Krishnamurti
Rien n’est un problème à moins que vous n’en fassiez un

Vous regardez une fleur sur le bord de la route, vous la regardez là, vous voyez sa beauté, la tranquille condition de son existence, sa couleur, vous en respirez le parfum. Et, simplement, vous regardez et vous passez. Regardons exactement de la même manière le mouvement de notre vie durant les heures de veille, exactement ainsi, sans désirer résoudre aucune de ses complexités, aucune des questions qui sont en cause durant notre journée.

Septième conférence publique de Krishnamurti à Saanen dimanche 23 juillet 1978 traduite par René Fouéré dans un style respectant l’oralité. Fouéré effectuait la traduction des enregistrements sur place et les lisait au public francophone le lendemain. Le titre est de 3Millénaire.

Note de René Fouéré

C’est la dernière traduction de ce cycle de conférences.

Je rappelle ce que je me suis efforcé de faire, en tout désintéressement : restituer aux traductions le caractère vivant de l’original, ce qui était rendre à Krishnamurti une sorte d’hommage.

J’ai fait de mon mieux, mais je m’excuse encore et par avance des imperfections que mon travail a comporté et peut comporter, en raison notamment des limites de temps qui m’étaient imposées. Je me suis efforcé de suivre aussi exactement que possible la pensée et les mots de Krishnamurti — compte tenu de la différence des significations des mots quand on passe du français à l’anglais, mais sous réserve de m’exprimer autant que possible dans un français correct.

Je dis toute mon affectueuse gratitude à notre amie Jacqueline Mattéi, traductrice professionnelle, qui n’a cessé de m’apporter son aide précieuse pour la traduction de certaines phrases ou expressions.

Je remercie également Mme Haupner et son équipe, qui se sont efforcés de me faire parvenir dans le plus bref délai les enregistrements sur bande magnétique, sur cassette, des propos de Krishnamurti.

Ce dernier a encore fait usage dans cette dernière conférence du mot « holistique », dont j’ai déjà précisé le sens de façon détaillée. Je me bornerai à rappeler que ce mot a été créé par le général Smuts à propos de l’évolution biologique. Pour lui, le holisme était la tendance de la nature à former des touts dont les propriétés étaient autres que celles de leurs éléments constituants. Observer de façon holistique, c’est observer d’une manière non pas analytique, mais totale, saisir la totalité de ce qu’on observe.

Ici encore, j’ai traduit par « perception pénétrante et immédiate » le mot « insight » employé dans certains paragraphes par Krishnamurti.

Je renouvelle l’expression de ma gratitude à M. Chalot, qui m’a permis généreusement de m’éclairer très agréablement pendant mon travail.

26.7.1978

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Je crois que c’est la dernière causerie. Il y aura des discussions ou dialogues ou conversations — appelez cela comme vous voudrez. Mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche. Alors, nous pourrons nous bombarder les uns les autres avec un tas de questions et essayer de leur trouver une réponse.

Durant les six dernières causeries, nous avons discuté ensemble d’un grand nombre de choses. Nous avons étudié la manière dont nous sommes influencés par les institutions, dominés et modelés par elles. Nous avons étudié aussi la question des idéaux, la manière dont ils déforment nos esprits, nous rendent violents, inefficaces, incapables de faire face aux réalités de la vie. Et nous avons parlé aussi de la pression qu’exerce le savoir. Le savoir dont nous avons dit qu’il est toujours dans le passé et comment il gouverne, façonne notre pensée, nos actions ; et nous sommes grandement influencés par ce savoir, par le passé. Le passé étant l’expérience, accumulée comme savoir dans le cerveau, et la mémoire est la réponse donnée par ce savoir. Nous avons parlé aussi de la pression exercée par les idées, par les idées dans nos rapports les uns avec les autres, ce qui doit être, ce qui devrait être, etc. Nous avons parlé aussi des diverses formes d’illusion dans lesquelles nous vivons. Et nous avons parlé de la peur, de la question de savoir si la peur peut prendre fin, complètement, totalement, être déracinée de nos profondeurs mêmes de telle sorte qu’un être humain soit totalement libéré de ces ténèbres. Nous avons aussi parlé de la recherche d’un plaisir qui n’aurait pas de fin, le plaisir étant la réponse des sens en tant que désir et l’expression, dans le présent, de ce désir venant du passé et allant vers le futur. Nous avons aussi étudié la question de savoir si les êtres humains peuvent jamais mettre un terme à leur douleur, pas seulement à leur chagrin momentané et passager, mais aussi à la profonde douleur de l’homme qui a fait face aux guerres, à la destruction, à ce conflit interminable qui n’a aucune signification pour la vie. Et nous avons étudié aussi la question de la nature de l’amour, si un être humain peut en aimer un autre sans tous les problèmes qui sont impliqués en cela : ambition, intérêt personnel, jalousie, antagonisme, domination, attachement, etc. Nous avons étudié tout cela et nous avons dit que là où ces choses existent, il n’y a pas d’amour.

Et, quand l’action est basée sur la simple pensée qui est mémoire, alors cette action est incomplète et, étant incomplète, elle doit amener invariablement le conflit. Toute action qui n’est pas totale, entière, holistique, complète doit engendrer la contradiction. Nous avons étudié cela très soigneusement.

Et, l’autre jour, nous avons parlé de la fin de la douleur et de la compassion qui se manifeste lorsque la douleur prend fin. Et je pense que nous devrions parler aussi de diverses choses ce matin. J’espère que vous vous sentez tous bien. Il fait assez chaud !

Nous devrions nous demander, je pense, pourquoi nous suivons quelqu’un d’autre, ce que nous faisons apparemment. Nous devenons les disciples de quelqu’un.

S’il n’y avait pas de disciples, i1 n’y aurait pas de maîtres. Et, à cause des disciples, les maîtres se multiplient. Et le disciple, dès lors, détruit ce dont il s’était mis à la recherche. Il cherche à découvrir — s’il est une personne réellement sérieuse — il cherche à découvrir ce qu’est la vérité, si la liberté existe, s’il y a un sentiment d’existence intemporelle.

Et, si vous suivez quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre, que ce soit un prêtre, un livre, un gourou, une autorité, vous ne pourrez jamais, en n’importe quelles circonstances, découvrir tout cela. On peut donc se demander sérieusement, pourquoi on suit quelqu’un d’autre. C’est très important, réellement, parce qu’ainsi, cela nie la liberté. Et on a suivi le prêtre en Europe occidentale aussi bien qu’en Asie, pendant des milliers et des milliers d’années. Nous sommes encore dans l’angoisse, dans l’incertitude, misérables, malheureux, dans le conflit, dans un labeur incessant. Et cela peut être essentiellement la faute des disciples, de celui qui suit soit le livre, soit le mot, soit la personne. Et quand vous suivez, vous niez votre propre enquête, votre propre recherche de la vérité.

Donc, si on peut vous le suggérer, ne suivez personne, y compris l’orateur. J’ai rendu cela très clair, dès le commencement même, que nous nous parlons, que l’orateur n’est pas là, que vous vous regardez vous-même et découvrez tous les problèmes, la confusion, l’incertitude, l’extraordinaire exigence du désir, etc. Vous posez ces questions à vous-même, en conséquence, il n’y a ni maître ni disciple. Seulement le fait d’apprendre. Non pas apprendre d’un autre, mais apprendre sur vous-même, regarder en vous-même. Vous ne pouvez absolument pas regarder en vous-même, sans aucun motif directeur, si vous êtes tout le temps consumé par le sentiment de votre propre importance, par vos propres ambitions, vos propres problèmes.

Je me demande si vous vous êtes jamais posé la question de savoir pourquoi vous avez un problème, de n’importe quelle espèce — vous pouvez avoir un problème mathématique, des problèmes scientifiques, des problèmes de savoir, mais, psychologiquement, pourquoi avez-vous des problèmes ? Et si vous avez un problème, pourquoi n’y mettez-vous pas un terme immédiatement, au lieu de le reporter encore et encore, durant tout le reste de votre vie ? Vous savez, quand le problème se présente à vous, si vous ne le résolvez pas instantanément et continuez d’y penser, de vous tracasser à son sujet, cela détériore les cellules du cerveau, évidemment. S’agissant de résoudre un problème, un problème humain, un problème psychologique, les problèmes des rapports, la manière de l’aborder importe énormément. Vous comprenez ? Je vous en prie, nous parlons entre nous. Il n’y a pas de gourou, il n’y a pas de maître ici, il n’y a que le problème. Et la manière d’aborder le problème. Parce que la solution peut se trouver dans la manière même d’aborder le problème. Vous comprenez ce que nous disons ?

Supposons que j’aie un problème : si je l’aborde avec le désir d’y mettre un terme, je m’en approche déjà avec une intention déterminée, qui peut dénaturer le problème lui-même. Si j’en viens à ce problème avec un motif, le motif dictera la réponse à ce problème. Est-ce que nous suivons, les uns les autres ? Je ne me parle pas à moi-même, nous parlons entre nous. Nous participons ensemble à cette recherche. Ou, plutôt, vous étudiez et découvrez par vous-même ce point que vous ne pouvez pas résoudre un problème humain si vous l’abordez de façon erronée. Il y a une manière correcte de l’aborder qui est : sans un motif, sans essayer de mettre un terme au problème. Autrement, si vous l’abordez avec une conclusion, avec, déjà, une intention préméditée, alors, le problème subsiste. Tandis que, si vous pouvez vous libérer de tout motif, de toutes directions de recherche, du désir de trouver une réponse, alors, quel que soit le problème, vous l’abordez librement. Même, si c’est le plus scientifique, le plus complexe des problèmes. Parce que l’esprit libre ne crée pas un problème, il rencontre un problème, alors, il le résout, mais il ne crée pas un problème. Vous suivez ? Tandis que nous créons des problèmes et, ayant créé un problème, nous l’abordons avec de la peur, de l’anxiété, nous consultons d’autres personnes, vous savez, nous passons par toutes sortes de démarches en vue d’essayer de le résoudre. Ou, vous étudiez le problème très complètement, vous l’observez, vous le laissez vous raconter toute son histoire et, alors, peut-être, durant la journée, vous vous trouvez complètement libéré de ce problème.

Dès lors, nous disons ceci : nos esprits humains, nos cerveaux, nos esprits, notre pensée, nos émotions, nos sens sont vieux de millions et de millions d’années. Ils sont lourdement conditionnés et c’est ainsi qu’ils créent le problème. Et, aussi longtemps que le cerveau pense encore à trouver des moyens de sortir du problème, il ne fait que le prolonger davantage et l’agrandir. Est-ce que nous rendons la chose claire pour nous-mêmes ?

Donc nous allons discuter, de façon non problématique — vous comprenez, ce n’est pas un problème, rien n’est un problème à moins que vous n’en fassiez un problème — nous allons étudier, mais ne faites pas de ce que nous allons étudier quelque chose que vous auriez à résoudre. Et, je vous en prie, comprenez cela, c’est très important ! Car nous allons faire porter notre enquête sur toute la question de savoir ce qu’est une vie religieuse, s’il est terrible ou possible de vivre cette vie religieuse en ce monde.

C’est un des problèmes — je ne l’appellerais pas un problème —, c’est une des choses que nous allons examiner. Et, nous allons aussi faire porter nos recherches sur tout le mouvement de l’esprit, du cerveau, non seulement pendant le jour, mais pendant le sommeil. Nous allons aussi étudier, et non en faire un problème, la question du temps, la question de l’espace, de la distance. Et aussi le problème très complexe — non pas le problème — l’état très complexe d’un esprit qui est capable de réelle méditation.

Nous allons étudier tout cela et, comme nous l’avons dit, abordons-le sans désirer trouver une solution à l’une ou l’autre de ces choses. Vous comprenez ? Alors, cela devient amusant. Alors, il y a un certain sentiment de joie dans cette recherche.

Tout d’abord, étudions, regardons, observons ce qu’est le mouvement de notre vie quand nous sommes éveillés durant le jour, et quel est ce mouvement quand nous sommes endormis. Nous avons séparé le sommeil et l’état de veille, et c’est peut-être totalement erroné. On doit dormir, l’obscurité est nécessaire à la nature, donc nous devons dormir. Mais nous avons séparé le sommeil et l’état de veille, et nous n’avons jamais étudié l’état de l’esprit qui ne dort pas, qui est éveillé — je ne voudrais pas me servir de ce mot « éveillé » — qui ne dort pas, exprimons cela de cette manière. Et l’état de l’esprit qui dort, pendant la nuit.

D’accord ? Car, il est important de comprendre ceci, parce que — non pas « parce que », excusez-moi — il est important de comprendre ceci.

Quel est l’état d’un esprit — dans lequel sont inclus les sens, les désirs, la pensée, la mémoire, l’expérience, le savoir et tout le mouvement — durant les heures de veille, quel est cet état d’esprit ? Non pas comment sortir de cet état ou comment s’en libérer : il s’agit de l’observer. Vous comprenez ?

Vous regardez une fleur sur le bord de la route, vous la regardez là, vous voyez sa beauté, la tranquille condition de son existence, sa couleur, vous en respirez le parfum. Et, simplement, vous regardez et vous passez.

Regardons exactement de la même manière le mouvement de notre vie durant les heures de veille, exactement ainsi, sans désirer résoudre aucune de ses complexités, aucune des questions qui sont en cause durant notre journée. Durant notre journée au cours de laquelle il y a pour nous de constants rapports ; que ce soit à l’usine, au bureau ou à la maison, toutes choses sont fondées sur des rapports. Et pourquoi toute chose est-elle devenue un problème ? J’espère que vous vous posez cette question à vous-même.

Pourquoi ? Nous assumons certains rôles, nous suivons certaines gens, nous adoptons — nous continuons leur message. Toute cette crasse. — J’appelle cela crasse, parce que ce n’est pas la réalité, ce n’est pas la vérité. Ce n’est qu’une évasion à l’égard de la recherche portant sur la prodigieuse complexité de notre existence.

Et ce même mouvement, qui se manifeste pendant le jour, se poursuit-il quand nous sommes endormis ? Vous comprenez ma question ? Je vous en prie, posez-vous cette question. Bien que je vous la pose, vous vous la posez à vous-mêmes.

Est-ce que le mouvement quotidien de réactions et de réponses, toutes les choses qui se passent au cours de notre activité quotidienne, à la fois dans l’ordre technique et dans l’ordre des relations humaines — l’observation de la beauté d’une montagne, des eaux courantes, du ciel calme, la majesté d’une montagne et l’arbre solitaire dans un grand champ —, est-ce que tout ce mouvement se poursuit quand vous êtes endormis ? Comment allez-vous le découvrir ? Il est important de le découvrir.

C’est évident, si vous avez une question, un problème, quelque chose qui n’a pas été résolu, vous portez ce problème en vous-même pendant le jour jusqu’au jour suivant, etc. Ce problème se poursuit encore et encore pendant le jour, le jour suivant, etc. Ce qui signifie que le problème se maintient durant le sommeil, évidemment.

Un problème implique le désordre. D’accord ? Tout problème que vous avez, tout problème humain — il s’agit spécialement des problèmes humains — implique qu’il y a un état de désordre dans votre esprit, dans votre manière de penser, de voir, et ainsi, ce désordre est transporté durant le sommeil et persiste le jour suivant. D’accord ? Ce n’est pas une déclaration que je fais. Vous découvrez cela par vous-même.

Or, le cerveau est rendu constamment actif par un problème ou une douzaine de problèmes, et ce cerveau ne peut fonctionner clairement, efficacement, intelligemment, avec toute son énergie que lorsque l’ordre existe. Cela aussi est évident. Quand vous avez de l’ordre dans votre vie, ou même durant un jour, ou une heure, vous vous sentez plein d’énergie. Donc, le cerveau a besoin d’ordre. D’accord ? Mais, pendant le jour, nous avons des problèmes, nous avons du désordre et, pendant le sommeil, le cerveau doit mettre de l’ordre, autrement il ne pourrait pas fonctionner convenablement le jour suivant. L’orateur n’est pas un spécialiste du cerveau, Dieu merci ! Mais, il a observé en lui-même le phénomène, il l’a observé !

Donc, peut-il y avoir de l’ordre pendant le jour ? L’ordre signifie que tout problème se dissout instantanément après avoir surgi. Si vous êtes jaloux, résolvez ce problème, libérez-vous-en immédiatement, lorsqu’il surgit!

Pour en être si totalement libre, regardez-le ! C’est-à-dire regardez-le, non comme un observateur qui serait séparé de la chose qu’il a observée, par exemple, la jalousie, mais comme un observateur qui est lui-même la jalousie. Autrement, il ne pourrait pas la reconnaître. Vous suivez tout cela ? Je l’espère. Peu importe si vous ne le suivez pas. C’est votre propre Vie.

Si vous êtes envieux comme le sont la plupart des gens — et dans le fait d’être envieux, il y a comparaison, imitation, conformité —, alors, vous devez mettre un terme à cette envie immédiatement. Ce qui signifie : la regarder, ne pas vous en évader, ne pas la traduire, ne pas la justifier. Simplement, la regarder, comme vous regarderiez la fleur sur le bord de la route, avec sa couleur, avec sa beauté, avec sa vie, avec sa force extraordinaire, poussant sur un sol pauvre !

De la même manière, regardez-là ! Vous ne pouvez pas la regarder si vous dites : « C’est de la jalousie, c’est de l’envie » — ce qui signifierait que vous la regarderiez avec le mot qui est un moyen de vous souvenir que vous avez été jaloux, que vous avez été cupide, que vous avez été envieux. Ce serait la regarder avec les yeux du passé. D’accord ? Vous saisissez tout cela ?

Donc, lorsqu’il y a un ordre complet pendant le jour, le cerveau n’a pas à travailler, à travailler, pendant que vous dormez, pour mettre de l’ordre. Alors, quand il y a un ordre complet — j’entends un ordre absolu et non un ordre relatif — alors, le cerveau se renouvelle et les rêves — qui pour tant de gens sont si extraordinairement importants — n’ont pas lieu, excepté des rêves très, très physiques, superficiels. Vous comprenez tout cela ? À moins que n’en fassiez l’essai, que vous ne l’étudiiez, que vous ne le découvriez par vous-même, si vous l’acceptez, alors, vous devenez un disciple, vous devenez quelque chose de suprêmement inutile.

Donc, le cerveau, qui est très vieux, si lourdement conditionné, est dans le désordre — D’accord ? Voyez, si vous avez vu ces anciennes gravures dans les grottes, ou des reproductions de ces gravures, les problèmes existent ; entre le bon et le mauvais, le faux et le juste, il y a lutte, lutte ; lutte symbolisée, etc. Au cours des âges, l’homme a vécu avec d’énormes problèmes et, par conséquent, il n’y a jamais de renouvellement du cerveau.

Nous parlons de la transformation, de la mutation des cellules cérébrales elles-mêmes. Ce qui peut seulement advenir — c’est ce que nous avons étudié l’autre jour — quand il y a perception et action directes. Non pas la perception d’abord et l’action ensuite, ce qui ne fait que créer un problème.

Mais, cette perception pénétrante et immédiate d’un problème quelconque, d’une question quelconque — cette perception, qui n’est pas mémoire, qui n’est pas une intuition, qui n’est pas un quelque chose que vous avez emmagasiné et qui agit. Mais c’est cela, cette perception n’est pas une chose continue. Elle n’a lieu que d’instant en instant. Quand elle survient, il y a en elle perception et il y a action, et la chose se dissout.

Donc, nous parlons au sujet d’avoir… au sujet de la nature de notre action pendant le jour et de cette même action prenant place durant la nuit. Quand il y a action complète pendant le jour — ce qui signifie : pas de désordre — alors, le cerveau devient, durant la nuit… vous savez, il peut fonctionner de façon totalement différente. Nous étudierons cela quand nous parlerons de la méditation.

Nous devrions aussi comprendre toute la nature, tout le concept que l’homme se fait du temps. Il n’y a pas seulement le temps d’après le soleil, mais aussi, psychologiquement, intérieurement, nous avons développé une forme de temps. D’accord ? « Je ferai cela demain. J’arriverai à un état de béatitude, de bonheur ou d’illumination » — appelez la chose comme vous voudrez — « Donnez-moi le temps, donnez-moi un sens de l’entraînement, de ln discipline et j’aurai cela ». Le temps, c’est-à-dire, la possibilité d’évoluer. Vous comprenez ?

« Je suis ceci. Avec le temps, j’évoluerai ». Donc, il y a cette question de l’évolution qui implique le temps.

Peut-être, l’homme a-t-il développé cette idée d’évolution en observant comment un petit buisson devient un arbre énorme. Comment le bébé devient un adulte. Le développement d’un muscle : ce muscle est faible, mais, entraînez-vous et exercez-vous : il devient fort.

Donc, cette idée de l’évolution a pu avoir… — la pensée, psychologiquement, a repris la chose et a dit : « J’ai besoin de temps pour devenir quelque chose ». Je ne sais pas si vous suivez tout cela ? Non pas moi ! mais si vous vous observez.

Est-ce un fait ? Nous l’avons accepté. Nous vivons par son moyen. Nous y sommes accoutumés. C’est notre habitude : « Je ne peux pas faire cela », psychologiquement. Vous dites : « Demain, j’y travaillerai, j’essaierai ».

Ce qui signifie que vous avez développé une dualité : « Je suis ceci, mais je serai cela ». D’accord ? « Je suis en colère, mais je surmonterai cela ».

C’est la même chose que la petite graine devenant un arbre énorme, que le bébé devenant adulte, que le petit oiseau ou le petit animal qui, n’ayant pas la force de marcher, de courir, aura besoin de temps.

Ainsi, cette même observation est entrée dans le domaine psychologique et là nous disons que nous naîtrons, que nous deviendrons.

En est-il ainsi ? Vous comprenez ?

En d’autres termes, il y a le temps physique et nous avons élaboré le temps psychologique. Maintenant, pourquoi avons-nous créé le temps psychologique ? Vous suivez tout cela ?

Le bébé crie dans la nursery, vous êtes à moitié endormi et, instantanément, vous vous éveillez et allez vers le bébé. D’accord ? Les mères et les pères savent cela. Vous pourrez dire : « Comment le savez-vous ? » (Rires) Parce que j’ai veillé un enfant, j’ai pris soin d’un bébé pendant quatre ou cinq jours. Je connais la question. Ce n’était pas mon bébé, mais celui de quelqu’un d’autre. Donc, quand vous veillez sur un bébé, vous veillez sur lui encore plus attentivement que si vous étiez sa maman !

Donc, avec la même intensité, avec le même sentiment d’urgence, avec la même action immédiate — vous ne laissez pas le bébé crier, vous veillez, vous sautez hors du lit et vous courez, vous changez ses langes (Rires) — ainsi, de la même manière, vous examinez ce problème, avec le même sentiment d’urgence, vous examinez cette question.

Qui est : pourquoi l’homme a-t-il créé, développé ce temps psychologique, qu’il appelle évolution — c’est-à-dire : « Je serai meilleur, j’atteindrai », — pourquoi ?

Et quand vous avez cet état d’esprit, n’importe qui est prêt à l’exploiter. D’accord ? Les gourous excellent à ce genre d’exploitation. Les prêtres aussi sont excellents. Et, naturellement, les politiciens aiment cela. Pourquoi ? Quelle est la vérité à ce sujet ? Je vous en prie, écoutez ce que je suggère. Quelle est la vérité à ce sujet ? Est-ce que la vérité est affaire de discussion ? Est-elle affaire d’opinion ? Est-elle affaire d’expérience ? Argumentation, opinion, savoir, espérant que vous découvrirez la vérité. Est-ce que ces choses vous indiqueront ce qu’est la vérité ? Ou est-ce que la vérité est sans rapport avec la pensée ? Sans rapport avec la mémoire ? Sans rapport avec les expériences passées ? Etc., etc., etc.

Vous comprenez ma question ? Parce que, si la vérité est en rapport avec le passé, elle nous lie au temps. D’accord ? Je me demande si vous comprenez tout cela ? Ou la vérité est-elle quelque chose d’entièrement différent ? Et, pour découvrir la vérité, s’il y a un temps psychologique si peu que ce soit, voulez-vous argumenter à son sujet ? — les pour et les contre, les citations habiles, des gens disant « C’est cela », d’autres disant « Ce n’est pas cela ». Ou vous voulez découvrir la vérité sur la question et alors vous l’abordez sans aucun préjugé. D’accord ? Sans aucune conclusion, sans être attaché à cette idée d’évolution.

Ce qui signifie que la vérité peut seulement prendre place lorsqu’il y a une liberté absolue d’observation.

Donc, pouvez-vous observer sans vos conclusions, sans dire « Oui, c’est possible » ou « Ce n’est pas possible » ou encore « De quelle absurdité parlez-vous ? » ou trouvant ce qu’il en est dans les livres ou d’après vos maîtres ? Observer sans tout cela, en jetant tout cela par-dessus bord, en étant libre pour observer. C’est-à-dire avoir une perception pénétrante et immédiate du problème (insight), de cette question : pourquoi l’homme a-t-il développé le temps psychologique ?

Quand il y a une perception pénétrante et immédiate de la question, les cellules du cerveau, qui ont été conditionnées par l’idée d’évolution, d’évolution psychologique, les cellules cérébrales, elles-mêmes subissent une transformation. N’acceptez pas ce dont nous parlons. Découvrez ce qu’il en est. Essayez la chose ! Cela signifie qu’il vous faut être libre pour observer. Pour observer sans aucun souhait, aucun désir, aucune pression, aucun… vous savez, observer comme vous observez une belle fleur. Alors, vous découvrirez que, psychologiquement, le temps a pris fin. Il n’y a plus de devenir, ou de « Je suis » — ce qui revient au même.

Et, aussi, nous avons à découvrir, comme nous l’avons dit, ce qu’est l’espace.

C’est important d’avoir de l’espace. Rien ne peut mûrir, ne peut croître, ne peut vivre si l’on ne dispose pas d’un espace. Physiquement, le problème de l’espace se pose de plus en plus, car il y a de moins en moins d’espace. Nous vivons dans des villes — à moins qu’il ne vous arrive de vivre dans cette campagne, et j’espère que c’est le cas — si vous vivez dans des villes, il n’y a pour ainsi dire plus d’espace, physiquement. Et, peut-être, la violence naît-elle de ce manque d’espace. Cette violence grandit de jour en jour, et une des raisons de cette multiplication de la violence est peut-être qu’il n’y a pas de guerres. Vous comprenez ? Si vous aviez une guerre, vous pourriez partir et exploser en violence. Maintenant, vous n’avez pas de guerres, vous êtes entassés dans des villes, vous vivez pratiquement dans un tiroir, entourés de bâtiments si élevés, et vous n’avez pas d’espace.

Et, aussi, vous n’avez pas d’espace dans votre esprit, parce que vous êtes tout le temps occupés par quelque chose ou par quelque autre chose. D’accord ? La femme, avec la cuisine, les ustensiles, le nettoyage et tout cela ; le mari, occupé par son travail, dans son bureau ou quoi que ce soit qu’il fasse. Ou, il est occupé par ses propres ambitions, sa propre vanité, son propre succès. Et, elle, elle est occupée par sa propre beauté, par ses propres plaisirs, etc., etc., par le sexe. Occupée !

Avez-vous remarqué combien vous êtes occupé ? Et votre gourou vous dit : « Soyez davantage occupé ! Seulement, pas avec cela, avec ceci ! » Et, vous, si crédule, vous dites : « Entendu, je ferai cela », ce qui est encore une occupation. Je ne réagis pas à l’égard des gourous. Je fus un gourou moi-même. Moi-même, il y a longtemps, Dieu merci ! Et tout cela est trop stupide. Vous avez été sous la pression des prêtres pendant deux mille ans dans ce pays et vous en êtes assommés et vous prenez le gourou venu de l’Orient, ce qui revient au même et vous aimez cela et vous croyez que vous faites quelque chose d’« original ».

Donc, si vous voyez que l’espace est nécessaire — c’est évident — que ferez-vous ? En d’autres termes, l’espace entre vous et l’autre est nécessaire, ce qui ne veut pas dire que vous êtes isolé de l’autre. L’espace ! L’espace implique l’indépendance. L’espace implique le non-attachement. L’espace implique une considération de chacun à l’égard de l’autre. Accorder de l’espace. Et vous devez avoir de l’espace dans l’esprit. Ce qui signifie que l’esprit n’est jamais complètement, jamais totalement occupé avec quoi que ce soit. Pouvez-vous faire cela ? Essayez-le. Essayez ! N’acceptez pas ce que dit l’orateur — vous n’acceptez pas ce que je dis, parce que je ne suis pas là ! Je dis bien, j’insiste. L’orateur, le K. n’est pas là. Vous apprenez par vous-même, en observant. Donc, il n’y a pas d’autorité.

Or, pourquoi l’esprit est-il occupé si interminablement ? L’homme d’affaires avec ses affaires, l’artiste avec sa peinture, le pianiste avec… Vous suivez ? Et vous, et moi, les gens ordinaires, nous avons des douzaines d’occupations. Pourquoi ? Est-ce parce que nous avons peur de ne pas être occupés ?

Si vous n’êtes pas occupé, que se passe-t-il ? Qu’êtes-vous alors ? Vous suivez ? Si vous ne pensez pas à vous-même, à l’air que vous avez, à la manière dont vous êtes habillé, à la manière dont vous marchez, à vos sentiments, à vos désirs, à vos ambitions, à votre vanité, à votre arrogance, et tout ce qui s’ensuit, si vous n’êtes pas occupé avec tout cela, vous pourriez être occupé par les Nations unies, ce qui est la même chose (je n’ai pas envie d’aller aux Nations Unies, ce n’est pas très agréable). Autrement, que seriez-vous ?

Donc, nous sommes occupés par quelque chose ou par quelque autre chose — le sexe, le bien ou le mal, et tout cela — pourquoi ? Est-ce parce que — je vous en prie, regardez, découvrez, demandez-vous, trouvez ! — Est-ce parce que, si vous n’étiez pas occupé, vous ne seriez absolument rien ? Alors, me rendant compte que je ne suis rien, je dis : « Mon Dieu, il faut que je remplisse cela, je suis effrayé ! »

Donc, pouvez-vous n’être rien, ce que vous êtes réellement ? Vous pouvez vous appeler par un certain nom, avoir votre visage particulier, etc., même votre compte en banque, votre maison. Mais, dépouillé de tout cela, qu’êtes-vous ?

Dépouillez-vous de votre savoir, de votre occupation, de vos tentatives, de tout cela. Ce sont des souvenirs, des mots. Enlevez les mots, chassez les souvenirs, consciemment ! — vous savez, il ne s’agit pas de devenir insensé, de perdre votre mémoire ou d’être atteint de sénilité — réellement ! Alors vous êtes vivant, plein d’énergie, de cette énergie qui était gaspillée dans l’occupation. Quand elle n’est plus gaspillée, alors il y a une énergie terrible dans le néant. Essayez la chose ! N’acceptez rien de qui que ce soit !

Donc, nous avons dit : problèmes, temps, espace. L’homme ou la femme — quand je dis l’homme, cela inclut la femme, donc, inscrivez-vous au Mouvement de Libération des Femmes ! — l’homme et la femme, ils ont toujours cherché le pouvoir — le pouvoir sur eux-mêmes, la domination d’eux-mêmes, ce qui donne un certain sentiment de pouvoir en soi-même ; si vous pouvez vous dominer complètement, vous comprenez ? vous vous sentez très fort, vous avez un sentiment de puissance ; ou le pouvoir d’un politicien que vous avez élu, ou qui, comme dans les États totalitaires, a pris le pouvoir. Et le pouvoir est un des problèmes de l’homme. Vous comprenez ?

Et il y a l’autre pouvoir, qui est la clairvoyance, la lecture des pensées, tout cela, ce qui est appelé l’occulte. Vous comprenez ?

Donc, il y a ces deux types de pouvoir : le pouvoir physique, l’emprise psychologique sur un autre, le pouvoir qui vient quand il y a domination complète, absolue de soi. Et il y a les pouvoirs cachés. Et, le pouvoir de persuasion, le pouvoir de la propagande, le pouvoir de l’autorité, et ceux qui détiennent le pouvoir cherchent toujours à se retrancher derrière l’autorité.

Pourquoi l’homme réclame-t-il le pouvoir ? Vous comprenez ? Pourquoi désirez-vous le pouvoir sur un autre ? La femme sur le mari, ou le mari sur la femme ou sur la fille, ou sur n’importe quelle autre personne ? Pourquoi ?

C’est-à-dire que le pouvoir signifie l’arrogance, implique la vanité. « Je sais, vous ne savez pas. Je suis le patron, et vous ne l’êtes pas. Je suis le gourou reconnu et vous, pauvre diable, vous êtes un disciple très au-dessous ».

Pourquoi ? Pourquoi acceptons-nous cela ?

Car, cela détruit l’homme — vous suivez ? — car, c’est encore mettre l’accent sur le moi, le moi qui s’est identifié à une nation, à un groupe, à un pays, et qui, grâce à cette identification, se sent très fort, etc. — vous suivez ?

L’homme n’a jamais été capable de résoudre cette question du pouvoir. En d’autres termes, l’homme ne sait pas ce qu’est l’humilité. Vous comprenez ? Sans humilité, vous ne pouvez pas faire de recherche, vous ne pouvez pas observer. Sans humilité, vous ne pouvez pas aimer quelqu’un d’autre, il n’y a pas de compassion. L’homme qui est puissant essaie d’être compatissant, essaie d’aimer. C’est évidemment un non-sens. De même qu’un homme qui est ambitieux, il ne peut pas aimer.

L’humilité naît quand vous comprenez la nature du pouvoir. Vous ne pouvez pas cultiver l’humilité. Ce que vous cultivez alors, c’est la vanité, sous le manteau de l’humilité.

D’accord ?

Or, et c’est la même chose, l’homme — c’est une de ces modes passagères, un moment l’homme parle maintenant de l’occulte, veut découvrir ce qu’il en est. L’orateur — je suis navré de faire intervenir l’orateur dans cette affaire —, l’orateur en connaît un brin au sujet de tout cela, de tout cela qui fait partie des sens. Si vous êtes extrêmement sensible, vous pouvez presque lire les pensées de quelqu’un. Non ? Naturellement ! Si vous êtes sensible à l’égard de votre ami, de votre mari ou de votre femme, vous savez exactement, presque immédiatement avant que ce soit dit, ce qu’il ou ce qu’elle va vous dire.

Et vous pouvez cultiver cela — vous suivez ? — et posséder ce pouvoir particulier de lire les pensées des gens. S’il vous plaît, quand l’orateur parle de cela, il parle de qu’il connaît, de ce qui est arrivé, et il considère tout cela comme enfantin, comme de l’infantilisme absolu. Vous pouvez être capable de lire les pensées des autres gens, vous pouvez être capable de faire tout ce qui se rapporte à la perception sensorielle extrême, à la perception extra-sensorielle, l’E.S.P., avec tout ce qu’elle implique. Si vous êtes pris dans ce piège, sortez-en, complètement ! C’est le piège le plus dangereux il n’est que l’extension de sens hautement affinés.

Il vous faut établir l’ordre dans votre vie, ce qui signifie l’art d’apprendre, l’art de mettre chaque chose à sa juste place, le sexe à sa juste place, l’argent à sa juste place, toute chose — et vous pouvez faire cela seulement quand vous êtes libéré de la pensée qui est toujours en train de créer des problèmes, de faire naître des questions parce qu’elle est limitée. Donc, mettez la pensée à sa juste place.

Alors, nous pouvons aller de l’avant — ou plutôt, à partir de la mise en place des choses à leur juste place, nous commençons à méditer. Dois-je étudier tout cela ? Voulez-vous que j’étudie tout cela ? La méditation.

Or, tout d’abord, c’est un mot nouveau introduit en Occident. D’accord ? Il a existé en Inde depuis des milliers d’années. Ainsi, il y a différentes formes de méditation d’origine indienne : le type hindou de méditation, le type bouddhiste de méditation, il y a le type tibétain de méditation, la méditation zen et les types de méditation qu’inventent des gourous dans la même ligne. Donc, il y a différents types de méditation. Et il y a cette absurde méditation transcendantale avec tout ce non-sens.

Donc, nous allons découvrir ce qu’est la méditation.

Nous sommes nouveaux — vous comprenez ? —, nous sommes nouveaux en la matière. Nous n’avons pas été conditionnés par ce que des gens ont dit au sujet de la méditation et de l’entraînement à la méditation — tout cela est trop absurde, trop enfantin.

Mais, nous allons découvrir ce qu’est la méditation, ce qui est impliqué en elle. Si vous n’avez pas mis toutes choses à leur juste place, il est impossible de découvrir ce qu’est la méditation. Car, alors, vous serez pris dans quelque illusion. D’accord ?

En d’autres termes, si l’esprit n’est pas libre pour observer ce qu’est la méditation, comment pouvez-vous apprendre au sujet de la méditation, comment pouvez-vous la comprendre. Vous devez venir à elle comme un enfant qui va, pour la première fois, apprendre à écrire. Il vient à cela, frais, innocent, curieux. Mais si vous dites déjà : « Cela est la méditation, vous devez vous asseoir d’une certaine, manière, vous tenir d’une certaine panière, respirer d’une certaine façon, respirer d’une certaine manière », alors, les banalités deviennent de la plus haute importance !

Donc, nous allons découvrir ce qu’est la méditation. Et pourquoi est-il si important de méditer ? Pourquoi l’Orient a-t-il donné une importance si extraordinaire à cela ? Qui se répand maintenant, graduellement, sur tout l’Occident.

C’est un problème très complexe que celui-là. Si vous avez le temps et l’énergie pour écouter — si vous ne l’avez pas, peu importe.

Vous pouvez observer que l’évolution grecque, que la culture grecque s’est répandue de la Grèce, de l’Ancienne Grèce, sur tout l’Occident. Je ne suis pas un historien, mais vous pouvez voir cela, vous pouvez l’observer. Pour les Grecs, l’intellect avait une importance énorme, leurs théories, leurs découvertes, leurs raisonnements, leurs démocraties. Vous suivez ? En d’autres termes, la pensée avait pour eux une importance énorme. La pensée est mesure. Étudiez cela. Vous pouvez le voir. La pensée est mesure. C’est-à-dire, mesure signifiant la distance d’ici à là. Elle signifie aussi comparaison, action de mesurer. Ainsi, l’Occident a développé une énorme technologie. S’il n’y avait pas de mesure, il n’y aurait pas de technique. D’accord ? C’est évident.

Et, de l’autre côté, les Asiatiques, en Inde, les Indiens disent : « Toute mesure » — les anciens hindous, pas les modernes, ils sont aussi tordus, y compris les gourous, que le reste du monde — les anciens ont dit : « Toute mesure, la mesure, est illusion ». Examinez cela, voyez-en la raison. Ils ont dit : « Pour découvrir l’immesurable, l’esprit doit être libre de la mesure ».

D’un côté la mesure, de l’autre la non-mesure. D’accord ?

Pour découvrir ce qui est éternel, ce qui est intemporel, immesurable, ce qui n’a pas de nom, que ce soit Jéhovah, Dieu, Brahman, etc., il ne doit pas y avoir de mesure. Cela signifie pas de comparaison — ils ne disent pas cela, je le dis, l’orateur le dit — pas de comparaison !

Ainsi, l’Occident mettant tout l’accent sur la pensée, la mémoire, le savoir, l’expérience et, s’élevant, par le savoir, de plus en plus. Et l’autre dit : pas de mesure ! Mais, pour découvrir ce qu’est l’immesurable, il commence à y penser, à évoluer, à croître — vous suivez ? — à s’entraîner, faites ceci, ne faites pas cela ! Toutes choses qui sont basées sur la pensée. Seulement ici, la technologie a sa place et, là, il n’y a plus de technologie. Mais, maintenant, la technique est en train de conquérir l’Inde aussi.

Donc, vous avez ce problème : l’esprit peut-il s’affranchir de toute mesure ? La mesure, c’est penser en termes de passé ou de futur, le présent étant mesuré par le passé, et modifié par cette mesure, laquelle mesure se poursuivant en direction du futur. C’est votre vie. La mesure. Hier, j’étais, aujourd’hui, je puis changer, demain, je serai quelque chose de différent.

Dès lors, le mouvement de la méditation consiste à vivre dans la vie quotidienne sans qu’intervienne la mesure. C’est-à-dire, sans le mouvement de la pensée, qui est mesure. Le temps peut seulement alors prendre fin. Et, par fin du temps, il faut entendre la fin du temps comme pensée, comme mouvement, tout cela — quand la pensée a découvert ses propres limitations — d’accord ? Et s’est mise à sa juste place. Suivez-vous tout cela ?

Cela a été un de nos problèmes, de l’homme et de la femme. L’homme s’est toujours demandé s’il y avait une fin au temps, un arrêt du temps. Pas l’arrêt du temps de la science-fiction que vous pouvez imaginer et tout ce qui s’ensuit, mais réellement la fin de la pensée, qui est le mouvement de la mesure, le mouvement du temps.

Je ne sais pas si cela vous intéresse — non, pas si cela vous intéresse ; cela fait partie de votre vie. Comme nous l’avons dit, l’art d’écouter, l’art de voir, l’art d’apprendre consistent à comprendre le mot « art » — ce mot signifie qu’on met chaque chose à sa juste place. C’est le sens réel de ce mot, donné par le dictionnaire.

Quand chaque chose a été mise à sa juste place, alors, l’esprit est complètement au repos. D’accord ? Car, c’est évident.

Dès lors, de cela, surgit la question : qu’est-ce que la prise de conscience et qu’est-ce que l’attention ? La prise de conscience fait-elle partie de l’attention ? De la concentration ?

Êtes-vous fatigués de tout cela ? Vous devriez l’être. Peu importe !

Ou est-ce que l’attention n’a rien à faire avec la concentration ou avec la prise de conscience ?

Il nous faut donc examiner toutes ces choses parce que — non pas « parce que ». La méditation est impliquée en cela.

La prise de conscience, c’est être conscient des choses qui vous entourent. D’accord ? Être conscient des montagnes, des rivières, des arbres, de la neige, des oiseaux, des corbeaux, des gens, des vêtements qu’ils portent, etc., etc. Être conscient de cette tente, de sa forme.

Mais, dans cette prise de conscience, vos préjugés s’introduisent, vos opinions : « Ce n’est juste, ce devrait être de cette manière. Je n’aime pas cette couleur, mais j’aime l’autre couleur ». Vous suivez ? Vous êtes conscients, mais il y a un choix constant, une constante évaluation.

Donc, pourriez-vous observer, prendre conscience, sans réaction. Ce qui ne veut pas dire que vous n’ayez pas de réactions. Simplement, observer la montagne, sans aucune réaction, la regarder. Simplement la regarder ! Du moment que vous introduisez votre préjugé, votre anxiété et tout ce qui s’ensuit, vous n’êtes pas conscient, vous êtes pris dans vos propres filets.

La concentration implique — je dois aller vite, car le temps passe — la concentration implique l’exclusion, et que vous portiez toute votre attention sur un point particulier. D’accord ? « Ne regardez pas par la fenêtre, mais donnez votre attention au livre » — c’est ce qu’on nous dit à l’école. Mais, si vous étiez le maître, vous devriez dire : « Regardez ! Quand vous regardez par la fenêtre, regardez la chose complètement, n’ayez pas peur de regarder ». Vous comprenez ? Donc, l’attention, c’est l’affranchissement de toute forme d’évaluation, de mesure. Parce que, en cela, il n’y a pas de centre. Je ne sais pas si vous avez découvert cela par vous-même. Si vous faites attention complètement à quelque chose, il n’y a pas de centre. Il n’y, a pas de « moi » qui soit attentif, c’est trop stupide !

Si vous voyez cela, la réalité de cela, alors, vous vous rendez compte qu’il n’y a pas d’entraînement, pas de système pour prendre conscience, faire attention, se concentrer. Une fois encore, tout cela est extraordinairement nf, stupide. Du moment que vous voyez, que vous comprenez toute cette affaire de la prise de conscience, de l’attention et de la concentration, alors, vous êtes attentif. Cette attention peut durer deux secondes ou cinq minutes et vous pouvez la perdre, mais ne revenez pas en arrière en disant : « Je dois être attentif ». Vous comprenez ? L’attention est venue parce que vous saviez ce qu’elle signifiait — vous suivez ? Il y avait une compréhension de sa nature ; une compréhension profonde — non-intellectuelle — de ce qu’elle est. Donc, elle est venue naturellement. Mais, si vous commencez par dire : « Je dois avoir une constante attention pendant le jour », vous devenez terriblement cupide, et ce n’est plus de l’attention. C’est un désir d’avoir quelque chose, un désir que vous appelez attention.

Donc, quand il y a une telle attention, l’esprit, parce qu’il n’y a plus de centre à partir duquel on est attentif, l’esprit est complètement tranquille. Non pas que vous vous entraîniez à être tranquille, ce que tous les amateurs de méditation s’entraînent à devenir. On a souvent entendu cette phrase : « Je dois avoir la paix de l’esprit ». Ils veulent avoir un morceau de l’esprit, mais ce n’est pas la paix. Vous comprenez ? (NDT Il y a là un jeu de mots anglais faisant intervenir les deux mots « pièce » [morceau] et « peace » [paix], qui ont la même prononciation, mais pas le même sens ; jeu de mots intraduisible en français et signalé par J.M.) Ce n’est qu’un petit morceau de quelque chose.

Ainsi, il y a un ordre complet dans votre vie, ce qui est le commencement de la méditation, et, quand on comprend la nature de la prise de conscience, de la concentration et de l’attention, alors tout effort est parvenu à un terme. Tout effort ! Quand vous mettez toutes les choses en ordre, il n’y a pas d’effort. Donc, l’esprit devient extraordinairement tranquille. C’est quelque chose que vous n’avez pas invité, que vous n’avez pas cultivé, quelque chose de totalement neuf.

Et, la religion, non pas ce non-sens qui se passe autour de nous, avec tous les prêtres et les cérémonies, et tout ce cirque — la religion signifie la fin du soi, du moi. C’est seulement alors que l’esprit peut être absolument, irrévocablement tranquille. Et, par conséquent, silencieux. Ce qui veut dire la fin de la pensée comme temps et mesure. Alors, si l’esprit est allé jusque là, dans ce silence qui est un espace et une énergie immenses, il y a, totalement, un état qui ne peut s’exprimer en mots.

Mais, si vous mettez toutes choses en ordre, etc., il viendra à vous sans votre invitation Vous ne pouvez pas inviter la vérité, il n’y a pas de chemin qui y conduise, il n’y a pas d’intermédiaire ni de porte, ni quoi que ce soit entre vous et la vérité. Si le terrain est en ordre, alors cette chose vient à vous dans toute sa gloire. C’est l’extase. C’est le sacré, dans toute sa grandeur. Dans toute sa sainteté.