Jean Klein : Être attentif

Regardez votre fonctionnement dès que vous êtes confronté à un problème. Vous vous apercevrez que vous ne lui donnez pas la possibilité de s’exposer, de se dévoiler entiè­rement ; vous jugez, comparez, interprétez, cherchant instinc­tivement à vous trouver en sécurité devant la difficulté. Voyez-le ; dans cette attitude, vous ne pouvez faire un avec elle, vous restez obnubilé par vos réactions, vos résistances. Si vous savez rester dans la perception directe, telle qu’elle s’est pré­sentée à vous, elle se réfère à votre totalité, non à l’image que vous avez créée ; elle se démasque, apporte sa solution et l’action juste.

Jean Klein : Une observation non sélective

Pédagogiquement parlant, je vous conseillerais d’observer ce qui est perçu : votre corps, vos sensations, votre émotivité, vos pensées, votre entourage, tout ce qui fait partie de la mani­festation ; vous verrez qu’en réalité, votre attention est distraite, partielle, meublée par la mémoire, par vos insécurités, vos peurs, vos anxiétés, etc. Cette constatation va aiguiser votre lucidité qui, par la suite, perdra son caractère volitif. Une fusion s’élaborera, à ce moment-là, entre l’observateur et l’observé. Si vous regardez avec plus d’acuité, un peu plus en pro­fondeur, vous vous apercevrez que l’objet de votre intérêt existait uniquement parce qu’il était maintenu, alimenté par le méditant. Lorsque celui-ci perd sa qualité, l’objet en question ne trouve plus d’argument pour subsister et meurt en quelque sorte. Seule la disparition du contrôleur permet donc une véritable transformation.

L’ambigüité humaine entretien avec le professeur Maurice Auroux

L’animal est agressif pour survivre. Tandis que dans notre agressivité… toutes les structures cérébrales sont représentées. Il n’y a pas une structure cérébrale qui ne soit en relation avec les autres. Alors notre agressivité va passer par notre néocortex et c’est paradoxal puisque notre néocortex est le siège de la raison, de la réflexion, de l’imagination, bref, de ce qui nous caractérise. Notre agressivité n’est pas celle de l’animal vis-à-vis d’une proie qui s’échappe et qu’il poursuit parce qu’il a faim : nous, nous sommes capables d’agresser parce que notre imagination, l’idée que nous avons de nous-même peut nous entraîner, via l’affirmation de soi, à devenir violent.

Jean Klein : L'ineffable béatitude

Explorer à mon sens, signifie prendre note, discerner l’effet des choses sans passer par l’affirmation, la manipulation, l’organisation. Il est donc nécessaire d’occu­per un poste d’observation non pollué par la pensée, la mémoire avec un lâcher-prise total vis-à-vis du connu. Cela correspond un peu, je crois, à un état d’admiration : nous sommes ouverts, réceptifs, accueillants. Maintenant, comment devenir conscient de notre mode de fonctionnement, dans notre investigation ? Nous constatons facilement notre distraction. De plus, nous sommes super­ficiels, peu tenaces dans nos résolutions et nous anticipons, évaluons, comparons, jugeons, concluons constamment. Au fond, nous ne connaissons pas beaucoup l’objet que nous étudions. En d’autres mots, nous avons quitté l’ouverture, l’état d’admiration. Lorsque vous aurez compris combien ce processus est illusoire, vous serez spontanément dégagé de tout schéma, renvoyé à vous-même. Au cours de ces quelques instants pendant lesquels votre mémoire n’est pas intervenue, vous étiez libre, parfaitement présent.

Jean Klein : Qui connaît la personna­lité ?

Le moins ne peut discerner le plus, la personne est dans l’impossibilité de comprendre étant elle-même une perception. Je me demanderais à votre place : Qui connaît la personna­lité ? Elle est en grande partie composée d’éléments qui assu­rent la survie en tant qu’individu, de choses apprises, d’édu­cation, d’expériences. C’est un produit de la société avec lequel vous vous identifiez. Je poserais plutôt la question d’une autre manière : Quelle est la lumière qui l’éclaire, qui est derrière toute représentation ? Vous ne trouverez jamais la réponse, mais vous serez saisi par un silence, présence ultime qui se suffit à elle-même.

Jean Klein : Écoutez sans interpréter

En tout cas, dans l’enseignement qui vous est ici transmis, les mots sont seulement une image, écoutez-les sans les inter­préter, afin de sentir ce qui est derrière, ce qui passe par leur intermédiaire. Laissez vivre la formulation sans intervenir, sinon, ce que l’on a entendu devient intellectuel, on cherche à s’en souvenir ; or, ces phrases sont déjà mortes, la mémoire est un cimetière.

Jean Klein : Une attention ouverte

Remarquez ce geste automatique qui vous conduit à vous éloigner de vous-même. Sans pensée, sans représentation, vous êtes dans votre gloire. Libérez-vous à tout prix de ces coutumes néfastes instaurées par la société, vous agirez d’une façon positive pour la collectivité qui commence par vous-même ; mais voyez-le sur le vif, non en tant qu’idée, conviction, croyance et constatez que nous sommes toujours conditionnés par un centre, le moi.

Laisser l’intérieur agir Jean Klein

Ce silence intérieur fait accepter, aimer, comprendre ce qui se présente et que nous considérons à ce moment-là comme un cadeau. Toute perception, toute pensée est une énergie en mouvement, retournant automatiquement à son origine. Laissez donc l’objet s’épanouir, il se perdra et révélera votre conscience ultime, accueillez chaque rappel, qu’il soit sous une forme ou sous une autre, sans immixtion d’aucune sorte entre lui et votre présence.

L’accueil comme voie, entretien avec Jean Klein

Bien souvent, nous ne savons pas être ouverts, réceptifs aux pensées, aux sensations qui nous assaillent. Laissez-les venir, n’intervenez pas afin qu’elles se livrent à votre regard vierge. Cette écoute sans choix est détendue, paisible, nous voyons l’espace s’agrandir peu à peu. Hors de toute préhension, de toute mémoire. Le contenu de notre psychisme se révèle, s’actualise, nous contemplons d’une façon désintéressée nos agressions, nos fureurs, nos peurs, nos anxiétés. Tôt ou tard, elles se résorberont dans notre observation et la transformation, la transmutation se font dans cette résorption. Malheureusement, nous n’allons pas jusque-là, la personne se défend, elle n’approfondit pas complètement ces constatations, elle remet cette étude à plus tard, n’en ayant soi-disant pas le temps, sans vouloir comprendre le motif qui la guide. Cultivez l’observation, ne refusez pas une approche attentive, cet approfondissement vous rendra autonome.

Radha Burnier : Vérité et illusion

A ce propos, il est important de comprendre que les deux faces de la réalité ne peuvent pas être « expérimentées » en même temps. Une personne ne peut pas voir au même moment le même objet comme étant un serpent et une corde. Personne ne peut vivre les incidents d’un rêve et parallèlement les réalités de la conscience de veille. Le rêve doit cesser pour qu’une personne puisse avoir cette dernière conscience. Pour que la réaction change, il faut que la vision du serpent fasse place à celle de la corde. Ceux qui cherchent le spirituel ont le plus souvent l’impression qu’ils peuvent s’accrocher à toutes les choses du monde et en même temps avoir les choses spirituelles. Cela est impossible parce que la croissance en spiritualité correspond à un éveil à une nouvelle dimension de la réalité. La Voix du silence dit : « Le soi de matière et le Soi de l’esprit ne peuvent jamais se rencontrer. L’un doit disparaître, car il n’y a pas place pour les deux ».