aura beau accumuler les lectures, assister assidûment aux conférences et fréquenter les réunions, l’on tournera toujours en rond dans sa propre cervelle…

Jean Gontier : L'expérience fondamentale

S’imaginer que l’on parviendra à la connaissance de la source primordiale en immobilisant artificiellement ce qui naturellement est mouvement, la pensée en particulier, ne peut déboucher que sur une impasse. On aboutira à des états temporaires de vide, d’extase, d’auto-hypnose ou de samâdhi, non à l’expérience véritable. Ma source pri­mordiale est toujours présente à travers tous les états de mon exis­tence. C’est au centre immobile de mon être que je la connais en tant que telle avant d’en faire l’expérience à travers tous les aspects du monde phénoménal. Il n’y a rien à changer, rien à modifier ou à sup­primer à priori. C’est seulement quand l’expérience primordiale est vécue que, par voie de conséquence, la structure individuelle se trouve modifiée, mais cela s’accomplit de soi-même et non par le fait d’une volonté délibérée.

Murshida Sharifa Goodenough : Le bonheur et le succès

Bien des esprits penseront en effet : « Le bonheur ? le succès ? Sont ce là des buts spirituels ? Le bonheur, oui, peut-être. Mais le succès ? Peut-on par­ler du succès gland il s’agit d’une vie spirituelle? Le malheur, les échecs y pa­raissent des choses tellement plus fructueuses ! » C’est que nous comprenons mal le bonheur et en quoi consiste le succès. On dira par exemple : « Je ne fais pas ceci pour mon propre bonheur, je le fais avec une idée plus élevée ; je ne me sou­cie pas de mon bonheur personnel, je cherche quelque chose de plus important. » C’est que par bonheur on entend le plaisir, les joies. Le bonheur est autre chose que cela. Le plaisir n’est qu’une petite ombre de bonheur, un reflet qui ne dure qu’un moment.